La Sorcière s'avança sur le sable de l'arène, où l'on pouvait encore voir les traces des précédents combats. Les shuriken, kunai et autres projectiles avaient été ramassés et déblayés, mais il avait été décidé que l'on ne reposerait pas de sable neuf entre les affrontements. Aussi, la doyenne avait l'impression de fouler de ses pieds un véritable champ-de-bataille, ce qui n'allait pas sans lui rappeler les années glorieuses de la guerre des clans, ces années où les shinobi savaient encore se battre avec leurs tripes.

Autour, des centaines – peut-être même des milliers – de regards fixaient le corps de la femme-enfant rejoindre le centre de cette arène dans laquelle le sang avait déjà coulé. En voyant cette examinatrice s'avancer, certains étaient dubitatifs – pour la plupart des Konohajin – tandis que d'autres ne masquaient pas leur inquiétude. N'y avait-il donc personne de plus qualifié, de moins cruel, pour s'occuper de leurs enfants en ce jour d'examen ? Désolé, mais non.

Il y avait eu une interruption d'une demi-heure depuis le précédent match pour laisser aux spectateurs le temps de se restaurer. On avait distribué à chacun de l'eau pour lutter contre la pression de la chaleur. En effet, en cette saison, le soleil régnait sans appel au-dessus du ciel des tourbillons. Le vent marin, évidemment, était de la partie et rafraichissait l'atmosphère en même temps qu'il ramenait les effluves du port voisin, mais il n'en restait pas moins que les rayons de l'astre solaire tapaient sans pitié sur les têtes de nos pauvres concitoyens.

La vieillarde resta quelques minutes immobile au centre de ce théâtre organisé, regardant sa montre avec attention. Fidèle à la légendaire rigueur Omura, on lui avait dit de commencer les présentations à trois heures pile, pas avant, pas après. Elle regardait la grande aiguille se traîner mollement jusqu'au chiffre douze et, quand ce fut enfin le cas, elle put débuter la cérémonie. D'un geste autoritaire, elle leva le bras en l'air. Toute l'assistance, surprise par ce geste brusque – le premier qu'elle faisait, alors qu'elle était ici depuis plusieurs minutes déjà – se tut. Face à ce silence, l'angoisse prit rapidement place. Certains savaient pourquoi ils se taisaient, pourquoi ils la craignaient mais, pour d'autres, ce silence avait quelque chose de plus dérangeant, de presque malsain. Qui donc était cette gamine qui causait tant de frayeur dans le public ? Les Konohajin, eux aussi, devraient-ils s'en méfier ? Ainsi, le silence laissa bientôt place à la rumeur et ce, jusqu'à l'introduction des candidats.

"Pour ce troisième… hm… Elle s'éclaircit la gorge violemment, comme pour chasser la vieillesse qui la prenait au corps et qui voilait sa voix. Pour ce troisième combat, disais-je, je demande à nos deux concurrents de me rejoindre. Elle s'exprimait avec une voix plus forte, presque sévère. A ma gauche, venant de Konohagakure, Uchiha Kaori. Une gamine à l'éventail, hein ? Fort bien, fort bien… A ma droite, venant d'Uzushiogakure, Omura Kae."

Les deux aspirants s'avancèrent jusqu'à s'être immobilisés à environ six mètres l'un de l'autre. Que pensait la Sorcière de ce combat ? Elle n'en avait pas grand-chose à faire, pour être honnête. Si on la forçait d'exprimer son avis, en revanche, elle vous dirait que la gamine aux sharingan avaient été diablement efficace à Baransu et qu'il serait difficile pour la petite médecin de la terrasser, quand bien même elle appartenait à son clan légendaire. La jeunesse de Leiko était faible, elle n'avait aucun doute que Kae, jeune fille blonde en apparence innocente, le lui confirmerait. On lui avait ensuite demandé d'expliciter correctement toutes les règles pour éviter toute réclamation inutile à la suite du combat. Pour s'en souvenir, elle les avait couchées par écrit et cachées là où elle ne les perdrait jamais.

