Les kunoichis aux milles armes || PV Jin Wei ||

Depuis sa naissance, Wei avait toujours été avec Yu ; ils formaient un duo inséparable, l’homme la suivant comme son ombre. Cela avait de bons côtés bien sûr, elle ne s’était jamais sentie seule ou démunie, il avait toujours été là pour la supporter, dans les meilleurs comme dans les pires instants. Pour autant, cela laissait peu de place à l’intimité. Si elle était perdue dans ses pensées, il lui demandait tout de suite ce qui n’allait pas et elle devait s’en justifier. Si elle décidait de ne rien faire, simplement de s’allonger ou de contempler le paysage, il lui trouvait immédiatement une activité, comme si la tenir occupée était un objectif de vie. Elle devait tout partager, du lever au coucher, à l’exception de rares moments où il respectait sa pudeur – mais cela n’avait changé qu’avec l’arrivée de sa puberté. Alors, parfois, elle se sentait un peu étouffer, comme si elle n’était plus maîtresse de ses propres pensées. Mais comment lui faire comprendre ? Le but-même de son existence était d’être une extension de son corps et de son esprit ; si elle disparaissait, il disparaissait avec.

S’échapper n’avait pas été facile. Elle avait dû profiter de l’heure du bain, expliquer pourquoi Kūnwú devait absolument être avec elle dans la salle de bain, passer par la toute petite fenêtre de la pièce sans trop grommeler, puis cavaler sans s’arrêter jusqu’à ce qu’elle soit certaine de son protecteur n’était plus en mesure de la rattraper. Oui, cela avait été toute une épreuve, mais cela en valait la peine.
Respirant à plein poumons, elle se sentait libérée d’un poids. Connaissant Yu, elle n’avait que quelques heures devant elle avant qu’il n’arrive à la retrouver, mais elle comptait bien profiter pleinement de chaque minute. Alors, qu’allait-elle faire ? Il ne semblait pas y avoir grand-chose dans cette région, mais la nature lui convenait bien. Elle optait donc pour un peu d’errance, à droite à gauche, sans activité particulière sinon de profiter de la beauté de la vie.

Ce fut donc totalement par hasard qu’elle tomba sur cette scène révoltante : quatre hommes s’en prenant verbalement à une demoiselle en détresse. Enfin, en détresse… Il ne fallut guère que quelques secondes pour comprendre que cette jeune femme en avait dans le ventre, à la façon dont elle leur répondait. Curieuse et un peu amusée, Wei observait la scène sans intervenir, un peu à distance. Les hommes allaient-ils comprendre qu’il ne fallait pas tenter le diable et reculer bien sagement ? Que nenni ! Ils étaient bien décidés à s’en prendre à elle physiquement cette fois. Ah, c’était trop ça, par contre ! Soudainement agacée, la rousse dégainait sa lame fétiche, Kūnwú. Elle allait leur montrer, elle, ce que ça signifiait de s’en prendre à une dame !

Non, cette femme n’avait certainement pas besoin de Wei, en dépit de son infériorité numérique. Les rouleaux qu’elle avait sur le dos témoignaient à eux seuls de son statut de shinobi, et elle maniait la lance avec dextérité. D’un coup de manche, elle avait balancé du sable à la figure d’un des mecs, ce qui lui permettait de réduire temporairement le nombre de ses adversaires. C’était bien joué, et Wei la félicitait mentalement ; elle était déjà fan ! Ce coup-là était top, elle-même n’y aurait jamais pensé.
Enfin bon, même si la kunoichi allait sûrement venir à bout de ces enfoirés, Wei était bien trop excitée à présent pour laisser passer sa chance. Elle aussi voulait les bastonner comme jamais !

Se déplaçant instantanément, elle franchit la courte distance qui la séparait du groupe et, tandis qu’elle apparaissait aux côtés de son alliée de circonstance, elle balança un grand coup d’épée, de bas en haut, en direction de l’un des assaillants. « SURPRIIIIISE ! » s’exclama-t-elle, un large sourire sur le visage. Oh, elle y allait franchement, oui. Il n’y avait pas de notion de « juste punition » dans l’esprit de la rousse, Yu ne lui avait pas appris ça. Tout ce qu’elle savait, c’était qu’ils avaient intérêt à courir très vite, très loin, s’ils tenaient un tant soit peu à la vie.

