Ogawa, fermier malgré moi [Solo - Flashback]

Le plateau d’Awa était une région malheureusement assez peu fertile. L’agriculture y était particulièrement difficile et la production peu élevée. La plupart des gens vivaient des ressources cachées sous terre. Les mines y étaient légions et le commerce qui en découlait permettait à la population de subsister. Une partie de l’argent servait à importer des denrées alimentaires absentes du plateau, les rares fermiers ne pouvant assurer la moindre autonomie à ce niveau. Travailler comme mineur était éreintant, fatiguant et mauvais pour la santé, mais vivre de la terre difficile d’Awa n’était guère plus enviable. Après des mois d’errance et de mercenariat infructueux, le seul rescapé du clan Kobayashi décimé par les Serika avait été décidé de laissa sa carrière militaire derrière lui. Simple adolescent sans le sou, il s’était retrouvé sans trop savoir comment d’un village pittoresque du plateau d’Awa. Il avait accepté de se mettre au service du seul fermier de la bourgade, un vieil homme dont le dos le faisait énormément souffrir et qui avait du mal à continuer de travailler. C’est ainsi que Shinamoshima devint sa nouvelle demeure.


Grâce à son enseignement shinobi, l’adolescent eut bien moins de mal que les simples civils à travailler aux champs. Cultiver le riz était fatiguant et particulièrement peu enrichissant que ce soit mentalement ou financièrement, mais cela lui permettait de survivre. Les mois se succédèrent ainsi et Ogawa accepta sa nouvelle vie. Malheureusement, son sang était celui d’un shinobi, c’était inscrit dans ses gènes. La découverte des Akayuki l’émerveilla et il se faisait un devoir de passer du temps en leur compagnie quand leurs caravanes faisaient escales à Shinamoshima. La rencontre avec Honoka, une belle adolescente brune de son âge, changea sa vie au-delà de tout ce qu’il aurait pu imaginer.


Plusieurs années passèrent ainsi. Le dos courbé et les pieds dans l’eau, l’ancien ninja plantait des pousses de riz. Le soleil de plomb le faisait suer à grosses gouttes et la soif lui brûlait la gorge. Soupirant, il regarda la grande rizière qui s’étendait autours de lui. Il en avait assez, il était fatigué et voulait rentrer. Malheureusement, il avait encore du travail à faire avant de pouvoir se reposer. Prenant son mal en patience, il termina sa journée. Le soir venu, il se rendit à l’unique auberge du coin. Comme elle était tenue par la fille de son employeur, il avait le droit d’y souper à peu de frais.


« Tiens, Ogawa, dure journée ?


- Oh la vache oui, je suis mort.


- Hahaha j’en doute pas, mais faut bien gagner sa croûte !


- Ouais, c’est pas faux. Tu peux me servir une assiette ?


- Bien sûr. Un peu de viande avec ?


- T’es folle ?! J’ai pas les moyens.


- Comme tu veux espèce de pince. Je t’amène ça.


- Merci. »


Offrant un large sourire à la tenancière d’une trentaine d’année, il alla s’assoir à une table vide un peu plus loin. La petite pièce ne grouillait pas de monde mais elle n’était pas déserte non plus. Quand il n’y avait pas de marchand ou de voyageur de passage, il s’agissait d’un lieu de rendez-vous pour les gens du village. Certains venaient y boire, d’autre manger en bonne compagnie. Bien vite, la patronne revint avec une assiette de riz accompagné de quelques légumes de saison. Assez frugal mais nourrissant malgré tout.


« Une bière bien fraiche avec ça ?


- Trop cher, j’ai déjà pas les moyens pour de la viande.


- C’est moi qui régale.


- Ouais mais… je n’ai pas l’âge pour ça tu vois… Non merci.


- Comme tu veux jeune rabat-joie. Mange bien. »


L’adolescent remercia la femme d’un geste de la tête et dévora son repas. Une journée de plus en moins comme disait l’autre. Terriblement las, Ogawa se demandait quand reviendrait son amie Honoka. Cela faisait déjà un bon moment qu’il ne l’avait pas vu et se rendait compte qu’elle lui manquait énormément. L’âme en peine, il ne passa guère plus de temps dans l’auberge et partit se coucher dans ce qui lui servait de domicile. La réalité était qu’il s’agissait simplement d’une ancienne cabane à outils retapée pour le loger.


