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L'Autre Rive • ft. Rinkusu

Myōshin Junko
Myōshin Junko
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Myōshin Junko

Ce jour-là, un épais brouillard était descendu sur le Village et avait enveloppé les rues dans un voile mystérieux, donnant à la grande Uzushio une allure de ville fantôme. Quelques passants courageux pressaient le pas, fuyant certainement l’étrange chaleur matinale, l’humidité et l’inconnu – car chaque rencontre était une révélation soudaine, une apparition presque surnaturelle.
Il était encore tôt, mais la dame se pressait également, dans cette foule silencieuse et craintive ; elle avait un rendez-vous important et rien n’aurait su se mettre en travers de son chemin. Ainsi avait-elle enjambé la distance la séparant de son objectif à une vitesse fulgurante, offrant aux malheureux sur sa route une vision d’horreur, telle une veuve noire disparaissant dans un bruissement de tissu.
Arrivée à l’entrée du port d’Uzushio, elle marqua un arrêt, embrassant la scène du regard. Ici, peu importait l’heure et le temps, il y avait toujours du monde, toujours du bruit. Chacun s’affairait, chargeait et déchargeait, imperturbable et volontaire. Il y avait ceux qui revenaient de la pêche nocturne et qui ne tarderaient pas à rejoindre le Tapecul, ceux qui remplissaient leurs étals pour mieux les vider quelques heures plus tard, ceux qui inévitablement devraient reprendre la mer – et c’était avec ces derniers qu’elle souhaitait s’entretenir… Et puis, au-dessus de tout ce brouhaha incessant, il y avait ce jour-là une invitée de marque, qui prenait chacun aux tripes chaque fois qu’elle poussait son râle sourd : la corne de brume.

La dame n’avait rien d’un marin, elle n’aimait ni le sel, ni le sable. Elle était une fille de la montagne. Mais elle s’était habituée à cet endroit, et elle devait reconnaître qu’elle appréciait la volonté de ces hommes et de ces femmes, bien moins fainéants que certaines de ses connaissances. Reprenant sa route, elle avança sans hésiter le long de la jetée, promenant son regard sur les quelques bateaux qui préparaient leur départ. Un bref instant, son regard croisa celui d’un homme à l’âge certain qui, la voyant, lâcha un juron. Elle eut un sourire. Oui, elle le méritait. Pauvre homme…
Finalement, elle sembla trouver ce qu’elle cherchait. Au milieu de la digue, une nouvelle tête. Sortant un parchemin soigneusement plié d’un pan intérieur de son kurotomesode, elle sembla lire quelques lignes qui lui tirèrent un sourire. C’était lui, à n’en pas douter. Elle fit quelques pas vers l’homme et s’inclina : « Bonjour. Je suis Myōshin Junko. On m’a dit que vous comptiez faire la traversée des archipels, en direction de la Vallée des Nuages. Cela vous dérangerait si je me joins à vous ? Je peux payer mon voyage, s’il le faut… »

« Yah ! Ne l’écoute pas ! » Un peu surprise par cette interruption, la dame se retourna, découvrant l’homme dont elle avait croisé le regard, un peu plus tôt. Alors, son visage se figea tout à fait. Allait-il vraiment oser ? « C’te femme est folle ! Elle veut qu’tu l’emmènes quelqu’part et tout à coup, en plein milieu d’la mer, elle change d’avis et si tu la ramènes pas à Uzu, mon gars, elle se met à… » Sans un bruit, l’arme avait frôlé son visage avant de disparaître dans la brume, ne laissant pour seule trace qu’une fine coupure le long de sa joue. « Peut-être ai-je été trop clémente, ce jour-là. Qu’en dîtes-vous ? » Elle fit quelques pas dans sa direction et posa sa main sur son épaule. « Peut-être aurais-je dû vous couper la langue aussi… » souffla-t-elle, affermissant sa poigne sur l’homme. Et, dans son regard, il brillait de nouveau une flamme démente.

Le bougre avait raison ; elle était devenue folle, et cela faisait des semaines que cela durait. Chaque matin, elle venait sur le port, s’enquérant des bateaux qui quittaient Uzu pour le Nord du Sekai. Parfois, il n’y en avait pas, alors elle s’asseyait sur la jetée et regardait l’horizon, comme si, tout au fond, elle pouvait voir Hommachi. Elle voulait y aller. Elle le voulait si fort ! Et puis, d’autres jours, un bateau faisait la traversée. Elle montait à bord, si sûre d’elle à ce moment-là… Mais, à mi-chemin, soudainement, c’était comme si quelqu’un d’autre prenait sa place. Elle avait l’impression de se noyer et chaque vague l’attirait un peu plus vers le fond. Alors, prête à tout pour s’éloigner de cette montagne maudite, elle perdait la notion du temps et de l’espace. C’était terrible, et une part d’elle regrettait chaque instant… Mais, irrémédiablement, elle revenait le lendemain.

« Alors ? Je peux monter ? » lança-t-elle, faisant volte-face.

