Désastre Ambulant

Acte 1 : If you can dodge a wrench...

Décidément, la genin avait bien de la chance d'avoir un Senkage juste et patient. Un type bien moins aimable n'aurait pas hésité à la remettre à sa place, mais Meyo avait décidé de tolérer impertinence de la jeune femme, acceptant son étrange excuse sans vraiment poser plus de questions.

"C'est ta faute aussi !"

Disait-elle en chuchotant, quittant la tour du Sengake les joues rouges.

"Tu parles, j'ai dit ce que j'avais à dire, c'tout. Les sabreurs sont pas fait pour taper du bois, c'est le boulot des saletés de Senju, ça."

"Tu dis..."

Elle s'interrompit brièvement, adressant un sourire charmeur à un shinobi qu'elle croise et qui lui jette un regard confus, ce demandant surement pourquoi l'épéiste parlait toute seule. Elle accéléra le pas, reprenant.

"Tu dis n'importe quoi. Et de toute façon, je fais c'que je veux. C'est pas parce que tu peux me parler en permanence que tu décide ce que je fais."

"Sois pas idiote. J'ai charcuté bien plus de petites effrontés que tu en a jamais vues, et t'étais même pas encore née. Tu ferais mieux de m'écouter, t'as bien plus à gagner que de bosser pour un vieux crouton."

"J'ai dit que je m'en fichais ! Et de toute façon je l'ai dit au Kage. Je peux pas faire machine arrière."

"Pff. Depuis quand t'écoutes les ordres, toi."

"Tais toi ! T'as personne d'autre sur qui râler ?!"

"Très bien, très bien. J'ai mieux à faire de mon temps que de te regarder perdre le tien, de toute façon. J'vais aller faire un tour, évite de faire n'importe quoi. Et appelle moi si t'as b'soin."

"C'est ça, tire toi."

Un ange passa alors dans la tête de la jeune femme, qui laissa échapper un soupir soulagé. Elle s'assit un instant à l'ombre, profitant pour quelques minutes du calme intérieur dont elle jouissait, moment devenu plus que rare depuis l'arrivée de Bob dans son crâne. Ses jérémiades incessantes et ses reproches ne faisaient que la déconcentrer ou la perturber, mais ses longues et étranges pauses lui offrent un peu de répit, ce qui évitait probablement à sa personnalité de voler en éclat.

Elle se releva, prenant la direction de la maison du charpentier, ses pensées tourbillonnant dans sa tête. Elle aurait pu parler de son insupportable compagnon aux vieux du clan, mais ils la pensent déjà tous folle à lier, donc entendre une voix dans sa tête n'aiderait pas, hein ? Elle n'avait pas envie de finir enfermée ou exécutée, salissant le nom si prestigieux du clan... Et donc, elle était coincée avec lui.

Aya fût violemment tirée hors de ses pensées par une collision violente, qui l'envoya valdinguer sur quelques centimètres. Elle ouvrit de grand yeux, surprise, et porta une main à son crâne qui avait rencontré avec fracas le torse d'un shinobi aux yeux plus qu'inquiet. Les deux uzujins s'excusèrent mutuellement, et les yeux du grand blond semblèrent soudainement se remplir d'espoir alors qu'il vit le rouleau de mission dépasser de la poche de la genin.

"Ah, t'es la remplaçante, pas vrai ? Oh, génial, je vais pouvoir me tirer de la maison de ce fou !"

Il salua avant de se carapater comme si le démon en personne était à ses trousses, non sans lâcher un "Bonne chance !" qui voulait tout dire. Intriguée par cette rencontre étonnante, la genin entra dans la maison d’où venait de sortir le shinobi.

Un peu vétuste, elle était malgré tout remarquablement construite, laissant la charpente relativement apparente comme si le propriétaire en était fier. Ça et là, de la vaisselle sale était disposée, mais surtout tout un tas de clous et de boulons jonchaient le sol, obligeant la genin à avancer sur la pointe des pieds. Soudainement, elle heurta une boite avec son sabre qui s'écrasa au sol, libérant quelques outils dans un vacarme assourdissant.

"OH, J'VEUX PLUS TE VOIR TOI !"

Aya eut à peine le temps de se retourner pour entrapercevoir une grande clé en métal qui lui arrivait droit dans la figure. Avec un "bonk" magistral, la genin se la prit entre les deux sourcils, ce qui l'envoya au tapis pour la seconde fois de la journée, laissant échapper un glapissement de surprise et de douleur.

"Aieeeee !!"

Malgré les 50 étoiles qui passèrent dans son champ de vision elle se releva, le dos douloureux car constellé de vis qui s'y était fichées lors de sa chute, furibonde.

