"- Salut cousin, j'attendais ta venue !" lançais-je avec force et volupté dans la voix.
L'arbre mousseux numéro trente-cinq du terrain d'entraînement ne semblait pas convaincu par ma démonstration, à croire qu'il était désormais davantage blasé que boisé...
Qu'est-ce qui ne fonctionnait pas dans ma réplique ?
Le brin d'incertitude lorsque je le désignais ?
Après tout, qui disait qu'il était mon cousin ?
Lui et moi partagions en effet des gênes communs, c'était chose certaine. Puis cela se confirmait à notre air de ressemblance, bien qu'il fasse assurément plus âgé, voir plus expérimenté. Ainsi, était-ce peut-être mon oncle ?
"- Salut mon oncle, j'attendais ta venue !" repris-je alors avec autant d'élan que si ce n'était pas ma cinquante-et-unième répétition, pointant numéro trente-cinq du doigt.
Son écorce était aussi sinueuse et creusée que pouvaient l'être des rides, il atteignait plus de six mètres de haut, et pourtant je ne lui donnais pas plus de vingt ans à ce frêne... Shun avait beau être plus vieux, je ne lui donnais pas plus de trente ans à vue d'oeil. Bien qu'il ait pu être mon oncle, cet homme était plus proche d'être mon frère.
Mon frère... Je l'avais déjà envisagé, il m'arrivait même de ressentir un lien particulier à la façon dont le shinobi de jais m'avait pris sous son aile ces derniers jours. Mon comportement même en était troublé, très défensif j'avais essayé de garder une bonne image auprès de lui, sans arriver à distinguer si son caractère calme et serein était la raison pour laquelle je ne lui avais pas mené la vie dure, à lui. Étrangement spécial à mes yeux, je ne savais dire s'il m'agaçait ou si ça me plaisait de passer du temps avec... Que d'incertitudes.
Par conséquent j'avais décidé de rester sur une phase d'analyse le concernant, de comprendre davantage à qui j'avais à faire afin de cerner cette aura mystique qu'il avait sur moi jusque-là.
Quoi qu'il en soit, les premières impressions étaient souvent les plus importantes, celles qu'il garderait jusqu'à ce qu'il se redemande à nouveau qui je pouvais bien être. Chaque détail comptait lorsqu'il était question d'arriver à ses fins, et l'apparence en était un. Apprêté comme un jour de guerre, j'avais mis mes tabis les plus coûteux et la tenue officielle de tout nouveau genin qui se respectait.
Mais l'apparence ne résumait pas tous les détails, sinon ma gorge ne me râclerait pas autant sans ce jeu d'acteur que je m'efforçais de travailler depuis une vingtaine de minutes. Puis le dernier point important restait la mise en situation, le face à face avec l'inconnu, ce duel le blanc des yeux dans le marron du tronc. Le frêne avait au moins ce point commun avec mon frère, ils n'étaient tous deux pas très loquaces.
"- Salut mon frère, j'attendais ta venue ! " proclamais-je encore une fois, rajoutant un léger froncement de sourcils dans le but d'avoir l'air plus cool.
Rho non, Trente-cinq... Tes sentiments étaient donc émoussés pour ne te réjouir que d'un simple bruissement de feuilles ? Un soupir m'échappa, regardant alors son voisin trente-six d'un air apitoyé. Peut-être que lui n'aurait pas été aussi langue de bois pour me donner des conseils... Bref.
Le mot "frère" avait une double sonorité plaisante, rameutant une proximité presque sectaire, propre aux confréries ou aux amis d'enfance. Maintenant que j'étais aussi membre des arpenteurs, peut-être était-il légitime que je l'appelle ainsi. De cette façon, je ferais usage d'un surnom provoquant l'émoi de la proximité, du confident à qui l'on pouvait se livrer sur tout jusqu'à avouer la moindre de nos envies ou de nos craintes. Parfait.
Je n'en demandais pas mieux à vrai dire, il fallait que je comprenne encore qui il était réellement et à quel point il pourrait être précieux à l'avenir.
Un nœud, un ruban dans les cheveux qui s’attachait autour d’une jointure. La longue chevelure de l’orphelin n’était pas simple à démêler parfois, cependant, il n’était pas prêt à se couper les cheveux, il aimait trop la sensation de ses cheveux qui volaient le long du vent. Cependant, en cet instant, il se demandait si ce n’était pas dangereux de porter une longue chevelure dans le métier de ninja. Par bien des aspects cela pouvait devenir mortelle, tout simplement si les cheveux se prenaient dans un engrenage, la tête pourrait finir découper net… Une perte de cheveux qui pouvait trahir sur la position du jeune Chunin qui avait tendance à fuir assez rapidement.