« Et on voyait d’autres navires, coiffés aussi de fumée, accourant de tous les points de l’horizon vers la jetée courte et blanche qui les avalait comme une bouche, l’un après l’autre. Et les barques de pêche et les grands voiliers aux mâtures légères glissant sur le ciel, traînés par d’imperceptibles remorqueurs, arrivaient tous, vite ou lentement, vers cet ogre dévorant, qui, de temps en temps, semblait repu, et rejetait vers la pleine mer une autre flotte de paquebots, de bricks, de goélettes, de trois-mâts chargés de ramures emmêlées. »

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Rinkusu

Où la légende du Lynx des Mers du Sud



Ambiance Musciale

La belle Uzushio. La ville de paix et de commerce baigne en ce doux matin dans un brouillard surnaturel, laissant les ombres aller et venir dans un spectacle des plus étranges. Et dans la quiétude des premières lueurs du jour, le Lynx que je suis se réveille doucement, appréciant la chaleur qui commence peu à peu à se frayer un chemin dans les draps de soie. À mes côtés, la douce « je-ne-sais-plus-son-nom » ouvre délicatement les yeux, me laissant une fois de plus plonger dans les méandres de son regard d’émeraude, elle dessine un léger sourire sur son visage et m'offre à nouveau ses lèvres, ponctuant le tout d'un « bonjour » des plus agréables. Je me laisse à contempler la ligne de ses courbes que je devine au travers du seul tissus qui me sépare de sa peau de satin. Et en ce beau matin, l'envie de reconquérir la belle se fait sentir, me poussant à la prendre dans mes bras une fois de plus, je dépose un baiser sur son cou et laisse mes mains parcourir une fois de plus ce corps que je désire tant.

« Ma chérie je suis rentré ! »
« Mon dieu mon père ! S'il te voit ici il va te tuer ! »

Cruelle déception, une fois de plus le vieux Miyamoto se pointe au mauvais moment, brisant l'entrain de ces premières heures que l'aurore et la belle auraient pu m'offrir. Je retombe las sur le dos, laissant échapper un long soupire.

« Il est temps de hisser la grande voile on dirait ! »

Ni une, ni deux, me voilà debout, cherchant mes effets parsemés dans la chambre de la jeune demoiselle qui, amusée par la situation tout autant que moi, me siffle de me hâter. Je saisis mon pantalon, couvrant mon derrière rougit par les griffures de ma camarade de nuit, le frottement me laissant échapper un juron que j'aurais dû, semble-t-il, mieux fait de taire.

« Ma chérie ?! Qui est avec toi ! Je monte ! »
« Hey merde. »

Je presse le pas, resserre ma ceinture et y accroche mon Kusarigama, plongeant dans mon manteau avant d'en rabattre la capuche sur ma tête, je me saisis au vol de mes bottes et accours à la fenêtre.

« Allez vite mon père arrive ! »
« Merci pour cette nuit Sakura, tu étais parfaite ! »
« C'est Miyako sale goujat ! »

J'esquive de peu un coussin que la belle me lance en pleine tête, manquant de tomber de la fenêtre alors que la porte s'ouvre dans un fracas énorme.

« QUI EST LÀ ?! RINKUSU ?! QU'AS TU FAIT À MA FILLE ?! JE VAIS TE TRANCHER LA TÊTE ! FRERE DU SENKAGE OU NON TU ES MORT TU M'ENTENDS ! »

Sans demander mon reste je saute par la fenêtre, évitant la lame d'un katana bien trop affûté à mon goût. D'un pas léger, je vacille de toit en toit, plongeant mon corps dans la brume qui ne tarde pas à me recouvrir, empêchant le bougre de partir à ma poursuite. Sans trop de mal, je retrouve le chemin jusqu'au port où mon navire m'attends, ressassant sur le chemin les frasques de cette nuit d'amour sur laquelle il me faut dorénavant tirer un trait. Qu'importe. La belle Uzushio regorge de trésor de chair qui ne demande qu'à être volé à la vertu ! Mais mon engouement bien trop important occulte la menace qui plane sur moi. Ce n'est qu'en voyant le reflet d'un éclat de soleil sur le tranchant d'une lame que je comprend ma situation.

« ON L'A TROUVE ! FAITES LUI LA PEAU ! »

Hey merde. Je me retrouve encerclé par une dizaine d'hommes, tous aussi hargneux les uns et que les autres, prêt à en découdre avec moi.

« Messieurs allons... Y doit y avoir une solution pacifiste à ce litige qu'il y a entre nous... »
« La ferme sale chien ! Tu as souillé nos filles de tes belles paroles et maintenant tu veux la jouer pacifiste ? Ce n'est qu'une fois tes parties arrachées que nous serons quittes ! »
« Hm... Je ne crois pas être disposé à accéder à votre requête messieurs, aussi, si vous voulez bien m'excuser... »

Mauvais timing, le toit sur lequel je suis ne supporte pas mon poids et cède sous mes pieds. Je me retrouve nez à nez avec une magnifique demoiselle d'une centaine de kilos qui, vraisemblablement, est ravi de voir un homme apparaître si promptement dans son lit. Derrière moi, une voix s'élève, celle d'un mari qui, au vu de sa carrure, n'a pas mangé que des légumes au cours de son existence. J'esquive la chaise qu'il me lance et part à toute vitesse par la fenêtre, aussitôt poursuivi par l'armée de pères en furie qui me pourchassent aux travers des ruelles escarpés. Au loin, le brouillard se dissipe légèrement, me permettant d'entrapercevoir le navire qui doit me mener loin de la ville. J'aperçois sur le pont une silhouette, sans doute celle de Tokagi, qui semble être en pleine discussion avec une charmante demoiselle à en juger par la carrure et les vêtements. Sans attendre, je lui fais de grand geste, hurlant son prénom pour attirer son attention.

« TOKAGI ! LÂCHES LES AMARES ! ON SE CASSE VITE ! »

Derrière moi, la foule de patriarche presse le pas, me jetant tout ce qui est à leurs portées. Je vois mon second et l'équipage entier s'affairer à la tâche. Le bateau quitte le quai, bien trop vite, bien trop loin. Je l'insulte à grosse voix, le sommant de revenir de suite me chercher, à quoi je le vois répondre d'un grand bras d'honneur qui, en soit, est de bonne guerre au vu de toutes les galères dans lesquels j'ai tendance à toujours le fourrer.