"HEY, QUI A FAIT CA ?!"

Elle vit alors un homme d'une quarantaine d'années, assis dans un fauteuil et à proximité d'une boite contenant plus d'une vingtaine de clef de calibre différent et en en tenant une dans sa main, comme prêt à la lancer.

"T'es qui, toi."

L'homme ne posa pas sa clef, mais ne la lança pas non plus. Il plissa les yeux comme pour dévisager la genin, ce qui fit fondre toute envie guerrière de la Miyamoto comprenant à qui elle avait à faire.

Cela faisait maintenant près de 5 minutes que la genin et l'homme ne s'étaient pas parlés. L'une sans doute trop intimidée et souffrante, et l'autre... qui sait quelles pensées pouvaient passer dans la tête du formidable charpentier ?

Peut être pour s'excuser de la méprise (visiblement, Toki pensait que la jeune Miyamoto n'était autre que le shinobi blond qu'elle avait croisé, ce qui explique son empressement), le Fuma lui avait offert de prendre le thé. Pourtant, l'ambiance n'était pas cordiale mais très tendue. Le cœur de la genin battait à 100 à l'heure, et la douleur de sa blessure n'était plus qu'un mauvais souvenir devant le regard perçant de son aîné.

"T'as déjà fait de la menuiserie ?"

Le cœur de la genin rata un battement, tant la banalité de la question tranchait avec la pression infinie qu'elle s'était mise. Elle hocha la tête avec insistance.

"Oui monsieur ! J'ai déjà réparé le nichoir d'un jeune Miyamoto. Et j'ai déjà vu des charpentiers à l’œuvre, monsieur !"

Le charpentier plissa de nouveau les yeux, laissant son impitoyable regard scanner la genin de A à Z, la mettant comme nue devant sa vision impressionnante. Il lâcha alors, sur un ton presque maussade.

"Mouais, ça d'vrai faire l'affaire."

Il leva un sourcil, avant de reprendre.

"T'as l'air plus capable que l'autre abruti de chuunin qui devait vérifier que j'aille bien." Il grommela dans sa barbe "Comme si j'avais besoin d'un empoté pareil, j'te jure."

Il ajouta, reportant de nouveau son attention sur Aya.

"Bon, vu que j'peux plus trop assurer mes chantiers, tu vas devoir t'en occuper. C'est rien de sorcier, juste fixer deux trois planches pour finir un chantier que j'ai d'ja bien avancé. C'est une maison à l'est d'Uzu, une de ces nouvelles bâtisses en bois renforcé. J'ai déjà tout accordé, t'as juste à bien clouer les planches entre elles et vérifier qu'elles sont bien traitées. Tu fais juste ça, et ça ira. Derrière, c'est l'couvreur qui va reprendre le boulot."

Sur ce, il lança un dernier regard plein de menaces à la genin, lui faisant comprendre le terrible sort qui l'attendrait si elle échouait. Sans avoir besoin d'ajouter quoi que ce soit, il la congédia d'un mouvement du bras.

Ainsi, la genin sortit de la maison du charpentier plus meurtrie qu'en y entrant, mais le cœur empli d'espoir et d'excitation. Le soleil au beau fixe et la petite brise marine venant accompagner ses pas rajoutant à l'ambiance bucolique de son chemin, elle se mit en route vers le chantier, ayant emporté avec elle un bon marteau déjà bien usé, ainsi qu'un certain nombre de clous dans une boite soigneusement fermée.

S'étant au préalable vêtue d'un pantalon légèrement moulant et d'un haut court fort peu encombrant, elle utilisa le foulard qui attachait ses cheveux pour s'en couvrir la bouche afin de masquer légèrement son visage, laissant sa longue chevelure détachée. Ainsi, si un Miyamoto passait dans la coin, il ne la reconnaitrait pas !

Finalement, après quelques minutes, elle arriva au chantier... Et manqua de perdre l'équilibre tant ce qui lui restait à faire était colossal. Toki avait parlé de clouer des planches, mais celles-ci étaient extrêmement nombreuses, se croisant plusieurs fois entre elles, et sur plusieurs étages... Un chantier infinitésimal et d'une précision remarquable, à la hauteur de la réputation du charpentier.

Acte 3 : Yoton

Elle mit quelques clous dans sa bouche, avant de commencer à escalader les poutres. Elle se concentra un instant, malaxant son chakra pour en déposer sous ses pieds, lui permettant une certaine adhérence.

