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Rendre le bois dur, mais rester souple. [PV. Shirogane Honoka]

Nozomo Hayato
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Rendre le bois dur, mais rester souple. [PV. Shirogane Honoka]

La soirée dans le petit bar restaurant qui avait suivi l’entraînement des deux frères au Daï Henge avec l’enseignement de la dénommée Honoka, avait laissé des traces indélébiles dans le cœur et le corps d’Hayato. Les yeux tout juste entrouverts, le moindre mouvement lui semblait être une montagne infranchissable. Hayato s’interrogeait sur sa consommation d’alcool lors des derniers jours. Il avait battu des records, peut-être devrait-il y faire plus attention, étant déjà un gros fumeur il serait malvenu de cumuler les tares. Cependant, il laissa rapidement ses inquiétudes dans le fameux tiroir mental nommé "pour plus tard", dans lequel s’entassait nombre de ses problèmes. Tout au fond, recouvert de multiples autres tâches ingrates, se trouvait d’ailleurs le souhait de diminuer sa consommation de cigarette. Un jour peut-être s’y pencherait-il ?

Pour l’heure, Hayato était trop occupé à imaginer son nouvel instrument. Cela faisait déjà un bon moment que le jeune junin y réfléchissait. Pouvoir renforcer son arme serait pour lui l’occasion de perfectionner son arsenal défensif. S’il avait déjà imaginé et même exercé quelques idées de parade à l’arc. Il ne s’était encore jamais penché sérieusement sur la question de l’outil en lui-même. La journée d’hier et sa rencontre avec Honoka avait été l’occasion pour lui d’échanger quelques mots sur ce projet. En tant que chounin du clan Shirogane, celle-ci possédait de solides compétences d’ingénierie. Les armes n’étaient peut-être pas sa spécialité, bien que ses marionnettes en étaient probablement garnies. Elle lui avait conseillé de passer la voir dans son atelier pour en discuter dans de meilleures conditions. En effet, cela serait sans doute plus simple qu’au milieu des nombreux entrechoquements de verres et des tout aussi nombreuses interjections de son frère.

La fatigue était néanmoins tenace et Hayato décida de se laisser replonger à nouveau dans ses songes. Il s’imaginait alors tenant en main un arc de métal. Il ne pouvait en déterminer le matériau, mais celui-ci était tout aussi solide que souple. Le métal se tordait et retrouvait instantanément sa forme initiale une fois la flèche tirée. Un shinobi s’élançait contre lui et tout en grâce Hayato avait désarmé son adversaire en effectuant un habile mouvement de poignet avant de porter un coup au visage de l’inconnu. Son arc était dans ce rêve, totalement polyvalent. Arme de jet, arme de corps à corps et bouclier, rien ne lui semblait impossible. Un peu cliché, l’extrémité supérieure était sculptée en forme d’un dragon stylisé.

Son second réveil se fit en douceur, s’il ne pouvait se souvenir de l’intégralité de ses rêves "Qu’est-ce que cette fille faisait dans ma chambre ? Et pourquoi un poney …" il en avait néanmoins conservé l’essentiel. S’étirant de tout son long, contractant ses muscles tout en poussant un fort bâillement. Il triait les informations : un arc de métal était impossible, du moins autant qu’il puisse l’imaginer. Aucun minéral ne permettrait de conserver suffisamment de souplesse et de résistance pour permettre une propulsion convenable. Cependant, il était peut-être envisageable de renforcer les extrémités en y forgeant des pointes métalliques. Jetant un regard vers l’extérieur, le junin réalisa que son sommeil avait été la seule activité de sa matinée.

Sautant du lit et effectuant une rapide toilette, il engloutit rapidement un déjeuner basique, composé principalement de riz en sauce. Prenant tout juste le temps de boire un maté tout en fumant une cigarette. Il s’élança en direction du domaine des Shirogane à la recherche de l’atelier de la sympathique muette, son outil en main.

Arrivé devant l’impressionnant domaine, Hayato en franchit directement les portes. Il n’était pas difficile d’accéder à la cour intérieure, mais jamais encore, il n’avait pu pénétrer aussi profondément dans l’intimité des marionnettistes. Se trouvant rapidement en son cœur, Hayato regardait tout autour de lui, cherchant désespérément la silhouette si particulière de sa nouvelle "amie". Au bout de longues minutes durant lesquels il fut maintes fois dévisagé. Il se risqua en demandant son chemin. Son premier informateur, le toisa de tout son haut et lui indiqua, tout en lui faisant un signe de main qui aurait pu être traduit par "ouste", de se rendre vers l’est. Avançant jusqu’à rencontrer un cul de sac, le jeune junin dut à nouveau demander son chemin.

Mais bordel … C’est un vrai labyrinthe, quel genre de cerveaux malades ont imaginés cette infrastructure.

C’est après de longues minutes d’errance et après avoir dérangé pas moins de quatre autres individus qu’Hayato arriva enfin devant le petit atelier, qui se trouvait en fin de compte quasiment à l’extérieur du domaine. Nul doute que la visite du Nozomo allait faire jaser, il espérait cependant, ne pas créer trop de problèmes à la muette marionnettiste. Mais n’était-ce pas impossible en fin de compte ? Côtoyer des Nozomo et ce qu’importe le contexte, serait toujours synonyme de problème pour les Sunajins. Aussi décida-t-il de balancer ses inquiétudes dans cette même corbeille "pour plus tard". À quoi bon se torturer l’esprit avec des problèmes indissolubles et qui n’était que l’expression de la cruauté humaine ?

Devant lui se présentait un atelier somme toutes banal ne comportant aucune décoration particulière. De solides poutres de bois brut soutenaient l’ensemble, la petite cabane de bois lui rappelait une histoire que lui comptait sa mère alors qu’il n’était encore qu’un jeune bambin "Les trois petits tanukis" . Nul doute qu’ici le Shiba aurait bien du mal à souffler la bâtisse. Se rappelant la comptine, il avançait d’un pas assuré vers l’entrée. Toquant machinalement à la porte il attendit qu’on lui propose d’entrer, sinon il attendrait devant le pallier.

Se retrouvant enfin devant Honoka, le jeune homme se départit d’un léger sourire. Levant son arme pour la mettre en évidence et après avoir échangé quelques banalités "Bonjour ! Comment vas-tu ? Remise de la journée d’hier ?", il questionna un peu plus Honoka sur les possibilités qu’elle pouvait lui offrir. "Bon ! Tu m’avais dit que tu serais capable de t’occuper de mon outil. Mais nous n’avons pas réellement abordé les possibilités qui se présentaient… Peut-être as-tu eus des idées durant la nuit ?" Bien qu’il puisse en avoir lui-même eu plusieurs, il ne se sentait pas suffisamment confiant pour aborder de but en blanc ses rêveries enfantines. Attendant la réponse de sa camarade, il avait observé un peu plus l’intérieur de l’atelier. À quelques endroits, des parties de membres humains, en bois, mais néanmoins troublant de réalisme. De nombreux outils, aux noms et usages connus des seuls maîtres artisans. Le tout s’organisant en un joyeux fouillis organisé qui répondait bien au clicher qu’Hayato se faisait du lieu de travail d’un inventeur fou.

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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


Mal au crâne. J'avais un putain de mal au crâne, le genre qui ferait presque oublier ce qui c'était passé pendant la nuit dernière. Allongée sur mon lit comme posée sur les draps, j'avais à peine eu le temps de retirer l'essentiel que j'avais dû m'écrouler en étoile de mer et m'envoler pour le pays des rêves en quelques secondes.... ou presque. Je savais pas pourquoi, mais j'avais été assaillie d'images comme si j'avais été fiévreuse, un défilé de visages floutés, un assemblage sans ni queue ni tête d'instants qui me parurent insigifiants, des douleurs, des combats, des rires, tout ça en boucle et qui circulaient à une vitesse folle au point de me filer la nausée. Des souvenirs sans doute, sûrement même. Mais aucune image ne semblait pouvoir retrouver son cadre ou sa petite boîte et le lot ne s'interrompit qu'au moment où je réussis à ouvrir les yeux.

Sur le dos, le bras sur le front, quelques sueurs froides. Le soleil s'était levé que depuis quelques heures et si c'était que moi, je serais restée au pieu toute la journée. Sauf que si je faisais ça, je n’étais pas à l'abri de me rendre à nouveau malade avec ces conneries et c'était hors de question de me faire bouffer par ça, j'en avais pas la force, il fallait que je m'occupasse l'esprit par tous les moyens et en général, j'avais pas cinquante possibilités à ma disposition : plus de picole mais j'avais déjà joué la carte, plus de b... de jeu mais faut un adversaire, plus de paradis artificiel mais c'était un peu comme rejouer la première carte. Il me restait donc qu'une unique option envisageable : le travail. Retrouver mon atelier, me couper du monde et me plonger dans la sciure du bois et de l'odeur de métal en la compagnie de ma camarade Itori. Le meilleur endroit de la terre en dehors de mon point de vue sur les remparts et les dunes du désert. Mais pour ça, fallait que je me bougeasse le postérieur et c'était pas gagnée.

Après avoir galéré à me redresser, chacun de mes pas me donna l'impression d'avoir un marteau dans la tête. Fallait dire qu'on avait sacrément enchainé les verres. Je me massais le visage en trainant ma carcasse jusqu'à la salle de bain. Y avait toujours son miroir pété, ça faisait un moment que je me disais que je devrais le changer. Pas envie. Je me contentais de prendre littéralement une douche froide pour me donner un coup de fouet, et machinalement m'habiller, prendre un simple jus de fruit et un truc à bouffer en chemin. Il ne me fallait pas plus pour quitter cet endroit qui manquait de chaleur, un endroit qui me ressemblait assez. Un appartement pas très grand qui laissait planer le doute sur le fait que quelqu'un vivait ici. Pas d'images, pas de photographies, pas de décorations hormis un vase avec des fleurs séchées que je n'avais jamais remplacé. Tout était propre, pas un grain de poussière, pas de trace que quelqu'un d'autre eut pu rentrer ici. Le strict minimum. D'ailleurs, si on trouvait deux assiettes dans le placard, c'était uniquement pour les fois où mon père passait. Je n'avais pas d'autres attaches.

J'arrivais donc en fin de matinée, non pas sans attirer quelques regards méprisants de mes compatriotes Shirogane, enfin, surtout les anciens en fait, ceux qui connaissaient mon histoire et qu'ils devaient se plaire à déformer aux nouveaux qui n'iraient pas chercher plus loin que leurs propos. Heureusement que je m'en tamponnais. Ces gens-là n'avaient pas d'intérêt pour moi, vraiment aucun. Je les voyais comme des spectres médisants dont les murmures n'étaient que brouhaha à peine perceptible à mes oreilles. J'aimais parfois faire comme si j'étais sourde, juste pour les emmerder.

Une fois à l'atelier, il me semblât avoir l'impression de pouvoir à nouveau respirer. J'ouvris les fenêtres et la porte qui donnait sur la cour arrière pour aérer un peu, déposait ma poupée dans son coin habituel, telle une inspectrice muette, et je commençais rapidement à m'attabler à mes divers travaux. Je bossais un peu sur tout : des plans, des maquettes, des rouages, des réparations... je fignolais des détails sur des commandes qu'on nous demandait parfois. J'étais en train de tailler des pièces de métal quand on toqua à la porte de l'atelier, lunettes sur le nez pour éviter les projections. Je m'attendais pas à de la visite... ou bien j'avais oublié un rendez-vous? Je retirerais mes lunettes que je déposais sur un des comptoirs et me rendit à la porte.

Je fus surprise d'y voir Hayato planté, mais il me sourit en me présentant son arc et enchainant avec les banalités d'usage. Je lui fis simplement un oui de la tête pour lui dire que ça allait, même si c'était un pieu mensonge. Enfin mensonge... oui j'allais bien... de manière générale. Bref. Je lui fis signe de rentrer et il m'exposa la raison de sa visite. Ha oui. C'était vrai qu'on avait eu cette conversation. Mes yeux se posèrent sur son arc et je tendis la main pour lui demander de me le passer. Une fois entre mes doigts, je me mis à l'examiner de plus près, caressant son bois et étudiant sa courbure, la qualité de la corde, sa solidité. Il était très basique, un peu comme une toile vierge sur laquelle il serait aisé de travailler.

" J'étais trop à la masse cette nuit pour cogiter mais j'ai des idées. Il me semble que tu avais dit que tu souhaitais le renforcer, non? "

Je lui tendis mon papier.

" Si on conserve la base de celui-ci, je peux te rajouter des embouts aux extrémités. Enfin... je peux bosser sur le moule que je refilerais à un forgeron que je connais pour qu'il me fasse la pièce. Je pourrais ensuite la retravailler. Il me suffira de l'enfiler dessus. "

Je lui tendis le papier et lui mima le geste pour lui expliquer la manière dont je voulais installer la chose.... avant de me rendre compte que ça faisait un peu tendancieux.

" Le problème avec les arcs, c'est qu'il faut maintenir leur courbure et leur tension. Je serais obligée de retirer la corde pour placer les renforcements et je créerais une encoche pour te permettre de l'attacher aisément par la suite. Mais bon, c'est un faux problème. Je devrais bien me démerder. "

Je lui glissais le nouveau message avant d'examiner à nouveau ce dernier.