Devant une foule angoissée et effrayée – bien loin de l'excitation initiale qu'avait représenté ce tournoi, la doyenne pencha la tête pour éviter toute obstruction de ses canaux et se mit à déglutir. Le silence le plus total était revenu. De sa bouche sortit progressivement un parchemin enroulé autour d'un bout de bois, qu'elle saisit de sa main droite lorsqu'il remonta jusqu'au niveau de ses yeux. Elle déroula le papier, le secoua pour en éliminer les fluides visqueux humains et entama la lecture, comme si de rien était.

"Alors, voici les règles, dit-elle d'une voix expéditive avant de se lancer dans une énumération énervante. Interdiction de commencer avant que je n'en ai donné le signal, interdiction de continuer le combat si l'un des participants a abandonné, interdiction de tuer… hein ? Rho… Interdiction de recevoir d'aide de l'extérieur, obligation d'écouter et d'obéir à chacune des remarques de l'examinateur… Le combat se termine quand un participant s'avoue vaincu ou est hors combat, selon mon jugement."

Elle replia doucement et soigneusement son parchemin autour de son bâton et, de la même manière qu'il était sorti, le rentra à nouveau dans son système sous les exclamations dégoûtées du public.

"Hum, bon. Vous pouvez y aller."

Leur tournant le dos, elle s'éloigna à pas lent pour s'asseoir un peu plus loin, où elle pensait être à l'abris d'une éventuelle attaque. Le combat pouvait débuter.

Technique utilisée:

Les règles :

Une fois bien installée, assise tranquillement contre le sable chaud, à une distance raisonnable des deux combattants – suffisamment proche pour les arrêter en cas d'urgence, suffisamment éloignée pour ne pas être dérangée par leurs attaques minables – la Sorcière d'Uzushio prit le temps d'observer les deux adversaires. Enfin, elle eut surtout le temps de voir que Kaori, la petite Uchiha avec qui elle avait combattu à Baransu, dont elle doutait d'ailleurs du statut de Genin au vu de ses capacités franchement moins pires que celles des autres enfants, n'était pas parvenue à rester en place et avait directement sauté sur Omura Kae, son adversaire. Celle-ci était une fillette qui n'était pas sans lui rappeler Hatsumomo, sa disciple. Adolescente, d'environ quinze ans à en juger par ses traits fins, sa peau déjà un peu tiraillée par la puberté et les formes délicates mais encore timides qui se dessinaient sous la blouse blanche immaculée dont elle était habillée. On voyait d'ailleurs sur l'habit l'emblème du clan Omura, d'abord en petit et en noir au-dessus de l'emplacement du cœur puis en plus gros dans son dos. Elle a tout l'air d'une parfaite toutou de Leiko, pensa Mifuyu, pourtant vêtue d'une blouse parfaitement similaire à la sienne.

Ce que la doyenne vit en se retournant, donc, ce fut les yeux rouges de Kaori, renforcés de trois virgules noires, qui virevoltaient en direction de la petite du clan médecin. Elle venait de sauter dans sa direction et de lui asséner un violent coup de pied, que Kae, à la fois subjuguée et étonnée par l'aspect de ses yeux, n'eût pas le réflexe d'esquiver. Mifuyu pouvait lire un sentiment bien représentatif de son clan dans le regard de la jeune fille : au-delà du simple intérêt, on y voyait l'avidité de la découverte, la volonté de s'approprier ces yeux légendaires et de les garder pour soi. Tel était l'égoïsme scientifique des Omura.

Kae, donc, eût à peine le temps de placer ses bras en croix contre sa poitrine pour réduire la violence de l'assaut et recula de quelques pas dans le sable. "Aie !" dit-elle en agitant rapidement ses poignets comme si cela suffirait à faire partir la douleur. Vous parlez d'une médecin ! "Tu m'as fait mal !" rajouta-t-elle comme si elle attendait que son adversaire ressente une culpabilité qui n'avait pourtant pas lieu d'être. Livrée dans ce petit numéro de jeune fille en fleurs, innocente et faiblarde, Kae ne parvint pas non plus à esquiver la volée de projectiles lancée par l'Uchiha et deux shuriken vinrent se loger dans son ventre, tandis qu'un kunai lui déchira légèrement la blouse au niveau de l'articulation du bras. Sous l'effet de la douleur, elle posa un genou au sol avant de se relever instinctivement, montrant que finalement, elle savait tout de même se battre et ne comptait pas abandonner.