L'effort lui fût un peu plus long et douloureux que pour un genin standard, mais c'est une fois de plus son sang Miyamoto qui venait lui faire obstacle. Elle avait toujours été désavantagée par rapport à ses camarades shinobis en matière de chakra, et avait donc dissimulé ce défaut en redoublant d'efforts pour rester au niveau. Ainsi, la moindre dépense de chakra lui causait des douleurs parfois désagréables, mais elle avait appris à les taire.

A 90 degrés, elle renonça bien vite à l'idée du foulard. Ses cheveux se mettaient devant son champ de vision, et son foulard l'empêchait de respirer convenablement. Elle rattacha donc bien vite sa chevelure comme à l’accoutumée, espérant juste ne pas se faire reconnaitre.

Elle commença donc à s'attaquer au chantier digne des écuries d'Augias. Les poutres étaient multiples, les croisement aussi, et si les premiers coups de marteau étaient intéressants, Aya s'enferma bien vite dans une routine bien tranquille.

Aller sur une poutre. Trouver le croisement. Prendre le clou. Tapoter légèrement pour l'enfoncer délicatement. Y aller plus franchement pour finir le travail. Vérifier que ça tiens. Passer à un autre croisement.

La petite taille de la genin et son poids léger lui permettaient une fluidité de mouvements agréable, et Aya se surprit même à chantonner, la tête à l'envers, tapotant de son marteau. Nul doute, ce travail simple lui plaisait. Elle savait qu'elle avait toujours été manuelle, et ce n'en était que la confirmation.

Si sa vie ne pouvait être que ça ! Des moments simples, agréables et physiques, portée par la tranquillité de la brise marine, et sans avoir la tête emplie de soucis ou d'autres voies. Si seulement son nom n'impliquait pas tout ce mode de vie étrange et désagréable... Pourquoi n'y avait-elle pas droit ?

Aya ne remarquait rien, mais son activité attira bien vite des curieux. Alertés par le bruit du chantier, ils étaient venus observer, avant de rester voir la genin se déplacer dans tous les sens, virevoltant entre les poutres. Ce n'était pas un spectacle commun !

"...yaaaa. Ayaaaaaa !"

Oh, non. Elle venait d'entendre son prénom.

Regrettant amèrement d'être tirée de son petit instant de bonheur, elle se tourna vers la petite troupe amassée en bas pour identifier la personne qui l’appelait... Et son sang ne fit qu'un tour.

Miyamoto Yoton.

Elle détestais ce type. Il était à l’opposée d'elle, super rigoureux, bon élève, ne manquant jamais un seul cours. Et surtout, il passait tout son temps à cafter les sorties illégales d'Aya. Combien de fois avait-elle vu son sale petit visage arrogant à coté de celui de son père lorsqu'elle subissait des châtiments, récompensé pour sa délation.

Petit, vicieux et détestable.

"Ayaa, je vais tout dire à seiren ! Il te cherche partout depuis ce matin, il est fuuu-rieeeux ! Mais vu que c'est moi qui t'ai trouvée, moi il va me ré-com-pen-ser !"

La genin bout intérieurement, et ses coups sur les poutres s'en trouvent accentués. Pourquoi fallait-il toujours que son clan la rattrape ?! C'était si bien pourtant ! Elle lui crie alors, agacée par le ton de l'autre genin.

"Ah ouais ? Bah va falloir venir me chercher, Yoton-kuuun"

Le Miyamoto devient rouge de honte, et cela arrache un sourire à Aya, perchée sur sa poutre. Elle avait visé un point sensible, mais il l'avait cherché !

"Tu vas voir ce que tu vas voir !"

Avec une maitrise du chakra impressionnante, il malaxe instantanément son chakra pour l'utiliser sous ses pieds, avec la même technique que celle d'Aya. Celle-ci, comprenant qu'elle avait dépassé les bornes, comprit alors que la furie de Yoton n'aurait pas de limite, surtout en le voyant dégainer son sabre.

Elle soupire. Que les garçons sont idiots.

Le narguant et dégainant son propre sabre, elle l'attends, alors que la troupe de curieux venus voir travailler la genin s’agrandit, impatiente de voir le duel impromptu qui s'annonçait.

Ost:

Très vite, Yoton monte au niveau de la genin. D'un mouvement ample, elle se remet droite, avant d'arrêter sa fente avec la plat de sa lame.

Les deux combattants se figent un instant ainsi, dans un pur duel de force. Une veine se contracte sur le front de Yoton, tandis qu'Aya l'observe, toujours narquoise. Elle savait pertinemment qu'a ce petit jeu, le plus jeune n'avait aucune chance.