" Je peux te rajouter une lanière de cuir pour le maintien et éviter à ta main de glisser, mais aussi un petit cale pour tes flèches et éviter qu'elles tremblent pendant que tu vises. "

Je l'abandonnais quelques instants pour aller fouiller dans un placard de l'atelier et je revins quelques secondes plus tard avec une sorte de cahier. J'y avais glissé des lanières de cuir, de couleurs, de texture, d'épaisseur ou de qualité différente. C'était des échantillons que je gardais pour moi en général et étudier ce qui était le mieux. Là, Hayato pouvait choisir ce qui lui faisait plaisir. Je finis par poser à nouveau mes yeux lavande sur lui en lui tendant un nouveau message.

" Pour tes renforcements, tu veux un truc stylisé ou on fait simple? "

Je vous avais déjà dit que j'étais une manuelle, non? Parmi mes nombreux petits secrets, il y en avait un que je montrais pas ou que je n'utilisais que pour le boulot : la sculpture.

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Rendre le bois dur, mais rester souple. [PV. Shirogane Honoka]

La kunoichi faisait vraiment peine à voir, les yeux encore embués, de larges cernes violacés venaient souligner son regard. Quelques mèches de ses cheveux semblaient se balader librement dans sa chevelure et Hayato remarqua même une légère odeur d’alcool émanant de son corps. L’addition des éléments ne laissait guère place au doute. C’était une magistrale gueule de bois. Nul doute qu’il devait d’ailleurs lui aussi faire peine à voir. Il serait peut-être nécessaire d’effectuer une petite purge de toutes substances durant quelques semaines. Sinon, à l’image des dires de son frère, Hayato finirait malade bien avant de mourir au combat. Mais l’heure n’était pas aux cures détox, mais bien au perfectionnement de son arme.

Répondant d’un mécanique hochement de tête à ses banalités, Honoka l’invita à entrer dans son intimité. Prenant son outil qu’il tendait alors vers elle, celle-ci avait commencé une inspection minutieuse de chacun des détails. Entrecoupant son étude par le griffonnement de quelques notes à son intention. Il hocha la tête à la lecture du premier, en effet l’idée de base était bien de le renforcer. La seconde note intéressa beaucoup Hayato, indubitablement, elle avait parfaitement compris ce qu’il souhaitait. Des embouts métalliques qu’elle viendrait glisser sur les extrémités, peut-être faudrait-il les coller ? Relevant la tête pour lui faire part de ses réflexions, il constata que celle-ci mimait la manière dont elle comptait les installer.

Ça me rappelle une histoire avec un poney …

Levant un sourcil, songeur, Hayato se départit d’un sourire tout en lâchant quelques mots. "Oui, je vois tout à fait." La troisième note faisait mention des difficultés que pouvait entraîner l’équilibre primordial au bon fonctionnement de l’arc. Même si ça n’était pas sa spécialité, nul doute que la kunoichi savait de quoi elle parlait. Les Shirogane étaient connus et reconnus pour leurs compétences de maître artisan aux doigts de fée. Aussi ne douta-t-il pas de ses écrits, lorsqu’elle assura être capable de "...bien se démerder ". Elle proposa ensuite diverses améliorations possibles, qu’Hayato accepta volontiers alors que celle-ci s’était éloignée vers un de ses placards. "Ça serait en effet beaucoup plus confortable ! Même s’il me faudra sans doute quelque temps pour m’habituer aux nouvelles sensations." Revenant vers lui, Honoka lui proposa différents échantillons, les couleurs mais aussi les matières étaient très diverses et Hayato les avait étudiés attentivement. "Au niveau de la couleur je penche plutôt pour des teintes sobres... On peut déjà écarter le reste." Joignant le geste à la parole, il lui glissa les lanières ayant échoué le casting. "Pour le reste je pense que le moins épais possible sera le mieux, histoire de ne pas alourdir l’ensemble et qui permettrait une bonne adhérence." Il farfouillait alors, apposant certains échantillons sur son arc pour en expérimenter la prise en main. Sans doute devait-il ressemblait à un enfant, habillant sa poupée. L’image n’était d’ailleurs pas si éloignée de la réalité. Outrepassant, de nouveau, les codes Nozomo, Hayato avait depuis longtemps attaché une certaine valeur sentimentale vis-à-vis de son instrument. Aussi était-il réellement heureux de pouvoir ainsi le personnaliser en lui donnant une "conscience propre".

Trouvant enfin chaussure à son pied en une lamelle marron, peu épaisse, à la surface plane et au cuir tanné qui lui assurerait un bon maintien de l’arme, il la tendit en direction d’Honoka. "Je pense que celle-ci devrait faire l’affaire…" Il hésita un instant à préciser qu’il faudrait veiller à bien tendre le cuir, mais se ravisa. Inutile de l’embêter avec des détails qu’elle connaissait sans doute mieux que lui. Honoka lui tendit ensuite une nouvelle petite note, lui demandant s’il préférait un style basique ou plus travaillé. Hayato était particulièrement mitigé sur la question… S’il était indubitablement attiré par un style travaillé qui saurait donner à son arme un caractère unique. Il pouvait d’ores et déjà imaginer le regard inquisiteur des anciens de son clan. Qui ne manqueraient pas de lui rappeler qu’un vrai Nozomo ne possède pas d’arme unique, mais en maîtrise plusieurs.

Au diable ces vieux croulants !

"Eh bien pourquoi pas quelque chose d’un peu travaillé ! Aurais-tu des idées particulières ? Je suis ouvert à toute proposition." Un sourire illuminait les traits d’Hayato, trop heureux pour se soucier des faux-semblants. Son esprit était parcouru d’images diverses, des renforcements en forme de dragons comme dans ses songes ou … de faucon ?  N’était-il pas Hayato, le  "Faucon Nozomo" après tout ? Sa tête emplie d’images enfantines et son sourire sur les lèvres, devaient trancher avec son apparence de soulard en pleine redescente. Bloqué entre deux mondes… Avait-il profité de son enfance ? Hayato avait décidément bien vite abaissé sa garde face à la marionnettiste. Déjà sur le terrain d’entraînement, il s’était relâché. C’était plutôt plaisant et Hayato s’y complaisait. Réunissant son courage, il lâcha d’une petite voix non assurée, comme s’il demandait la permission de s’exprimer. "Peut-être quelque chose qui rappellerait le faucon ?"



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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


Des idées d'amélioration, j'en avais plein. Cela fourmillait au fur et à mesure que j'étudiais ou observais ce à quoi je devais apporter une modification. Bien évidemment, j'étais aussi limitée dans mes capacités, je ne pouvais pas toujours faire ce à quoi je pensais mais je me donnais généralement assez de mal pour parvenir à quelque chose de ressemblant jusqu'où jour où je pourrais réellement y parvenir. D'ailleurs, je ne demandais jamais de l'aide à mon père ou de faire le travail à ma place. Il ne m'avait pas élevé ainsi non plus. Il pouvait me donner des leçons, me laisser l'observer, m'apprendre mais je devais être capable de tout faire par moi-même. Il n'y avait que comme cela que l'on pouvait réellement devenir fier de son boulot. De la même manière que je n’étais pas une archère, je savais que je passerais sans doute ma soirée à bosser quelques bouquins sur le sujet pour pas me foirer.

Alors que mes idées fusaient dans mon esprit et que je cherchais à ne pas perdre le nord parmi tout ce bordel, je me focalisais uniquement sur les exigences de mon client. Sur un papier vierge, j'écrivais ce qu'il retenait de mes propositions. Je le laissais ensuite faire son petit marché parmi les différents échantillons que je lui avais laissés sous les yeux pour me mettre à farfouiller dans une caisse qui se trouvait derrière moi. J'en sortis un sac de taille moyenne, du plâtre pour faire un moule, un truc à prise rapide. Je revins vers lui quand son choix fut fait et dans mon silence, je plaçais le lambeau de cuir vainqueur avec le reste de ma note. Pour le reste, je me mis à l'interroger sur son désir de personnalisation. Je fus très surprise de le voir sourire, je voulais dire de façon aussi lumineuse. La première fois que je l'avais croisé sur le terrain d'entrainement, il semblait plutôt taciturne bien qu'en présence de son frère, il semblait plus aisément se détendre. Je me sentais presque privilégiée dite donc.... jusqu'à ce que je fusse prise d'un curieux mal de tête. Je grimaçais quelques instants, comme si j'avais reçu un coup d'aiguille dans la tempe. Bizarre. Mais c'était pas l'effet de la cuite... j'avais eu comme une vision... un sourire comme celui de Hayato dans mon passé. Tout à fait le genre de chose que je fuyais depuis ce matin.

Sans laisser le temps de potentiellement me faire interroger sur le sujet, je pris mon carnet pour lui écrire quelques mots.

" Il faudrait plutôt que l'idée vienne de toi pour le coup. "

Je repris mon crayon et me mis à réfléchir un peu pour faire des propositions. Il fallait que je puisse le coordonner à son arme, dans la forme et dans la répartition du poids, tout en ayant de la gueule. Je me tapotais machinalement le crayon sur la bouche jusqu'au moment où Hayato sembla avoir une illumination. Un faucon? Je sourcillais d'étonnement. Ouais. Cela pouvait le faire et il y avait une certaine cohérence avec son côté archer. Je le regardais quelques instants sans lui donner de réponses et je me mis à gribouiller à vitesse grand V sur mon calepin. Cette fois, ce n'était pas pour écrire des mots mais dessiner. En quelques coups de crayons rapides, je fis une sorte de schéma : une tête d'oiseau aux airs de faucon, une sorte d'embout avec leur profil aquilin. À côté, je fis un autre dessin qui représentait plutôt des serres de rapaces. Avec des flèches, je montrais que la tête serait en haut de l'arc et les griffes en bas. Un premier jet, une première idée. Je la lui mis sous le nez après avoir arraché la page pour écrire sur une autre.

" Dessin à la sauvette mais un truc dans le genre te conviendrait? Je ferais en sorte que le poids soit identique sur les deux embouts. Cela devrait pas te déséquilibrer. Je tâcherais de les faire faire dans un métal léger mais solide bien entendu. "

Je lui mis mon carnet sous le nez, guettant une réaction de sa part.

" Bien évidemment, si cela ne te plaît pas, nous pouvons étudier autre chose. Réfléchis, en attendant je vais faire un moulage de ton arc. Je n'aurais pas besoin de le garder avec moi de cette façon. "

L'abandonnant à ses réflexions, chassant les miennes, je pris son arc avec moi pour effectuer mon moulage. Je vous passais tous les détails mais j'avais récupéré un bac de taille équivalente à l'arme dans lequel je fixais l'arc. Une fois bien en place et que je fus assurée qu'il ne bougerait pas - je vous passais l'étape où j'avais enduit le bois et la corde d'une substance visqueuse pour le protéger -  je revins chercher mon plâtre. Je préparais ma mixture avant de la verser dans mon bac. C'était que la phase pour avoir l'empreinte de l'arc qui allait me servir de moule pour ensuite me créer un support aux bonnes dimensions pour travailler dessus.... et refaire de quoi faire un moule pour les embouts stylisés. Ouais. Du taff mine de rien.

Je revins vers Hayato en étant déjà en train d'écrire sur un nouveau papier.

" Il me faudrait une petite demi-heure pour que cela prenne. Je pourrais te le rendre juste après. En attendant.... "

Je me mis à fouiller dans ma poche et en sortit un paquet de cigarettes. Je le lui tendis afin qu'il puisse se servir - après tout, il m'en avait déjà offerte - avant d'en faire de même à mon tour.

" Alors? Qu'est-ce qui t'a donné envie de vouloir modifier ton arc d'un coup? Bien que si tu ne veux pas me le dire, on peut "parler" d'autre chose ou ne rien dire. "

La dernière possibilité était sans doute la plus simple pour tout le monde, mais ça serait mentir que dire que le Nozomo ne m'intriguait pas. Il était pas trop l'archétype de bonhomme qu'on voyait dans son clan... fallait dire que moi non plus. Une vraie bande de vilains petits canards.

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Rendre le bois dur, mais rester souple. [PV. Shirogane Honoka]

Honoka avait accueilli sa proposition avec une apparente surprise. Se jetant sur ses papiers vierges, elle esquissait rapidement quelques croquis. Hayato se tenait à quelques pas derrière elle, la regardant dessiner. Il était impressionné par son savoir-faire, il n’aurait jamais pu l’imaginer ainsi lors de leur première rencontre sur le terrain d’entraînement. Les Shirogane étaient certes réputés pour leurs appétences dans l’ingénierie, mais il ignorait qu’ils excellaient également dans les arts. À moins que cela ne soit propre à Honoka ? Ayant terminé son dessin, elle le tendit à Hayato, en plus d’une courte note. Il prit alors quelques secondes pour apprécier le croquis dans son ensemble, penchant la tête de quelques degrés sur la gauche, la main sur le menton. Il avait laissé ses pensées découler, sans plus de traitement préalable.  "Mhhhh… Oui ça me semble plutôt bien ! J’espère que ça ne rendra pas l’arc trop lourd… Même si je peux aisément supporter un certain poids. Puis … même si un poids léger est effectivement préférable. On ne peut pas tout avoir ! Il faudrait que le métal puisse supporter la charge d’une lame effilée comme le katana de Yukio… Le gain apporté par ce nouvel élément défensif compensera largement l’augmentation du poids général."