« IL EST À MOI ! »
« Marrant ! C'est exactement ce qu'a dit ta fille juste avant de me...HEY MERDE ! »

Brouillard de merde, je me prend les pieds dans un cordage et tombe à la baille la tête la première, occasionnant un cri de joie de mes poursuivants qui pensent enfin réussir à m'avoir. Mais c'est sans compter ma chère arme qui tranche l'eau paisible du port pour venir se loger dans un des mats de mon navire, m'extirpant de l'eau alors que la chaîne se rétracte, me faisant virevolter jusqu'au pont du bateau sur lequel j'atterris de manière peu élégante.

« Capitaine ! Ca va ? »

Frappant la main tendue de mon second Tokagi, je me relève péniblement, commençant à vociférer moult injures et jurons à son encontre, lui pinçant l'oreille avant de m'assurer que tout est bon pour la traversée qui nous attends.

« Pardon Capitaine, oui oui, j'ai tout préparé comme vous m'avez dit ! Par contre... »
« PARCONTRE ? »
« Ne vous énervez pas Capitaine, mais dans le tumulte de votre arrivée on a du prendre une passagère en plus sur le navire. »
« Et je peux savoir QUI t'as permit d'inviter UNE PASSAGÈRE sur MON navire ?! »
« Mais Capitaine... »
« IL N'Y A PAS DE MAIS !...Tiens donc... »

Je la vois alors, aussi belle que dangereuse, celle dont on compte les récits flamboyant mais dont la notoriété est plus sombre que les abysses de l'océan. Je relâche mon emprise sur mon second, enlevant ma capuche imbibée d'eau et m'avance vers elle, ne lâchant pas le regard de la Kunoichi dont le nom fait trembler les plus valeureux Shinobi.

« Junko La Ténébreuse, ici même sur mon bâtiment... Voilà un spectacle auquel je ne m'attendais pas... Je suis Rinkusu, le Capitaine de se rafiot clinquant et... Tu es la bienvenue... Si tu veux bien me suivre dans mes appartements, je pense qu'une discussion s'impose. »

Je ne suis pas sot. Il y a des personnages dans le Sekai dont la présence n'est en rien dû au hasard. Solennellement, je l'invite à me suivre, plongeant dans les entrailles du navire jusqu'à une porte s'ouvrant sur ma cabine. En temps normal, tourner le dos à cette femme est une erreur qui peut facilement coûter la vie, cependant, au vu de notre affiliation à Uzushio, je lui laisse le bénéfice du doute, lui offrant une confiance timide en lui permettant d'entrer dans mon antre. Sans aucune cérémonie, je l'invite à s'asseoir au bureau, m'avançant vers un coffre où des habits plus secs m'attendent. Me délestant de mes apparats, j'enfile un nouveau pantalon et des bottes avant de me retourner torse nu devant la beauté sombre que je fixe du regard. Doucement, je m'avance vers mon bureau, prenant place sur mon fauteuil, des cartes et des notes nous séparant elle et moi.

« Je vais être franc. Je connais tes états de service et la réputation qui est tienne, aussi j'irai droit au but. Pourquoi es-tu là ? »
« halloween »
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Myōshin Junko
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Bienveillance ou malice, Junko n’aurait su dire de quelles intentions les Dieux étaient pourvus, alors qu’elle se retrouvait à embarquer sans savoir par quelle magie. Il fallait dire que la situation s’était assez mal engagée auprès dudit Tokagi, ses espoirs ayant été sauvagement piétinés par un homme revanchard. Elle avait vu le doute s’immiscer dans les yeux du second, tandis qu’elle perdait un peu de son sang-froid et menaçait ouvertement le vieil homme. Fort heureusement, ou pour son plus grand malheur, le capitaine du navire (comme elle l’avait appris par la suite) avait alors surgi de nulle part et précipité leur départ, offrant ainsi une occasion inespérée à la jûnin de se joindre à l’équipage – ce qu’elle avait fait sans hésiter.
Passagère irrégulière, elle observait donc l’arrivée tumultueuse de l’homme blond et la discussion qui s’en suivait silencieusement, attendant patiemment que quelqu’un s’intéresse à son cas. Mais ledit Tokagi peinait visiblement à se faire entendre auprès de son supérieur, et elle hésita un bref instant à imposer sa présence dans la discussion, avant de se raviser : ce dernier venait de croiser son regard.

« Junko La Ténébreuse ? » Ses yeux s’agrandirent légèrement et elle haussa les sourcils sous l’effet de la surprise. Voilà qui la prenait légèrement au dépourvu ; non seulement cela signifiait qu’il la connaissait (car elle ne s’était pas encore présentée à lui), mais en plus cela sous-entendait qu’on lui attribuât ce genre de sobriquet grotesque. Etait-ce ce que les gens pensaient à son endroit ou bien cet énergumène venait-il de le sortir de son imagination ? La surprise passée, elle plissait les yeux, suspicieuse. Peut-être était-ce un admirateur secret – si tant est qu’il y ait quelque chose à admirer… A moins qu’elle ne fût censée le connaître ? Le ton désinvolte qu’il prenait et l’usage du tutoiement laissaient penser que la seconde option était la plus probable. Il s’adressait à elle comme à une connaissance certaine, voire même une égale. Mais son visage ne lui disait rien… Ils se seraient déjà croisés et elle l’aurait oublié ?
A vrai dire, cela ne paraissait pas si improbable, la dame ne prêtait guère attention aux uns et aux autres, à moins qu’ils n’aient une bonne raison de marquer son esprit. Ses proches et ses connaissances se comptaient sur les doigts d’une main. Les autres avaient fini par n’être qu’un vague souvenir, une impression tout au plus. Cet enfant-là était un shinobi, à n’en pas douter, et peut-être croyait-il avoir gagné le droit de lui parler de la sorte. Oh, pauvre de lui ! Elle ne savait pas trop ce qu’on lui avait raconté, mais elle appréciait les conventions et observait scrupuleusement la hiérarchie. Il déchanterait vite, à n’en pas douter.

