« Il te suffit juste de concentrer ton chakra au niveau de ta gorge et d’amplifier la sonorité du sort du sort. Cela te permettra de modifier ta voix, pratique n’est-ce pas ? Pour faire parler d’autres choses en faisant sortir le son d’autre part, comme si les cordes vocales étaient à un autre endroit ! Essaye donc ! »
Assis sur le tatami, pied nue, les yeux fermés, j’écoutais avec attention ce que me racontait Jirozaemon. Il m’apprenait aujourd’hui à camoufler ma vie, quelque chose qui serait vraiment utile pour quelqu’un qui travaillait dans l’ombre.
Je me concentrais profondément sur ma gorge et amenait le chakra dedans. J’imaginais alors que celui-ci pouvait modifier le son de ma voix. Pour la rendre plus grave, je les allongeais et ouvrait plus mes cordes vocales. Pour la rendre plus aiguë, il s’agissait de les imaginer plus courte et les refermer un peu.
L’exercice était plutôt dur à concevoir et je mettais toute mon intelligence en œuvre pour essayer de réussir. Après tout, j’avais déjà réussi des tâches plus dures, cela devrait être pas si compliqué que cela. Je ne cessais alors des essais en ouvrant la bouche, tentant de moduler ma voix, la rendre plus grave et surtout réussir à la garder et doser la bonne quantité qu’il fallait malaxer. C’était une tâche un peu ardue, mais je ne me débrouillais pas si mal. Il ne me fallut guère que quelques heures pour réussir à modifier ma voix et la rendre aussi grave et aussi aiguë que le voulait. J’arrivais même à modifier mon timbre, imaginant toujours une restructuration au fond de ma gorge.
Le plus dur était ensuite probablement de réussir à déporter le son pour pouvoir faire parler quelqu’un d’autre où quelque chose d’autre. C’était là encore un exercice de pensée compliqué et je voulais me satisfaire de l’explication ab initio de mon oncle, vouloir plus serait déshonorant, j’étais un grand garçon, un homme adulte, je devrais réussir ce genre de farce sans aucun problème.
J’imaginais alors en regardant le plafond que celui-ci possédait comme moi un système respiratoire et qu’une fissure dans le bois était sa bouche. Rapidement, tout l’édifice semblait m’apparaître vivant, mais ce n’était pas la seule chose à faire, ce n’était que le début. Il fallait ensuite imaginer des cordes vocales capable de produire un son à l’intérieur. Telle des cordes d’une lyre, il me fallait ensuite imaginer que le vent soufflait dessus, même si c’était mon propre chakra. Et je devais insuffler ensuite les modulations de la voix pour former des mots, puis des phrases. L’exercice était compliqué à imaginer bien qu’il ne demande pas beaucoup de chakra. Il me fallut plusieurs heures à pincer les fils de chakra pour que finalement, j’arrive à former des phrases. En rapetissant les cordes, j’arrivais aussi à modeler le son. Même s’il était plus facile de le faire avec ma voix réelle, les sensations étaient plus simples à transposer à l’identique de sa propre gorge. Où du moins, c’était comme cela que j’avais eu le plus de facilité.
Ce fut plutôt compliqué comme entraînement, mais finalement, mon talent naturel et mon intelligence me permirent de compenser tout cela. Je devenais chaque jour plus compétent, un jour on ne pourra plus rien faire contre moi. D’ici là, je m’entraînerais sans relâche.
Il y avait évidemment une vraie raison au fait que je voulais cette technique et que j’avais demandé à mon vénérable oncle Jirozaemon de me l’apprendre. En effet sommeillait dans mon ventre et mon cœur, une idée qui ne me lâchait pas, jour et nuit, elle revenait à la charge et chaque jour j’étais de plus en plus faible face à elle Cette idée me dévorait de l’intérieur et finalement, j’y avais cédé.
Le prétexte d’avoir une technique pour modifier sa voix pour les missions avec l’ANBU n’était qu’un prétexte, un prétexte que j’avais offert sur un plateau d’argent à celui qui avait été un père durant mon adolescence. J’étais persuadé qu’il avait vu clair dans mon jeu, avec Katsuhide, ils avaient toujours été très clairvoyants en moi et dans mon esprit.
