La Belle et le Fou [PV Tsume]

Le domaine Omura était une perle au milieu de la tempête, il était le lieu le plus calme et le plus serein mais aussi l'un des plus voyants du territoire d'Uzu avec ces toits d'albâtre. Reconnaissable entre tous, il agissait comme un phare dans la nuit pour les malades et tout autres personnes voulant requérir l'aide des médecins du clan dont la réputation n'était plus à faire. Y pénétrer, c'était découvrir que la plupart des habitations était d'une grande richesse - car la plupart des Omura l'était - mais aussi qu'un étrange climat y régnait. Hana appartenait à l'une de ses familles énigmatiques, une enfant élevée dans l'opulence bourgeoise par deux parents médecins, coupée du monde pour devenir un modèle d'éducation, une fleur que l'on abritait sous verre pour préserver sa pureté. On pourrait imaginer que l'on chercha à faire cela pour son bien... ou peut-être y avait-il d'autres desseins?

Quelle que fut la vérité, la jeune fille avait bravé l'autorité de ses parents et réussi à ouvrir des portes que l'on lui maintenait fermées jusque là. Il n'était plus possible de cacher la belle enfant, ni les interrogations qu'elle pourrait attirer à son sujet. Toutefois, aussi libre qu'elle pouvait être depuis qu'elle avait réussi à entrer à l'académie shinobi, cette liberté était toute relative. On ne pouvait balayer tout une éducation qui avait fait d'elle une femme soumise pour incarnée la parfaite petite épouse. Elle était demeurée docile et respectueuse de ses parents, peut-être à peine perdue, mais elle s'évertuait tout de même à ne pas trop en faire pour le moment.

Il n'était en conséquence pas rare d'entrapercevoir la délicate Hana se promener au sein du domaine. Oh, cela lui avait été déjà permis par le passé mais ces sorties étaient exceptionnelles pour la contenter dans ses frustrations. Ce fut vain, il suffisait de voir le résultat aujourd'hui. Tout sourire, la kunoichi profitait du plaisir de pouvoir mener ses pas un peu partout sans chaperon. Elle s'extasiait comme une enfant devant les belles devantures des maisons, des voisins comme des quartiers médicaux. Elle aurait pu aisément se contenter d'une simple balade mais sa curiosité la poussa à une plus large excursion. Elle s'engouffra alors dans des chemins du domaine que l'on pourrait sans doute qualifier de peu recommandables - ou tout du moins pour qui le savait. Mais un bruit étrange l'attira.... dans une cave. Oh, vous imaginez bien que Hana ne se serait pas permise d'entrer sans frapper lorsqu'elle vit une porte entrouverte mais puisque personne ne lui répondit, il lui sembla naturel de s'inviter afin de vérifier que tout allait bien à l'intérieur. Peu-être qu'une personne avait eu un malaise? Allez savoir. Voilà ce qui l'amena à se perdre.... dans une cave. Du bruit. De la curiosité. De l'inquiétude pour un Omura peut-être en danger. Elle était une kunoichi maintenant, elle se devait de tendre la main à qui en avait besoin.

" Bonjour? Y a-t-il quelqu'un? "

La voix délicate de la kunoichi s'éleva timidement.

" La porte était ouverte et je me suis permise d'entrer. Vous avez besoin d'aide? "

Voilà qui était sans doute prématuré de sa part d'annoncer les choses de cette façon mais peut-être aussi guère si loin de la vérité quand elle saurait sur qui elle était sur le point de tomber...

L'endroit était terriblement lugubre, il sentait la poussière, l'humidité et un étrange parfum un peu âcre de renfermé. C'était tout à fait le genre de lieu qu'une jeune femme comme Hana ne fréquenterait pas d'elle-même à moins d'y être invitée pour la politesse - voir une mission quelconque. Cependant, sa curiosité l'avait poussé à venir en ce territoire mystérieux, elle qui jusque là ne s'était jamais sentie l'âme exploratrice. Une étrangeté qui le deviendrait bien plus lorsque cette cave se révéla être l'antre de Tsume.

L'homme sortit de son trou, calmement mais en ayant une attitude un peu bizarre qui intrigua l'innocente Omura. Elle ne put s'empêcher de pencher la tête de manière ingénue sur le côté pour l'observer déambuler en titubant. Il avait une mine totalement affreuse à cet instant. Était-il malade? Sans aucun doute! Il était pâle comme un mort! Comment ne pas avoir pitié d'un être aussi atteint! Il lui sembla même qu'il eut de la fièvre car ses paroles semblèrent totalement étranges pour la jeune femme.