Cela dit, sans daigner répondre, elle le suivait dans ses appartements, curieuse d’en apprendre plus à son sujet. Il avait dit s’appeler Rinkusu, hein ? Son nom ne lui disait pas grand-chose, quoi qu’il ne lui fût pas totalement inconnu non plus. Ah, peut-être qu’ils s’étaient vraiment côtoyés, par le passé…
Faisant définitivement fi des politesses, il lui désignait une chaise et osait se dévêtir face à elle, alors qu’elle prenait place face au bureau. Retenant un soupir exaspéré, elle ne détournait cependant pas le regard ; elle n’appréciait guère cette attitude, faisant elle-même preuve d’une grande pudeur, mais elle ne souhaitait pas offrir ce genre de petite victoire à cet individu. Et puis, il lui rappelait Tsume, d’une certaine façon – même si ce dernier avait une « bonne » raison de se balader torse nu.

Par ailleurs, la comparaison avec le Kudo s’arrêtait au physique. De fait, lorsqu’il reprit la parole, Junko comprit qu’il était capable de bien plus de sérieux que ne l’était Tsume. Mais voilà qui était curieux ; pourquoi s’intéressait-il à ce qu’elle faisait ? Elle ne croyait pas avoir de comptes à lui rendre. Un fin sourire apparut sur les lèvres de la presque quadragénaire. « Je déserte. » répondit-elle calmement. « Et puisque vous semblez au fait de mes états de service et de ma réputation… Vous devez également savoir qu’il vaudrait mieux ne pas creuser davantage, n’est-ce pas ? » Si le sourire paraissait soudainement faux, c’est que la menace était à peine voilée. Elle aurait pu l’envoyer bouler de façon bien plus directe, lui signifier qu’il n’était personne et n’avait aucune autorité sur elle, mais elle était d’humeur joueuse. Après tout, pour avoir pareille attitude, il devait en avoir dans le ventre. Bien sûr que tout ceci était un mensonge – elle était d’une loyauté sans faille, jamais elle ne trahirait sa patrie d’adoption –, mais l’idée qu’il puisse blêmir, réalisant qu’il se rendait complice d’une trahison, avait un quelque chose de très amusant.

Elle se leva alors et fit quelques pas, promenant son regard sur les quelques affaires peuplant la pièce. Malheureusement, rien ici n’éveillait un quelconque souvenir. Elle poursuivit : « Vous comprendrez également que l’on ne peut revenir à Uzushio sous aucun prétexte. » Puis, avec un haussement d’épaule qui caricaturait la contrition : « Quel dommage, vous êtes coincé avec moi ! »

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Où la légende du Lynx des Mers du Sud



Ambiance Musciale N°2

Visiblement, la belle Kunoichi n'est pas au fait de qui je suis. Non pas que cela m'étonne, mon frère n'ayant pas grandes estimes de m'annoncer comme étant de son sang, mais tout de même. Oser me menacer à demi-mot sur mon propre navire après m'avoir clairement fait part de son envie de déserté me laisse sans voix. J'arque un sourcil, la laissant à son petit jeu, essayant de garder l'éclat de rire qui menace de s'échapper de ma gorge. Je la vois se lever, m'expliquant ou plutôt me faisant clairement comprendre qu'il n'y a aucune chance pour moi et pour le navire de faire retour en direction du Village. Je suis coincé avec elle ? Cette désinvolture me fait esquisser un léger sourire alors que je la vois, persuadée de me tenir par les joyeuses, destiné à suivre le moindre de ses désirs. Bon sang, si un jour on m'avait dit qu'une femme s'imposerait sur mon propre bâtiment. Foi de pirate, cette donzelle n'est pas prête pour ce qui va lui arriver.

« Je vois... » Je me gratte la tête, jouant avec une divine fausse note la comédie du désarroi. « Vraisemblablement, tu n'es pas au fait de qui je suis c'est ça ? » Mon sourire s'agrandit alors que mon regard plonge dans celui de la ténébreuse. Je pose mes deux mains sur les accoudoirs de mon fauteuil, me relevant doucement et m'approche de la belle marquant chacun de mes pas par un coup de talon prononcé.

« DONC, si je comprend bien la situation. Tu viens sur MON navire, imposer TA volonté, me regardant avec un dédain plus que prononcé, tout en me menaçant, moi, ouvertement. » Je marque alors une pause à deux mètres d'elle, joignant mes mains derrière mon dos. « Et si cela ne suffisait pas, tu oses me regarder droit dans les yeux et me dire que tu désertes. » Mon sourire bien trop prononcé laisse échapper quelques rires. « Je me suis peut-être trompé après tout. La Junko que mon frère m'a décrite est une personne réfléchie, loyale, douée d'une certaine intelligence selon ses propos. Pourtant, là je ne vois rien d'autre qu'une tête brûlée présomptueuse, aussi intelligente qu'un bulot... » Mes mains se posent sur le manche de mes deux lames, prêt à dégainer au moindre geste de ce passager clandestin fort désagréable. « Peut-être devrais-je te mettre au fer pour cela. » Alors que mes actes ne sont pas du tout caché, je me ravise soudainement. « Pourtant... » Mes mains se délestent, réapparaissant vide à la vu de la Kunoichi. « Bien que tu désertes, tu n'as pas encore de prime sur ta tête, ce qui fait qu'en soit, je n'ai rien à gagner à te ramener à Uzushio et auprès de mon frère. Et de toute manière, j'ai des affaires bien plus urgentes à gérer pour le moment. Aussi permet moi ce geste à fin que nous puissions repartir sur de bonnes bases durant notre longue traversée. » Je lui tend ma main, arborant un sourire plus décontracté.

