Amanogawa : Danzaemon, la choré du bonheur ! [Libre]

Siya de la brume, pirate redoutée dans les mers du nord et de l'ouest, simple corsaire ailleurs, avait été chargée d'une mission pour le moins originale. Avec son bateau "l'Uzujin Volant", elle devait remorquer une immense cahute transformée pour l'occasion en gigantesque manoir flottant. Bien sûr, elle avait déjà entendu parler des histoires concernant le Danzaemon, ce cirque itinérant dirigé par des shinobis. Leur réputation variait autant que la sienne selon les régions. Vu comme des parias, de simples mercenaires, ou des artistes de génies, ils n'étaient qu'une source de revenu en plus pour la capitaine. Depuis plusieurs jours qu'ils naviguaient en pleine mer, elle s'était forgé une opinion définitive sur la troupe d'artistes. De simples marginaux qui n'avaient rien d'exceptionnel.
Quelques-uns se démarquaient par leur stature imposante, mais la plupart n'étaient que des clochards accompagnés d'un animal en aussi piteux état. Les autres jouaient sans cesse de la musique, accordant bruyamment leurs instruments, ce qui était aux oreilles du corsaire, une véritable torture. Au fond, les tarés qui se lançaient des objets imaginaires ou s'extasiaient devant le vide. Enfin, une ribambelle de voyants et autres conteuses de bonne aventure avaient accaparé son équipage pour leur laisser entrevoir les merveilles du futur, toujours brillant, qu'ils pouvaient offrir.

En somme, c'était un beau bordel qui régnait sur son navire d'habitude craint pour sa discipline et son intransigeance.

C'est au petit matin que le mousse situé dans le nid-de-pie donna l'alerte. L'île légendaire des Trois Sœurs, écrin du Temple du Bois Bleu, était en vue.

Maika se réveilla groggy. Il détestait les voyages en mer et celui-ci avait été particulièrement long. À l'annonce de l'imminence de leur arrivée, il appela les danseurs de la troupe pour organiser la mise à sec de Danzaemon, leur demeure à tous. Invité par les organisateurs du festival, le cirque n'allait pas monter son chapiteau, mais allait plutôt se déployer dans le village et les alentours pour offrir des spectacles de rues. La rumeur prédisait du beau monde déjà sur place. Les chœurs des montagnes de l'isthme de gel avaient fait le déplacement ainsi que Sakura et sa troupe, une chanteuse particulièrement en vogue sur le continent, qui enchantait par sa voix puissante et son physique attrayant. Son corps fin et élégant contrastait en effet avec la force de ses cordes vocales, lui apportant un charme particulier selon les spectateurs.
Maika ne craignait pas la concurrence, pour dire les choses clairement, elle n'existait pas vraiment. Danzaemon dédiait son quotidien à l'art, mais ce n'est pas celui-ci qui les faisait vivre. Les ninjas pouvaient remplir des missions quand les temps étaient extrêmement durs, mais autrement, ils vivaient chichement sans pour autant se priver. La présence d'autres troupes était au contraire salutaire et le colosse avait hâte de rencontrer cette chanteuse qui charmait tout le monde.

Lorsqu'il posa son pied sur le sol, il ne put s'empêcher d'être émerveillé par la vie foisonnante autour de lui.

Les maisons, construites dans un bois robuste aux teintes rougeâtres, montraient l'étendue du talent des moines en matière de construction. Tous les bâtiments semblaient construits entre la terre et la mer, joignant les deux royaumes au sein d'une même cité. Dans la baie qui enfermait le petit port, les cris des marchands ambulants ne parvenaient pas à étouffer les mélodies des troupes disséminées dans le village. Le brassage était tel que Maika pouvait croiser un bourgeois d'Uzushiogakure converser avec un moine ou encore un marchand qui semblait venir du désert et qui tentait de vendre une lampe, soi-disante imprégnée d'un chakra unique à un guerrier arborant fièrement le bandeau de Konoha. Les civils se mêlaient aux gardes, aux moines et aux guerriers. Le tournoi dévoilait ses traits sous la présence anormale d'hommes et de femmes en armes plus exotiques les unes que les autres. À n'en pas douter, la fine fleur du combat s'était réunie pour célébrer.... Quoi au juste ?

Pour Maika, se battre pour autre chose que sa survie ou celle d'autrui était une aberration bien au-dessus de son entendement. S'il avait eu la possibilité de représenter le cirque dans l'arène, il n'y avait pas pensé une seconde, préférant de loin esquisser des pas rythmés sous un air entraînant.

La troupe mit presque une heure à installer Danzaemon sur une des places du village, non loin des escaliers qui ouvraient la voie aux joyaux de l'île. Le coin était stratégique, ici, les passants n'allaient pas manquer.

Une petite scène de bois fut montée juste devant le manoir sur roues qui donnait son nom au cirque. Maika lui, fit une légère toilette pour estomper le mal de mer qui le rongeait toujours avant de se poser de façon nonchalante au bord de la route, Doro son fidèle ami à ses côtés.
Ainsi, ils regardaient les combattants passer. Certains montaient, d'autres, au contraire, semblaient défaits et rejoignaient le port en claudiquant. Ils étaient en retard, mais le festival venait tout juste de débuter, heureusement.