" Oh? Tsume-san? Que dis-tu là? Dangereux! Mais ce n'est pas dangereux pour un Omura voyons! Nous sommes dans notre domaine. "

Cette réponse pouvait paraître bien naïve et elle l'était sans doute car Hana se mit à sourire comme si elle n'avait pas senti la menace. Elle n'en avait même pas conscience parce que Tsume... c'était Tsume? N'importe qui pouvait le prendre pour un fou... mais la jeune fille ne le connaissait pas asse pour le juger comme tel. Il fallait dire qu'elle avait eu le loisir de le rencontrer quelques fois dans le domaine, pendant ces jours meilleurs, et ils s'étaient montrés d'un naturel charmant et charmeur. Elle ne le vit pas différemment puisqu'elle le croyait... malade.

" Ha! Mais je souhaite découvrir les merveilles de notre clan voyons! Je veux être une digne Omura tu sais. C'est pour cette raison que je suis devenue une shinobi! Mais toi... Tsume-san... tu ne m'as pas l'air bien. Tu veux que j'aille chercher un médecin?  "

Crédule enfant qu'était Hana. Elle ne s'inquiéta nullement lorsqu'elle le vit rire, non... elle sourit à son tour en pensant bêtement qu'il n'allait pas si mal que ça. Pourquoi lui voudrait-il du mal après tout? Elle était une belle femme, polie, de bonnes manières et de bonnes conversations. Elle n'était pas agressive et à l'écoute. Pourquoi voudrait-on faire du mal à quelqu'un comme elle? Et surtout dans le domaine des Omura! S'il y avait un endroit sûr, c'était bien ici, non? Ces parents n'avaient eu de cesse de lui répéter.

" Ha! Tsume, tes vêtements semblent fumer. Tu.... "

La kunoichi en herbe ne finit par sa phrase car ce dernier était subitement apparu derrière elle pour refermer la porte. Elle eut un petit sursaut de surprise quand cette dernière claqua pour être close. Ce fut à ce moment-là que son camarade lui déclara être mal en point et qu'elle se retourna pour l'observer de ses grands yeux mauves.

" Je me disais bien que quelque chose n'allait pas. Tu as l'air... malade. Peut-être de la fièvre? Tu ne devrais pas rester debout. Tu devrais peut-être te coucher. Je te passerais de l'eau fraîche sur le front. "

Le sourire de la demoiselle s'étira avec fierté.

" J'ai déjà été l'assistance de ma mère, tu sais. Je sais très bien jouer les infirmière. Je connais les gestes, je l'ai beaucoup observé. "

Mais encore une fois, son camarade Kudo la surprit par sa remarque. Elle pencha encore la tête sur le côté, comme s'il s'agit d'une petite habitude quand elle ne comprenait pas quelque chose.

" Différente? Je ne vois pas de quoi tu parles. Si tu veux dire plus jolie que les autres, je dirais que c'est presque innée mais cela demande beaucoup d'efforts et d'entretien pour rester une belle femme. De la rigueur et de la discipline! Et si c'est pour mes cheveux et bien...  "

La main de Hana se porta sur une mèche de ses longs cheveux et les observa avec une moue curieuse.

" ... je ne sais pas du tout. Mes parents m'ont toujours dit que c'était comme ça.  "

Un pieu mensonge pour ne pas lui révéler la vérité et qu'elle était quelque part, elle aussi, le cobaye de quelques expériences passées... mais qui pourrait s'en douter?

Hana était une jeune femme pleine de contradiction, comme si ses comportements ne s'accordaient pas toujours avec les situations dans lesquelles elle se trouvait. Elle était capable de s'effrayer et de se refermer sur elle-même lorsque cela la touchait de près à elle et ses émotions profondes, lorsque cela bouleversait trop brutalement les choses en lesquelles elle croyait ou que l'on venait à la placer au pied d'un mur sur lequel  elle ne souhaitait pas se rendre. D'un autre côté, face à une situation dont le danger était évident, que cela fut une bête qui grogna ou bien des êtres menaçants, elle ne semblait pas y voir le mal mais juste un problème de communication. Et puis, dans son esprit, peut-être pouvait-elle résoudre le problème. N'était-ce pas ce que l'on attendait d'un shinobi ?