Il fallait avouer que Shun n’était pas son jumeau, il avait tendance à avoir peur facilement et essayer de fuir très rapidement. Il aimait utiliser des sceaux ou d’autres choses dans le genre pour piéger ses adversaires. Il fallait continuer à s’entraîner et depuis peu le petit-maître de l’encre avait acheté une arme, cependant maintenant, il fallait s’entraîner à la manipulation de ce nouvel outil. Une chaîne avec une lame, ce n’était pas évident de pouvoir l’utiliser. Il mis un petit chandail, un pantalon plutôt court, des chaussures très simples noires. Il tenait son arme qu’il attachait le long de sa ceinture. Puis, pour s’échauffer, il se mit à trottiner vers le terrain d’entraînement. Il sortit la Lame pour attraper la chaîne, il se mit à faire tournoyer l’arme et d’une certaine grâce, il lançait l’arme vers le pantin d’entraînement, l’arme loupait la cible et il se retrouvait ficeler comme un petit cochon. La situation était plutôt comique, mais d’un autre côté, on ne pouvait pas maîtriser une arme aussi compliquée que celle-ci sans vraiment avoir eu un entraînement de singe savant…. Alors qu’il se retrouvait dans une situation comique, Rei un nouveau Kudo et un nouveau membre arpenteur vint à ma rencontre. Il l’appelait tout d’abord cousin, puis oncle, puis frère… Il était un peu perplexe… Il ne savait pas trop quoi répondre, en effet d’après ce qu’avait lu Shun auparavant sur cet homme, il était plus vieux que lui. Shun n’avait que 27 ans… Il fallait répondre quelque chose :
« - Bonjour Rei, appel moi Shun vois-tu ? Ça sera un peu moins bizarre. De plus, tu attendais ma venue ? Je ne pense pas que tu pensais me voir dans cet état. Pourrais-tu m’aider à enlever la chaîne qui me met dans une situation un peu inconfortable ? De plus, pourquoi Oncle ? Je n’ai que 27 ans.. Tu es plus vieux que moi, je crois de ce que j’avais lu sur toi… »
Il souriait, mais d’un autre côté, il avait été un peu vexé que l’homme l’ai un peu trop vieilli. Surtout que lorsqu’on connaissait l’ego du petit Shun ce n’était pas forcément une bonne chose de l’énerver. Il suffisait simplement de voir comment il s’était comporté avec Masamune Sanada et les nombreuses illusions qu’il s’était pris simplement parce qu’il avait poussé un peu trop loin Shun.
Mais qu'est-ce que... Et voilà. J'avais bafouillé. Je m'étais presque autant emmêlé les pinceaux que Shun dans ses chaînes. On avait l'air fin, moi l'artiste ivre et lui l'amateur de torture. Mon habitude de peser chacun de mes mots avait sombré aux oubliettes, au point même que mon entraînement intensif de présentation n'y avait rien fait. Peut-être aurais-je dû me préparer au cas "mon maître du jour sera un saucisson" ?
... Ce n'est clairement pas le genre de situation auxquelles l'on se préparait. Pour autant j'étais un peu sceptique concernant mon incapacité à avoir gardé pour seule version celle de "frère" face à lui. Numéro trente-cinq avait décidément ruiné ma présentation bien cadrée, avec ses conseils à la noix. Quel comble pour un frêne.
Pourtant, même les expériences ratées pouvaient donner de bons résultats, voire même des innatendus. Après tout, la science avait progressé ainsi au fil des siècles, comme toute chose en ce monde elle évoluait au gré du hasard et de la bonne volonté de notre mère destinée. Je n'étais pas le moins du monde croyant ou religieux en quoi que ce soit pourtant, bien d'avis que chaque sujet avait sa place en ce monde et chacun son rôle à jouer. Cependant, il y a bien ce facteur que je ne pouvais m'empêcher de constater à travers ce simple exemple : les expériences innatendues pouvaient amener des résultats innatendus. Une erreur pouvait occasionner une grande découverte, si ce n'est parfois plusieurs.
Dans mon cas, mentionner le terme d'"oncle" m'avait révélé une information incongrue, clairement improbable et à laquelle ma stupéfaction fut mêlée d'une pointe de doute. J'avais clairement l'air d'une version plus jeune que lui, comment pouvait-il prétendre que je sois plus âgé ?... Il m'avait bien vu ?