Mifuyu sourit devant ce spectacle. Elle sourit car elle voyait désormais l'adolescente qui se ruait vers son adversaire qui venait d'atterrir derrière elle. La petite effectua une série de mudra qui firent arquer les sourcils de la Sorcière, car elle ne les reconnaissait que trop bien. L'innocente Kae connaissait donc les arcanes secrets de son clan… intéressant. C'était à peine perceptible à l'œil nu, sans doute les spectateurs d'ailleurs ne purent comprendre les effets de la technique, mais pour toute personne suffisamment proche, comme par exemple Mifuyu ou Kaori, il semblait clair que la musculature de l'adolescente venait de se renforcer, et pas qu'un peu. Ses jambes étaient plus tirées, on voyait les muscles de ses cuisses gonflées comme celles d'une championne de course. Ses bras, eux, avaient soudainement pris du volume et semblaient gainés plus que de raison. La manifestation la plus claire de ce phénomène fut la vitesse accrue de l'Omura, qui arriva bien vite aux côtés de Kaori.

Le visage rouge, peut-être par la chaleur, ou par l’instinct combattif démesuré de la gamine, on aurait dit une véritable furie. "Aaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaah" cria-t-elle alors qu'elle s'approchait du corps de son adversaire qui ratterrissait derrière. Après cette transformation, elle semblait fort éloignée de la fillette qui s'était plainte parce qu'elle avait pris un simple coup de pied. Elle était en fait une prédatrice.

Quand elle fut devant Kaori, elle lui asséna une quantité impressionnante de coups de poings, différents, imprévisibles, puissants, se disant qu'avec sa vitesse et sa force accrues, peut-être serait-elle capable de dominer une Uchiha au corps-à-corps. Enfin, pour rompre cet enchaînement et ainsi provoquer un effet de surprise que l'adolescente devait espérer dévastateur, elle lui donna un coup de pied dans les tibias, ayant pour but de la faire tomber au sol. Mifuyu, un peu plus loin, observait avec satisfaction. Pour une gamine issue de la politique de Leiko, cette Kae ne semblait pas si faible…

Recap:

Depuis son petit coin de terre, Mifuyu la Sorcière riait à gorge déployée. Cette âme altière était ravie de constater une nouvelle fois la supériorité du clan Omura, même contre les légendaires shinobi du clan à l'éventail. La gamine était devenue une véritable machine de guerre. Il était difficile de savoir ce qu'il se passait dans sa tête, à part que son immense colère se manifestait derrière la rougeur exagérée de son visage. N'oublie pas de respirer, petite ! pensa la doyenne, visiblement amusée.  On aurait dit qu'elle avait définitivement sorti son cerveau de son crâne et l'avait placé en petits morceaux sur ses phalanges pour en faire des poings américains. Le véritable déchaînement de violence que subissait Kaori faisait plaisir à l'examinatrice, qui tapait d'ailleurs joyeusement des mains, mais qui connaissait pourtant sa force pour avoir combattu la prêtresse de l'orage à ses côtés.

La brune au sharingan s'en remit bien vite, puisqu'à une vitesse simplement ahurissante – peut-être plus impressionnante encore que celle de la vieillarde – elle esquiva la vicieuse balayette tentée par la petite tête blonde. En s'intéressant de plus près au visage de la fillette du clan médecin, on pouvait voir ses grands yeux fustiger du regard son adversaire qui avait lâchement décidé de fuir plutôt que de soutenir le corps à corps contre elle. Ces yeux furent finalement remplis du reflet des flammes qui ne tardèrent pas à l'entourer. Instantanément, l'adolescente sembla reprendre ses esprits et canaliser sa rage. Kaori n'avait certes pas eu à affronter le petit démon de Haiko au caractère double, mais cela ne voulait pas dire qu'elle avait hérité d'une opposante saine d'esprit pour autant. "Aïe ! Ouïe ! Dieu que c'est chaud !" s'écria-t-elle en tentant de s'éventer vainement en agitant ses mains près de son visage.