Honoka précisa tout de même, qu’il pouvait toujours changer d’avis et se contenterait pour le moment de mouler son arc. Hayato avait été amusé de la voir ainsi s’affairer, pleine de minutie et de concentration, dans le moulage d’un arc aussi basique. Basique, oui, il l’était indéniablement. Jamais Hayato ne l’avait réellement remarqué, mais son arc se tenait pourtant à ses côtés depuis son accession au rang de génin… Un ancien des Nozomo, lui avait alors confié un arc "taille adulte", fêtant officiellement la fin de son enfance. Cela remontait donc déjà à quelques années. Ils avaient traversé ensemble de nombreuses aventures, pointé de nombreuses cibles et ôté presque autant de vies. Les sourcils du jeune homme se froncèrent, réagissant à son sentimentalisme soudain.

Ne pas en faire trop non plus, ça reste un arc…

La kunoichi était alors revenue vers lui, le tirant de ses rêveries, elle lui tendit une petite note. Il eut tout juste le temps de la lire, que déjà elle lui proposait, non pas une nouvelle note, mais une cigarette. Il allait donc falloir patienter quelques minutes, autant joindre l’utile à l’agréable… se servant volontiers, il chercha machinalement son briquet alors qu’il bredouillait quelques remerciements. Il attendit, prudent, que celle-ci allume la sienne avant de lui emboiter le pas. Certaines personnes, même des fumeurs, n’aimait guère sentir l’odeur de cigarette planer dans leur intérieur. Une nouvelle note le questionnait sur les raisons l’ayant poussé à vouloir modifier son arc. Pinçant les lèvres, Hayato s’en sentait un peu idiot, il pensa un temps édulcorer sa réponse avec quelques pieux mensonges et non-dits. Avant de décider qu’il lui livrerait une "quasi" intégrale vérité.

"Eh bien… J’y ai pensé la première fois dans un rêve. J’affrontais un shinobi expert du kenjutsu et celui-ci avait fondu sur moi avant même que je ne puisse lâcher mon arc pour me mettre en garde. À mon réveil j’ai commencé à réfléchir aux solutions qui s’offraient à moi…" C’était l’entière vérité, seul détail manquant : le shinobi était Yukio et il venait donc de le vaincre… C’était inimaginable et non souhaitable. Honneur de grand frère oblige. Il continua tout en se grattant l’arrière du crâne. "C’est là que j’ai eu l’idée de l’arc renforcé ! Ça serait une sécurité supplémentaire en quelque sorte… Une transition possible entre l’arc et mes poings. J’ai tout de suite commencé à m’intéresser à la pratique… Des postures, des techniques… Mais j’avais toujours repoussé le côté "matériel" de l’amélioration." Hayato se trouvait bien bavard, d’autant qu’il préférait d’ordinaire se trouver de l’autre côté du miroir, posant les questions. Apportant une dernière précision, il réfléchissait d’ores et déjà au moyen de retourner la conversation à son avantage… "C’est que dans notre clan la possession d’une arme " unique en son genre" peut être jugée futile…" Les sourcils un peu relevés, Hayato avait intuitivement mimé l’accent d’un des anciens Nozomo. "L’important est la main qui la manie, pas l’arme en elle-même."

Lui laissant potentiellement le temps d’intervenir, il avait porté les deux mains derrière son crâne et s’était adossé contre l’un des murs de l’atelier, laissant son regard vaguer entre les différents outils et plans. Il repensa à son périple qui l’avait conduit à visiter l’intégralité du domaine avant d’arriver enfin en ce lieu. L’atelier se trouvait en effet, a son extrémité… Tout comme l’appartement des deux frères. Amusant. D’ailleurs, il avait noté plus tôt, à quel point sa présence avait semblé dérangeante pour les habitués du domaine… D’autant plus lorsqu’ils les avaient questionnés sur Honoka.

Souhaitant soulever ce point, il se lança. "C’est très impressionnant de voir l’intérieur du domaine, je n’y étais encore jamais réellement entré. D’ailleurs je tiens à te présenter mes excuses, j’ai peiné à trouver ton atelier et j’ai demandé ma route à peut-être une bonne demi-douzaine de personnes avant d’arriver ici. À en juger par leurs regards… ils n’aiment pas trop les Nozomo… Ce n’est pas comme si ça me changeait tu me diras." Hayato avait commencé par pouffer naturellement de sa réflexion, puis se figea un instant. N’affichant guère son embarras, il maugréait intérieurement.

"Tu me diras"… ? Vraiment… ? "Tu me diras" … ? Mais quel sombre crétin. Rattrape-toi, c******

Prenant une rapide bouffée de sa cigarette, il s’approcha d’elle tout en lui souriant. Il ne savait pas encore ce qu’il pourrait dire, mais sa culpabilité était sincère. Surprenant ? Peut-être. Joignant ses deux mains et abaissant légèrement la tête il improvisait à mesure que les paroles émanaient de lui." Je voulais vraiment te remercier de prendre le temps de m’aider ! Rien ne t’y oblige cette fois… contrairement à l’entraînement ! Je suis plutôt content que nos clans aient voulu forcer un rapprochement diplomatique !" Se risquant en un ultime signe amical, il approcha les mains des siennes, comme demandant la permission de s’en emparer. Un sourire franc sur les lèvres, il concluait. "T’es vraiment une chic fille ! Merci encore."

Tout était troublant de vérité dans ses propos, Hayato ressentait une confiance inhabituelle en cette femme. En qui il pouvait parfois se reconnaître… Celle-ci semblait abriter elle aussi ses propres démons, émanation d'un passé troublé. Qu'elle cachait, parfois péniblement derrière un visage parfaitement neutre. Aussi, était-il soucieux de ne pas rompre le dialogue par une trop brutale indélicatesse. Il se trouva tout de même bien chanceux, bien qu'un peu embarrassé, les mains jointes aux siennes.

Au moins ... J'ai pas dis "T'es comme une soeur pour moi..." Faut voir le positif.


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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


Je n'avais pas l'habitude de travailler avec quelqu'un d'autres que mon père, et même si Hayato était aujourd'hui un client, cela me faisait un peu bizarre de l'avoir juste à côté pour bosser sur ces idées. La plupart passaient tous par le vieux Yukio et moi je jouais les ouvrières dans l'atelier, bien planquée du monde parce que cela m'arrangeait, avec la seule compagnie de nos marionnettes. Je n'avais jamais eu besoin d'autres choses jusque-là. Si la solitude semblait peser sur bien des épaules, moi elle m'accompagnait depuis toujours. Ironique lorsque l'on naissait dans un clan qui prônait l'hégémonie de son nom et la force du collectif, tout en vous dressant à être capable de tuer vos propres frères pour le bien de tous. Le plus drôle était d'imaginer qu'un maître marionnettiste, voué à créer des êtres artificiels de combat, était la personne qui avait tenté de faire de moi une enfant plus humaine. Encore aujourd'hui je voyais dans les yeux de ce père, mon père, qu'il se sentait coupable de ne pas être arrivé à m'apporter ce qu'il estimait me manquer, tout en percevant l'éclair de mépris qu'il éprouvait à l'égard des Kaigan. Parfois je me surprenais à me demander s'il regrettait de m'avoir sauvé parce que je n'ignorais pas que mes origines avaient été un fardeau pour lui aussi. Les Shirogane qui savaient, bien qu'ils respectassent les talents de mon vieux, lui avaient maintenant fois reprocher son acte. Il ne m'avait pourtant jamais lâché alors qu'il aurait pu devenir quelqu'un au sein du clan si je n'avais pas été là.  

Enfin quoiqu'il en fût, je lui devais beaucoup et si je me démerdais dans mon art, c'était parce qu'il m'avait toujours tiré vers le haut, il avait su trouver en moi un potentiel que les autres ne voyaient pas. C'était pour ça que j'étais plus ou moins capable de faire mon boulot et ici, satisfaire les besoins du jeune Nozomo. Encore fallait-il que mes propositions soient en accord avec ces désirs. Par chance, il ne rejeta pas en bloc mes suggestions, bien que je notasse qu'il semblait un peu inquiet sur le poids de son arme. Il fallait dire que cela l'obligera de s'adapter un peu en conséquence. En attendant, je m'appliquais à faire le moule de son arme et pendant le temps de prise, nous allions pouvoir faire un peu la conversation. Mieux je serais capable de le cerner, plus je pourrais adapter le style à sa personnalité... mais j'étais pas la mieux placée pour vraiment discerner les gens.

Le temps de lui proposer une cigarette et d'allumer la mienne, j'appuyais mon postérieur sur le comptoir sur lequel je bossais tout en regardant Hayato. J'avais posé ma question de manière assez anodine, sans aucune obligation de répondre. Après tout, si on devait passer à demander à ses clients le pourquoi du comment, on ne vendrait jamais rien.... même si là, c'était du boulot gratuit. Je fus très surprise de le voir gêné mais surtout de sa réponse. Enfin qu'il soit gêné de sa réponse en fait, comme si j'allais me moquer. J'avais l'air si mesquine que ça? Je l'écoutais avec attention, penchant à mon tour légèrement la tête sur le côté face au constat qu'il eut repoussé l'idée d'améliorer son équipement. En tant que Shirogane, on faisait tout le contraire. C'était bien la première chose à laquelle on pensait d'améliorer nos pantins. Il se tenta par la suite à m'imiter une maxime du clan Nozomo, ce qui m'arracha un léger sourire entre deux bouffées de fumée. Je finis enfin par prendre mon carnet pour lui répondre.

" J'ai toujours considéré que les grandes idées naissaient d'abord dans les rêves. Sans imagination, tout serait un peu pourrave. Tout le job est de savoir si on est capable de le concrétiser ou non après. "

Je lui tendis mon premier message.

" Quant à l'idée qu'une arme unique c'est futile, j'espère que tes vieux réac viendront pas foutre le pied chez nous, sinon ils auraient la mauvaise surprise de goûter à nos spécialités si uniques. Mais je peux pas contredire le fait qu'on dit aussi que c'est pas le pinceau qui fait le peintre. Faut un juste milieu. "

J'eus un léger sourire à cette réflexion. Il fallait dire que pour le coup, Shirogane et Nozomo étaient finalement à l'opposé sur ce sujet. Je ne voyais pas en quoi l'amélioration, le progrès ou le renforcement pouvaient être une futilité. C'était comme dire que ça servait à rien d'entrainer un shinobi et qu'il devait simplement se contenter de ce qu'il avait. Puis de fil en aiguille et de clope, Hayato m'expliqua qu'il avait un peu galéré en chemin, qu'il y avait eu quelques regards hostiles à son encontre, chose qui ne m'étonnait guère. Haaaaaa l'hospitalité Shirogane! Cela le fit rire comme s'il y était habitué avant de se stopper net.

Je sourcillais légèrement d'incompréhension. Il me fallut quelques secondes pour en comprendre les potentielles raisons. Il se faisait vraiment du mouron pour rien si c'était ce que je croyais. Mais son comportement fut d'autant plus bizarre pour moi par la suite. Il me souriait de toutes ses dents et me remerciait de l'aider. Sérieux? Il me faisait quoi là. Je trouvais la situation d'autant plus étrange qu'il s'approcha de moi pour me prendre les mains et me déclarer que j'étais une chic fille. Il se foutait de ma gueule ou bien.... Non.

J'étais un peu sur le... cul comme le disait l'expression. Elle était bien bonne celle-là et je ne m'y attendais pas du tout. Je fus si surprise que je pensais avoir rougi. Ne voyant pas ma gueule, je pourrais pas l'affirmer mais c'était... inhabituel. Mais en croisant son regard, je savais que c'était pas du baratin. Il le pensait... il le pensait sans doute et cela m'attrista parce que j'étais plus que certaine de ne pas appartenir à cette catégorie de femme. En général, on ne me remerciait pas. En général, on ne me regardait pas dans les yeux. En général, on ne me complimentait pas... et on me prenait encore moins aussi chaleureusement les mains dans les siennes. D'ailleurs, je me surpris à observer ce geste comme s'il n'était pas réel avant de relever les yeux vers lui, la bouche pincée par la gêne mais le regard dans doute peiné parce que je n'étais pas à la hauteur de son compliment.

Chic. Non. Je ne l'étais certainement pas. On pouvait me qualifier de bien des adjectifs mais pas celui-là. Je n'étais pas chic, pas noble, pas élégante, pas mignonne ou autre connerie du genre avec ma gueule de balafrée. J'étais pas spécialement sociable, ni amicale. Je ne méritais pas le moindre remerciement.

" Crétin. "

Le mot s'échappa de ma voix enraillée, même si je ne l'avais pas prononcé avec une grande résolution. La gêne. Ouais. C'était une sensation bizarre. Je retirais lentement mes mains des siennes, sans brusquerie, et toute la chaleur qui se dégageait de son geste semblait s'évanouir cruellement avec rapidité. Les gens n'étaient pas si "gentil" avec moi et je supposais que je ne voulais pas m'habituer à cette sensation non plus. C'était.... douloureux. Mais je ne voulais paradoxalement pas qu'il s'imagina qu'il avait fait quelque chose de mauvais. C'était moi qui était pas fini.

Je levais les yeux vers lui et je me mis à soupirer comme si j'étais désolée de lui donner une fausse image de moi, mais je fis cependant quelque pas vers lui, et déposa simplement un baiser sur son front.

" Merci. "

Ce mot s'échappa comme un murmure alors que je m'écartai pour prendre à nouveau mon calepin.

" T'as pas à me remercier. Je ne fais que tenir parole. Je les tiens toujours. Et les compliments sont pas nécessaires. Je les mérite pas d'autant que je n'ai pas encore fait le boulot. "

Mes yeux se tournèrent légèrement vers le moulage, c'était pas encore prêt. Du coup, je m'en retournais à mon carnet.