Modifier ma voix n’était pas ma véritable envie, ce que je voulais, c’était entendre de nouveau ta voix Michiru. Seul ton timbre, ton élocution pouvait me calmer la nuit lorsque j’étais assailli de cauchemar, seul toi pouvait calmer mon être malheureux…
Oh Michiru, que je serais prêt à tuer pour pouvoir réentendre et te voir une dernière fois en dehors de mes songes ! Je rêvais de toi jour et nuit et désormais, je souhaitais me raccrocher aux derniers souvenirs que j’avais de toi, ta douce voix. Déjà ton odeur semble se dissiper de tes vêtements, déjà ton doux visage se trouble dans mes pensées. Je ne voulais pas perdre les souvenirs que j’avais de toi. Tu étais et restais la seule femme que j’avais aimé du plus profond de mon cœur, tu avais donné du sens à ma vie ! Pour tenir et accomplir ma promesse sans toi, je devais pouvoir entendre ta voix, même si tu avais quitté ce monde, je ne voulais pas abandonner… Je voulais garder pour moi et pour toujours une dernière trace de toi ! Oh Michiru, que je t’aimais de manière infinie, comme chaque seconde passée en dehors de tes bras était un enfer ! La mort était probablement plus douce que de vivre sans toi.
Tu étais ma raison de vivre, mon phare dans l’obscurité, l’amour de ma vie, le sens de mon existence. Je ne pouvais pas, même après tant d’année, terminé mon deuil, j’en étais incapable. Tu faisais partie de moi et te perdre était équivalent à la mort pour l’homme que j’étais. Je n’étais dès ce moment, plus le même, je n’étais plus qu’une ombre dans un monde morne, une nuit éternelle sans le soleil que tu étais pour moi !
Mon cœur souffrait, se tordait à chaque fois que je pensais à toi, j’étais incapable de passer la moindre seconde de plus sans un signe de toi. C’était profondément égoïste de ma part de souhaiter cela et de ne pas te laisser reposer en paix. J’invoquais ton nom et ton esprit à chaque moment de ma vie. J’étais toujours dans le déni de ta mort et je faisais tout pour m’en convaincre que je pouvais récupérer un dernier fragment de toi et le chérir comme une étoile…
Assis sur cette branche, isolé dans la nuit, seul, si seul que mon âme hurlait de douleur à râle-mourir, j’essayais d’invoquer ta voix par la magie du chakra.
Cependant, malgré les efforts que j’y mettais, j’étais incapable de me souvenir de ta voix exacte, ni de l’invoquer. Lorsque j’utilisais la technique et modifiais ainsi les sonorités dans ma gorge et ma cage thoracique, c’étaient des échecs cuisants. Cette technique que j’avais maîtrisé au calme, désormais sous le feu de mes sentiments, j’en étais incapable. Je me concentrais d’autant plus sur cette technique, je voulais pouvoir réentendre ta voix, une fois de plus, au moins une seule fois… J’infusais alors avec plus de force, de puissance mon chakra dans ma poitrine et imaginais tendre de long fils de chakra qui lorsque le vent passait dessus, faisait ressortir une sonorité différente à la voix. Si je faisais vibrer deux cordes, alors le son était différent que je n’en faisais vibrer qu’une. Pour les faire vibrer, je n’avais qu’à expirer et parler. C’était un savant mélange qu’il fallait réussir à faire. Plus les cordes étaient longues, plus le son et la voix était aiguë, plus elle était petite, plus le son était grave.
A force d’effort extraordinaire et malgré la détresse dans laquelle je me trouvais, je réussis à enfin à réussir ce que j’avais réussi encore plus tôt. J’y avais mis du temps, plusieurs heures d’échecs douloureux à me morfondre d’autant plus et me maudire, me maudire d’être incapable de réussir une technique si facile. Plongé dans mes vieux démons, je ne voyais pas de lumière et je m’enfermais dans les ombres. Et même si in fine, j’avais réussi, j’avais toujours un arrière-goût de défaite dans la bouche. C’était insuffisant, car je ne savais pas quelles cordes je devais créer et faire vibrer en moi pour invoquer ta voix Michiru et ainsi, libérer mon âme d’un parti de son fardeau de douleur.
Je plissais les yeux, je portais les mains devant moi. Mes souvenirs affluaient, tant de joie à les revoir, tant de tristesse en découvrant qu’ils étaient passés. Je portais une étoffe parfumée de ton parfum à mon nez pour lui rappeler tout de toi, ton apparence, ton odeur, ta voix. Le vent sur mon visage me donnait l’impression de tes caresses amoureuses sur mon visage. Lorsque l’harmonie de cet instant sera brisée, ce sera à mon tour d’être brisée par le chagrin, plié en deux par la douleur.
Les larmes coulèrent drues et amer sur mes joues alors que du fin fond de ma poitrine, je canalisais mon chakra en moi et le laissais se développer dans ma poitrine, modifier la résonance dans ma poitrine, dans ma gorge. La sonorité changeait, le chakra modifiait ce qui était. Mes sanglots n’étaient plus les mêmes, ce n’était plus ma voix qui hurlait de douleur. C’était la voix de quelqu’un d’autre. En moi, mon souffle faisait vibrer des cordes vocales qui n’étaient pas les miennes. Ce n’était pas ma voix. Je cherchais toujours dans mon esprit, l’éclat parfait, le mot pour réanimer la voix que je cherchais : la tienne.
