Just a goodbye

Comprendre l'étendue de l'existence dans un couché de soleil, percevoir l'horizon brisé par les hauts monts, voir le monde se teinter d'orange et de rose alors que la nuit, pas à pas, étend son voile sur le monde. Une journée de plus qui s'échappait pour le jeune homme qui, emprisonné dans ses habitudes, avait une fois de plus rejoint ce bord de falaise offrant la plus belle vue de l'Isthme.

Ses cheveux couleur nuage dansaient légèrement sous la brise se glaçant d'avantage, valsant devant son œil rubis qui n'aurait manqué ce spectacle sous aucun prétexte. Assis sur ce bout de terre, ses pieds balançaient dans le vide, comme un affront envers cette mort imminente qui pourtant, ne venait le quérir. Il adorait cet endroit, bien plus que n'importe quel autre. C'était son sanctuaire, un lieu de recueil loin du tumulte de cette grotte où les responsabilités l'encombraient. Ce qu'il pouvait haïr cet endroit. Ce trou où fourmillait toute la vie de ces êtres pour lesquels il se surprenait à avoir de plus en plus de sympathie. Mais était-ce de son fait ? Ou une conséquence de cette promesse faite il y a des années à cette lumière qui tentait de les guider hors des ténèbres de leurs passés ?

Tentant d'oublier toutes ces choses sans importance, il s'était plongé une fois de plus corps et âme dans la contemplation. À son œil, l'existence valait bien la peine d'être vécu si c'était pour vivre ce genre de moment. Pourtant, une odeur vint à lui chatouiller le nez, un parfum qui avait marqué son être de bien des manières, mais qui le poussait encore et toujours à sourire quand il venait à le sentir. Elle était là, cette femme que tous respectaient et qui, contre toute attente, s'était épris d'affection pour celui que le Clan ne considérait que comme étant … tolérable ?

« Tu es là mon garçon... »

« Comme toujours... » lui dit-il en se tournant vers elle, offrant un sourire à la doyenne des Chinoike. « On me cherche au domaine ? »

« Non. » répondit-elle d'un sourire, brisant l'espace qui les séparaient, s'asseyant à ses côtés avant de plonger son regard sur l'horizon qui perdait de plus en plus de ses teintes diurnes. « Je suis venu partagé un petit moment avec toi. »

L'étonnement se lit sur le visage du Borgne qui, après avoir arqué un sourcil, détourna son attention sur la chaîne de montagne qui lui faisait face, attendant, patiemment, que se délit la langue de son maître. Car s'il y avait bien une chose qu'il savait à son propos, c'était que Dame Fuyu ne se déplaçait rarement pour rien. Cette présence à ses côtés, son esprit divaguait, se rappelant les prémices de cette relation étonnante entre ces deux êtres, qui n'avaient à l'époque, absolument rien en commun. Il était celui qui haïssait sa famille, elle était celle qui la protégeait. Il aurait voulu les voir souffrir pour tout ce qu'ils lui avaient fait subir et quant à elle... elle s'apprêtait à lui en donner les armes.

« Je comprends pourquoi tu viens ici tous les soirs... C'est vraiment apaisant comme endroit. » lança t'elle d'un timbre de voix apaisé. Elle appréciait vraiment cet instant hors du temps, ce qui ne manqua pas d'inquiéter son ancien élève qui la regarda avec une pointe de questionnement dans les yeux. Chose qu'elle remarqua immédiatement et qui lui tira un sourire en coin. « Tu te demandes pourquoi je suis là hein ?... Je t'ai bien formé on dirait, toujours à t'attendre au pire, quelque soit la situation. » Et elle n'avait pas tort. « Je me souviens quand l'on m'a demandé de t'entraîner... Mon dieu ce que tu as pu être un élève horrible. » Le jeune homme ne pu s'empêcher de lâcher un rire, plongeant son visage vers les abysses à ses pieds, se remémorant quelques péripéties qui, avec le temps, faisaient de belles histoires à raconter. « Et finalement, après juste trois années... Te voilà ambassadeur du Clan... »

C'était la vérité. Un étrange paradoxe dans l'existence de Tsumi qui, de pariât, devenait le porte-parole d'une famille qu'il continuait à mépriser en secret. Une singularité qui pourtant prenait tout son sens avec les récents événements qui avaient déchiré la région du Lac Gelée. D'abord, par une manigance outrageuse des proches de l'Intendante, puis, par l'affrontement de deux Chinoike. Toutes ces péripéties prenant bien entendu, le Renégat en personnage principal. « J'ai trouvé ta lettre. » lança la vieille femme, montrant le fameux objet qui vibrait sous la force de la brise encore bien présente. « Je suis d'ailleurs étonné que tu ne l'ai pas déchiré en revenant le soir même au domaine... Pourquoi avoir changé d'avis ? »

Le pourquoi. Cette question qui raisonnait dans son esprit depuis sa rencontre avec l'équilibriste, prenait à nouveau forme aux côtés de la doyenne qui plongea son regard sur son élève, cherchant à saisir la moindre parcelle d'espoir qui aurait pu naître sur son visage. « J'ai loupé le coche... » « Avec qui ? » « ...mon destin... »