" Tu me remercieras si j'arrive à donner corps à ton projet, et t'auras le droit de m'insulter le cas contraire. "

Je finis par m'allumer une nouvelle cigarette, laissant le paquet ouvert sur la table dans l'éventualité où il voudrait se servir à nouveau.

" Je vais te faire un plan pour pas te perdre la prochaine fois. Nos ateliers ont tous un peu la même gueule. Je te donne aussi l'adresse de mon vieux, si un jour tu as besoin et que je suis pas dispo. "

Je lui glissais la note dans la main avant de me retourner pour exécuter le petit plan du domaine pour retrouver mon atelier et aussi l'adresse personnelle de mon père. Vu la manière dont j'étais capable de me foutre dans la merde, s'il m'arrivait quelque chose, il saurait au moins vers qui se tourner.

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Rendre le bois dur, mais rester souple. [PV. Shirogane Honoka]


Hayato s’était montré vigilant quant aux réactions de la chunin durant son approche. Tout d’abord, il avait su lire de l’appréhension, qui s’était muée, lorsqu’il avait pris ses mains, en un étonnement non simulé. Ses traits se muèrent de nouveau alors qu’il terminait ses remerciements et il lui sembla y lire une certaine tristesse, teinté pourtant de contentement.

Deux émotions contradictoires…

Ouvrant la bouche, elle le gratifia douloureusement d’un "crétin". Si le mot pouvait paraître alors, de prime abord, injurieux. Il lui sembla néanmoins chargé de douceur, impression renforcée lorsque celle-ci vint déposer un léger baiser sur son front, avant de le remercier péniblement à nouveau. La scène était bien singulière pour Hayato, il n’était pas particulièrement habitué à recevoir ni exprimer de l’affection et il ne pouvait pas réellement expliquer ce qui avait pu justifier un tel épanchement. Sans doute s’était-il laissé emporter par la profonde confiance qu’il avait naturellement placée en elle ? Ou bien simplement par le plaisir qu’il avait pu ressentir, alors qu’il lui semblait retomber en enfance. Toujours était-il que le jeune homme ne savait guère comment réagir face à la situation. Fort heureusement pour lui Honoka c’était finalement désengagée afin d’entamer la prise de quelques notes à son intention. Celle-ci lui avait intimé de ne pas la remercier avant d’avoir pu apprécier le résultat final de son œuvre. S’il pouvait comprendre sa demande, il ne pouvait néanmoins pas s’y résoudre. Toujours le sourire aux lèvres, il répondit nonchalamment "Je ne cherche pas à te complimenter, rien ne t’oblige à m’aider ici. C’est donc normal que je t’en remercie !" Lisant la seconde note, qu’elle lui tendait alors, il continua. "Quand bien même échouerais, je ne pourrais pas t’en vouloir !", une lueur d’espièglerie dans le regard il avait ajouté. "Mais soit, je retiens que je pourrais t’insulter si…"

Alors qu’il terminait sa phrase Honoka s’alluma une nouvelle cigarette et Hayato, par un mimétisme propre aux fumeurs, porta mécaniquement la main à son paquet de cigarettes. Il l’allumait alors qu’une nouvelle note s’était glissée entre ses mains. Son amie muette lui proposait de lui dessiner un plan afin qu’il puisse plus facilement retrouver son chemin dans le domaine et qui indiquerait par la même occasion l’emplacement de l’atelier de son père. Ainsi pourrait-il faire appel à lui si Honoka s’absentait. Hayato aurait voulu lui dire que c’était inutile et qu’il avait désormais retenu le chemin, mais déjà la chounin s’appliquait sur son dessin, aussi se ravisa-t-il. Son père était donc lui aussi un Shirogane ? Hayato s’en retrouvait curieux, il lui semblait pourtant qu’appartenir au clan des "Shirogane" relevait plus du titre que du lien familial. Il voulut tout de même s’assurer que cette conclusion était juste, peut-être était-elle, tout comme lui, adoptée après tout. "Ton père est lui aussi un Shirogane ? C’est donc une sorte d’héritage familial que de savoir bidouiller des choses ?" En attendant sa réponse le jeune homme cherchait du regard un endroit où s’installer un peu plus confortablement, il n’aimait guère rester trop longtemps debout. Il aperçut rapidement un petit tabouret de bois qui trônait contre l’un des murs de l’atelier. S’il ne paraissait pas particulièrement confortable, il avait néanmoins le mérite de sembler particulièrement robuste.

Je peux quand même pas m’installer comme si j’étais chez moi…

S’approchant néanmoins du saint siège, il le lorgnait tout en laissant ses pensées vagabonder. Jetant un coup d’œil vers elle, il se focalisa sur le bandage qui enserrait son cou. Repensant à la réponse qu’elle lui avait apportée la veille au bar, il s’hasarda en une nouvelle question. "Mhhh… Tu peux ne pas me répondre. Mais je ne peux te cacher que ta blessure m’intrigue ! Tu m’avais dit qu’elle était le résultat d’un gaz toxique c’est bien ça ? J’imagine que c’est arrivé lors d’une de tes missions ? À moins que cela soit le résultat d’un accident ?" Hayato se doutait que cette brûlure, qui avait marqué à jamais sa peau, avait par la même occasion entaché son âme. Sans doute se cachait derrière celle-ci un lourd secret. Pensant que la réponse pourrait prendre un peu de temps, le jeune homme céda finalement à ses envies. Il s’imagina lui demander s’il pouvait s’asseoir, mais il avait l’étrange sensation qu’il n’en récolterait qu’une insulte suivie d'un "Évidemment". Aussi, préféra-t-il finalement s’installer de son propre chef, fumant encore sa cigarette et regardant la muette rédigeant une réponse.

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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


Ce Nozomo était vraiment un type un peu bizarre, pas dans le sens négatif du terme cependant, bizarre dans le genre où je n'avais pas l'habitude de fréquenter des gens "biens" et encore moins à Suna. C'était peut-être une caractéristique des frangins. Si Yukio avait un caractère très différents, il n'était pas un mauvais bougre non plus. Un truc de famille sans doute ou bien d'éducation. En tout cas, il tenait visiblement à me remercier qu'importe ce que je lui disais et je n'eus pour seule réponse un roulement d'yeux et un soupir. Je m'avouais vaincue parce que je comprenais que ça servait à rien de lui faire comprendre le contraire. Quelle tête de mule.

Comme pour clore cette parenthèse de politesse, on s'alluma une cigarette et croyez-le ou non mais l'idée d'avoir quelqu'un qui semblait partager le même vice que moi me soulageait un peu. J'avais au moins l'impression de pas être totalement seule dans cette addiction-là quand bien même c'était une belle saloperie. Un point commun restait un point commun après tout. Une fois que je lui donnais l'adresse de mon vieux, il se mit à m'interroger à son sujet. Je sourcillais légèrement de surprise, pas tellement par le fond de la question mais parce que le terme de bidouiller m'emballait pas outre mesure. Bon après, je supposais que c'était l'impression qu'on donnait. Bidouilleur de père en fille, hein? Je pris nonchalamment une bouffée de ma clope avant de relâcher la fumée sur le côté et de m'en retourner vers mon calepin. À voir comment je devais lui exposer la chose, je savais pas trop par quoi commencer en vrai.

" Mon vieux n'est pas mon père au sens où tu l'entends. Il m'a sauvé les miches quand j'étais gosse, il m'a gardé et il a vu que j'étais intéressée par l'art des marionnettes. Il m'a adopté afin de pouvoir faire de moi son apprentie officielle et j'ai gagné le nom de Shirogane après avoir fait mes preuves. "

Je pouvais pas faire plus succinct que ça mais je lui tendis mon message tel quel. Bien sûr, je considérais le vieux Yukio comme mon père, du moins l'image que je me faisais d'un père. Je pouvais même être à peu près certaine qu'il avait découvert ce que ça pouvait faire d'avoir un gosse grâce à moi, le bon comme le mauvais cependant. Mais je me faisais pas d'illusion non plus. C'était d'abord la pitié qui l'avait poussé à me sauver, pas une envie soudaine de paternité. Ses premières intentions devaient même être de me refourguer à la première famille qu'il aurait trouvé une fois que je me fus remise de mes déboires mais il ne l'avait jamais fait. Pas dans mes souvenirs...

Puis à mon grand étonnement, Hayato m'interrogea à nouveau sur les raisons de mon mutisme. Je portais par réflexe ma main autour de mon cou, effleurant le bandage qui dissimulait ma plaie. De lui-même, il s'avouait intrigué. Généralement, on ne cherchait pas à en savoir plus que ça à ce sujet, sans doute par peur de me froisser ou un truc dans le style. Mais la vérité? C'était que j'étais techniquement dans l'impossibilité de lui donner une véritable réponse.... parce que je me souvenais de rien. Je me mis à soupirer, pas par lassitude, pas parce que cela m'était pénible mais peut-être parce que j'avais pas l'habitude qu'on me questionnât sur ça. Je finis cependant par afficher une petite moue tout en coinçant ma cigarette entre mes lèvres, et je commençais à lui écrire ma réponse.

" C'est ce qui avait marqué dans mon rapport médical. Visiblement, moi et mon équipe d'autrefois sommes tombés dans une embuscade. Mes coéquipiers sont tous morts et j'ai miraculeusement survécu... "

Je lui tendis mon premier message puis je commençais à lui établir la longue liste de ce que j'avais pris dans la gueule. Je lui désignais mon cou, mon visage, je mimais un coup sur le crâne, puis je soulevais très légèrement le pan de mon pantalon pour montrer le début d'une plaie bien dégueulasse que j'avais sur la guibole, et de la même façon, je soulevais très légèrement mon t-shirt pour montrer la lame qui m'avait traversé - pas mortellement pour le coup - avant de tenter encore de mimer que mes mains avaient été brisées. Je finis par reprendre mes notes.

" Les médecins m'ont rafistolé comme ils ont pu avec les moyens du bord, et cette histoire m'a valu deux ans de coma. Quand j'ai repris connaissance, j'avais tout oublié. L'objet de la mission, mes adversaires, qui étaient mes coéquipiers, ma vie... moi. "

Je m'avançais vers lui alors qu'il s'était assis, lui tendant mon message, le regard un peu triste et sans doute un peu paumé aussi.

" Encore aujourd'hui je ne me souviens pas de grand-chose, et je peux te dire que chaque fois que je me lève, j'ai toujours l'impression de voir une inconnue dans le miroir. C'est un peu spécial comme sensation. "

Je lui tendis encore mon message avant d'afficher un tout petit sourire, un peu fataliste mais pas totalement au fond du trou.

" J'ai au moins mes marionnettes et mon vieux. "

Parce qu'ils étaient mes seules attaches. C'était assez pathétique dans le fond parce que ça tenait pas à grand-chose. D'ailleurs quand j'y réfléchissais, s'il arrivait quelque chose à l'autre bougon, j'étais pas certaine que mes pantins seraient suffisants pour continuer à avancer. M'enfin, pour le moment, le vieux était costaud et ça serait pas demain la veille. Et puis qu'on était dans les confidences et petits secrets, c'était à mon tour de jouer les curieuses.

À cet instant, je fis un signe de main en montrant son épaule. J'avais pas oublié que pendant notre entrainement sur le Dai Henge, j'avais vu une cicatrice en forme de Y sur son épaule. C'était à lui maintenant de m'en dire un peu plus sur lui. Donnant donnant.

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Rendre le bois dur, mais rester souple. [PV. Shirogane Honoka]

Honoka avait accueilli ses questionnements en oscillant ses sourcils, peut-être ne s’attendait-elle pas à tant de curiosité de la part de son comparse. Cette impression semblait justifiée, Hayato se montrait en effet bien curieux. Il avait dès sa première rencontre avec la muette décelée en elle une étonnante tristesse, tapie au fond de ses prunelles. Il avait été encore plus surpris de constater que ce désœuvrement se retrouvait également chez sa marionnette. C’était une chose plutôt rare en Suna, du moins en apparence. Les obligations martiales, propres au village, poussaient généralement les guerriers à afficher un même masque de neutralité ou bien à farder leurs visages d’une agressivité froide.

Après avoir recraché sa fumée, Honoka s’était appliquée à la rédaction de sa réponse. La petite note arriva enfin entre les mains du jeune homme qui ne put s’empêcher de sourire légèrement durant la lecture. Sa camarade était donc une adoptée depuis l’enfance… Elle avait été recueillie par un Shirogane, tout comme Hayato et son frère avaient été adoptés par les Nozomo. Combien d’enfants dans Suna n’en étaient pas réellement originaires ? Il était difficile de le déterminer… Mais il n’y avait qu’à voir les méthodes dont Hayato devait lui-même user lors des missions de "peuplement", pour comprendre à quel point le village n’était qu’un amalgame de peuples différents. Unis par la contrainte ou le désespoir autour d’une tête commune. C’était un miracle que tout tienne encore en place… Sans doute était-ce par la peur de perdre le peu de bonheur et de sécurité que le village pouvait apporter. N’était-ce pas là la clef des revendications d’Hayato ? Lui qui se targuait auprès de son frère de vouloir changer les choses, ne devrait-il pas commencer par ce point ? La question avait le mérite d’être intéressante, aussi Hayato la rangea dans un coin de sa tête. Conscient qu’il devrait y revenir plus tard… Pour l’heure il s’appliquait à lire la suite du message. Bien qu’adoptée, elle avait dû faire ses preuves pour être acceptée par son clan. Décidément, que de point commun. Au moins, pouvait-il espérer que celle-ci était mieux accepter dans son clan que les deux frères ne l’étaient.

