La brise glacée n'aide pas a réchauffer le corps meurtri d'Aya.
Assise, respirant avec difficulté, ses côtes douloureuses, elle se remet sans un mot du châtiment que lui a infligé son professeur. Les coups sévères ont fait place à un silence plus froid encore que les températures hivernales, et le Miyamoto toise son élève de haut, s'appuyant sur le bâton qu'il avait utilisé pour châtier l'impertinente.
« Comprendras-tu un jour ? »Seiren soupire, accablé par le regard de détermination que lui lance le jeune fille. Il sait qu'elle fuira encore, et qu'il ne fait ici que retarder l'échéance de quelques heures. Pourtant, cette fois-ci, il ne pouvait la laisser faire.
Les yeux baissés de la genin ne font que renforcer sa certitude. Elle ne réalisait même pas l'idiotie de son action. Il était de son devoir, en tant qu'enseignant mais également en tant que père, de la remettre à sa place. L'homme prends un ton plus doux, mais cela ne fait que renforcer la menace qui en émane.
« Tes sottises n'ont fait qu'attirer l’opprobre sur mon nom, et les ancêtres les ont toujours désapprouvées. Pourtant, je t'ai toujours laissée faire, parce-que tu es ma fille. » Le Miyamoto laisse malgré-lui échapper un peu du venin qu'il tente de contrôler depuis la naissance de la Miyamoto problématique. Sa leçon ressemble maintenant à un procès ridicule, où le père mal avisé se défoule sur son enfant, responsable de tous ses tords.
« Mais quitter ton poste en pleine mission ?! Alors ça, c'est inadmissible ! Te rends tu seulement compte du danger que tu fais courir à tes... »
La Miyamoto, qui contenait sa rage grandissante depuis le début, laisse soudainement les vannes de la colère s'ouvrir, libérant un torrent furieux. Elle se relève d'un bond et, malgré la douleur insoutenable de ses membres blessés, attrape son père par le col. Elle tente de le soulever, mais ses bras couverts de bleus ne lui permettent qu'une prise ridicule. Des larmes coulent sur ses joues, des larmes de fureur et de douleur, mais pourtant elle ne lâche pas. Elle prends alors la parole, d'une voix rauque.
« Tu m'as toujours laissée faire, hein ?! T'as pas vu tous les châtiments que j'ai reçu, toutes les réflexions qu'on m'a faites, tout ce que j'ai subi ?! Oh, non, excuse moi papa, t'étais trop occupé par ton honneur et ton nom ! »
« Aya... »Elle coupe la tentative de prise de parole de son géniteur par une volée de coups inoffensifs, que le jonin encaisse sans même prendre une once de dommage, tandis que la jeune fille continue son discours vengeur.
« Tu crois que j'ai pas pensé à me barrer de ton clan pourri ?! Visiblement ça t'aurai pas déplu, hein ? »
« Aya ! »Le ton acerbe du paternel est accentué par la violente gifle qu'il assène à sa fille, la faisant valdinguer sur quelques mètres. Elle tombe sur le sol gelé avec un gémissement pathétique, la
douleur étant exacerbée par ses blessures et par le froid.
« Tu... ne... diras... plus... jamais... que... tu... veux... trahir... le clan !!! »Chaque mot du père est ponctué par un coup de pied violent. Si il n'a jamais rechigné sur le châtiment corporel, c'était la première fois qu'il s'y attelais avec tant de violence. Tout l'amour qu'il pouvait avoir pour la jeune fille venait d'exploser en éclat avec sa dernière phrase. Les coups s'enchainent et se succèdent, arrachant des gémissement à la Miyamoto. Finalement, après quelques minutes qui semblent être éternelles pour la châtiée, le jonin calme ses coups, pour finalement se stopper.
« Redresse-toi. »La jeune fille se redresse avec difficulté, tremblant malgré-elle, avant de se plier en deux pour cracher du sang. Le père ne régit pas, observant avec mépris la larve humaine qui avait le mépris de salir son nom. Il attends que la crise passe, pour reprendre la parole une fois qu'il est certain d'avoir la pleine attention de la genin.
« Vu que tu as échoué, nous rentrons demain. Tu devras rendre des comptes auprès du Senkage, et il décidera d'un châtiment approprié à l'échelle du village. Nous continuerons nos leçons dès la semaine prochaine, et tu as grand intérêt à t'y présenter. »Il hausse un sourcil avant d'ajouter, avec un mépris tellement palpable qu'on pourrait presque le toucher :
« Ah, et passe voir Fuyuki avant de te mettre en route. J'ai l'impression de t'avoir brisé quelques os, faudrait pas que tu clamses en route. »
Le paternel lance un dernier regard méprisant à sa fille, avant de tourner les talons en direction de son logement. Aya résiste le temps qu'il disparaisse de son champ de vision avant de s'écrouler de nouveau sur le sol glacé, pleurant à chaudes larmes.