- La tête de ces cons. Faut vraiment être ravagés du bulbe pour se bastonner sans raison. Oh merde, celui-ci a même perdu un bras, le con. Dit Doro en désignant un homme au loin. Un petit con, deux petits cons... Et ben, je vais pouvoir m'endormir tranquillement ici moi, j'ai de quoi compter ! S'exclama-t-il en montrant ostensiblement cette fois-ci deux jeunes adolescents, l'un aux cheveux blancs, l'autre était blond. Les enfants semblaient accompagnés par un adulte charismatique.

- Tu es content, tu as plein de nouvelles têtes pour inventer des insultes.

- Ouais, c'est vrai, mais quand je vois ta gueule de débile mental, je me dis quand même que tu restes mon préféré pour toujours ! Allez, en piste !

Le hérisson s'éclipsa pour ne pas subir un coup de son ami et rejoignit la troupe qui commençait à danser.

Superstition:

Alors que le décor onirique se formait autour de la foule, sculptée par Sachi et les illusionnistes du cirque qui suivait l'inspiration de l'illusionniste en chef, Maika se mit à danser de concert avec des hommes et des animaux. Sous l'air entraînant du Coryphée et de son orchestre, la troupe se déploya au centre des spectateurs, formant un couloir droit traversé par des animaux en tout genre.

Maika sauta vers un hippopotame et prit appui sur sa gueule alors que celui-ci l'écartait en grand. La force de la mâchoire de l'animal propulsa le danseur dans les airs, ses pieds tendus, chargés de chakra, laissèrent jaillir des étincelles, formant avec la rotation de son corps un cercle parfait.
Celui-ci atterrit près du jeune garçon qui lui avait posé une question sur Doro et la langue qu'ils utilisaient..

Tout en tournant autour de lui les doigts claquant au rythme de la musique, le colosse se pencha de façon artistique en arrière pour chuchoter à l'oreille de l'uzujin.

- C'est pas vraiment une "langue" petit, on se comprend, c'est tout. Personne d'autre n'entend ses saloperies, et crois-moi, ça vaut mieux pour tout le monde.

Retournant à la chorégraphie, Maika roula des épaules jusqu'à la scène. Cette fois-ci, en coordination parfaite avec les dresseurs d'oiseaux, il s'élançait dans les airs et commença une course enchanteresse, soutenue par les ailes multicolores qui passaient à l'exact moment où la pesanteur reprenait son pouvoir sur l'enchantement.

Voguant ainsi au-dessus de la foule, il tendit sa main à une jeune fille rousse qui semblait bien plus grande que le reste des gens attroupés. En approchant, Maika put voir qu'elle était assise sur les épaules d'un géant qui paraissait moins enchanté que la demoiselle devant le spectacle. Peut-être était-il plus taciturne, tout simplement.

- Allez venez mademoiselle, n'ayez pas peur, ils soutiendront vos pas ! Dit-il en faisant un clin d'œil au porteur.

Pendant ce temps, Doro se débattait contre un agresseur inconnu.

"Le con" pensa le hérisson qui avait l'habitude des chasseurs en forêt qui finissaient en proie. Il était un animal ninja et le maître de Maika après tout.

Il reprit l'avantage et se servant de ses piques pour ne pas être manipulé avec aise et domina enfin le salaud qui avait voulu le bouffer ou lui retirer des piques pour s'en servir de cure-dents.

- Coucou Doro ! Comment tu vas mon ami ?!

Doro eut un moment d'incompréhension, comment ? aussi loin ?
Ce visage, ce regard, enfin, ce demi-regard, il ne pouvait pas l'oublier.

- Mais non bordel ! Si c'est pas Le borgne aux fesses immaculées !
Doro se jeta alors dans le cou du jeune homme avant de lui prendre le doigt pour le traîner vers la scène.

Il avait été témoin du don de Tsumi, pas question qu'il ne participe pas.

Continuant sa course aérienne portée par les oiseaux qui faisaient des va-et-vient au-dessus de la foule, Maika retomba enfin dans un bruit sourd, étalant une poussière que les illusionnistes s'empressèrent de transformer en brume rose pastel.

Par malchance, Maika avait atterri à côté d'un homme étrange. Les cheveux longs, la mine aussi austère que s'il assistait à ces cérémonies barbantes des moines du temple du Bois Bleu, il ne semblait pas très sensible au spectacle qui se déroulait.

- Et ben alors mon ami ? On s'ennuie. Laisse-toi aller, on est pas là pour te faire les poches ! Dit le danseur alors qu'un petit ouistiti se faufilait entre les plis du kimono de l'homme pour le détrousser de quelques objets utiles.

Laissant les animaux de côté, il traversa la foule en moonwalk, pour retourner près du couloir et c'est en chemin qu'il aperçut Honoka.

L'Équilibriste de Danzaemon ne put cacher un sourire. Sans une once d'hésitation, il la prit par la main et l'emmena avec lui.

Au milieu du couloir, il attendit le signal de toute la troupe. Usant de sa force colossale, il jeta Honoka le plus haut qu'il pouvait.
La belle jeune femme éclaira le ciel au moment même ou un feu d'artifice illusoire lui servait d'écrin. Des gerbes jaunes, bleues, vertes l'entourèrent un moment, puis la suivirent durant sa descente.

Le dresseur de Baru, un ours obèse de la troupe, entra en scène, allongeant l'énorme animal alors que d'autres dresseurs ajustaient sa position.
Honoka atterrit dans le ventre bien mou de la bête qui rota de façon sonore et musicale sous le choc.

Maika sortit la Shirogane du tas de graisse avant de lui taper l'épaule.

- Je suis content de te voir ! Bien entendu, il ne s'arrêta pas un instant de danser.