Le kimono que lui avait offert le Kamiko avait été soigneusement rangé dans une boite qu’elle transportait comme si c’était le plus précieux objet qu’elle eu possédé. Le présent qu’il lui avait offert était sans nul doute celui qu’elle avait le plus apprécié depuis bien longtemps et l’idée de pouvoir le montrer à toutes ses cousines faisait apparaître sur son visage une fierté plus que visible. Ses yeux perles brillaient différemment et même sa posture semblait encore plus digne et soignée que quelques minutes plus tôt. Pourtant, cette fois-ci, c’était à elle d’offrir quelque chose à cet étranger. Elle voulait prouver qu’elle savait être reconnaissante – d’où l’invitation à passer chez elle.
La jeune femme gardait une distance respectueuse avec son invité, mais souvent, son regard lunaire venait se poser sur lui. Il n’était pas laid et ses cheveux de la couleur contraire aux siens étaient tout simplement sublimes. Quelque chose chez lui était … différent, mais pas dans nécessairement dans le bon sens … ou même dans le mauvais sens. C’était cette différence à peine perceptible qui attirait sans cesse son attention, mais elle tentait tant bien que mal de se retenir de l’étudier de plus près pour comprendre ce qui la chicotait à ce point. Après tout, ce n’était pas très poli tout ça. La marche du district marchand jusqu’au domaine fut de quelques minutes dans lesquelles Chiyo ne savait pas trop comment maintenir une conversation fluide avec lui. Généralement, les hommes qui s’adressaient à n’avait des paroles aussi douces que miel et ne faisaient pas pleuvoir les compliments ainsi – bien sûr, elle n’était jamais en manque de ceux-ci, mais l’approche habituelle était beaucoup plus … subtile.
Une fois arrivés au domaine, elle le guida dans le labyrinthe de couloirs. Sur leur chemin, quelques curieux s’arrêtaient pour fixer l’étranger. Évidemment, il était rare que Chiyo ramène quelqu’un jusque-là et encore moins quelqu’un de l’extérieur. Après tout, en général, elle n’aimait pas s’y mêler …
La douce jeune femme le guida jusqu’à un petit salon des plus traditionnel où elle lui offrit de s’installer sur l’un des coussins aux tons clairs.
« Je vais chercher le thé, ce ne sera pas bien long, souhaitez-vous quelque hose à manger également ? »
Ce fut à et instant qu’un homme d’âge mûr entra dans la pièce, probablement attiré par le son de la voix de la fragile Hyuga. Longs cheveux sombres parsemés de longs filaments blancs, il semblait dans la quarantaine avancée.
« Chiyo, tu ne m’avais pas avertie que tu avais un … visiteur. »
Si Fumetsu y prêtait suffisamment attention, il pourrait déceler dans la voix de l’homme un certain mépris, plus que de la surprise face à sa présence. Chose que Chiyo ne sembla pas remarquer puisqu’elle se contenta de sourire à l’homme.
« Désolée père, je vous présente Kamiko Fumetsu. Il m’a offert un kimono, je voulais l’en remercier, j’espère que je ne vous ai pas dérangé avec cette surprise. -Non pas du tout. »
Il œillait désormais l’invité de sa fille avec une certaine … suspicion. La méprise avait été totalement remplacée et il était évident, pour n’importe qui qu’il suspectait l’homme de vouloir courtiser son enfant chéri.
« Aller, vas chercher le thé. Je vais lui … tenir compagnie. Ne t’inquiète pas. »
Visite impromptue et méfiance parentale [feat Chiyo] Flâneries et courtisaneries faîtes en bonnes en dues formes, le Kamiko s’enfonçait petit à petit dans un jeu dangereux où rien ne semblait le retenir. La femme aux yeux laiteux l’observait par moments, comme si l’esthète fut une curiosité ou une friandise particulièrement alléchante, ou peut-être bien était-elle méfiante mais dans son aveugle orgueil, Fumetsu ne pouvait concevoir qu’elle n’était pas encore tombée entièrement sous son charme arachnéen. Pour lui, sa proie se débattait avec mains vains efforts dans sa toile. Ainsi, il n’usait que de son charme autant factice et travaillé que naturel afin de la garder sous sa coupe, essayant de trouver un point faible, une fissure, afin d’en user plus tard mais la conversation semblait se tarir au fur et à mesure qu’ils avançaient dans ce dédale si familier. Alors, préférant le silence à des maladresses ou des minauderies aux allures forcées, le Kamiko se tut, laissant le silence et sa prestance faire le travail. Son cœur battait à contrecourant de la situation extérieure, il ne pouvait se retenir de pomper furieusement, son cerveau lançant mille signaux d’excitation morbide où plusieurs images se superposaient dans une violence cascadée, toujours obsédé par deux ronds d’une perfection absolue. Intérieurement, il bouillonnait, à l’extérieur, il rayonnait et cela se remarquait par son joli sourire éclosant sur son visage, étirant de magnifiques traits.