« Je me nomme Rinkusu aussi appelé le Lynx des Mers du Sud, Capitaine du Watashimori, Chuunin d'Uzushio et frère de Meyo Tsuri. Enchanté. »

La messe est dite, la partie peut commencer.
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Il s’était progressivement mis en place une sorte de scène de théâtre, dans laquelle tous deux jouaient un rôle, mais personne n’aurait su dire lequel exactement. Elle ne le connaissait pas ; il ne savait pas quelles étaient ses véritables intentions. Alors, la dame le regardait, à son tour, déclamer son monologue d’enfant plein d’orgueil et d’impertinence. Elle avait cru, un instant, qu’il n’était pas dupe, qu’il avait découvert la supercherie (parce qu’elle en avait trop fait peut-être), mais très vite elle se rendit compte qu’il semblait effectivement croire à ses paroles saugrenues. Et il y croyait même tellement fort, qu’il était prêt à remettre en question les dires de son propre frère (encore un mystérieux inconnu, mais qui devait occuper une grande place dans sa vie, devinait-elle, car il l’évoquait à plusieurs reprises). Elle n’avait peut-être pas réussi à provoquer la peur ou la panique par son annonce de désertion, mais le voir foncer tête baissée dans ce mensonge avait un quelque chose de tout autant satisfaisant.

Elle affichait donc un demi-sourire amusé, balayant d’un haussement d’épaules les insultes qu’il lui lançait au visage. Intelligente comme un bulot ? Soit ! Elle se demandait simplement où cela le plaçait, lui, dans le règne animal, car il fallait une sacré dose de stupidité pour croire qu’elle embarquerait un témoin Uzujin dans sa potentielle désertion… De stupidité, ou de prétention, à vrai dire. Et c’était d’ailleurs ce qui transparaissait dans les propos du jeune : il s’imaginait capable de l’arrêter et de la ramener à Uzushio. A la bonne heure ! Elle avait hâte de voir ce dont il était capable.
Mais l’heure du combat n’avait pas encore sonné, visiblement. Il prétextait une affaire plus pressante – typique de ceux qui n’assumaient pas leurs dires. Elle haussait de nouveau les épaules, prête à déverser son fiel, mais il ne lui en laissait pas le temps. Changeant tout à fait d’attitude, il lui tendait une main, révélant enfin son identité.

Il y eu un instant de flottement pendant lequel Junko se demandait si elle avait bien entendu. Et puis, sans prévenir, son rire éclata.
C’était un rire franc et sincère qui ne tarda pas à lui tirer des larmes. C’était plus fort qu’elle ; la dame, toujours dans la retenue habituellement, ne parvenait pas à taire cet éclat incontrôlable. Elle plaça une main devant la bouche, détourna le regard. Lui, le frère du Kage ! Et plus elle y pensait, plus elle riait. Et s’il y avait eu plus de public dans cette pièce, certainement que d’autres auraient ri de la voir rire, sans savoir pourquoi, tant elle paraissait si magnifiquement heureuse. De fait, elle ne montrait aucun signe de nervosité, et ce n’était donc pas l’idée d’avoir annoncé sa désertion au frère du Kage qui la mettait dans cet état.
Soufflant à plusieurs reprises pour calmer son fou-rire, elle finissait par y parvenir et raclant doucement la gorge, elle commença par lui présenter des excuses.

« Ah ! Je suis désolée… Mais enfin… Vous vous seriez arrêté à Chûnin d’Uzushio, je me serais dite que vous avez l’insolence et l’excès de confiance de votre jeune âge, mais là… Frère… » Elle contint difficilement un nouveau départ de rire alors qu’elle repensait à ce qu’il venait d’annoncer. Essuyant une larme qui perlait au coin de l’œil, elle se reprit : « Frère du Kage ! Je veux dire… » Elle marqua une nouvelle pause, plongeant son regard dans le sien. « Vous êtes juste l’archétype de l’enfant gâté. Vous ne valez pas mieux que ces claniques qui croient que tout leur est dû parce qu’ils sont nés avec un nom. » Quoi, il allait lui sortir qu’être le frère de Meyo Tsuri, homme respecté et respectable, reconnu par les siens comme le plus apte à diriger Uzushio, était difficile ? Elle ne lui laissa pas le temps de répliquer et poursuivit : « Vous n’êtes que Chûnin, et vous me sommez de justifier de mon déplacement comme si vous étiez mon supérieur, avec familiarité et désinvolture. Puisque le Kage vous a visiblement parlé de moi, vous devriez savoir que je ne tolère aucun écart à la hiérarchie. »
Au fur et à mesure de son discours, le sourire avait laissé place à un regard dur. Finie la pièce de théâtre. Il voulait repartir sur de bonnes bases ? Voilà qui était Junko et quelles étaient ses conditions. « Vous ne devriez pas vous servir de votre lien familial comme d’un titre, et l’exhiber comme un trophée. Il ne vous donne aucune légitimité. Vous êtes deux personnes totalement différentes… » Elle conclut alors : « Lui pourrait me demander ce que je fais sur un navire quittant le Village. Et soyez assuré que je ne lui raconterais pas de bobards aussi improbables et stupides que celui que je vous ai sorti et que vous avez gobé sans hésitation. »

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Où la légende du Lynx des Mers du Sud



Ambiance Musciale N°3

Qu'ai-je donc fait pour mériter ça ? Un excès de zèle ? Une envie de croire que tout est comme avant ? La vérité est bien, je me la prend soudainement en pleine gueule. Tout commence par un rire, ceux qui annonce clairement qu'on se fou de moi, qui me met mal à l'aise, bien heureux qu'il n'y a personne d'autre qui n'assiste à la scène. Elle me fait mal et pourtant, son visage s'illumine comme peut-être jamais, je sais ce qui va découler de cette frénésie de bonheur, j'essaie de m'y préparer, comme toutes ces fois où la lame s'est abattu sur mon corps, marquant de plus belle l'aspect pitoyable de mon existence. Elle rit à en perdre le souffle et cherche à se reprendre. Bien sûr qu'elle y arrive, après tout, une dame de son rang se doit d'en être capable. Moi ? Je me sens nié, elle me rabaisse à ma simple taille, plongeant mon esprit encore plus bas que les abysses de l'océan. J'aurais dû le voir venir, sans doute, pourtant, malgré l'habitude, ça fait toujours aussi mal.

