Je me baladais sur l’avenue, le coeur ouvert à l’inconnu, j’avais envie de dire bonjour à n’importe qui, mais n’importe qui, ce fut toi… Je m’étais approché d’un homme qui semblait ne pas réellement apprécier la lumière du soleil, il était d’une blancheur à faire vomir. Un véritable cachet d’aspirine… Je l’interloquais un brin curieux:
« - Excusez-moi monsieur vous allez bien? J’ai un peu un doute, vous êtes d’une blancheur renversante, on dirait que vous êtes déjà mort ? »
En même temps c’est assez étrange, car on est dans un village où la chaleur est plutôt extrêmement présente. Notre peau était plutôt tanné par le soleil et il semblerait que lui pas du tout… Cet accoutrement, cette couleur de peau, il était vraiment d’une étrangeté sans pareil. C’était un rôle pour l’inspecteur Rokasu, je devais comprendre la singularité de ce bonhomme et trouver un moyen de remplir son coeur d’un bonheur pure et sympathique.
Je souriais d’un air un brin niais et je lui disais d’un ton amusant:
« - En plus faut arrêter de porter du noir c’est vachement austère, si vous voulez je peux mettre un peu de lumière et de couleur dans votre vie ? Vous êtes beau en plus, il suffit de dégager un peu le tout. En fait moi c’est Rokasu et vous monsieur l’aspirine? »
Je courais tout autour de lui de manière à pouvoir regarder sa stature, sa carrure de toutes les manières possibles. Je mis mes doigts comme une petite lucarne, pour observer l’image de cet être et pouvoir imaginer quel ensemble lui irait convenablement. En y réfléchissant bien, un long kimono pourrait lui sied à merveille, en couleur vu la pâleur de son visage, du orange ou bien du rouge pourrait revigorer un minimum son teint.
J’étais l’homme de la situation et grâce à l’entremetteur Rokasu lui aussi pourrait trouver la femme de sa vie, comme Yukio avait trouvé maman grâce à moi. Bon espérons qu’il soit un brin plus sympa que la couleur de sa peau…
« Il y a comme une redondance, tu ne trouves pas ? Chaque jours passe et pourtant, j'ai l'impression que nous n'avançons plus vraiment... Serais-je entrain de perdre confiance ? »
Voilà plusieurs heures, qu'assit sur son grand fauteuil pourpre, le Tailleur se plonge dans ses plus profondes réflexions, cherchant, scrutant la moindre étincelle qui allumerai la flamme de son génie qui semble s'essouffler depuis un certain temps. La tête soutenu par sa main, l'autre voltigeant dans les airs pour ponctuer ses phrases, il continue.
« Pourtant, je sais que je peux y arriver. Ce n'est qu'une question de temps... Le Temps, cet ennemi n'aura pas ce qu'il désire de moi. Je vais, faire en sorte d'y arriver avant qu'il soit trop tard ma chérie... Oui... L'immortalité à travers l'Art est à ma portée... Il ne me manque pas grand chose, juste une petite pincée de ceci et de cela pour qu'enfin... »
Un large sourire se dessine sur visage, alors que sa main se pose sur son chapeau, le déposant gracieusement sur sa tête alors qu'il se relève, récupérant ses effets ainsi que le long bâton qu'il se met à regarder avec passion.
« Bientôt ma chérie... bientôt, mais pour l'heure, essayons de trouver... de la matière première veux-tu ? »
Son rire éclate dans le sombre atelier, alors qu'une gerbe de lumière vient à apparaître, laissant l'ombre de Kirai disparaître dans la noirceur, tandis que la porte d'entrée se ferme. Le Tailleur est de sortie, avec tout son attirail, prêt à en découdre avec le commun des mortels. L'assurance dans ses pas le pousse jusqu'aux grandes allées du Village, là où les corps se croisent sans se regarder, où l'on entend sans vraiment écouter le brouhaha de l'existence de toutes les âmes qui vivent au sein de ces murs. Un divin spectacle de monstruosités, la beauté s'évaporant au moindre soupçon du temps qui passe. Qu'il est dur pour le Maître de trouver une essence qui lui conviendrait. Parfois, lorsqu'il trouve, il doit se freiner, car la beauté est une maîtresse cruelle qui souvent cache de dangereuses épines. La frustration le gagne peu à peu alors que la chaleur commence à l'étouffer. Maudite Suna et maudit soleil ! Pense-t-il.
