Sanada sortait de l'antre de la Sorcière, une fois n'est pas coutume, il avait eu un entraînement particulièrement éprouvant. La peau bardée de blessures et le pas claudiquant, il avançait péniblement en direction de son refuge, le toit végétal qui surplombait le port et le Quartier Général de la Ligue Somei.
Si le corps se traînait avec peine, l'esprit du jeune homme était en ébullition. Sur la dernière passe qui l'opposait à Heishi, un Omura sous l'obédience apparente de l'ancêtre Omura, il avait tenté de bloquer un coup en l'enfermant entre ses paumes. En même temps, il avait concentré son pouvoir ranton pour préparer un assaut. Mais à son grand étonnement, au moment même où, manquant leur cible, ses paumes s'étaient jointes, un éclair tonitruant était apparu des cieux pour l'entourer, le protégeant du poing de son adversaire. La puissance électrique était presque nulle. Le souffle provoqué par la déflagration, en revanche, avait expulsé l'éphèbe Omura à plusieurs mètres du fils de l'orage.
Par manque de chakra et de compréhension, Sanada n'avait pas pu reproduire la technique et avait fini par perdre face à la vitesse de frappe et l'adresse du boucher.
Maintenant qu'il avait l'esprit moins paralysé par l'analyse du combat, il tentait de se souvenir de ses gestes, listait les étapes qui l'avaient mené à l'exécution d'une technique dont il ignorait tout.
La puissance de l'orage, messager tempétueux des cieux, ne se révélait pas toujours entièrement.
Enfin plongé au fond de son hamac, Sanada alluma une bougie et attrapa les brouillons de son ouvrage sur le godai et le ninjutsu pour noter ses expériences.
Avec l'étude théorique des milliers de visages que pouvait prendre le chakra, le jeune homme avait développé un certain esprit analytique qui tranchait avec sa nature mystique.
La science, religion du clan de son mentor l'avait influencé dans sa pensée et l'exécution de son art martial. L'ouverture d'esprit enseigné dans l'osmiétisme avait permis à l'adolescent, maintenant presque homme, de parfaire son ninjutsu. Il usait de sa raison pour nourrir la foi qui animait son pouvoir.
Après une bonne nuit de sommeil et grâce aux potions de la Sorcière, il était prêt à s'exercer chez lui.
Tentant de reproduire les conditions de la veille, le jeune homme n'invoqua aucun nuage et alla même jusqu'à chasser les fins cirrus qui dominaient le quartier par souci du détail.
Il concentra ensuite son chakra ranton en cherchant à produire un front orageux comme il avait voulu le faire. Enfin, imitant sa parade honteusement manquée, il claqua des mains.
À son grand étonnement, un éclair apparut juste au-dessus de lui, exactement comme la veille. Avec une seule donnée nouvelle, au lieu de l'entourer et de produire une déflagration au souffle puissant, l'éclair venait de le traverser. De la tête aux pieds.
Maintenant plus que rompu aux brûlures et aux effets ankylosants du raiton, Sanada se contenta de secouer la tête avant de recommencer la manœuvre.
Cette fois-ci, l'éclair tomba à quelques mètres du lanceur, explosant une grande jarre qui contenait une des nombreuses plantes que Sanada faisait pousser pour son calumet.
Jurant sur la malédiction des £egoks, le jeune homme ne se découragea pas pour autant. Le don ne valait rien dans le monde des élus du Sekai, ceux qui maîtrisaient leur chakra et en faisaient une vocation. Ce qui différenciait un ninja lambda d'un maître des arts shinobi, c'était l'acharnement que mettait le second dans sa pratique, refusant de se reposer sur le cadeau des dieux.
Pour Sanada cela était du ressort de la prière. Pour remercier les dieux d'un don qui lui permettait de dompter une telle puissance, il se devait de pratiquer sans relâche.
Le soir, il continua son analyse de la technique, tentant de l'affiner sous sa plume à la lumière de la pleine lune comme il l'avait affiné de ses mains sous le soleil écrasant des mers du Sud. Comme le corps et l'esprit, la théorie et la pratique étaient indissociables. Seuls les dieux pouvaient penser une chose et la faire exister aussitôt. Pour le mortel, le chemin était plus sinueux, plus abrupt aussi. Le fossé n'était jamais loin. Mais pour créer un effet, il fallait un geste juste. Et avant de l'exécuter, il fallait le penser.
Avec un bagage théorique plus important, Sanada se lança dès le lendemain matin dans une nouvelle journée de pratique.
Il avait décidé de changer d'approche et de concentrer son chakra ranton sans pour autant visualiser un front orageux.
Après plusieurs essais, l'éclair se fit plus englobant. Les arcs ne touchaient plus le corps du soldat des Cinq.
Perfectionnant son geste, de l'éclair enrobant jaillit peu à peu un souffle.
Le souffle se transforma en bourrasque puissante.
Quand la lune revint dominer le ciel, la déflagration que provoqua Sanada était telle qu'elle emportait sans mal les grandes jarres qui parsemaient son domaine végétal.
Après avoir fait le ménage avec un sourire satisfait. Il replongea dans son hamac. Cette fois-ci pour lire un ouvrage d'un arpenteur intitulé "Le ninpo est-il la preuve de l'existence d'un chakra neutre ?"
Il ne fallait jamais s'arrêter.
La guerre allait bientôt éclater.
Pour Haruka, pour Mahina, pour Mifuyu, le sang des traîtres qui se terraient au sein du village caché du Tourbillon allait couler.
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