« Elles sont deux ! » s’exclamait le type jusqu’alors aveuglé par la poussière. Voyant qu’ils ne feraient pas le poids longtemps, ou peut-être parce qu’il était le plus froussard, il commença à battre en retraite. Quoi, 1 contre 4 c’était équitable, mais pas 2 contre 4 ? Pfff, minable. Elle arma son bras, vers l’arrière, comme si elle allait jeter sa lame. Jeter une épée ? Oh, non, bien sûr que non, il fallait quelque chose de plus perforant... Tandis qu’elle tenait son arme à bout de bras, celle-ci se mit à changer de forme, soudainement, s’allongeant, s’affinant, jusqu’à devenir une longue lance à la pointe acérée. Alors, elle détendit brutalement son bras et la lance enveloppée de chakra fendit l’espace à toute vitesse. « T’es trop lent, mon coco ! » souffla la jeune fille, joueuse. C’était pire qu’une lance qui lui fonçait dessus, c’était un véritable missile guidé ! Elle l’avait dit non ? S’ils voulaient fuir, il faudrait y aller très vite, et très loin !

Et l’autre nana alors, elle s’en sortait avec ses zigotos ?

Si la kunoichi inconnue s’en sortait ? Oh que oui, et même plutôt deux fois qu’une ! La femme avait rapidement changé d’arme avec quelques tours de passe-passe efficaces et démontrait toute son agilité au naginata à présent. Wei jetait quelques coups d’œil en biais, tout en s’occupant de son premier adversaire, qui avait réussi à se relever malgré le violent coup qu’elle lui avait asséné à son arrivée. C’était incroyable, cette femme-là savait manier plusieurs armes, comme elle (sauf qu’elle, elle avait toutes ses armes dans une seule main, pas besoin de rouleaux d’invocation, héhé) ! La probabilité pour qu’une telle rencontre arrive… C’était au moins… Un sur un million ? (Non, Wei n’avait aucune idée de combien cela représentait et elle s’imaginait des nombres un peu au pif… Mais c’était l’intention qui comptait !) La rouquine découvrait des coups qu’elle n’avait jamais vus, oubliant presque qu’elle était aux prises avec un homme à la mine patibulaire et aux muscles saillants. Tiens, il ressemblait un peu à Yu, non ? Avec une grimace vengeresse, elle feintait un coup au visage avant de lui envoyer un bon gros coup de pieds dans les roubignoles. « Prends ça, faux Yu ! » s’exclamait-elle intérieurement.

Un déplacement instantané plus tard, elle récupérait Kūnwú qui s’était fichée dans le corps à présent inerte du fuyard et retournait immédiatement dans la mêlée. Se battre aux poings, c’était plus l’affaire de son protecteur ; pour elle, rien ne valait une bonne arme dans la main.

Finalement, les deux demoiselles venaient à bout des quatre individus sans trop de difficultés – laissant gracieusement s’échapper les derniers – et l’endroit retrouvait enfin un peu de son calme. Le souffle coupé, Wei reprenait sa respiration tout en appuyant sur son abdomen pour chasser le point de côté qui s’y était formé. « Waaaah… C’était... Sympa ! » lançait-elle entre deux prises d’air. Elle adressa un sourire flamboyant à son alliée impromptue et s’affala par terre. « Moi c’est Wei. Et toi ? » parvint-elle à articuler finalement, ayant retrouvé son état normal. Maintenant que l’excitation de la bataille était un peu retombée, elle voulait vraiment faire plus ample connaissance avec la guerrière. Ça aurait été bête de ne pas en profiter, elle rencontrait rarement quelqu’un partageant sa passion des armes ! Yu, lui, il n’utilisait que son kusarigama – et c’était surement plus pour la punir que par passion. Heureusement, la jeune femme ne semblait pas trop lui en vouloir de s’être pointée dans son combat. Peut-être lui accorderait-elle un peu de temps ?

Enthousiaste, la rousse poursuivait sur sa lancée : « Tu te défends bien en tout cas, c’était beau à voir ! Je crois que t’avais pas besoin de mon aide mais bon, ahaha ! Dis, t’en as d’autres comme ça, dans tes parchemins ? » Et elle désignait du doigt le rouleau que la femme portait encore. « C’est pas commun de se battre avec plein d’armes… J’ai de la chance d’être passée par là. Ton move à la lance était stylé là… » Et, s’étant remise sur ses deux jambes, elle mimait la posture qu’avait prise la kunoichi au tout début du combat, avant que Wei ne se joigne à  elle. Bon, comme ça, dans le vent, ça ne ressemblait pas à grand-chose, mais elle était sûre que la femme comprendrait de quoi elle voulait parler.

