[TRAINING] Et on fait tourner les serviettes!

J'étais de retour dans la cour de mon petit atelier, à l'abri des regards curieux comme j'en avais l'habitude pour m'entraîner.... et surtout quand je savais pas trop vers quoi je tendais et ce que cela allait donner. J'avais pas peur d'être ridicule mais bon, un minimum. Fallait pas que je m'exposasse avec mon art de façon à nous faire passer pour des rigolos. Mon délire du jour? Une technique de feinte à vrai dire, un petit tour de passe-passe que je souhaitais faire avec Itori. Sur le principe, cela allait paraître assez simple mais dans la pratique, une autre paire de manche comme toujours dès qu'on devait manipuler une marionnette. C'était toujours plus facile dans son crâne et une fois que l'on devait concrètement faire les choses, les couacs apparaissaient.

Trainant ma carcasse en plein milieu de la cours, j'avais fait un brin de ménage pour dégager au maximum tout ce qui m'entourait : mannequin d'entrainement, vieilles poupées complètement amochées, caisses.... bref, des tas de trucs inutiles pour mon entrainement. Ma cigarette au bec comme à mon habitude, je déployais ma poupée blonde devant moi avant d'activer mes fils de chakra. Je commençais par un petit test de base, voyant si elle réagissait bien et si j'avais pas du sable ou une merde du genre à nettoyer dans ses rouages. Une fois satisfaite, mon petit jeu allais commencer.

Ce que je voulais? C'était littéralement faire voler ma marionnette et la faire tournoyer autour de moi comme si je cherchais à me protéger bien que le but final était que je sois capable de le faire autour d'une cible pour le perturber assez pour me permettre une attaque qu'il éviterait pas facilement. En soit, je voulais posséder un truc purement défensif et cette drôle d'idée m'était venue. Perdant pas plus de temps, je me lançais et je commençais à faire courir Itori tout autour de moi, d'abord à une allure assez tranquille le temps de chopper un peu le coup, puis j'accélérais au fur et à mesure, puis toujours un peu plus jusqu'à ce que brutalement, comme si mes fils s'étaient entremêlés, ma marionnette s'éclata dans la poussière.

Fais chier.

Je la regardais. Étaler là sur le sol, les cheveux dans la terre, désarticulée. La bizarre idée qui me traversait était de savoir si je ressemblais à ça quand on m'avait trouvé. Puis je crachais ma fumée en chassant l'image et redressant le pantin pour recommencer. On s'y reprit donc et je la fis courir tout autour de moi en cercle, mes bras s'agitaient comme si j'étais un chef d'orchestre et elle tournait encore et encore... il lui fallait plus de vitesse et au bout d'un moment, je la sentis clairement décoller du sol. Je la maintenais au bout de mes fils et la faisait tournoyer si vite que même moi, je ne la discernais plus trop.

" Qu'est-ce que tu fous Honoka? "

Fais chier.

Je relâchais mon attention  et Itori partit valdinguer dans le décor. Mon père venait de débarquer avec ces gros sabots, sans même manifester sa présence de manière plus formelle. Il me regardait avec son air bougon en fronçant les sourcils de vieux rustres.

" Je t'ai pas enseigner à manipuler les marionnettes pour faire les jeux du cirque. "

Je laissais échapper un soupir alors que je partis récupérer ma marionnette. Je m'accroupis pour la saisir et la dépoussiérer un peu, avant de me tourner vers le vieux pour parler le langage des signes.

" Vieux débris, je suis pas là pour faire mumuse. J'essayais une nouvelle technique. "

" Ouais et ba... ça ressemble à rien ton machin, gamine faisandée. "

" Espèce de Yokaï décrépi, tu m'as interrompu et je te ferais remarquer que je commence à peine à fignoler le machin. Normal que ça ressemble à rien à l'extérieur. "

" Explique un peu la mioche. "

Je détestais quand il m'appelait comme ça. Je lâchais un long soupir avant de lui expliquer dans les grandes lignes ce que je désirais faire. Il affichait une petite moue peu convaincue mais cela signifiait qu'il allait rester pour regarder ce qui déconnait. Avoir son œil expert allait m'aider sans doute à voir là où je pêchais. J'avais pas d'orgueil de ce côté là. C'était lui qui m'avait tout appris et je savais qu'il pouvait encore m'enseigner énormément. J'étais pas ingrate le moins du monde.