Elle haïssait cet homme. Elle haïssait d'avoir un tel paternel et un tel clan, si obtus et fermés d'esprit qu'ils étaient incapable de l'accepter. Elle haïssait ces stupides ancêtres qui ne voyaient pas plus loin que le bout de leur nez, et elle haïssait cette stupide tradition Miyamoto qui veut que l'on passe sa vie à étudier.
Et plus que tout, elle haïssait pleurer.
Elle reprit conscience quelques heures plus tard, dans les bras d'une jeune femme qui lui était bien familière, et dont le visage constellé de larmes la fit frissonner.
« ...ya ! Tu m'entends ?! Dis-moi que tu m'entends ! »
La genin veut lui répondre par l'affirmative, mais seul un coassement s'échappe de sa gorge, lui provoquant une quinte de toux fort peu encourageante. Son amie lui tapote le dos, comme pour la rassurer.
« Ca va aller, ça va aller, c'est juste les effets secondaires, ça va aller. »Le ton paniqué de la chuunin ne rassure pas la Miyamoto, mais pourtant, une fois la quinte passée ses douleurs refluent. Elle se recouche sur les genoux de son amie, exténuée, tandis que celle-ci lui lance un regard terriblement inquiet.
« Il est allé vraiment trop loin, cette fois-ci ! J'ai vraiment cru que j'allai pas réussir à te ramener. Il avait brisé quatre côtes ! Et puis toutes ses blessures sur tes bras et tes jambes, j'ai bien cru que je pourrai pas tout refermer ! »La Miyamoto affiche un sourire et lève son pouce en l'air, pour dire sur un ton faussement joyeux :
« T'inquiète, je suis sûre que même en petits morceaux tu serais capable de me rafistoler ! »Pourtant, la blague de l'épéiste ne chasse pas le regard inquiet de son aînée.
« Quand même, je plaisante pas... Pourquoi tu lui a pas dit que c'était mon tour de garde ! J'étais censée surveiller le poulailler de 4 à 8 heures, mais je... » Elle rougit.
« Je me suis endormie ! Du coup le renard à pu s’infiltrer et tuer toutes les poules. C'était pas ta faute ! C'est pas juste ce qu'il a fait ! »La genin fatiguée agite la main, comme pour balayer les paroles de la chuunin.
« Tss, tss. Il m'aurait pas écoutée de toute façon. Et si j'avais pas été châtiée ici, il m'auraient châtiée à la maison. Et comme ça, ta réputation d'Omura irréprochable reste intacte ! »Aya se redresse difficilement, accompagnée par son amie. Cette dernière fronce le nez.
« Irréprochable, tu parles. On me donne que des missions pourries ces derniers temps, j'ai du faire un truc qui a déplu au Senkage. »
Sa mimique arrache un petit rire à la Miyamoto, afin de contenir un gémissement de douleur lorsque Fuyuki l'aide à se relever.
« P'tet bien. »Il valait peut-être mieux que son amie croie qu'elle est en disgrâce plutôt que de lui dire que l'incompétence de la genin est sans doute la raison de sa présence. Les vieux du clan ont dû encore pas mal râler auprès de Meyo pour qu'il l'envoie faire une mission aussi pathétique avec un jônin et une chuunin. Les deux amies font route vers la chambre d'Aya, et l'Omura laisse sa patiente après s'être assurée qu'elle survivrait bien.
Aya s'écroule finalement dans son lit de fortune, bourré de puces et de vermine, que le fermier à bien voulu prêter en échange des services des shinobis. Elle tremble, du froid et de son corps épuisé par les soins, et en cet instant précis sa vie lui parais bien misérable.
Est-ce le destin qui a voulu lui infliger tant d'épreuves ? N'aurait-elle pas eu plutôt sa place dans une vie plus modeste, moins rigoureuse, moins violente ? Pourquoi lutte-t-elle encore, d'ailleurs ?
La lune est si belle.
Entre les barreaux mal agencés de la pièce qui lui sert de chambre, les rayons de la lune viennent chatouiller les yeux de la Miyamoto, projetant leur éclat argenté sur toute la pièce. La source de cette lumière, ronde et splendide, semble l'observer avec calme et patience.
Rien que pour ces instants, être en vie à un sens. Enfin, il me semble ?
On verra demain.