Brusquement, Tsume se mit à rire avant de lui saisit fermement le poignet, la surprenant un peu au point de laisser échapper un petit gémissement de surprise. Le comportement de son camarade était totalement étrange à ses yeux, ce qui ne faisait que la convaincre que quelque chose n'allait pas. Alors lorsqu'il lui déclara avoir injecté du poison dans son cœur, elle fut d'autant plus surprise et effaré.

" Mais c'est terrible Tsume-san! Pourquoi as-tu fait une telle chose ! Tu dois souffrir ! C'est horrible ! Il faut trouver le bon anti-poison. "

Le visage d'Hana affichait une peine sincère mais elle ne comprit pas l'étendu de la remarque de son camarade au sujet de son clan.

" Monstrueux ? Oh ! Tu exagères. Tu n'aimes pas les médecins ? Il est vrai que les piqures ou les médicaments que l'on fournit ne sont pas bien agréables mais tout de même. S'ils sont efficaces pour soigner, n'est-ce pas le principal ? "

Un large sourire se dessina sur les traits de la demoiselle alors qu'il relâcha son poignet. Puis, une nouvelle fois, il lui demandait si elle avait un secret et elle pencha à nouveau la tête sur le côté de façon ingénue. Elle ne comprenait pas les sous-entendus du shinobis masochiste.

" Tsume-san, tu dis parfois des choses vraiment bizarres. Pourquoi aurais-je un secret ? "

Bien sûr, pourquoi en aurait-elle un ? Enfin, Hana pourrait prétendre en avoir un mais qui n'avait strictement rien à voir avec ce que l'on pourrait croire. Il serait très gênant pour elle d'avouer qu'elle pensait peut-être nourrir quelques sentiments amoureux à l'égard de son senseï, et puis, elle n'en était pas complètement sûre. Elle savait que cela lui faisait quelque chose mais elle imaginait qu'elle n'avait peut-être pas le droit. Voilà ce qu'elle estimait être le plus proche d'un secret. Mais la réalité, le vrai secret de la jeune femme, elle n'en avait pas conscience, cette personnalité sombre et obscure qui se dissimulait au fond d'elle et qui, à cet instant-même, assistait comme une spectatrice muette à toute la scène.

" Mais vraiment, Tsume-san... pourquoi te fais-tu autant de mal. Ce n'est vraiment pas bien. Je suis certaine qu'il y a des personnes qui seraient très peinées de savoir que tu t'infliges un tel traitement, tu ne crois pas ? "

Hana chercha à prendre la main de son camarade pour l'attirer et l'obliger à s'assoir quelque part. Il transpirait tellement qu'elle avait peur qu'il ne tomba dans les escaliers.

" Allez.... il faut te reposer... le poison risque de se répandre plus vite si tu t'agites dans tous les sens... "

Aimer la douleur. Voilà un étrange concept pour Hana, bien qu'elle commençât à comprendre ce que voulait réellement dire son camarade. Il prétendait qu'elle avait toujours été là, et peut-être que la kunoichi s'imaginait que pour lui, c'était devenue une compagne réconfortante. Il y avait des choses auxquelles on s'habituait malgré soi, Hana ne le savait que trop bien... mais ces douleurs à elle étaient tout autre.

" Mmmm... oui je suppose que tout le monde a son petit jardin. Mais si cela ne fait pas de mal, ce n'est pas bien grave un petit secret ou deux, non ? "

L'Omura conserva un petit sourire sur son visage et ses pensées se tournèrent naturellement sur l'objet de son affection. Mais alors qu'elle tenait son collègue par la main pour le trainer et l'obliger à s'asseoir quelque part. Le poison continuait à faire son office et Tsume ne le lui cacha pas. Il alla même jusqu'à lui dévoiler les raisons et O combien sa mère serait fière de lui.

" Ha? Tu cherches à rendre fier ta mère? Mmmm... moi j'ai l'impression de la décevoir à chaque fois que je fais quelque chose, surtout depuis que je suis devenue une shinobi. Ta mère est aussi difficile à combler à toi aussi? "