Les premiers mots ne sont que dédain et mépris, caché par quelques tournures de phrases offrant une condescendance des plus abjectes. C'est comme toujours, le même schéma. On m'attaque sur mon physique, ne tardant pas à me rappeler à mon corps d'ado qui n'a jamais trouvé son chemin jusqu'à l'âge adulte et ensuite, on s'attarde sur ce qui, aux yeux des gens, est le plus important : Mon Frère. Moi ? Je ne suis qu'un enfant gâté, un privilégié qui devrait être enfermé dans une geôle pour ses crimes, une chienlit pour la société bien-pensante d'Uzushio qui ne mérite que la potence. Ses mots, je les ai déjà entendu à maintes reprises, sauf peut-être la petite mention des Claniques, un pique enrobé de rancoeur ne cherchant qu'à m'enfoncer un peu plus dans le sol. Puis vint la suite logique, après avoir brisé la fierté de l'enfant, on lui rappelle que son grade n'est rien, qu'il n'est rien, et n'a aucunement droit à la prétention d'être autre chose que ce que le Village a dit qu'il était. Elle sait où appuyer pour me faire mal et tape exactement où il faut pour révéler la vérité au grand jour, je ne suis que Chunin, elle Jonin, par définition je n'ai aucunement le droit de lui demander quoi que ce soit. Bien entendu, cet argument ne vient pas sans une nouvelle mention de mon frère, histoire d'appuyer encore plus sur ce que je ne sais déjà que trop bien, et dont elle ne se rend guère compte de la véracité.

Mais il faut attendre la fin de son discours pour le bouquet finale. Je ne suis rien en comparaison de mon frère et pire que ça, je suis un imbécile d'avoir cru à tout ce qu'elle m'a dit. L'art et la manière de détruire les gens en quelques secondes. Elle a peut-être raison, peut-être tort, mais je ne peux que rester figé face à tout ça, laissant tomber ma main tendue le long de mon corps. Ma tête se penche en avant, marquant le poids de ses mots sur mon esprit et le malaise dans lequel je me trouve. Oui, j'ai mal, qu'à nouveau l'on se permet de me juger sans rien connaître, qu'encore aujourd'hui, les « Haut » de ce monde ne se permettent que fourberies, mensonges et d'écraser la moindre personne qui leur fait face. Et dans le fond, elle a raison, je ne suis pas mon frère, je ne suis que Chunin et mon physique est celui d'un enfant. Je relève la tête, arborant un tout autre regard.

« Ta réaction ne m'étonne pas tellement... Tout dans le paraître, le mensonge et le dédain. Une Shinobi exemplaire. » J'affiche alors un léger sourire tandis que mon regard se fait plus chaleureux qu'autre chose, marquant une certaine sérénité. « Sauf qu'ici tu n'es pas à Uzushio. Et bien que ce navire en porte le fanion, il m'appartient et en tant que Capitaine et toi, simple passager clandestin, je me demande qui de nous deux est le plus puérile à jouer la carte du mensonge, qui plus est après que je t'ai accueilli dans mes appartements et sur mon navire. Je suis peut-être un « enfant » pourri gâté, mais toi tu es irrespectueuse. » Je sors alors de ma manche une clé, celle de la porte d'entrée de mes appartements, la regarde un temps puis finit par lui tendre. « Nous en avons pour quatre jours le temps d'arriver à l'Isthme du Gel où nous devons livrer les denrées nécessaires à la survit des villageois. Tu peux rester dans mes appartements le temps de la traversée. Après quoi, j'espère de tout cœur, ne plus jamais avoir affaire à toi. »

Je jette la clé en cloche et sans attendre me dirige vers le bureau, ramassant le nécessaire de navigation.
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Myōshin Junko
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Peut-être en avait-elle trop fait, trop dit... Oui, peut-être avait-elle exagéré dans ses propos. La partie sur les claniques lui avait clairement échappé, alors que l’attitude du frère du Kage lui avait rappelé une rancœur naturelle. Sans compter sur le fait qu’elle ne portait pas l’homme à la tête d’Uzushio dans son cœur, en réalité. Tout ça avait peut-être joué, sans qu’elle ne s’en rende compte, et le capitaine un peu trop orgueilleux – ça, elle ne pouvait pas le lui retirer – avait pris pour tous les autres. Elle réalisait un peu tard qu’une fois de plus elle avait franchi la ligne ; c’était peut-être l’un de ses plus grands défauts, elle était bien trop prompte, démarrant au quart de tour lorsqu’on lui laissait une ouverture. Shun en avait souvent fait les frais, souffrant silencieusement, tandis que sa sensei se déchaînait en longues tirades. Et elle avait toujours pensé que l’orphelin le méritait, sans vraiment admettre qu’elle était fautive, dans l’histoire. Car ce premier défaut s’accompagnait d’un second : elle ne regrettait pas. Ce qui était fait, il ne fallait pas revenir dessus. Ainsi, sous couvert d’assumer, elle ne se remettait pas en question. Après tout, elle pensait bien ce qu’elle disait, même si la forme aurait pu être améliorée, alors qu’elle blesse au passage… cela ne la regardait pas.

« D’accord, faisons ça. » dit-elle simplement, faisant rouler la clef dans sa main avant de tourner les talons. Qu’importe qu’il la traite de menteuse ou qu’il la trouve irrespectueuse. Le respect, cela se gagnait. Elle-même ne lui demandait pas d’avoir une quelconque considération à son égard ; tout ce qu’elle voulait, c’était qu’on respectât les règles – en l’occurrence, la hiérarchie – et que chacun s’en tînt à son rôle. Tant pis s’il ne pouvait pas comprendre ça.