« Enchantée Masami ! » répéta Wei, avec enthousiasme, sans même noter l’absence de nom. Il fallait avouer qu’elle n’avait plus l’habitude. Elle était une Jin, bien sûr, mais comment dire… Cette partie de sa vie, sa famille, avait été mise entre parenthèse. Pour l’heure, elle tâchait surtout de se construire une nouvelle famille, avec Yu, avec Lóng Shé. Et puis, très franchement, elle n’était pas d’humeur à se prendre la tête pour une question d’appartenance. C’était le parfum de la liberté, et elle aimait ça : rencontrer une inconnue, passer un bon moment, puis repartir en quête de nouvelles aventures. C’était ça la vie !

Kusarigama, tessen, nunchaku, shuriken… Pour chaque nouvelle arme, la rouquine levait machinalement un doigt, tout en se demandant si la liste allait s’arrêter un jour et si elle avait assez de pouces, d’index, de majeurs, d’annulaires et d’auriculaires sur ses mains pour tout compter. Il fallait dire que Masami était une véritable armurerie ambulante, c’était impressionnant. « Ah oui, les arcs… J’ai jamais trop essayé non plus. » répondait-elle distraitement, essayant d’imaginer ce que pourrait donner Kūnwú sous cette forme. Elle notait l’idée dans un coin de son esprit ; il fallait qu’elle tente la transformation, un de ces quatre, même si elle avait plus l’habitude des armes au corps-à-corps. « Ça vit où ça, les Gurain ? » poursuivit-elle alors, réalisant que la jeune femme disait habiter non loin. Aie ! Si Yu avait été là, il l’aurait sermonné. « Chapitre 3, Uzu no Kuni et les Archipels. Wei, où as-tu la tête ? » Dans les nuages, sûrement. En soi, cela n’avait pas tant d’importance – comme le dirait juste après Masami –, elle demandait par simple curiosité. Si un peuple était aussi fort que ça dans le maniement d’une arme – en l’occurrence, les arcs – savoir situer leur territoire ne pouvait qu’être bénéfique.

La conversation allait donc bon train et la jeune inconnue n’avait pas sa langue dans sa poche, ce qui facilitait les choses, bien entendu. Wei aurait très bien pu se faire remballer dès la fin du combat, et elle était donc rassurée de voir que Masami partageait son enthousiasme. « T’as bien raison ! » s’exclama la rouquine avec un rire, alors que son interlocutrice lui racontait l’épisode contre son intendante. « Il faudrait que je fasse la même à Yu ! Qu’il en prenne plein les yeux, héhéhé. » ajoutait-elle avec un air malicieux – ce même air qu’elle prenait lorsqu’elle tendait un piège au pauvre bougre.

« Mon arme ? Ah, c’est Kūnwú ! » Instinctivement, Wei présenta la lame à Masami, pour que celle-ci puisse la contempler. « C’est un héritage familial… C’est un peu ma meilleure amie, maintenant. » Et il transparaissait clairement dans ses yeux que la jeune femme ne mentait pas. Il y brillait une lueur indescriptible, empreinte d’admiration et de fierté. Elle ne cèderait son arme pour rien au monde. « Oh et pour le lancer… Hmm, j’pense que ça rendrait pas mal avec ton naginata aussi, tu sais ! » Après tout, elle l’avait fait à la lance, mais pourquoi pas balancer autre chose ? Le seul inconvénient, dans cette affaire, c’est qu’un simple naginata ne pourrait pas revenir vers son utilisatrice comme le faisait parfois Kūnwú, avec la technique appropriée. Mais pour quelqu’un comme Masami, qui maniait autant d’armes différentes, cela ne serait certainement pas un frein.

Replaçant finalement l’arme métamorphe dans son dos, Wei approuva l’initiative de la guerrière qui proposait qu’elles s’en aillent. Regardant brièvement vers l’endroit d’où elle venait, la rouquine sembla penser à voix haute : « Il ne va pas tarder à me retrouver, lui aussi… C’est pas plus mal si s’en va. » Puis, se tournant vers sa nouvelle amie, elle poursuivit : « T’as une idée d’où on pourrait aller ? Je te suis ! »