Ce fut avec une certaine attention qu'elle écouta la théorie de son homologue. Ainsi, pour lui, tout n'était que de la science même s'il se mettait en danger. C'était une question de progrès par l'expérience. Voilà une chose qui était un grand débat au sein du clan Omura. Même si la jeune femme n'en eut jamais pris part, elle n'en était pas moins sourdes. Les rumeurs, les tensions, les discordes au sujet de la manière dont on abordait la médecine.... Les scientifiques adoraient discuter et la compétition avait toujours été assez tenace. C'était une véritable course vers la gloire, la fortune ou bien la découverte. Enfin pas pour tout le monde. Hana n'avait jamais été atteinte par ce mal bien qu'elle ne niait pas avoir de la curiosité pour le fonctionnement du corps et de la santé. En bien ou en mal, cela ne semblait pas encore totalement décidé. D'ailleurs, elle réfléchissait beaucoup à l'éventualité d'apprendre les arts médicaux, pour faire honneur à son nom et peut-être trouver un peu d'estime auprès de ces parents. Si elle pouvait leur prouver qu'elle n'était pas une simple poupée, il finirait par prendre au sérieux ces ambitions?

" Peur? Peur de quoi Tsume-san? "

Le visage de la jeune femme s'illumina d'étonnement. Elle ne comprenait pas le sens de la question du jonin mais elle tenta d'y répondre malgré tout.

" Mmmm... je n'ai pas peur de progresser, mais je ne suis pas sûre qu'il soit forcément nécessaire de toujours se mettre en danger. Il doit exister une méthode douce, non? Bien sûr, c'est peut-être un peu plus lent, mais pourquoi est-il nécessaire de se presser? "

La demoiselle pencha la tête sur le côté comme pour montrer qu'elle était toujours entièrement dans ses réflexions.

" Quant à mes limites, je suppose que je ne les connais pas encore. Je débute après tout, je serais bien amenée à le découvrir tôt ou tard. "

Elle tourna son visage vers lui en affichant un sourire plein d'enthousiasme alors que ses yeux parurent un peu inquiets.

" Oh! Tsume-san.... regarde dans quel état tu te mets... tu es sûr que tu ne souhaites pas que j'aille chercher un docteur? Regarde tes tatouages! "

Les yeux violets de la jeune femme se posèrent avec candeur sur l'encre qui suintait, sachant pertinemment qu'elle ne pourrait pas le toucher sans y laisser sa main. Il fallait un vrai professionnel pour pouvoir l'aider mais.... le jeune homme semblait faire de la réticence à cette idée, surtout à la manière dont il avait fermé la porte de la cave.

" Tu sais Tsume-san... tu as dit que tu ne vivais que pour la science, n'est-ce pas? Mais tu ne souhaites pas essayer de découvrir pour quoi d'autres tu es fait? Je suis certain que tu es fait pour bien plus que ça. "

Oui, un peu comme elle qui n'était pas destinée à n'être qu'un trophée de représentation. Si elle pouvait être plus, il le pouvait aussi, non?

Est-ce que Tsume tentait de rassurer la délicate Hana? C'était ainsi qu'elle prit ses paroles, faisant de belles comparaisons florales qui lui parlaient tout à fait. Il fallait dire que la jeune femme aimait tout particulièrement les fleurs et les avaient étudiés, elles et leurs langages, ainsi que certains de leur secret. Imaginer que l'on pouvait la juxtaposer à une telle image ne pouvait que lui faire plaisir, et d'ailleurs elle ne put retenir un sourire gracieux.

" J'espère que l'avenir te donnera raison Tsume-san. J'aimerais beaucoup que ma mère comprenne que je suis bien plus que ce qu'elle pense... "

Mais ne le savait-elle pas déjà ? N'était-ce pas cela qui l'effrayait ? Si. Sans aucun doute. Hana était ironiquement celle qui se connaissait le moins, qui ne savait rien de la sombre réalité de sa propre naissance et de la faute que lui rejetait aujourd'hui ses propres parents. Tant qu'elle demeurait dans l'ignorance, sa candeur était préservée et pourtant, au fur et à mesure des années, le passé pointait le bout de son nez sous une forme insoupçonnée, celui d'une personnalité troublée, par le manque d'attention, de trop grande frustration et le cumul de nombreuses erreurs manifestes de la part de ses propres géniteurs. Mais l'esprit était un élément avec lequel on ne pouvait jouer sans contre-coup. La kunoichi était comme une pièce de monnaie. Hana était le côté face, le visage souriant, la beauté éclatante de vie, la douceur, la lumière. L'Autre était le côté pile, consciente de l'innommable, des tourments et de toute la colère que cela générait, dans l'ombre. Et comme toute pièce l'une ne voyait pas l'autre mais demeurait pourtant indissociable.