Plongé dans mes pensées et les instants heureux qui prenaient à la lumière de ma situation, une affreuse teinte amère et acide m’emplissant le ventre, creusant ma poitrine. Je me sentais vide plongé là, je me sentais si misérable et incomplet, je me sentais si indigne de ma condition de Hyuga. J’avais honte de mes pleurs. Pouvais-je réellement espérer diriger le clan comme cela ? C’était fantasque, impossible, ridicule. Je ne pouvais pas l’espérer comme cela. Je n’étais rien.
Je me recroquevillais sur moi-même, inondé par moi-même. Quelle souffrance, quelle douleur ! L’impossibilité de dire les mots « je t’aime », à la seule personne à qui j’aurais aimé les dires.
Pour finir, je ne savais pas vraiment combien de temps s’était écoulé. Mes pensées se calmèrent un peu et mon cœur cessa d’être si amer et gros de ce qu’il avait perdu.
Ce fut une douce chaleur qui se diffusa dans ma poitrine. Une scène spéciale pour moi. J’étais là, le ventre si chamboulé que j’étais sur le point de s’évanouir, à cette époque, un tourbillon de pensée avait traversé mon âme. Elle me serrait si fort la main, à chaque contraction, ses ongles se plantaient en moi et me griffaient. Elle n’était pas maquillée, étincelante de sueur, le visage contracté avec douleur dans un rictus d’agonie : elle était si belle. J’étais focalisé sur elle entière et je n’avais pas mal, à côté, Sanae lui donnait des directives pour que l’accouchement se passe bien.
Je me souviens ensuite avoir été hélé alors que je me retrouvais avec ce petit corps tâché de liquide amiotique dans mes bras : le second amour de ma vie. Je lui donnais un bain, faisant bien attention à ce que l’eau ne rentre pas dans ses oreilles. À cet instant-là, j’avais aussi pleuré, mais de joie.
« Kenzo, est-ce un garçon où une fille ? »
Je rouvris les yeux, j’avais entendu la voix dans ma tête, comme elle l’avait été, tel un éclat. Je joignis alors mes mains et exécutait les mudras que Jirozaemon m’avait appris plus tôt. Je sentis alors les graciles fils s’étendre en moi, prendre leurs places en moi. Je devais les faire vibrer pour savoir si j’avais réussi. Ces mêmes fils déformèrent alors ma voix, je sentis quelque chose de différent dans mon souffle, il était si… familier, il me rendait si paisible. Mes sanglots ramenaient en moi une telle mélancolie. Ce timbre de voix, était-ce bien ? Je… je me devais d’essayer, pour voir si j’avais réussi, à me souvenir de la voix exacte de ma bien aimée et en plus de savoir si j’avais réussi à maîtriser sincèrement cette technique.
Je déglutis et essuyait les larmes de mes joues. J’avais tout fait comme il fallait. J’avais exécuté les bons mudras, j’avais modifié la zone de résonance que représentait l’appareil respiratoire. Les cordes avaient été agrandies par le chakra. Il ne me manquait plus qu’à faire vibrer les cordes intérieures pour voir si je pouvais invoquer ce souvenir si cher du passé :
« K…ke…Ke…Kenzo… Je… je t’aime »
Je m’étouffais alors à moitié. C’était bien la voix de Michiru, telle qu’elle avait toujours été. Entendre cette voix, même produite par moi-même me transcendait et me rendait nostalgique. J’avais à la fois envie de lâcher des larmes de joies et de tristesse. Je fermais les yeux, fermait la bouche et alors que les larmes coulaient de mes joues, je fis alors vibrer les cordes de chakra de mon être et toute la forêt dans la nuit partagée alors ma douleur et ma joie. Sans ouvrir la bouche, les arbres et le vent dans leurs branches semblèrent murmurer :
« Je t’ai aimé, je t’aime et je t’aimerai toujours Michiru. Merci d’avoir été ma femme ! »
La ventriloquie marchait et m’évoquait une grande douleur. Mais désormais, lorsque cela n’ira pas dans la vie, je pourrais toujours me réfugier dans cette voix qui berçait mes rêves comme mes cauchemars.
Je ne pourrais définitivement accepter ta disparition, je ne voulais pas non plus faire ton deuil, je ne voulais pas accepter la fatalité. Désormais que je pourrais entendre ta voix, je serais invincible. Tu verras Michiru, je réussirai et ferai de ce village un endroit où notre fille pourra vivre, quel qu’en soit le prix !
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