Si la première question d’Hayato avait déjà provoqué une certaine surprise chez sa camarade, la seconde eut un effet encore plus prononcé. Portant la main à son bandage, la muette semblait particulièrement surprise qu’Hayato revienne sur ce point, qu’ils avaient pourtant déjà abordé la veille. Néanmoins, celle-ci semblait consentante et apportait toutes les réponses que le jeune homme attendait. Cette atmosphère de confiance était plutôt étonnante, bien qu’agréable en plus de lui permettre d’assouvir sa curiosité.  Celle-ci n’était pas feinte, il s’était trouvé en effet pleinement intrigué par le mystère sur patte que représentait le petit corps lui faisant face.  
Les notes arrivèrent au compte-goutte et Hayato prit le temps d’en lire l’ensemble en n’offrant durant sa lecture que de petites réactions. Prenant la forme de moue attristée et de petit sourire réconfortant. Il ne s’épancha cependant pas dans ses réactions, bien que par certains points dramatiques, l’histoire d’Honoka n’était que le résultat logique d’une vie de shinobi. Une mission qui échoue entraînait toujours des conséquences… Le prix à payer avait cependant été important pour elle. Perdant sa voix en même temps que sa mémoire, Hayato s’en trouvait surpris. N’existait-il pas un moyen de réparer ses cordes vocales ? Les connaissances médicales du village n’étaient peut-être pas suffisantes… Mais il lui semblait pourtant avoir déjà entendu que dans certaines contrées, des miracles similaires eussent été possibles. Devait-il en faire part à sa camarade ? Ne risquait-il pas de provoquer un vain espoir si les bruits de couloir s’avéraient être légendes ? La question était complexe, trop pour son cerveau encore fatigué et baignant sans doute encore dans l’alcool de la veille.

Peut-être une autre fois…

Enfin Honoka vint lui porter la dernière petite note, ses lèvres étant tout juste pincée en un imperceptible sourire : "J’ai au moins mes marionnettes et mon vieux". En réponse, Hayato lui rendit un sourire plus franc. Elle n’était pas seule en effet et le jeune homme savait à quel point cela était important. Aurait-il pu tenir sans son frère ? La réponse lui semblait évidente…

Non…

Laissant vagabonder ses pensées Hayato dévisagea alors la femme qui se tenait devant lui. En d’autres circonstances, sans doute se serait-il félicité d’être parvenu à réunir en un temps record autant d’informations à son sujet. Pourtant ici, il ne ressentit que de la peine…  Cette même peine vorace qui savait broyer ses tripes et faisait resurgir ses doutes lorsqu’il se trouvait seul. Avait-il pitié d’elle ? Certainement pas. Il ne pouvait que constatait à quel point il se retrouvait en elle. Leurs similitudes étaient affligeantes, bien que leurs histoires aient été différentes. Il ne s’hasarda pas en quelques réactions réconfortantes, il pensait pouvoir deviner qu’elle n’en ressentait pas le besoin. Reprenant ses esprits, il avait affublé son visage d’un nouveau sourire avant de lâcher quelques mots.

"Je vois… une vie de shinobi en somme." Cette réaction pouvait paraître cruelle, mais était pourtant accablante de vérité. Tout shinobi, peut-être encore davantage en Suna, était confronté à un moment ou un autre, à la tristesse et à la souffrance physique ou morale.  Tirant une nouvelle bouffée de sa cigarette il ajouta simplement quelques mots qu’il avait accompagnés d’un léger rire. "J’espère que mes questions ne te mettent pas trop mal à l’aise" Espérant ainsi briser un malaise potentiel que la résurgence des souvenirs d’Honoka aurait pu provoquer. Loin de se laisser démonter, la marionnettiste pointa du doigt l’épaule d’Hayato tout en affichant une mine interrogative. Pouffant face à la réaction de son amie, Hayato ne put que commencer à réfléchir sur la manière de présenter la chose. Cela lui avait en effet semblé de bonne guerre, elle avait répondu à ses questions et c’était donc logiquement à son tour de se départir de sa carapace.

Se mettant de côté afin de lui présenter la marque à son épaule, il commença son explication. "Comme tu l’avais sans doute deviné, cette marque représente le "Y" de Yukio."  Accompagnant ses paroles il avait laissé glisser ses doigts le long des traits, semblant y chercher ses propres souvenirs. "Ça remonte à loin, Yukio venait tout juste de s’initier aux arts ninjas et moi je venais d’être affecté dans une équipe. Un soir, alors que je revenais d’une banale mission Yukio est venu vers moi… Il avait l’air un peu perdu et surtout … méfiant." Le jeune junin avait accompagné ses phrases d’un ensemble de réactions, d’abord plongé dans ses souvenirs, puis amusé, riant même d’avance à la suite de l’histoire. "Cet imbécile venait d’apprendre l’existence du Henge et craignait que je ne sois pas son véritable frère, mais un inconnu ayant pris son apparence…" Marquant un temps d’arrêt il continua. "C’est là que j’ai eu l’idée des marques pour le rassurer. C’était une sorte de preuve de mon identité et Yukio fit de même en se gravant un "H". Je continus à recreuser régulièrement les traits pour les tenir vifs…" Le regard du jeune homme sembla se perdre dans l’immensité de ses souvenirs et les mots sortirent sans qu’ils ne les contrôlent. "Avec le temps et les … évènements. Elle est devenue le symbole de bien d’autres choses. De manière générale, je dirais qu’elle représente une promesse… Celle d’être toujours là l’un pour l’autre." Faisant s’abattre rapidement ses paupières afin d’écarter ses rêveries, il retrouva le regard d’Honoka. En lui souriant timidement il conclut "En bref, c’est un peu un lien entre lui et moi… Une marque stupide, mais pourtant riche de sens."

Hayato ne parvenait plus à effacer son sourire, ses souvenirs lointains, bien que parfois liés à des histoires aux demeurants dramatiques, lui semblaient alors être de précieuses pépites. Il devait sans doute paraitre comme perdu dans ses pensées et cela n’était guère loin de la réalité. Son frère et lui avaient traversé bien des épreuves pour en arriver à ce jour. Seule véritable ancre dans la vie d’Hayato, il ne pouvait imaginer un futur sans sa présence. Le jeune homme s’étonnait lui-même de son honnêteté, il ne lui semblait pas avoir encore raconté cette histoire à quiconque auparavant. Pourtant, il n’en avait pas ressenti de particulière gêne à son évocation… du moins dans l’immédiat.  Le temps passant il se trouvait alors un peu stupide, d’autant plus que sa réponse avait fait suite aux révélations bien moins enchantées d’Honoka sur son passé. Ravalant un peu son sourire et terminant machinalement sa cigarette il voulut rouvrir la conversation. "Je pourrais t’en dire davantage si tu le souhaites… mais je m’attends à en apprendre davantage sur toi également en retour." Il ne pouvait pas encore s’imaginer déballer l’ensemble de sa vie sans retour équitable. Donner une apparence d’échange d’informations, devait sans doute paraitre plus simple pour lui, qui était d’un naturel méfiant.

Donnant, donnant hein ?

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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


C'était surprenant comme le sourire d'Hayato paraissait indécrottable de son visage, au point qu'il aurait été facile de douter de sa sincérité. Seulement, le regard qu'il me portait était identique au mien lorsque je me voyais dans une glace. Il avait dû avoir par le passé son lot de difficulté, sans doute différentes des miennes bien sûr, mais la similarité de son expression me faisait penser à mes propres troubles qu'il résuma assez bien par "une vie de shinobi". D'ailleurs, je ne pus avoir comme seule réponse un haussement d'épaules un peu désabusé comme si je ne faisais que confirmer ses propos. Une vie de shinobi... un peu vie de merde à y réfléchir, ingrate, cruelle, peut-être plus pour certains que d'autres. Moi, je n'étais pas née sous la bonne étoile, les dieux ne m'avaient pas insufflé le don de mon clan et les shinigamis semblaient prendre un malin plaisir à simplement me frôler de leurs doigts glacés.

Ce fut alors qu'il me demanda si je n'étais pas mal à l'aise vis-à-vis de son interrogatoire. Bizarrement, cela me fit sourire, un petit sourire jaune en coin parce que la dernière fois que l'on meut posé autant de questions, c'était peu de temps après ma sortie du coma. Les pontes de Suna étaient désireux de clore l'enquête de ma mission avortée, d'éclaircir les zones d'ombres et de vérifier que je ne simulais pas, que je bossais pas pour l'ennemi. Cela m'avait valu quelques baffes dans la gueule. Sympas comme retour parmi les vivants, hein? Je secouais alors négativement la tête pour lui signifier qu'il n'y avait aucun problème à cela, avant de lui tendre un petit message complémentaire.

" T'es le premier à t'intéresser autant à ma vie. "

C'était un fait. La plupart évitaient de poser des questions, parfois en pensant que cela pouvait me faire du mal, parfois parce qu'ils en avaient tout simplement rien à cirer. Du coup, c'était un peu surprenant pour moi. Mais puisqu'on jouait à ce jeu de "raconte-moi ta vie", je me permis d'en faire de même en repensant à notre entrainement. Je posais donc mes fesses contre la table de mon établi, croisant les bras avec la clope au bec. C'était à mon tour de l'écouter avec attention, de l'observer lui et sa singularité. Je ne le connaissais que depuis... deux jours? Pourtant, il riait, souriait presque comme un petit garçon à l'évocation de tous ces souvenirs. Je trouvais ça.... touchant et surprenant chez lui. Il semblait bien plus sentimental que les apparences le laissaient croire, surtout pour un Nozomo. Je supposais qu'il devait pas montrer ce visage à beaucoup de monde, je devais être en quelque sorte une privilégiée. Est-ce que je le méritais? Pas certaine. Les relations sociales n'avaient jamais été mon fort. J'avais plutôt la capacité à attirer le mépris que le contraire, sans doute à cause de mon indifférence sur à peu près tout les sujets. Pourtant, depuis peu, il semblait que je ne cessais de croiser des gens qui semblaient m'apprécier un peu. Encore une fois, je ne savais pas pourquoi... et surtout je ne le cherchais pas. Ma capacité d'écoute peut-être. Sans doute. Il fallait dire que j'avais l'avantage de pas pouvoir couper la parole.

Lorsqu'il m'expliqua que sa marque était devenu un symbole, un sourire en coin se dessina. Je pris mon carnet.

" C'est pas stupide. C'est mignon. Si c'est important pour vous, c'est tout ce qui compte. "

En matière de symbole, j'étais pas la mieux placée. À ma ceinture, il y avait toujours ma petite amulette en forme d'Ichibi... même si avec le temps, mes mains l'avaient tant manipulé que l'on distinguait à peine les traits d'un tanuki. Il fallait dire que je l'avais depuis que j'étais gosse, mon porte bonheur, vestige de mon passé Kaigan.

Je ne savais pas si l'apparente jovialité de mon camarade était contagieuse, mais je me mettais à sourire à mon tour lorsqu'il négocia notre échange. Des histoires contre d'autres, c'était beau jeu. Toujours les bras croisés, je me mis à réfléchir, levant d'abord la tête vers le plafond comme si cela pouvait me donner des idées, puis mon regard se tourna vers Itori qui prônait dans le coin... puis je matais ma ceinture. Je coinçais ma clope entre mes lettres puis défis lentement l'amulette de bois qui y était ficelée. Elle me paraissait toute petite maintenant dans mes mains d'adulte et je ne pouvais nier que je la contemplais avec une certaine nostalgie, un peu de tristesse aussi. Brutalement, je la lançais en direction d'Hayato, puis je repris mes notes.

" C'est mon symbole à moi. "

Puis je commençais à écrire un peu plus que d'habitude avant de m'avancer vers lui pour présenter mon message.

" Quand j'étais gosse, je crois me souvenir que je chouinais beaucoup. Un gamin m'a refilé ça pour me rassurer à me disant que ça me protègerait. Je suppose que j'y ai cru tout au long de ma vie. Lorsqu'on m'a abandonné dans le désert quand j'étais gosse, mon vieux m'a dit que je le tenais fermement entre les doigts, assise dans le sable, brûlée par le soleil et en manque d'eau. Il m'a dit qu'on aurait dit que j'attendais la mort elle-même jusqu'à ce qu'il arrivât. Je suis à peu près certaine que la gamine que j'étais a dû croire que c'était mon amulette qui avait permis à mon vieux de me trouver. "

Lentement, je me permis de lui reprendre délicatement des mains mon gris-gris pour le rattacher à ma ceinture, puis j'entamais une autre page.

" Il parait aussi que lorsque l'on m'eut trouvé après mon accident, je l'avais aussi dans l'une de mes mais. Peut-être que ça m'a sauvé cette fois-là aussi. Va savoir. "

En tout cas, il y avait un adage qui disait "jamais deux sans trois". J'avais pas tellement envie de vérifier si c'était vrai ou si ma chance tournerait à ce moment-là. Bref, je finis par porter mon regard sur Hayato avec un sourire en coin. A son tour.