Mais alors que l'exaspération tire la couverture à l'ennuie, une âme vient à bousculer sa quiétude, désirant s'enquérir de son état de santé, ne manquant pas de froisser le Tailleur dont le regard ne daigne se poser sur l'immonde énergumène qui ose le juger de la sorte. Serrant la main sur son sceptre, l'iris bleu azur se détourne vers l'importun, le toisant avec condescendance alors qu'il le voit tournoyer autour de lui, comme la Lune le ferait avec la Terre. Une astre nocturne des plus casse-pieds et dont le débit de parole laisse muet Kirai qui tente de garder son calme, alors qu'il se voit qualifier d'un sobriquet des plus agaçants.
« Rokasu hum ? » dit-il en plongeant son regard dans le sien, tentant de voir dans l'abject déchets, un potentiel pouvant être utilisé. Mais alors que l'agacement commence à prendre part intégrante de son esprit, une idée lumineuse vient à lui tinter le visage d'un sourire radieux. Ne voulant plus paraître aussi rustre, le Tailleur se présente d'une voix mielleuse. De celles qui tentent d'être douce, et cache l'ignominie de la finalité de ce processus.
« Enchanté mon bon ami ! Je me nomme Kirai, humble Tailleur de Suna. Qu'il est épatant de voir pareille jeune homme ! Si...plein de vie... si... enjoué... Cela me met du baume au cœur. » Un certain dégoût se lit, mais l'étrange jeune homme arrive-t-il à le voir ? « Vois-tu mon bon ami. » commence-t-il à dire en enroulant son bras autour de l'étranger. « C'est exactement une personne comme toi que je cherchais ! » Il relâche sa prise, commençant à bouger ses bras de façons théâtrale, alors que la tragédie débute son premier acte. « Vois-tu, ma très chère sœur n'arrive plus à sourire ! Ô désespoir ! Moi qui aime tant le sourire de ma chère Erisa... Tu l'aurais vu à l'époque. Si, pleine de couleur... si...pleine de vie ! Mais aujourd'hui, il ne reste plus rien et de cela, je le dois à la vilenie d'un manant qui lui a dérobé le cœur... » Son attention se reporte sur Rokasu alors qu'il le saisit par les épaules. « Penses-tu, ô toi mon ami si lumineux et coloré. Te penses-tu capable de refaire naître un sourire sur le doux visage de ma charmante et magnifique sœur ? Je t'en serais, éternellement reconnaissant et sache-le, je tiens toujours mes promesses. Acceptes-tu de m'aider ? Toi qui est peut-être le dernier espoir de cette pauvre âme ? »
Il lui tends la main, le regard plongeant dans le sien. Un pacte avec le diable pour une âme égarée ? Ou la simple promesse de la damnation ?
Il faisait carrément flipper, son regard, sa gestuelle, sa canne… IL AVAIT TOUT D’UN FUCKING CADAVRE SUR DEUX JAMBES…Il avait néanmoins retenu mon prénom ce qui était en soit plutôt une bonne chose. Par contre, je ne savais plus vraiment sur quel pied danser avec ce genre d’homme… De base, je voulais l’aider avec ma bonne humeur, mais il avait un don inné pour rendre mal à l’aise, enfin bon je devais laisser une chance à cet homme. Il était peut être qu’une impression de mauvaises ondes, je me trompais peut-être totalement… Le ton se mit à changer très rapidement, « mon bon ami », j’étais passé d’inconnu à ami. Un immense sourire se mit à se dessiner sur mon visage. Il se caractérisait comme un humble tailleur à Suna. Je lui avais mis du baume au coeur, j’avais réussi ma première mission, je gonflais le torse tout content. Je n’étais pas le plus intelligent des ninjas, mais j’avais ce don de pouvoir donner de la joie à tout ceux qui m’entouraient. Et j’étais ravi de pouvoir faire ça, ma joie était profonde et forte.