Glissant la clef dans les plis de son habit, elle retourna alors sur le pont principal où chacun s’affairait. Ne souhaitant pas déranger l’équipage dans ses manœuvres, elle se dégotta un coin tranquille à l’avant du navire et se contenta de fixer la mer, les bras croisés. Ils quittaient l’archipel d’Uzu. Ce chenal, elle avait l’impression de l’avoir emprunté une centaine de fois ; bientôt, ils passeraient au large de la côte Verdoyante et si le temps le permettait, elle pourrait en voir la pointe dépasser de l’horizon en plissant les yeux. Et après ça, il n’y aurait plus que l’océan… Et tout au bout, la montagne des Dieux. Rinkusu avait annoncé quatre jours avant d’atteindre l’Isthme du Gel, ce qui signifiait qu’il lui faudrait compter au moins deux jours de marche supplémentaires pour arriver à destination, tout dépendait de l’endroit auquel ils se rendaient exactement…
Se tournant vers l’arrière, elle observait un instant les allées et venues de l’équipage, cherchant quelqu’un du regard. Lorsque ses yeux se posèrent sur le visage familier, elle se décrocha du bastingage auquel elle était accoudée et se glissa jusqu’à l’homme en question. « Excusez-moi… Tokagi, c’est cela ? Mes excuses pour tout à l’heure, le départ a été un peu… chaotique. » commença-t-elle après un raclement de gorge. « Le chû… Le capitaine m’a dit que vous deviez effectuer une livraison dans l’Isthme du Gel ces prochains jours ? Vous sauriez me dire où vous jetterez l’ancre, plus exactement ? » Non, elle ne tenait plus vraiment converser avec le frère du Kage – et lui réciproquement, visiblement ; elle se contenterait donc de prendre les informations auprès du second. Il avait de toute évidence l’air bien plus aimable – comprendre, moins vaniteux – que son supérieur.

Elle poursuivait sur le ton de la conversation quelques instants, l’interrogeant sur la nature de la livraison. Etait-ce une mission du Village ? Le cas échéant, cela la surprendrait un peu ; pourquoi Uzushio enverrait des denrées aussi loin, sur une terre qui n’avait, à sa connaissance, aucun lien diplomatique privilégié avec la puissance shinobi… Elle fit un geste de la main, se voulant rassurante : « Simple curiosité, bien sûr. Je ne suis pas là pour surveiller les allées et venues des Uzujins, contrairement à certains… » Et elle lançait un regard lourd de sens vers l’entrée des cabines avant de prendre congé, retournant à sa contemplation silencieuse de l’océan à l’avant du bâtiment.

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Ambiance Musciale N°4

Nous allions faire ainsi. S'éviter le temps de la traversée et laisser se panser seules les blessures. Récupérant mes cartes, je pouvais sentir les larmes monter. Comment étiat-il possible qu'elle m'ait atteint si facilement ? Peut-être parce qu'au fond, je savais qu'elle avait raison sur toute la ligne. Une claque qui me remettait à ma place, au sein même de cette condition que je n'avais pas voulu et qui m'avait été imposé. Je n'étais plus pirate, je n'étais qu'un marin à la solde d'Uzu et de ce frère qui n'avait aucune forme d'attention à mon égard. Tout ça pour quoi ? Des murmures dans les ombres. Mon poing se figea dans la table en même temps qu'éclos une larme sur le bois meurtrit par le sel et l'usure. Tout ça, pour quoi ? Je tombais dans mon fauteuil, commençant à vouloir arrêter les sanglots qui venaient de manière incontrôlables.

La porte s'ouvrit alors sur Tokagi qui s'arrêta net. D'un geste, je lui fis signe de repartir, chose qu'il fit sans rien demander quant aux raisons de mon état. Je le savais assez intelligent pour comprendre et prendre ma place le temps que je me reprenne. Il me fallait quelques minutes. Juste, pour avaler ces vérités crachés pouvoir repartir de plus belle. Je ne devais pas oublier pourquoi nous partions en mer, mais surtout, ne pas montrer que ses paroles m'avaient touché, ou du moins, pas autant qu'en réalité.

~

Je fermais la porte, laissant le Capitaine seul avec ses pensées, me demandant ce qu'il avait bien pu arriver de si grave pour qu'il se mette dans cet état là. Me retournant, je vis la dame un peu plus loin qui regardait la mer. Rin' semblait la connaître, mais l'échange qu'ils avaient eu semblé ne pas avoir tourner sur des mots agréables. Ne m'attardant pas plus sur ce qui ne me regardait pas, je commençais à donner différents ordres à l'équipage qui s'affairait sans demander son reste. Mais alors que je me dirigeais vers Tob' pour prendre connaissance des alentours, notre invitée s'avança vers moi.

« Oui c'est bien cela et ne vous en faites pas, c'est toujours comme ça avec le Capitaine ! » Je n'avais pu freiner un rire qui en disait long sur la charge mentale qu'être au service de Rin pouvait être. Jamais sûr de l'était dans lequel on allait le retrouver, ni même s'il était vraiment capable de naviguer, j'étais pour autant toujours surpris par sa capacité à faire avec tous les aléas qui pouvaient nous faire face. Et dire qu'il y a une époque, nous nous détestions.

Mais tandis que je ne pus m'empêcher de penser à tout ceci, un lapsus habillement sauvé me fit comprendre que la dame que nous avions prit à bord était sans doute également une shinobi. Il était très rare que les personnes connaissant Rin l'appelaient par son grade de ninja, préférant le nommer par le titre qui lui convenait le plus, celui de Capitaine.