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RENDRE LE BOIS DUR, MAIS RESTER SOUPLE. [PV. SHIROGANE HONOKA]

Une petite note tendue vers lui et quelques mots. Il était le premier à lui manifester autant d’intérêt ? Était-il donc si bizarre ? Tout lui avait semblé naturel ici, il s’en surprenait lui-même. Mais peut-être que ce naturel n’était pas normal. Pourtant, à en juger par les réactions de sa camarade, ça ne semblait pas négatif non plus. À mesure que la conversation avancée, sur leurs visages les sourires se figeaient… Seulement remplacé par quelques réactions directes aux propos de l’autre. Celle-ci semblait attendri par son histoire, il l’avait d’ailleurs inconsciemment délestée de tous ses aspects négatifs… Ne gardant en tête que le lien les unissant.

Une nouvelle note, une nouvelle phrase courte, qui exprimait la compassion qu’il avait devinée chez elle. Ça n’était pas stupide, c’était "mignon"… Un soupçon d’orgueil vint lui titiller l’échine, le faisant se redresser.

Mignon …

Il était vexé, mais ça n’était que de surface. Comment lui en vouloir ? Comment nier l’indéniable ? Forte heureusement il n’avait pas ressenti le moindre jugement de sa part… Sinon sa réaction aurait pu être bien différente. Bien au contraire, un sourire en coin, elle semblait y trouver un écho… Un *pouf* fit redescendre Hayato dans le monde des vivants. Suivit d’une petite sensation de picotement sur le front et dans ses mains une petite amulette venait tout juste d’atterrir. Le lancer avait été soudain, inattendu et sans doute dosé avec un peu d’empressement. Aussi le jeune homme ne s’était pas attendu à recevoir pareille attaque… Alors qu’il découvrait l’objet, il prononça tout de même un "Aïe…", plus par principe que par douleur.

Le bijou, bien qu’un peu usé, marqué çà et là par le temps, prenait la forme d’Ichibi, le démon à une queue. Créature à la puissance phénoménale, à laquelle aucun ninja ne pourrait résister seul. Peut-être même que le village au complet ne suffirait pas à le dompter. Sans doute en réalité.

La main tendue d’Honoka lui présentait une nouvelle note, c’était donc son "symbole". L’air amusé Hayato regardait la petite figurine, alors que celle-ci s’affairait en la rédaction d’un message bien plus long… À en juger par son aspect, il avait dû traverser le temps, il était amusant d’imaginer que chacun possédait son propre symbole. Marqueur d’un espoir, d’une promesse, d’un passé auquel il voulait se rattacher. C’était finalement très humain… Créé de toutes pièces un lien avec un objet inerte, un symbole, une pensée, un lieu. Une manière d’évacuer les doutes, les questions sans réponses en les enfermant dans son "symbole".

La nouvelle note arriva enfin entre ses mains, le message était long. Mais l’écriture soignée d’Honoka le rendait facilement lisible. Hayato faisait danser son regard entre la feuille et l’artefact, le petit bijuu était donc son protecteur livré par un jeune garçon dans son enfance. Elle l’avait gardé avec elle tout ce temps et en était venue à lui attribuer des pouvoirs. Le bijuu la protégeait de la mort, il éloignait la faucheuse qui semblait pourtant avoir voulu déjà déposer de nombreuses fois son funeste baiser sur ses lèvres. Alors qu’elle reprenait délicatement l’amulette de ses mains pour le placer à sa ceinture, Hayato regardait à nouveau le pensement qui cerclait son cou.  

C’est sûr qu’après avoir survécu à pareille blessure, ça donne envie d’y croire

Comme pour confirmer ses pensées, Honoka lui adressa une nouvelle note. Elle avait été retrouvée tenant fermement son artefact… S’éclaircissant la voix, il lui adressa quelques mots. "Abandonné dans le désert hein ? À croire que c’est une habitude par ici. J’ai un peu de mal à t’imaginer en train de chouiner… Mais j’imagine que le temps t’a endurcie. Tu fais bien de le conserver avec toi, après tout… Si jamais c’était vrai. Alors pourquoi s’en priver ? "

Le cerveau d’Hayato s’emplissait de questions… Elle avait été abandonnée, mais d’où venait-elle ? Qui était le mystérieux garçon ? Se souvenait-elle de lui ? Comment s’était passée sa transition dans le village ? Pourquoi diable son histoire ressemblait étrangement à celle de son frère et lui ?

C’est peut-être parce qu’il n’y a pas d’autre moyens pour pouvoir accepter de se retrouver dans ce village que d’être abandonné ?

Alors qu’il s’apprêtait à redémarrer ses questions, il croisa le regard d’Honoka. Celle-ci le regardait droit dans les yeux, le sourire aux lèvres… Restant dans un "mutisme" pesant. Son regard parlait pourtant pour elle… C’était à son tour de se confier… Après avoir poussé un léger soupire, il s’exécuta néanmoins. "Puisqu’on parlait d’abandon… Autant rester dans le même registre ! " Un léger rire, bien que franc était venu accompagner sa petite intervention.  Il n’en portait plus de réelle rancœur… De toute façon ils avaient payé leurs dettes… "Avant d’être recueilli…" Il mimait alors des guillemets avec ses doigts… "…par les Nozomo, Yukio et moi vivions au sein d’une tribu nomade qui parcourait le désert. " Il songea un temps s’arrêter à cette conclusion, la suite lui semblant tellement évidente. Mais bon … Il fallait jouer le jeu. "Des bandits, qui font désormais partis du clan, ont attaqué notre caravane. Pour la survie de la tribu, nos parents ont essayé de négocier la vie de leurs enfants contre celle des membres…" Haussant les épaules, il continua. "C’est comme ça que nous sommes devenus des Nozomo… Enfin plus ou moins, ce n’est pas l’avis de tout le monde." Etendant ses bras afin de faire craquer ses doigts il ajouta en points d’orgue "Finalement, la tribu s’est fait massacrer malgré tout et nos parents sont très probablement morts là-bas. Après avoir vendu leurs enfants."


Faisant ressortir légèrement ses lèvres en une moue étrange, Hayato épiait les réactions de la chunin. Il était alors soucieux de pouvoir recueillir ses réactions faciales à défaut de les entendre. Dans le même temps, il pensait d’ores et déjà aux questions qu’il pourrait poser… Mais… C’était peut-être moins drôle finalement ? Retournant finalement sa politesse, il se contenta de s’engoncer dans sa chaise et d’attendre les bras croisés, la fixant du regard. Puis si le temps lui avait semblé long, elle pourrait toujours s’affairer à autre chose… Cependant, l’idée l’attristait… Bien que d’une certaine manière inconfortable, cette conversation semblait prendre des allures de parenthèse enchantée.

Deux personnes qui discutent normalement… Quoi de plus bizarre à Suna ?

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Parfois je me surprenais à me demander ce que les gens pouvaient bien penser de moi, ou plutôt ce qu'il pensait savoir de moi. Non pas que cela m'intéressait spécialement, mais j'étais généralement assez surprise par l'idée que les autres pouvaient de faire d'autrui. Moi y compris. Il était assez facile d'imaginer ce que les regards noirs se plaisaient à se confectionner dans leur petite tête, des clichés, des premières impressions. Il était toujours plus facile de s'inventer un monde ou une image d'une personne que de connaître la réalité de la chose, à savoir que nous étions tous un peu pareil. Nous avions des rêves, des ambitions, des aspirations, nous étions capables d'aimer comme de décevoir, de haïr ou d'agir bêtement pour des raisons qui échappaient aux évidences. Du coup, lorsque Hayato me déclara qu'il n'arrivait pas à me représenter en petite fille pleureuse, je ne pus retenir un petit rire. Il fallait dire que je ne le fus pas trop longtemps non plus, on ne me le permit pas.

Et pourtant, dans un passé éphémère et que je commençais à oublier, non pas à cause de mes épisodes amnésiques mais bel et bien par la force du temps, j'avais été une petite fille presque normale, levant la tête vers les étoiles et écoutant les paroles d'un petit garçon rassurant qui m'évoquait un chemin à suivre si je me perdais en chemin, une petite fille qui rougissait lorsqu'on lui offrait une fleur à la couleur de ses yeux, une petite fille qui s'émerveillait du doux parfum rassurant de sa mère et de la chaleur de sa main sur ses cheveux. Tout ça n'était plus que des éclats de verre brisés, de la poussière de rêve, un rêve où j'aurais pu être tout autre. Mais quelle importance aujourd'hui. Les "si" ne faisaient pas avancer. Les regrets non plus.

Je m'allumais une cigarette au moment où mon camarade entama une nouvelle anecdote, et je croisais les bras pour l'écouter avec attention. C'était impressionnant de se dire que les vieux claniques avaient réussi à rassembler autant de nomades pour créer Suna, car si j'en fus une, les frangins Nozomo aussi. C'était assez symptomatique des gens du désert visiblement. Mais cela trahissait aussi que la population de notre village était constituée de beaucoup de paumés, d'enfants perdus, de vendus... Cela faisait un peu pitié quelque part. En tout cas, il me semblait un peu comprendre le lien qui unissait si fortement les deux frères, ou tout du moins, je crus le comprendre. Je n'avais pas la prétention de réellement savoir puisque je n'avais pas de famille mais puisqu'ils avaient tout traversé ensemble, il me semblait logique que de croire qu'ils étaient habitués à ne compter que sur eux, même au sein de leur "famille" d'adoption.

On se regardait alors quelques instants, yeux dans les yeux comme si une conversation silencieuse avait lieu entre nous, entre deux bouffées de ma clope, je réfléchissais. Je réfléchissais à ce que je pouvais dire ou ne pas dire, certaine vérité ne méritait pas d'être énoncée... mais peut-être que je pouvais apporter quelques corrections à ma propre histoire. Coinçant ma cigarette du bout des lèvres, je finis par me résoudre à reprendre mon carnet pour y noter quelques mots.

" Tu as un avantage sur moi, c'est que tes parents ont eu l'espoir d'essayer de vous offrir un avenir meilleur. C'est pas rien, même si ce fut totalement foireux. "

Je lui montrais mon premier message avant que je reprisse mon crayon.

" Je t'ai dit avoir été abandonnée, mais en vrai, le terme aurait dû être sacrifiée. Ma famille d'origine était pieuse, mon père surtout. Pour une raison ou une autre, il avait été décidé que ma mère et moi serions un sacrifice acceptable pour les dieux du désert. On nous y avait laissé comme offrande. Visiblement les dieux ont accepté ma mère, moi on m'a envoyé un Shirogane.  "

Mon vieux Yukio, mon père, le seul que je pouvais reconnaître comme tel, tentant vainement de faire de moi une petite fille comme une autre jusqu'à comprendre que je ne le serais jamais vraiment. Une poupée brisée, des illusions envolées. Je me demandais s'il s'en voulait de pas avoir réussi à me "réparer", et d'autrefois, j'avais cru voir en lui de la culpabilité, de la culpabilité dans les mensonges ou plutôt les omissions sur ma propre histoire. Je savais qu'il ne me disait pas tout et je n'avais jamais fait l'affront de creuser pour savoir. Puis j'eus comme une illumination d'un coup, et je me remis à écrire.

" Dans mes rares histoires mignonnes, je me souviens du jour où mon vieux a décidé de ma date d'anniversaire. Je n’étais pas muette quand j'étais gosse, mais je parlais pas beaucoup, et il avait même eu du mal à me faire dire comment je m'appelais. Par contre, un jour, il m'avait demandé quel était ma date d'anniversaire. J'étais restée un peu conne parce que je ne la connaissais pas. On fêtait pas ce genre de chose dans mon ancienne famille. "

Je lui tendis mon message alors que je me mis à sourire un peu.... un souvenir... un très vieux souvenir semblait refaire surface, un agréable pour une fois. Je me rappelais que nous n'étions pas dans la région, on traversait une forêt qui me donnait l'impression d'être en feu, tous les feuillages étaient rouges et dorés, et je trouvais ça très beau je crois.

" Ne me demande pas pourquoi, mais il s'était cassé la tête à trouver le jour idéal qui me conviendrait. Il voulait que cela signifie quelque chose et que cela soit facile à retenir. Personnellement, je n'en voyais pas l'importance. Il a eut son illumination lors d'un voyage de retour vers Suna, on avait traversé une forêt et je l'ai entendu brusquement s'écrier : le 22 septembre, le premier jour de l'automne. Ce sera ça ta date d'anniversaire. "

J'eus un nouveau petite sourire alors que je revoyais sa tête de vieil âne tout fier de lui et de son idée.

" Je ne comprenais pas la raison mais il avait fini par me dire que lorsque je regardais les feuilles tombées des arbres, je lui avais donné l'impression d'être heureuse dans ma contemplation et on se devait d'être heureux le jour de son anniversaire. "

Je me mis à remuer la tête négativement comme si je le pensais stupide. C'était un peu vrai, je n'avais jamais trop saisi le rapport et j'avais toujours trouvé l'idée saugrenue, mais il s'évertuait de me faire plaisir à chacun de mes putains d'anniversaire comme si j'étais une gosse. Je finis par écraser mon mégot de cigarette et quittait enfin le comptoir sur lequel je me reposais. Là, je m'en retournais vers l'arc pour vérifier si le moule avait bien pris et une fois assurée que c'était le cas, je commençais à procéder pour le déloger doucement de là, tout en tendant l'oreille à Hayato s'il souhaitait continuer la conversation. Bizarrement, je commençais à m'habituer à sa présence.

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Rendre le bois dur, mais rester souple.