Le lendemain, alors que midi approchait et que le soleil était haut dans le ciel, l’adolescent prit une pause. Installé sur un rocher, il scrutait l’horizon. Quelle ne fut pas surprise de voir le début d’une caravane approcher du village. Tout excité, il plissa les yeux et mit les mains sur son front pour essayer de voir s’il s’agissait bien des Akayuki. Constatant qu’il avait vu juste, il bondit littéralement de joie. Il voulait partir les accueillir mais il devait d’abord terminer son travail. Bien qu’agacé, il se remit donc à l’effort et eut terminé en un temps record. Pour l’occasion, il se servit même de son chakra pour accélérer les choses. L’auberge de Shinamoshima était en pleine effervescence. Quelques Akayuki saluèrent aimablement l’adolescent en le croisant. Finalement après quelques minutes, quelqu’un arriva derrière lui et le secoua par les épaules.


« BOUH ! » fit une voix une voix qu’il n’eut aucun mal à reconnaitre.


Faisant mine de sursauter pour lui faire plaisir, l’ancien ninja se retourna brusquement pour être accueilli par le magnifique regard émeraude de la jeune Akayuki. Le visage d’Ogawa s’illumina.


« Honoka ! Je suis content, ça faisait des semaines.


- Des mois tu veux dire ! On a été pas mal occupés.


- Viens, je t’invite ! »


Jouant des coudes au mieux qu’il pouvait, l’adolescent alla commander deux assiettes avec supplément de viande. Comme la pièce était bondée de monde, il emmena la jeune femme avec lui pour manger en extérieur. Les deux adolescents s’installèrent sur une petite butte qui surplombait le village.


« Eh bien, monsieur se permet des folies. Tu en as les moyens au moins ?


- Bien sûr que oui, t’en fais pas, j’ai travaillé dur pour mettre un peu d’argent de côté pour les grandes occasions.


- Oh tiens donc ? Dois-je comprendre qu’il s’agit d’une telle occasion ?


- Je… Non… Enfin… Tu…


- Haha je te taquine gros bêta ! D’ailleurs, tu n’as pas tout à fait tort. »


Posant son assiette, l’adolescente retira son sac qu’elle portait en, bandoulière en en sortit un petit paqué emballé à la hâte. Avec un léger sourire, elle le tendit vers l’ancien Kobayashi. Ce dernier prit le présent dans ses mains avant de jeter un regard interrogateur vers son amie.


« Ouvre-le allez ! »


Ne se faisant pas prier, le fermier déballa le cadeau avec hâte. Il en sortit un sublime chapeau de paille serti d’un bandeau en tissu rouge. Il regarda la jeune femme dans les yeux avec émotion, la bouche bée.


« Tu te plaignais sans cesse de ce vilain soleil qui te tapait sur la tête pendant que tu travaillais. C’est chose réglée à présent, et puis comme ça tu penseras souvent à moi.


- Merci Honoka, c’est… Mais je n’ai pas besoin de ça pour…


- Quoi ? »


Soudain muet, Ogawa regarda l’adolescente droit dans les yeux. Jamais il ne l’avait trouvée si belle qu’en ce moment. Ce qui était né en son cœur depuis longtemps à présent lui sembla soudain être devenu une évidence. Prenant son courage à deux mains, il s’avança rapidement et maladroitement du visage de l’Akayuki et posa un doux baiser sur ses lèvres. D’abord étonné, Honoka lui sourit ensuite de bon cœur.


« C’est pas trop tôt, espèce de nigaud aveugle.


- Je crois que je t’aime.


- Moi je ne le crois pas, j’en suis certaine. »


En cette belle soirée d’été, sous la voute céleste étoilée, Ogawa gouta de nouveau au bonheur, le même qui lui avait échappé des années durant après la mort de ses parents et le massacre de son clan. Enfin, il avait trouvé une raison de vivre. En son for intérieur, il se promit à lui-même de toujours prendre soin d’Honoka et de faire en sorte que rien ne puisse jamais lui arriver. Prenant sa dulcinée dans ses bras, le futur Akayuki n’aurait alors jamais pu imaginer tout ce que l’avenir lui réservait.