Qui choisissait quand l'une apparaissait et l'autre disparaissait ? Les circonstances, les évènements. Généralement la peur, la plus primaire des angoisses. D'ailleurs, cette fine frontière aurait pu être dépassée si le surprenant Tsume n'avait pas lutté contre lui-même. Hana ne lui en aurait pas tenu rancune, car elle ne se souviendrait peut-être de rien, ou simplement d'une éventuelle dispute, un accrochage, un quiproquo. Une vérité déformée pour la rendre plus acceptable pour sa sensibilité. L'Autre n'aurait rien oublié, elle était celle qui se rappelait de presque tout et cette mémoire était le moteur de sa colère.

Mais pour l'heure, il n'y avait que Hana en compagnie de Tsume, une Hana inquiète pour l'état de santé de son camarade. Il ne portait peut-être pas le nom d'Omura, mais il faisait partie du clan, à ses yeux en tout cas.

" Tu as connu pire ? Tu n'as vraiment aucune indulgence pour ta personne, Tsume-san. "

Lorsque ce dernier lui expliqua qu'il était quelque part l'égal d'une machine à tuer, que tout son univers avait été construit autour de cela, la kunoichi ne put s'empêcher d'être un peu triste. Il ne se voyait que comme un outil. Hana l'était aussi en un sens, l'outil de ses parents, même si son destin était à l'origine une toute autre voie.

" Et bien... je trouve ça un peu triste... triste d'imaginer que nous sommes des êtres... des êtres limités à ce que les autres ont forgés de nous... tu... tu n'as jamais rêvé, Tsume-san? "

Les petits yeux mauves se posèrent incrédules sur le jeune homme.

" Je veux dire... des rêves qui te sont propres ? Quelque chose que tu ne veux que pour toi ? "

Elle se mit à soupirer un peu, puis se laissa prendre à ses propres rêveries.

" Mes parents m'ont tout donné pour que je sois une parfaitement jeune femme du monde. Il fallait que je misse tous nos atouts pour devenir l'épouse d'un grand homme qui apportait beaucoup à notre clan, une alliance importante. Un honneur pour accomplir quelque chose qui me dépasserait pourtant.... "

Hana soupira à nouveau.

" ... j'étais persuadée que c'était ce que je voulais aussi, mais j'ai toujours posé mon regard ailleurs. Je n'arrêtais pas de me demander si je n'étais pas faite pour autre chose. Et si... si je pouvais être une kunoichi ? Une doctoresse ? Une aventurière ? Si j'épousais un inconnu, ce serait autant de chose que je ne découvrirais jamais. "

La jeune femme se tourna à nouveau vers Tsume qui avait décidément une mine affreuse.

" Tu n'as jamais souhaité être un peu plus que ce que l'on attendait de toi ? Le meurtre, la destruction.. je... je conçois que c'est le shinobi qui parle, mais tu es aussi un homme Tsume. Tu ne rêves pas... Mmmm... je ne sais pas... de trouver l'amour par exemple? "

Voilà bien quelque chose de totalement trivial mais qui fit naître un grand sourire sur le visage de la jeune femme. Oh, cela pouvait paraître bien idiot, un assassin amoureux, mais n'était-il pas tous des êtres faillibles également ? Ne pouvait-il pas être défini comme autre chose?

Hana était quelque peu intriguée. À plusieurs reprises, son camarade disait "qu'avant" il fut un rêveur, ce qui signifiait qu'il avait donc cesser d'y croire. Voilà quelque chose que la jeune femme trouvait profondément malheureux, et cela se lut aisément dans son regard. Perdre ses espérances, perdre la foi en quelque chose d'aussi simple la rendait sincère triste pour Tsume.

" Mmmm... Voilà une vision bien rude de l'existence Tsume-san. Personnellement, je vois dans les rêves un espoir. Cesser de rêver, c'est un peu cesser d'espérer. Mais si nous n'espérons plus rien de la vie, à quoi bon vivre, non ? Tu devrais t'autoriser de rêver un peu. "

Fallait-il y voir là un conseil naïf ? Peut-être mais le contraire n'aurait pas ressemblé à la jeune femme. De plus, elle ne voyait aucune contradiction entre ses propos et la vie qu'elle menait à présent. Où était-il écrit qu'un shinobi ne pouvait pas être un peu utopiste ? Oh bien sûr, les actions menés par un ninja n'avaient en soit rien de romanesque, la part sombre du métier pouvait mettre à mal les cœurs les plus tendres. Mais encore une fois, qui avait dit que les plus mauvais ne pouvaient pas non plus avoir des ambitions étonnantes ? Le rêve était sans doute propre aux Hommes, quelque soit leur nature.