Il m’expliquait que j’étais la personne qu’il recherchait, enfin le type de personne qu’il pouvait rechercher. ATTEND WHAT ? C’est bizarre comme idée ça, je ne suis rien d’autre qu’un adolescent tireur de carte et avec un très gros shuriken nommé « balais ». Il avait une manière de parler vachement théâtrale pour une personne humaine et surtout il avait tendance à utiliser des mots extrêmement compliqués. Je peinais à certains moment pour essayer de déchiffrer ce qu’il disait. Il fallait que je fasse sourire de nouveau la soeur de cet illustre étrange homme.
Je me demandais s’il y avait anguille sous roche… Néanmoins, si je pouvais aider une pauvre demoiselle en détresse qui avait perdu le sourire, je le ferais… Comment dire correctement la chose, je disais d’un ton amicale et sympathique:
« - Je veux bien essayer de faire en sorte que votre douce soeur puisse retrouver le sourire! Je suis plutôt doué pour ça. Où est-elle ? Que dois-je savoir ? Quel est ce putain de con qui a brisé le coeur de votre soeur ? Je peux même lire les cartes, si le besoin se fait ressentir. »
Un immense sourire baignait sur mon visage. Mon oeil visible rayonnait d’une lumière d’innocence et d’envie. Je ferais tout ce qui est en mon pouvoir pour rendre la vie de cette demoiselle dans un océan de joie, de lumière et de bonheur. Puis bon, fallait avouer qu’avoir un frère qui ressemblait à un cachet d’aspirine, ça devait pas aider pour trouver la joie et la bonne humeur.
Peut-être un peu de tout et un peu de rien. Car aussi étonnant que cela peut être, le jeune homme accepte. Démontrant une certaine motivation à offrir un bout de bonheur à la soi-disant pauvre âme blessé en son for intérieur. Une aubaine pour le Tailleur qui voit en cet élan de naïveté une chance et pourquoi pas, une possibilité plus qu'appréciable de mettre en avant certains jeux de sa petite sœur ainsi que les siens. Il se montre tout sourire, reposant ses mains de part et d'autres des épaules du jeune garçon, le poussant vers quelques ruelles moins bondés menant chez Erisa.
« Ma pauvre sœur habite par là ! Je crains que malheureusement, son cœur ne fut brisé par l'audace d'une canaille dont elle ne veut pas me dire le nom. Sinon, croyez moi, que je lui aurais mit une belle correction, mais cela n'aurait en aucun cas ramener le doux sourire de ma tendre Erisa... Mais avec vous à mes côtés, j'ai bon espoir mon ami ! Venez, c'est par ici ! »
La toile se referme, ruelles après ruelles, rapprochant la pauvre proie de l'atelier de la sœur du Tailleur qui fait pour le moment patte blanche. Qu'il est amusant de voir la scène, cette tragédie prête à sombrer dans les ténèbres les plus ardentes. L'enfer s'ouvre doucement sous les pieds du dénommé Rokasu dont les bonnes intentions paves le chemin de sa damnation. Encore quelques minutes et ils seront arrivés, cependant, un élément surprend Kirai, le faisant s'arrêter, songeur quant à cette qualité que s'octroie le jeune garçon.
« Tu tires les cartes ?... Voyez-vous cela... »
Sa main se pose sur son menton alors qu'un instant de réflexion le ravise dans sa marche. Et si ce petit détient la clé aux tourments récents du squelette ? Bien que très peu croyant en la divination, nul artiste n'ose balayer devant lui une possible solution de se sortir de la page blanche. Et plus il y pense, plus il se dit que sa petite session de jeu peut attendre. Et qu'au pire, si jamais la réponse du destin ne lui plaît guère, il sera toujours à temps de l'emmener jusqu'à son tombeau.
« Peut-être que... Vous pourriez m'aider avant d'aller chez ma sœur... J'ai un petit problème de...page blanche si vous voyez ce que je veux dire... J'aimerai comprendre d'où il vient et comment le briser pour retrouver ma créativité... Vous pensez que... les cartes sauraient m'aider ? Un petit tirage vite fait avant de sauver ma chère Erisa, histoire de faire d'une pierre deux coups ? »
La balle est dans le camp du jeune homme, bien que dans le fond, la tragique finalité de cette histoire n'est plus à deviner...