Honoka avait accueilli ses réflexions en poussant un petit rire franc, qui, par les sons qu’il émettait semblait douloureux. Pourtant, Hayato ne s’y était pas attardé, appréciant le moment de complicité qui s’était depuis quelques minutes installé dans le petit atelier. Il en avait presque oublié le motif de sa venue : une commande auprès d’un artisan. Comment une rencontre professionnelle avait-elle pu autant dévier de sa trajectoire ? Il l’ignorait et s’en moquait éperdument.

Quand il eut fini son laïus sur l’origine des deux frères, un petit silence était venu s’installer dans la pièce. Les yeux d’Honoka étaient ancrés dans les siens, sans doute était-elle plongée dans ses propres souvenirs. À cet instant, comme lors de leur première rencontre, Hayato discernait au fond des prunelles de la kunoichi une profonde tristesse. Qu’il était désormais capable d’appréhender plus pleinement. Par automatisme il avait porté la main à son paquet et s’était allumé une énième cigarette, et alors qu’il aspirait la première bouffée, il réalisa que celle-ci lui était désagréable. Il n’en avait aucune envie… Alors pourquoi ? Un rapide coup d’œil à sa camarade lui avait apporté une réponse insatisfaisante.

Foutu mimétisme social

Alors que le junin pestait intérieurement contre ses propres faiblesses d’homme. Honoka s’était de nouveau emparée de son carnet et avait commencé à gribouiller quelques mots. Une première note courte atterrit dans les mains du garçon. La lecture de celle-ci, lui avait arraché un hochement de sourcils. L’espoir de leur offrir un avenir meilleur ? Il n’avait encore jamais envisagé la chose sous cet angle… Encore enfant, peut-être avait-il jugé trop vite les actes de ses parents ? Ils auraient voulu offrir une chance à leurs enfants en les vendant aux Nozomo ? Ça lui semblait pourtant difficile à croire. La logique aurait voulu qu’ils sacrifient la tribu pour protéger leurs enfants, pas l’inverse. À moins que ceux-ci n’aient deviné la suite ? Et s’ils l’avaient deviné … Auraient-ils sacrifié leur vie et celle de la tribu pour sauver leurs deux enfants ?

Bien que réconfortante, l’image n’en restait pas moins immatérielle, inatteignable ; en bref, impossible. Peut-être pourrait-il questionner les anciens sur son origine… il n’en avait jamais eu le courage. Cachant sa peur de la vérité sous un voile de jugement acerbe à l’encontre de ses géniteurs. Est-ce que la question intéresserait Yukio ? Il devrait peut-être lui en faire part également.

Secouant activement la tête pour écarter ses pensées, Hayato se reconcentra sur le second bout de papier qu’Honoka lui avait tendu quelques secondes plus tôt. Une sombre histoire de sacrifice… de dieu du désert… Encore une fausse réalité créée de toutes pièces pour apaiser les inquiétudes des hommes. Mais au moins, la petite figurine et sa marque, elles, ne faisaient de mal à personne et n’étaient pas créatrices de sacrifices sanglants. En totale confiance Hayato, après avoir recraché un épais nuage de fumé, toujours aussi désagréable dans sa gorge, avait confié ses réflexions instinctives.

"Certains ne trouvent leur réconfort que dans la souffrance et le sang d’autrui… Ce sont des malades comme eux qui ont mis au point des croyances aussi sanguinaire. Toutes mes condoléances pour ta mère." Sans doute, Honoka n’aurait que faire de ses hommages, mais il n’avait pu se retenir… Si jamais cela pouvait apaiser un peu sa peine. Pourquoi pas ?

Sans attendre, une nouvelle note s’était retrouvée dans ses mains. Une histoire plus douce, qui tranchait avec les souvenirs que les deux nouveaux amis exposaient jusqu’alors. Un choix de date pour son anniversaire… L’anecdote avait même arraché un sourire à la kunoichi. Hayato avait calmement attendu les notes suivantes qui poursuivaient l’histoire… il était attendrissant de la voir ainsi et même au travers de son écriture, fine et appliquée, Hayato croyait pouvoir discerner une certaine émotion. Une main un peu moins stable ? Une écriture plus ronde ? Il ne saurait dire… Le jeune homme ne put se retenir de pouffer à la lecture de la petite parenthèse enchantée.

"C’est une vraie chance que tu es pu trouver un homme bon, comme semble l’être ton père." Tirant une nouvelle bouffée, il recommença tout en expirant sa fumée "Si tu veux mon avis… l’idée de te trouver une date d’anniversaire n’avait été qu’un prétexte pour lui.  Lors de l’anniversaire de quelqu’un on peut se permettre de laisser tomber les masques pour se dévouer à l’autre. Le choix de la date… C’était juste pour rendre le truc crédible." Du vécu ? Peut-être bien.

"Le 22 septembre hein ? Je note." Il accompagna la réflexion d’un tapotement de son index sur sa tempe. "C’est une bonne chose de savoir apprécier les choses simples… La chute des feuilles… C’est un beau spectacle. Personnellement je passe des heures à regarder les poussières voleter dans les rayons de soleil qui transpercent la fenêtre de notre chambre." La tête en l’air, il ajouta d’un air résigné "De toute manière, il n’y a pas grand-chose d’autre à contempler par ici… À part le sable évidemment."

L’anecdote d’Honoka rentrait directement en résonance avec le passé du jeune homme. Par "chance", Hayato était déjà suffisamment âgé pour ce souvenir des deux petites dates qui marquaient la naissance de la fratrie. Et tout comme son père avec elle, il avait toujours essayé de rendre son frère … moins malheureux. Il pensait d’ailleurs y être plutôt bien parvenu, même si certaines choses resteraient pour l’éternité indélébile. L'anniversaire de son frère, n'était qu'un prétexte comme un autre, pour une journée loin de leur vie quotidienne. En sus, les révélations de sa camarade lui avaient ramené en tête un lointain souvenir… Enfoui depuis bien longtemps, mais qu’il n’avait pourtant jamais oublié.

Voyant Honoka s’éloigner en direction du moule, Hayato s’était demandé s’il devait continuer ou non cet étalage de souvenirs. Visiblement oui... Puisque déjà il rouvrit la bouche "Je n’ai que peu de souvenir de ma vie d’avant… Avant les Nozomo. Je resitue quelques visages, quelques souvenirs mais globalement tout me semble flou, comme s’ils étaient les souvenirs d’un autre. Je me rappelle que notre tribu possédait quelques animaux d’élevage et que je passais beaucoup de temps avec eux…"

Pas très croustillant comme souvenir…

"Si tu veux j’ai une information quasiment secret-défense me concernant…" La main sur le menton et le coude sur son genou, il attendit de pouvoir apprécier la réaction de sa camarade, sourire sur les lèvres, avant de continuer. "Hayato n’est pas mon prénom de naissance. C’est le clan qui m’a renommé ainsi. En réalité je m’appelle Humiya Imin." Se laissant le temps d’apprécier l’effet de sa révélation, il précisa tout de même. "Bon ce n’est pas vraiment un secret… c’est plutôt que je n’avais jamais trouvé l’occasion de le partager. Je ne pense pas que beaucoup de Nozomo s’en souviennent … Donc avec toi, il doit y avoir… mhhhh… Peut-être cinq personnes au courant ? Voir moins à vrai dire."

Le constat était triste de réalité… Et encore, sur les cinq... trois étaient probablement des membres anciens de son clan. Il avait pensé un temps révéler le prénom de son frère… Mais à la réflexion faite il s’était ravisé. Celui-ci devrait rester libre de l’exprimer ou non. S’arrachant finalement de sa petite chaise de bois, Hayato avança calmement en direction d’Honoka. Ce plaçant non loin d’elle, mais à distance respectueuse pour ne pas se montrer handicapant durant son travail. Il observait le processus de moulage, un poil inquiet à l’idée de retrouver son arc dans un état… différent ?

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Shirogane Honoka
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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


Je n'avais pas d'idée spécialement arrêtée sur la religion, après tout, j'avais été élevée par des Kaigan et je n'avais jamais oublié les rituels qui étaient les nôtres envers Shukakku. C'était peut-être l'un des seuls vestiges que j'avais conservés de cette vie, cette sorte de foi curieuse en cette créature jamais aperçue, le dieu du désert, de sable et de tempêtes. On nous avait bourré le mou en nous prétendant être des élus, que nous étions ses enfants et héritiers, qu'il nous fallait l'honorer par le sang et l'abnégation. Mais lorsque vous vous rendez compte que la bénédiction de votre dieu ne vous avait pas atteinte, que vous ne pourrez pas être l'une de ses guerrières... je me rappelais pas exactement ce que j'avais ressenti quand j'étais gosse. De la déception peut-être.. ou bien j'avais agi comme une enfant tout simplement, et prier encore et encore pour être entendue... faire comme on m'avait appris et expliqué, regarder le sable, regarder mes mains pour qu'ils se confondissent. J'avais sans doute espéré que mon corps se désagrégea pour faire partie du désert et être l'élue qu'on attendait de moi. Et puisque je ne pouvais être la louve, je devenais l'agneau. Je lavais mon honneur et mon impureté par un sacrifice consenti.

Pourquoi je priais encore ? Je me le demandais. Une habitude. Un rituel. Ou peut-être que je me considérais toujours comme un agneau à sacrifier. Mais j'avais été rejetée : par mes semblables, par mon dieu, par mes pairs... Fallait pas s'étonnée si je n'attendais rien de la part des autres, je n'en attendais sans doute pas non plus de moi-même. Mais en tout cas, je trouvais surprenait que le Nozomo eut la prévenance d'évoquer ses condoléances. C'était bien le premier. J'eus un petit sourire en coin. C'était vraiment un drôle de type.

Lorsqu'il me donna son avis au sujet des manigances de mon père, je fis une petite moue. Je me doutais que cela devait être un prétexte, le vieux était un sentimental bien planquée. Il assumait pas et je le savais. Je m'en amusais d'ailleurs assez souvent. Par contre, lorsque Hayato mentionna qu'il n'y avait rien à contempler à Suna, je me mis à pencher la tête sur le côté d'étonnement. Je pris mon carnet et lui tendit une petite note.

" Il y a de nombreuses choses à contempler, tu ne sais simplement pas où poser tes yeux. "

Je trouvais cela assez révélateur qu'il mentionna le fait qu'il aimait observer la poussière danser dans les rayons du soleil qui traversaient sa fenêtre. Peut-être qu'à ses yeux, il n'y avait rien à vraiment voir au-delà. Je pouvais comprendre. Ironiquement, moi j'avais toujours le regard tourné vers l'extérieur : le ciel, ses nuages, ses dunes, l'eau qui tremblait sous les soupirs du vent, une simple fleur qui était arrivée à pousser malgré toutes les contraintes dans un coin comme Suna... Notre village avait poussé dans le sable, c'était un fait, mais il y avait tant à voir. Peut-être que je devrais l'emmener trainer dans les vieilles ruines du côté des plaines, mais pas sûre que cela lui plairait.

Laissant cette pensée de côté, peut-être pour le jour où nous nous connaîtrions mieux ou qu'on eut du temps à tuer, je m'en retournais à mes travaux originels. Je me mis à défaire précautionneusement le moule de l'arc de mon camarade, à la fois pour ne pas abimer l'arme, mais aussi le fruit de mon travail. Pendant que je martelais le plâtre, je l'écoutais avec attention.... jusqu'à ce qu'il me parlât d'un secret. Je n'étais pas curieuse de nature, pas pour ce genre de chose en tout cas, mais je me surpris à un haussement de sourcil d'intérêt en me tournant vers lui.

Il avait donc un autre nom. C'était curieux comme finalement les Nozomo et les Shirogane pouvaient se ressembler. Certes, moi ce ne fut que mon nom de famille, mais l'idée d'une nouvelle nomination, c'était un peu entrée dans une nouvelle vie.

" Humiya... Imin. "

Je me surpris à le dire à voix haute, avant de faire une petite moue.

" Joli nom. "

Je trouvais que ça sonnait bien, ou j'en aimais bien la sonorité. C'était plus tendre que Hayato Nozomo, peut-être la raison pour laquelle on lui avait donné un nom pour que cela fît plus guerrier. Maintenant je faisais partie du club des privilégiés. Je m'étonnais encore à cet instant de l'étrange facilité avec laquelle on se livrait à ce jeu de souvenirs. C'était surtout la première fois que je "causais" autant.

Alors que je tapotais le plâtre, je finis par entendre un petit "crac" caractéristique qui me fit sourire. Tout doucement, j'ouvris le moule en deux, délivrant l'arme de mon camarade. J'avais enfin l'empreinte exacte de l'objet. Il me manquerait plus qu'à faire un moulage nouveau à partir de cela pour créer le prototype de protection voulu. Avec ce moulage, j'étais assurée que cela soit facile à poser et exactement aux bonnes dimensions.

D'un geste délicat, j'ôtais l'arc qui apparut un peu blanchi, mais sans être inquiète je me levais pour aller chercher un chiffon. Je commençais à le nettoyer et cela partit tout seul. Prévenante, je me permis même de lui donner un petit coup de protection pour le bois, par déformation professionnelle.  Lorsque j'eus finis, je le tendis à Hayato.

" Comme neuf. "

Sur ces mots grésillés, je me pris une nouvelle clope mais je ne l'allumai pas encore. Je me contentais de la coincer entre mes lèvres et occupait mes mains à me saisir de mon carnet pour écrire quelques mots.