Je repris tout depuis le début, naissance de mes fils, je fis courir Itori en lui faisant prendre assez de vitesse pour qu'elle décolla tout autour de moi. Je m'enfermais ainsi dans une sorte de tourbillon où ma marionnette me rendait relativement invisible et j'entendais les commentaires de mon père qui me disait quoi faire pour améliorer les choses.

" Accélère gamine.... soit moins raides avec des bras mais plus avec des fils.... voilà... plus vite... on cherche pas la maniabilité là... plus vite je t'ai dis... voilà, mieux.... continue... relâche pas... pas mal... "

Quand je fus assez satisfaite de ces tournoiements incessants - et que ça commençais à me gonfler - je voulais passer à une nouvelle étape. Pour rappel, mon but était pas de la faire tourner autour de moi, mais d'une cible pour me permettre de feinter avec autre chose. Alors que j'écrasais ma clope au sol que je venais de finir, je levais la tête vers mon père avec un petit sourire en coin.

" Pourquoi tu me regardes comme ça, gamine? "

Cela gueulait. Le vieux râlait et hurlait alors que je me bouchais les oreilles pour atténuer le son strident de ses réprimandes.

" HEY! MAIS TU ME PRENDS POUR QUI! UN MANNEQUIN D'ENTRAINEMENT PEUT-ÊTRE? QUELLE FILLE INGRATE! COMMENT ON PEUT FAIRE CA A SON VIEUX PÈRE!  "

Voilà qu'il sonnait les violons et qu'ils jouaient les victimes. Je connaissais son niveau, c'était un shinobi qui en avait dans les bras et je croyais bien évidemment pas à tout son cinéma. Il avait peut-être soixante piges passées, mais c'était un fossile solide.

" Arrête tes jérémiades, papy! T'es pas fait en cristal à ce que je sache. "

" C'EST PAS LA QUESTION! "

Je me rebouchais les oreilles le temps qu'il lâcha encore son fiel.

" Si t'as l'énergie pour gueuler, mets-toi en place. "

Il ne lutta pas plus bien qu'il continuait à râler dans sa barbe grise. Voilà mon petit papa comme je l'aimais. Il braillait beaucoup mais il m'aimait assez pour supporter mes caprices. Est-ce que son éducation avait été foireuse? Allez savoir, il avait fait comme il avait pu avec ce qu'il avait sous le coude. Personnellement, j'allais pas me plaindre parce que j'étais à peu près certaine que j'aurais pas pu rêver mieux. Le peu de fois où j'essayais de réfléchir ou de creuser mon cerveau pour me rappeler de mon véritable père, je ressentais comme une impression de dégoût et de peur, et ça me stoppait dans mes efforts. J'avais pas envie de me rappeler d'un type qui m'inspirait si peu.

Quoiqu'il en fut, on en revenait à ma technique de marionnette. Je fils un signe à mon vieux de s'installer en plein milieu de la cours et lui réclama de pas bouger d'un cil pour le début. Je pouvais faire tournoyer mon pantin autour de moi, mais est-ce que j'aurais assez de dextérité pour en faire de même sur une autre personne? On commençait prudemment, raison pour laquelle je le voulais immobile en premier lieu. Ma "victime" se tenait droit comme un i, ça me faisait marrer.