Puis, personne ne m'avait révélé cette information jusque-là, où l'avait-il lu et surtout était-ce bien vrai ? Saucissonné comme il l'était, il n'avait évidemment pas l'air très fin... Mais si c'était une ruse afin de baisser ma vigilance ?
S'était-il volontairement placé dans une position embarassante et vulnérable afin de me tester ? Et si c'était bien un cas avéré, alors aurait-il pû être assez calculateur pour me mentir dans un quelconque objectif de me manipuler ? Décidemment. Shun n'était pas un arpenteur, ni un chunin pour rien. Il savait exactement ce qu'il faisait et moi qui me pensait un brin plus malin que les autres, je faisais pâle figure à côté. Si j'en avais fini par comprendre tout ça, c'est qu'il l'avait sûrement lui-même voulu... Mais dans quel but ?
Après intense réflexion, je me pris à penser que c'était sa manière à lui de m'avertir. Combiner un renseignement à priori faux et cette situation improbable pour un shinobi de son rang... Je n'avais pas mesuré la finesse du stratagème qu'il avait organisé simplement afin de me faire passer un message clair : il n'était pas bête et seulement lui menait la danse. Tout souriant, le chunin semblait garder une façade bienveillante sous ses intentions aussi malicieuses qu'autoritaires. Peut-être me trompais-je, mais le fait est que les doutes m'avaient coincés et qu'il ne me restait plus qu'à déclarer défaite face à sa prise en tenaille. Un brin admiratif ainsi qu'amusé, mon sourire additioné à un acquiesement vinrent répondre au sien comme pour admettre ma position de disciple. Si cet homme était bien celui que j'imaginais, j'avais finalement trouvé le parfait mentor.
Ce dont je ne me rendis pas compte comme à mon habitude, c'est de cette incapacité à sourire correctement. Celle-là même qui combinée à mes yeux vairons, m'empêchait d'être perçu autrement qu'un fruit du diable par les plébéiens. L'air parfaitement mauvais et sadique s'emparant de mon joli minois alors que j'approchais Shun ficelé de la plus belle des manières afin de le délivrer de ses chaînes, j'ajoutais encore une deuxième maladresse :
Dans cette situation il ressemblait à quelqu’un de très maladroit et surtout dans cette position… Il avait perdu toute crédibilité auprès de son cousin. Cependant, il fallait qu’il l’aide à sortir de cette étrange situation. Les cheveux longs étaient posés sur le sol emmêlé dans les chaînes. La lame était étrangement proche de ma tête, il fallait avouer que la vie du chunin était entre les mains de son cousin, car il ne savait clairement pas comment s’en sortir de cette étrange situation:
«- Si tu me sors de là. Je t’apprends la technique que tu veux!? Tu serais d’accord pour qu’on s’entraide en tant que descendant du clan Kudo. On est tellement peu maintenant. »
Shun se mettait à soupirer dans une vaine tentative de sortir de cette chaîne. Il attendait que son cousin puisse faire quelque chose. Le soleil réconfortait le faciès du ninja d’uzushio qui se trouvait extrêmement circonspect… Les Kudos étaient un clan qui avait disparu totalement éradiqué par le clan des os, un clan que le chunin voulait à tout prix détruire et envoyer les os à des chiens. En espérant que ce nouveau cousin puisse me permettre d’effectuer cette vengeance. Il fallait gagner son appartenance, sa fidélité et son allégeance afin de pouvoir voir beaucoup plus grand.
« - Tu serais partant pour aider à gagner de nouveau le prestige de notre clan et savoir ce qui est réellement arrivé à notre clan ? »
Bon il serait peut-être plus sympathique et plus éthique d’en parler lorsque la situation sera moins gênante… Il fallait qu’il puisse réussir à se relever et pouvoir discuter avec l’homme dont l’âge était inconnu. Tsume était un cas particulier qui avait été causé par les trop nombreuses expériences des Omura sur son petit corps. Shun quant à lui manquait d’une énorme carence affective, par la faute du fait qu’il n’avait jamais eu de parents, il était plutôt solitaire lors de son enfance, même s’il avait vécu dans un orphelinat, mais d’un autre côté il n’avait jamais pu leur dire qu’il les aimait. Il se demandait comment était Ogai, parce qu’il n’avait pas réellement eu la chance de pouvoir converser avec lui. Le dernier arrivé était Rei, mais c’était étrange, car la plupart des informations sur cet homme étaient classifiées et on ne pouvait pas avoir accès à celle-ci… Shun avait néanmoins utilisé le réseau des arpenteurs afin de pouvoir débloquer quelques informations comme les soupçons concernant son physique et son âge qui paraissait en parfaite dissonance avec la réalité.
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