« Oh bien sûr, nous allons au village portuaire de Taketomi ! Il s'agit du seul village de l'Isthme disposant d'un port assez grand pour le Densetsu sans risquer d'être bloquer par la glace. Une chance d'ailleurs qu'il soit aussi bien situé sur la région du Lac Gelée, sinon ça pourrait être compliqué de proposer des ravitaillements à tout ceux qui en ont besoin là-bas. »

Comme à mon habitude, j'avais tendance à un peu trop parler, une chance que la dame soit des plus agréable ! Quel était son nom déjà... Ah oui, Myôshin Junko ! Une charmante personne avec qui je conversa un moment avant qu'elle ne me questionna sur la nature de cette livraison, ne manquant de relever un détails qui me permit de comprendre l'ensemble de la situation non sans mal. Posant mes poings sur mes hanches et affichant une moue quelque peu honteuse, je repris la parole.

« Vous, vous avez prit la mouche avec le Capitaine à ce que je vois. Je peux comprendre. C'est vrai que Rin' peut se montrer parfois très « moi-je ». Mais en réalité, c'est un homme qui a le cœur sur la main vous savez... Le seul truc, c'est que ça fait maintenant un an ou deux qu'il essais de se faire une place parmi les shinobis et il a du mal à comprendre comment vous fonctionnez à Uzu. Vous rajoutez à ça son frère qui après des années à le croire mort ne lui prête pas plus d'attention que ça... Fin bref, je parle trop ! Et non, ce n'est pas une mission à proprement parlé. Le Densetsu aide les villages reculés à se fournir en matériel ou en nourriture. C'est quelque chose à quoi tiens énormément Rinkusu, du coup, sur notre temps libre on fait des aller-retour. Que ce soit dans l'Isthme, dans les Archipels, même vers Suna ! Le but étant d'aider ceux qui en ont le plus besoin et ne peuvent compter sur les damyos ou l'ordre établit pour survivre... »

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« Oui, je peux comprendre ses difficultés… » répondait la jûnin, pensive. Elle avait découvert malgré elle que le second était un homme particulièrement bavard et qu’il avait la digression facile. D’une simple question, il en était venu à déballer la vie de son capitaine, tout naturellement, et elle apprenait de cette façon que le blondinet n’était arrivé que récemment au Village Caché. En outre, elle eut un pincement au cœur lorsqu’il lui annonça, sur le ton de la conversation, que le Kage ne paraissait pas témoigner d’affection pour Rinkusu, un frère qu’il pensait perdu. En soi, elle s’en fichait un peu, ce n’étaient clairement pas ses affaires. Elle projetait cependant assez facilement la situation de ces deux frères sur sa propre histoire. Qu’avaient dit les moines du Myōshin-ji à Shin, son fils ? Etait-elle morte, à ses yeux, faisait-il sa vie, comme le Kage avait dû faire la sienne avant d’apprendre la réapparition de son frère ? Peut-être valait-il mieux qu’elle ne le revoit jamais, après tout… Peut-être avait-il fait son deuil, et sa réapparition rouvrirait une plaie, avec son lot d’incompréhensions. Un frisson la parcourut ; elle comprenait la souffrance que cela pouvait causer, aussi bien à l’un qu’à l’autre. Et, soudainement, elle se surprit à regretter un peu les propos qu’elle lui avait tenus. « Enfant gâté » avait-elle dit, entre autres choses. Ah ! Elle pouvait s’en mordre les doigts, maintenant.

« Je suis moi-même arrivée à Uzushio il y a de cela quatre ans maintenant, et je me souviens que le début a été… Disons, difficile. » poursuivit-elle, avec une douceur mélancolique. « C’est un monde sans pitié, malheureusement. La moindre faiblesse peut se retourner contre nous… Et trouver sa place peut s’avérer compliqué. » Et elle, avait-elle trouvé la sienne ? « Je la cherche encore. » conclut-elle dans un souffle. Elle inspira profondément, sentant que son cœur s’alourdissait soudainement. Tout cela faisait ressurgir des souvenirs douloureux, un manque de confiance en soi, qu’elle tâchait de dissimuler tant bien que mal, au quotidien, par un masque cruel et impitoyable. C’était la place qu’elle s’était faite, préférant cacher aux yeux du monde ses peurs et ses failles, mais ce n’était pas celle à laquelle elle aspirait réellement.
Elle aurait aimé s’ouvrir plus facilement aux autres, mais elle ne savait pas vraiment s’y prendre – sa relation désastreuse avec Shun en était la preuve. Quelque chose avait été brisé en elle, trahie par ceux qu’elle suivait aveuglément. Pourtant, c’était peut-être cela le meilleur moyen de trouver sa place : la confiance.

« Cela fait longtemps que vous vous connaissez, avec Rinkusu, non ? Vous en parlez comme si vous le connaissiez depuis toujours. » Elle eut un sourire bienveillant. C’était exactement à ce genre de relation qu’elle songeait. Elle continua : « Il faut laisser aux choses le temps de se faire. Même si c’est long, même si ça fait mal… On finit par trouver les réponses à nos questions, rencontrer les bonnes personnes, construire quelque chose ensemble. » C’était ce que lui avaient appris Haruka, Shun, Tsume, Sanada, et quelques autres ; tous ces gens qui semblaient croire en elle, d’une façon ou d’une autre, et qui lui permettaient de se faire une petite place dans l’immensité de l’univers. Un jour, elle arriverait à tourner la page, aussi.

Se raclant la gorge comme pour reprendre contenance, elle eut un rire un peu plus léger. « Je ferai un effort, avec le capitaine. Vous en parlez en de trop bons termes, comment résister… Et puis, je suppose que j’ai ma part de responsabilité, dans cette affaire. » Par cet aveu, elle se surprit elle-même. Un moment de faiblesse, certainement, après toutes ces révélations, tous ces souvenirs émouvants…

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