" Détend-toi le vieux! On dirait que t'es constipé! Fais-moi un peu confiance. "

" RATE PAS TON COUP SALE MÔME!  "

Aussitôt, je m'appliquais à lui envoyer ma marionnette, l'obligeant à foncer dans sa direction en l'encerclant avant de commencer à impulser le tournoiement autour de lui. Cela m'obligeait à adopter une gestuelle bien différente que si je l'avais fait autour de moi, mais dans le principe, mes doigts savaient parfaitement comment gérer la chose. Mon précédent entrainement n'avait pas été vain.

" TU VAS PAS ASSEZ VITE!  "

Derrière le rempart que dressait Itori, je pouvais en effet le distinguer bien que sa silhouette me paraissait flou. Je le devinais les bras croisés, râlant et continuant à me vociférer que ce n'était pas assez. Je finis par m'interrompre.

" C'est beaucoup plus galère que ce que je croyais. "

Alors que je venais de couper mes fils de chakra, je regardais mes doigts que j'agitais comme une pianiste après lui avait fait des signes pour traduire mes impressions. Mon père restait à sa place mais je sentis ses yeux se poser sur moi.

" Tu réfléchis trop, gamine. Tu connais le truc, tu connais les capacités de ta marionnette. Tu me demandes de te faire confiance et tu le fais pas pour toi-même. Recommence.  "

Le regard que posa mon père sur moi me rassura bizarrement. Je finis par hausser les épaules et je m'y attelais une nouvelle fois, reprenant l'exercice de la même façon que quelques minutes plus tôt. Itori commença à tournoyer, d'abord lentement puis j'accélérais. Afin d'être certaine d'aller assez vite, il fallait que je fasse en sorte que l'image de mon père disparusse derrière ma marionnette. Il me fallut bien plusieurs minutes pour atteindre la vitesse appropriée, que je captasse avec précision le minimum à atteindre pour y parvenir et que j'en imprimasse la gestuelle dans mes doigts. Je maintenais l'allure jusqu'à entendre mon vieux père s'impatienter dans le tourbillon dans lequel je l'emprisonnais. Lorsque je fus plus à l'aise, j'en profitais pour l'attaquer. Puisque son attention était retenu, je pouvais en profiter pour le surprendre. Bon, j'étais pas assez dingue pour vouloir le dézinguer, je me contenterais de le surprendre.

Un sourire se dessina sur mon visage face à la mesquinerie que je préparais. Oh, rien d’époustouflant mais il ne s'y attendrait pas. Alors que ma marionnette danser à vitesse grand V, je me ruais dans sa direction et relâcha fit en sorte de stopper brutalement mon pantin. J'apparus devant lui, prête à dégainer mon katana - qui pendait toujours à ma ceinture - comme si je m'apprêtais à lui filer un coup dans les côtes... mais je me stoppa nette devant lui.

Je vous racontais pas l'engueulade qui avait suivi. Il me fit des yeux ronds comme des billes, me traita de sale gamine pendant bien dix minutes suite à l'effet de surprise. Fallait dire que je lui avais pas indiqué que j'allais attaquer, donc forcément...

" Ouais bon ça va le vieux... t'es pas mort. "

" AVOUE QUE TU VEUX MA PEAU! J'AI LE CŒUR FRAGILE! "

Je me mis à pouffer de rire. Le cœur fragile. Il en disait des conneries.

" Fais pas la gueule, papa. Je t'invite au resto pour la peine. "

" UN PEU QUE TU M'INVITES! "

Il lui en fallait si peu pour se remettre en fait. Cela me fit rire une nouvelle fois alors que je ramassais mon patin que j'époussetais. On avait bien travaillé aujourd'hui et j'en avais fait bien suer le paternel. Il me faudrait sans doute reprendre l'exercice pour être certaine de la maîtrise totale mais j'en possédais toutes les bases et rien que pour ça, je méritais de m'auto-congratuler autour d'un verre en compagnie de mon vieux.

" Allez le grincheux! On y va! "

Je sifflais mon père avant de lui faire les signes pour me suivre. Un peu de temps avec lui me ferait pas de mal.