" Je dois faire un moule sur lequel travailler la sculpture de tes embouts. Cela me prendra sans doute deux ou trois heures d'obtenir quelque chose de satisfaisant. Je pourrais te le présenter à tes prochains moments de liberté pour avoir ta validation. "

Je lui tendis le message pour en enchainer un nouveau.

" Après ton aval, j'irais voir un forgeron pour choisir un bon métal. Il faudra que tu reviennes avec ton arc et que tu me le cèdes pour une heure au moins, le temps que je te bricole le tout dessus. "

Je comptais bien lui faire un travail propre, mais je souhaitais pas non plus lui accaparer tout son temps. Il devait avoir bien mieux à faire qu'à me mater bosser. À moins qu'il voulût faire de la sculpture ? Il n’avait pas trop la tête à ça. Puis posant mes mains sur les hanches, je me rendais compte que j'avais même pas un truc à lui proposer à boire s'il devait partir. Je repris mon carnet.

" Je voulais te proposer un truc à boire, mais j'ai que dalle ici. J'espère que tu m'en voudras pas. "

C'était pour le principe. Après tout, après tant de bavardage, on méritait bien un verre... d'eau bien sûr.

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Nozomo Hayato
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Rendre le bois dur, mais rester souple.


Beaucoup de choses à contempler hein ?

Intérieurement le jeune junin listait l’immensité de vide dont était composée Suna. Vide de vie, vide de bonheur, vide d’argent… Évidemment ça n’était qu’une pirouette intellectuelle, il savait pertinemment ce que sa camarade voulait dire. À trop contempler les immensités, comme les petites choses, le jeune homme se retrouvait souvent perdu dans ses pensées. C’était toujours dans ses petits moments, qui devraient normalement être agréables, supposait-il, qu’une profonde anxiété remontait le long de son œsophage. Ses démons, ses pensées macabres, ses souvenirs douloureux… Tous étaient d’ordinaires reclus en son for intérieur et profités de l’ouverture pour l’accabler de leurs sentiments autodestructeurs. Combien de fois avait-il souhaité la mort de ses ainés ? Combien de fois avait-il envisagé l’espace de quelques secondes de recourir à ses dons pour venger ses peines ? Non. Définitivement, il était bien plus confortable pour lui de focaliser ses pensées. Ne jamais laisser le vide s’inviter en lui.

C’était quelque chose d’intuitif, mais le moment de complicité qu’il partageait alors, lui fit réaliser toute la lourdeur que représentait pareille habitude. Tout semblait si simple ici, le cœur ouvert, laissant les souvenirs s’échapper sans craindre de les voir lui revenir en pleine face… Les yeux rivés sur le moule qu’Honoka martelée habilement. Il continuait encore et encore à laisser les mots s’échapper de lui.

Il était heureux de constater que sa révélation avait eu son petit effet. Arrêtant même sa besogne pour l’écouter attentivement, Honoka avait simplement répété ses dires de sa voix grésillante. Il fut lui-même surpris par les émotions qui l’avaient alors parcouru. Depuis combien de temps personne ne l’avait appelé ainsi ? Même entre frères, ils n’utilisaient pas leurs vrais noms… Synonyme d’un passé oublié. Cette impression était … bizarre ? S’adressait-elle à lui ou bien au petit garçon naïf, passant son temps auprès des animaux et chouchoutant son frère ? Avait-il réellement tant changé ? Ou bien n‘était-ce que ça propre perception de son être qui avait évolué avec l’âge ? Il n’en savait fichtrement rien et n’avait de toute manière pas eut le temps d’y réfléchir davantage, puisqu’un *crac* avait attiré toute son attention.

Mon arc…

Levant les yeux vers la Shirogane, il l’interrogeait du regard "était-ce normal ?"… Mais celle-ci était bien trop occupée à extraire l’arme de son moule pour lui répondre. Découvrant finalement que son outil était encore en parfait état, bien que blanchi par le plâtre. Le jeune Nozomo avait laissé s’échapper un léger soufflement. Sa camarade avait poussé le vice jusqu’à recouvrir son arc d’un drôle de liquide à l’odeur forte et incommodante. Il brillait un peu, comme lustré… Jamais il n’avait paru aussi rutilant.

Tu vas sentir mauvais… Mais tu n’as jamais été aussi beau !

Enfin, Honoka lui avait tendu le chef-d’œuvre en devenir. Le faisant glisser entre ses doigts, appréciant la sensation plus lisse offerte par l’après. Il se lança dans quelques nouveaux remerciements hasardeux. "Merci encore pour tout le mal que tu te donnes. Tu sembles vraiment dans ton élément ici… D'ailleurs, on en pas encore discuté mais… Est-ce que tu voudrais un paiement ? Je roule pas sur l'or, mais tout travail mérite salaire. À moins que tu es une autre idée en tête ? Un coup de main pour quelque chose… Ce que tu veux."

En réponse, elle lui tendit quelques notes qui lui expliquaient la suite. Elle allait devoir composer quelques plans et lorsqu’elle obtiendrait son aval, elle irait elle-même faire forger les parties métalliques. Enfin, il lui faudra se séparer de son arc pour quelques heures. Le temps qu’elle puisse l’ouvrager. Cela n’était pas foncièrement gênant… Il ne trimbalait pas toujours son arc avec lui de toute manière. Mais il avait tout de même porté un petit regard presque chargé d’émotion vers le bout de bois inerte qui gisait entre ses doigts. L’enfant lui semblait être en voie de devenir un homme. Était-il triste qu’il considéra son arc comme son rejeton ? Passez donc tout comme lui vingt longues années avec un objet, qui plus est qui vous permet de survivre en apportant la mort sur vos ennemies, et vous pourrez alors en juger.

Alors qu’il s’apprêtait encore à remercier la marionnettiste, une nouvelle note lui avait été présentée. Son hôte regrettait de ne rien avoir de liquide à lui proposer. Intuitivement il lui avait répondu. "Oh ne t’inquiète pas, je me doute bien que tu ne caches pas un bar dans ton atelier…"  

Cependant, il lui sembla que sa camarade attendait quelque chose… Quoi ? Aucune idée ! La parenthèse enchantée semblait proche de son terme et il pensa que sans doute, la Shirogane devait être bien fatiguée par ce Nozomo étonnamment bavard. De toute sa mémoire, il n’y avait qu’affalé sur un canapé avec son frère qu’il put converser aussi longuement et intensément… L’alcool aidant souvent à délier leurs langues. Une drôle d’image c’était alors cristallisée en son esprit. Sur le petit canapé, non pas deux, mais trois corps étaient affalés. Les cadavres de bouteilles se comptaient par dizaines et le cendrier débordait… Était-ce prémonitoire ? L’avenir le dirait…

Retrouvant les prunelles améthyste de sa confidente, il se laissa de nouveau aller à l’exercice du parler sans réfléchir. "Tu pourrais passer à l’appart’" Des mots simples qui lui avait semblé sur le coup dénué de toutes ambigüités pourtant, avant même d’observer la réaction de son vis-à-vis, craignant une mauvaise interprétation, il avait précisé précipitamment, bredouillant presque. "Maintenant ou une autre fois ! Lorsque tu auras les plans peut-être ? "

You lose…

"Il y a toujours de quoi boire là-bas… du maté notamment. Mais aussi des bières, de l’eau…"

You lose again… Game over…

Coupant son listing des nombreux liquides trouvable dans l’appartement de deux grands adolescents. Il attendit sa réaction, résigné, conscient de faire pire que mieux avec ses explications. Notant intérieurement qu’il était peut-être préférable de réfléchir tout de même un minimum avant de laisser les mots s’échapper.

Yukio est à l’appartement aussi, il doit encore cuver dans son lit. Si tu veux tu pourrais passer boire un coup chez nous, on pourrait échanger à propos des plans et au moins mon frère ne serait plus tout seul… Ouais. C’est quand même mieux quand je réfléchis.

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Rendre le bois plus dur mais rester soupleft. Nozomo Hayato


C'était curieux comme les choses avaient été amenées, curieux la facilité avec laquelle Hayato m'avait confié son arme si précieuse pour essayer de l'améliorer et avec quelle facilité j'avais moi-même accepté. C'était vrai que nous n'avions jamais évoqué le moindre paiement. J'avais simplement dit "oui". Je me souvenais qu'à moitié le moment où je lui avais dit de passer pour concrétiser sa vision, c'était pas tellement dans ma nature de faire preuve de ce genre de spontanéité... l'alcool, ça pardonnait vraiment pas. Déjà que je ne me souvenais pas comment j'étais rentrée chez moi.... Mais puisque je n'avais qu'une "parole", je ne me serais pas permise de le renvoyer chez lui. De plus, j'aimais un peu ce genre de défi technique. Rien de mieux pour une marionnettiste que de s'aventurer sur un autre chemin pour s'améliorer. Si je voulais faire de meilleure machine, il me fallait apprendre de partout. Peut-être qu'un jour je pourrais travailler sur une marionnette qui faisait de l'arc ? Ce serait surprenant et assez inattendu. Cela m'offrirait aussi une portée de dingue en combat.

Laissant de côté cette étrange possibilité, je réfléchissais au fameux paiement pendant que je lui expliquais la suite du programme. Mais je ne pus m'empêcher d'avoir un petit sourire en coin lorsqu'il évoqua "ce que je voulais". Il avait de la chance que je ne fus pas malhonnête parce que j'aurais pu lui en faire faire des conneries. C'était bien le genre de phrase qu'on ne devait pas prononcer devant n'importe qui. Toujours la clope non allumée dans le bec, je me retrouvais désolée de pas pouvoir lui proposer un truc à boire, même si j'aurais dû plutôt m'en préoccuper avant en fait... Il ne m'en voulut pas... et il avait pas tort dans ces déductions. L'atelier, c'était mon lieu de travail, je pouvais pas me permettre de distraction dans le boulot bien que...

Alors qu'on se regardait dans le blanc des yeux comme si on attendait quelque chose de plus de la part de l'autre, je finis par me décider d'allumer ma clope. En vrai, je réfléchissais toujours au moyen de paiement potentiel, mais j'avais bien du mal à m'imaginer ce que Hayato pouvait m'apporter ou tout du moins, je savais que je ne le connaissais pas assez pour me le dessiner dans mon esprit. Malgré notre conversation, malgré le fait que je me trouvais curieusement à l'aise en sa compagnie, je supposais que ça m'effrayait un peu. C'était un peu comme si je savais qu'il fallait pas que les Nozomo entrèrent trop dans mon monde de malheur et d'un autre côté, j'étais comme un papillon de nuit attiré par la lumière. Il y avait quelque chose dans les frangins, comme un petit truc qui vous attirait à eux, le genre de type qui pourrait aisément rassembler des gens atour d'eux en fait. Mais moi... ça me brûlait. Ce genre d'aura, ce genre d'attention, ce genre de sourire.... je voulais pas m'y habituer et pourtant je voulais paradoxalement en être digne. Je savais que je ne le serais jamais, j'étais une femme de mauvaise vie après tout... et l'art de faire les mauvais choix ou prendre la mauvaise route. Un talent comme un autre.

Et en parlant de talent, Hayato en avait un en ce qui concernait les surprises. Tenant ma clope nonchalamment, j'arquais un sourcil d'étonnement quand il me proposa de passer à son appartement. J'avais parfaitement compris qu'il n'y avait aucune ambiguïté dans ses propos, mais quand je le vis patauger dans le sable pour tenter de m'en convaincre, je ne pus m'empêcher de laisser échapper un petit rire. Quel nigaud. Entre ça et le coup du "ce que tu veux", il me tendait de sacrée perches pour le mettre dans l'embarras. Je pris subitement mon carnet.

" Dans ce cas, allons palier mon manque d'hospitalité en allant boire quelque chose d'un peu plus sain que tout ce qu'on s'est enfilé hier soir. "

Je lui tendis le bout de papier, avant de lever mon index pour lui dire de me donner une minute. Je voulais en profiter pour préparer le moulage de son arc afin que je travaillasse dessus à mon retour. Il aurait au moins le temps de se durcir et de sécher, une façon de gagner du temps de mon côté. Je badigeonnais d'un coup de pinceau l'intérieur du moule avec une préparation de mon cru, avant de refermer les deux blocs que j'avais ouvert. Je les consolidais fermement entre eux, avant de me diriger vers l'autre côté de mon atelier pour prendre un seau vide dans lequel je préparais de quoi faire le moulage. J'y glissais d'ailleurs un petit colorant orangé qui me permettrait plus aisément de noter les fuites potentielles sur le plâtre blanc. Je fis couler le tout dans le moulage. Le temps de faire tout ça, ma clope s'était consumée. Je l'éteignis dans le cendrier sur le comptoir de mon atelier parce que je ne voulais pas trop faire attendre Hayato. Là, je levais mon pouce.

" Tout est bon. Cela me permettra de connaître ton adresse et de passer plus tard chez toi avec ce que j'aurais fait. Au moins, ça évitera des rumeurs à la con si tu devais encore passer ici. "

C'était pas pour moi que je disais ça. Sans doute qu'il s'en foutait aussi mais si je pouvais lui éviter des emmerdes, autant le faire. Je devenais vraiment trop gentille. Mais au moment où je m'apprêtais à quitter les lieux en sa compagnie, j'eus une illumination.

" Pour le paiement, tu n'auras qu'à me payer en nature comme un entrainement. Je sais pas encore de quoi, mais on aura qu'en causer chez toi. "

Je lui tendis mon message et lui désignais alors la sortie de l'atelier. Suivons le guide.

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