Alors que l'Omura cherchait à essayer d'humaniser un peu plus son ami, ses yeux se mirent à pétiller d'intérêt lorsque Tsume avoua sans détour qu'il était amoureux ! Voilà une annonce surprenante et surtout si inattendue ! Le sourire d'Hana se mit à s'étirer lorsqu'elle vit le visage de l'uzujin empoisonneur s'illuminer alors qu'il se mettait à réfléchir à la dame de ses pensées.... bien qu'elle ne comprit que peu le rapport entre beauté et cicatrice.

" Oh! Elle a l'air d'être une personne formidable pour que tu puisses parler d'elle en des termes si élogieux. Tu sembles vraiment très amoureux. Cela se lit sur ton visage. "

L'esquisse de l'Omura s'étira.

" Je pense que l'on peut dire que c'est en effet vouloir autre chose, Tsume-san. Tu as dit que tu voulais la protéger et tu fais même des choses que l'on ne te demande pas pour le faire. Pour moi, cela ressemble un peu à un rêve que tu cherches à réaliser. Et je suis certaine qu'il se concrétisera si tu continues à faire des efforts. "

Hana ne pouvait que l'encourager car après tout, la simple évocation de cette personne semblait apaiser les démons de son camarade. Depuis qu'elle était entrée dans cette cave, c'était la première fois qu'elle le voyait sourire avec autant de légèreté, presque de béatitude même. Serait-il heureux d'aimer? Il en avait tout l'air. En tout cas, quand il renvoya la question à la jeune femme, la kunoichi ne put s'empêcher de glousser un peu. Le rouge lui monta aux joues, presque timides face aux pensées qui la traversaient. Il était évident que c'était le cas. Elle finit par lever la tête et afficher un sourire franc.

" Oui. Je... je peux dire avec certitude que je suis amoureuse. C'est un homme formidable, drôle, plein de vie, tendre, beau, adorable... Haha! La liste est longue ! "

La jeune femme se mit à rire.

" Mais... mais je sais que je ne devrais pas avoir le droit de l'aimer. "

Le regard de l'Omura s'affaissa un peu, mais elle ne perdit pas le sourire.

" Pourtant je ne peux pas m'en empêcher. Je suis heureuse quand je le vois. Je suis triste quand il n'est pas là. Je me sens forte quand il est à mes côtés. J'ai le cœur qui bat si vite que j'ai l'impression qu'il peut sortir de ma poitrine à tout moment. Et je crois que je serais prête à le suivre n'importe où s'il me le demandait. "

Hana prononça ses mots avec passion et enthousiasme, avec une telle spontanéité qu'il était impossible de douter de la sincérité de ses sentiments. Puis lorsque sa joie retomba un peu, elle plaça quelques mèches de cheveux derrière son oreille avant de reprêter son attention à Tsume.

" Je sais que j'ai l'air totalement ridicule quand je dis ça... mais je l'aime. Bien sûr, il ne le sait pas... je... je ne peux pas lui dire. J'ai envie mais... cela le mettrait dans une situation très compliquée et je ne veux pas être un poids pour lui. Et puis... je ne sais pas si je lui plais aussi... peut-être qu'il ne me regarde pas de la même façon que moi... je ne sais pas trop. "

La kunoichi afficha une petite moue. Peut-être devrait-elle commencer à réfléchir à une stratégie de conquête pour savoir si l'homme à qui elle pensait lui trouvait de l'intérêt. Il avait toujours été si gentil avec qu'elle que peut-être vivait-elle comme le disait Tsume un rêve pour fuir la réalité. Peut-être ne voyait-il en elle qu'une jeune femme trop candide... après tout, il était bien plus âgé qu'elle - détail dont elle se moquait éperdument. Il fallait dire qu'Hana n'avait pas froid aux yeux. Cela ne l'effrayait pas de dire ce qu'elle ressentait, mais un rejet frontal lui serait terrible. Il lui fallait donc penser tactique et mettre tous les atouts de son côté.

" Et bien Tsume-san, je trouve qu'il est assez cocasse que nous nous trouvions un point commun sur ce sujet. Nous sommes deux amoureux transis. Qui l'eut cru ! Haha ! "

Voilà qui n'était pas très shinobi mais tellement humain au final....