Arrivé au domaine Hyûga, le Kamiko ne put que siffler d’admiration, impressionné par la majestuosité de la demeure mais malheureusement pour lui, il n’eut guère le temps de s’attarder sur la beauté de l’endroit qui oscillait entre austérité seigneuriale et supériorité assumée. Il ne fit pas l’erreur de se laisser absorber par les particularités architecturales plutôt que par sa compagne du jour et lançait parfois quelques phrases destinées à rehausser l’estime de son allocutaire, bien qu’elle semble pouvoir s’en passer ayant hautement conscience de son statut. Et qui dit imbue, dit friande de compliments mielleux, ce que Fumetsu savait faire, adepte de la flatterie. Arrivé dans un salon sobrement décoré mais d’une finesse inégalable, la prénommée Chiyo lui offrait un thé et à manger, il acceptait alors volontiers le thé mais refusa d’un geste délicat de la dextre d’être servi autre chose. Ce faisant, il se courbait légèrement, avec une pointe de déférence courtisane, avant d’être surpris par l’entrée fracassante, bien que silencieuse, d’un homme doté d’une longue chevelure noire et des yeux d’une blancheur opaline qui stoppèrent le cœur du Kamiko comme foudroyé par cette apparition. Reprenant contenance rapidement, imperceptiblement, il saluait le visiteur – bien qu’il fut l’hôte – avec respect tandis que celui-ci renvoyait sa fille après une présentation sommaire. Après un échange de regard, Fumetsu savait à quoi s’en tenir : il faudrait maintenant composer avec un chaperon, un des plus stricts visiblement. S’asseyant avec grâce sur l’un des coussins, il prenait la parole d’une voix claire, mélodieuse.
« Ravi de vous rencontrer monsieur. Je fus enchanté de croiser votre fille lors de mes propres emplettes et ce n’est que naturel, étant donné ma propre profession, que de lui offrir une étoffe lui seyant mieux que ce qui fut présenté dans cet établissement. Je sais bien que les Hyûga ont un statut qui leur interdit de ne pas être au sommet de ce monde, même pour la bagatelle – quoiqu’importante selon moi – qu’est un vêtement. » Le Kamiko n’osait rajouter plus de choses, soucieux de ne pas se compromettre aux yeux de la jeune femme si elle jouait aux oreilles indiscrètes mais aussi aux yeux du père. Il n’excluait ni la courtisanerie, ni l’amitié, restant ambigüe sur ses intentions, laissant place à l’interprétation, certes, mais il pourrait composer là-dessus, il n’en doutait pas. :copyright: 2981 12289 0
Chiyo adorait son père, mais le ton austère qu’il avait en présence de Fumetsu lui déplaisait. Elle ne savait pas d’où pouvait venir cette soudaine hostilité, mais elle ne dit rien. La jeune femme savait que son père avait pour désir que son bien et qu’il ne faisait que ce qu’il jugeait nécessaire. Elle sortit alors de la salle pour faire le thé alors que son père accapara toute l’espace, se montrant plus imposant que nécessaire.
« En général, jeune homme, on n’offre pas d’objet de si grande valeur sans raison. J’aimerais savoir ce qui vous motive. »
La voix froide, il laissa le silence planer, donnant tout le temps à Fumetsu de répondre. Peut importe quelle fut la réponse de Fumetsu aux quelques mots du père Chiyo, la jeune femme en question ne pu les entendre, n’étant toujours pas revenue. Pourtant le vieil home poussa davantage :
« À combien estimez-vous le prix du kimono que vous avez offert à Chiyo ? Je m’assurerai que vous soyez payé. »
Il était désormais clair que le paternel de la demoiselle ne voulait rien devoir à son interlocuteur. Tout cela ce n’était pas bon pour le clan après tout. Il soupira, mais alors qu’il allait répondre autre chose, la porte du petit salon s’ouvrit, coulissant lentement avant de laisser apparaître à son embrasure la jeune femme, à genou, avec, posé à ses côtés tout ce qui fallait pour servir le thé. Elle se fit glisser, toujours sur les genoux, à l’intérieur de la pièce où elle vint se poser près de la table.
Quelques gestes lents et grâcieux suffirent pour servir les trois tasses de thés. Ce ne fut guère bien long avant que ses yeux clairs cherchassent e nouveau le visage de son interlocuteur. Pendant quelques secondes, elle sembla réfléchir.
« Fumetsu-sama, y a-t-il quelque chose que je pourrais faire pour vous remercier pour ce kimono ? Après tout … Simplement à le regarder il est évident qu’il est d’une qualité plus qu’excellente. »
C’était la première fois qu’un homme lui offrait un kimono, alors, Chiyo, bien qu’elle fût une jeune femme distinguée, polie et qui savait habituellement rendre les faveurs qui lui étaient offertes, se retrouvait un peu embêtée. Il était rare qu’un cadeau était offert de cette façon et souvent cela signifiait le début plutôt officieux d’un jeu de courtisanerie et d’amadouement à des fins … plus romantiques, disons-le ainsi et il allait de soit que bien qu’il fut un homme plaisant à regarder, elle n’avait pas réellement le droit de prendre cette décision d’elle-même. Il lui fallait l’aval de son père et de son clan. L’idée de lui retourner la faveur était donc une façon plus ou moins pataude, non seulement de montrer son appréciation du présent qui lui avait été fait, mais aussi de tenter de limiter l’espoir de l’homme, car, très probablement, lorsque viendrait le temps de choisir son partenaire, on lui trouverait quelqu'un au sein du clan et non un étranger. Une pensée qui amena à son visage un assombrissement passager, alors qu'elle songeait à son enseignant, une fois de plus ...