Il jure, reculant d'un bond et s'accrochant à une autre poutre, évitant la contre-attaque de la Miyamoto. Il n'a toujours pas la capacité de surpasser son ainée, et cela le contrarie fortement. Lui qui fait pourtant tant d'efforts, pourquoi ne peut-il jamais dépasser son énigmatique et tellement irritante cousine ?

"Parce que t'es naze."

La grimace d'Aya fait bouillir le genin, qui, prenant impulsion sur la grande poutre, saute de façon impressionnante, se fendant de tout son long dans une attaque surprenante et surtout extrêmement risquée. Elle esquive sans grand mal, mais l'épée vengeresse de Yoton s'extrait immédiatement de la poutre dans laquelle il l'avait plantée, arrachant des échardes de bois. Le fer Miyamoto est plus résistant que de simple bûches !




La fureur du genin ne semble plus pouvoir connaitre de limite. Puisqu'il ne peut l'atteindre avec ses capacités standard, il n'aurait qu'a les surpasser ! Il se rue alors sur elle sans réfléchir, enchainant les passes d'armes, et se déchargeant sur elle, faisant voler bois, vis et clous, tandis qu'Aya esquive ou pare, se moquant du petit Miyamoto si arrogant et stupide.

"Tu croyais vraiment pourvoir me battre ? A mon tour !"

Soudainement, Aya change de stratégie. Elle qui jouait avec Yoton pare un de ses assaut, ne déviant pas sa lame comme à l'accoutumée, mais en un véritable duel de force. Lame contre lame, les deux genin peuvent sentir leur respiration, mais c'est finalement Aya qui emporte le duel, repoussant le Miyamoto au loin dans un grand crac.

Sautant sur une autre poutre et le pourchassant, elle enchaine alors une série de passes d'armes dépassant totalement le répertoire de Yoton, avant de finalement lui arracher la lame de ses mains pour l'envoyer valdinguer au sol, plusieurs mètres en bas, signant la fin de leur duel aérien.

"T'es vraiment trop nul, Yoton-kuuu..."

CRAC.

Au crac de tout à l'heure se fait entendre un autre crac, et encore un autre, encore plus puissant. Aya se retourne, observant alors le ravage provoqué par le duel puéril des genin.

Toutes les planches si finement travaillées par Toki et qu'elle avait passé des heures à peaufiner étaient recouvertes de coupures, quand elle n'étaient pas tout simplement brisées en deux. C'était un massacre, un désastre. Ivre de colère, Aya se tourne de nouveau vers Yoton pour l'insulter de tous les noms, se retrouvant face... à une buche.

Le lâche avait Kawarimi.

Elle se retourne de nouveau, pétrifiée, alors que la charpente entière commence à se casser la figure, elle comprise dedans.

Elle allait se faire tuer. Par Toki, par le clan, par le Senkage.

Si la maison ne la tue pas dans sa chute.

ost:

"...Quel désastre. J'avais entendu parler de toi, mais j'pensais que c'était pas fondé... J'me suis gouré. J'veux plus jamais t'voir près d'chez moi et d'mes chantiers."

La genin, droite et crispée, écouta les reproches du charpentier avec stoïcisme, retenant avec grand peine ses émotions. Elle était dégoutée, humiliée, tout son corps lui faisait mal, mais pourtant elle assumait. Elle avait échoué, mais refusait de fuir ses responsabilités. Elle n'avait pas évoqué son duel, car de toute façon personne ne l'aurait cru, comme toujours.

Le pire dans tout ça était la réaction de Toki. Elle aurait préféré se prendre encore mille clé dans la figure plutôt que ça. Une froide déception.

Elle s'inclina devant le maitre charpentier, avant de sortir de sa demeure d'un pas incertain. Elle devait être blessée, mais c'était surtout son esprit qui en avait pris un coup. Comment une activité qui se passait si bien avait pu tourner au cauchemar si vite ? A peine sortie, elle alla s'assoir dans une ruelle, mettant sa tête dans ses genoux et laissant échapper des larmes.

Tristesse et injustice se mêlant a sa fatigue et sa douleur, formant un tourbillon émotionnel bien dur à gérer, même pour elle. Surtout que l'attendais encore le châtiment Miyamoto, pour avoir fugué et pour avoir provoqué un nouveau désastre. Oh, et celui du Senkage également. Une montagne bien insurmontable pour la genin.

"J'te l'avais bien dit."

"... Bob ?"

"Sèche tes larmes. Les Sabreurs pleurent pas."

"..."

"On va y aller ensemble. Pas comme si on avait le choix, pas vrai ?"

"..."

"Allez, lève toi."

"..."

"..."




"...Okay"