Prise au piège par l'impressionnante technique de la brune, Kae secoua sa tête vivement de gauche à droite à la recherche d'une échappatoire. Hélas, il n'y avait rien. Elle avait été enfermée entre ces flammes, il lui faudrait encaisser la prochaine attaque. Mifuyu, dont le visage avait repris son expression sévère et goguenarde, fut atterrée par ce nouveau changement de comportement. Sa famille ne produisait donc que des dégénérés ? Elle ne se comptait évidemment pas dans cette appellation, mais il fallait tout de même avouer que les Omura avaient une propension assez importante pour la folie.

Kae s'était résolu à encaisser l'attaque de son adversaire, cependant, lorsqu'elle l'aperçut composer de nouveaux mudra, elle fut prise d'une panique qui lui faisait ignorer tout danger. Elle ne sembla pourtant pas prêter d'attention particulière à ses paroles. Toujours était-il qu'alors que la boule de feu suprême n'était pas encore conjurée, l'Uzujin décida finalement qu'il était plus sage de prendre ses jambes à son cou. Elle contracta ses cuisses qui avaient été renforcées par la précédente technique pour bondir à vive allure hors du cercle formé par la balsamine, non sans se brûler les jambes au passage. La douleur était forte, mais elle se dit qu'il valait mieux cela que de rester vulnérable à l'intérieur de ce cercle de flammes. En baissant la tête rapidement, elle s'aperçut que sa tenue blanche était déchirée au niveau de ses chevilles et noire jusqu'aux genoux.

"Alors ça ! Tu me le paieras, la binoclarde !" lui hurla-t-elle alors qu'elle était toujours dans les airs, laissant Mifuyu constater qu'elle avait une nouvelle fois changer de comportement.

L'adolescente avait beau être rapide, certes, elle ne l'était pas autant que les flammes. Alors qu'elle se sentait hors de danger et ratterrissait avec grâce à quelques mètres à droite, à une distance légère de Kaori, elle fut soufflée par la boule de feu, qui vint une nouvelle fois noircir sa blouse, cette fois-ci au niveau de la poitrine. Elle fut également brûlée légèrement au niveau du bras, sur lequel elle souffla comme si cela calmerait la douleur. Relevant la tête vers l'Uchiha, elle la regarda d'un regard menaçant et l'injuria des plus horribles surnoms qui parcouraient les bouches des adolescents d'Uzushio. On retiendra notamment le dernier, celui de "chiure de goéland".

Ce moment d'intense haine passé, et pour ne pas laisser le temps à son ennemie de profiter une nouvelle fois de la distance qui les séparait, la blonde composa un signe de ses mains. Cela suffit pour que son cou s'allonge à très grande vitesse vers la binoclarde, tandis qu'elle commençait aussi à courir en sa direction. En même temps, une nouvelle série de mudra lui permit de sortir de sa bouche un nuage de poison opaque et dangereux. Ainsi, elle ne devrait pas la voir ! Elle prolongea finalement le mouvement de sa tête avec la volonté ferme d'enfoncer son crâne dans le plexus de cette gamine de Konoha qui lui causait tant de malheurs.

Parallèlement, elle agitait méthodiquement ses doigts, comme pour préparer une mauvaise surprise… Si Kaori n'était pas partie trop loin, elles devraient désormais se trouver très proches l'une de l'autre…

Recap:

Mifuyu observait toujours à distance le combat qui avait lieu dans l'arène qu'elle était supposée examiner. On lui avait dit d'intervenir en cas de danger grave pour l'une des deux participantes, mais il fallait avouer qu'elles avaient toutes deux l'air suffisamment résistantes pour se débrouiller seules. Kae, d'ailleurs, était en ce moment même en train de prouver une nouvelle fois à Mifuyu l'hypocrisie de son clan, qui souhaitait taire ses techniques secrètes alors que n'importe quelle gamine de quinze ans était visiblement en droit de les maîtriser. En effet, l'Omura avait allongé son coup en direction de l'Uchiha : c'était également l'un des coups favoris de la vieillarde. Avant même qu'elle n'entame la série de mudra suivante, celle-ci avait deviné quelles étaient les intentions de la fillette. Un nuage de poison, bien sûr ! Elle se débrouille pas si mal, se dit-elle. Seulement, si cette technique promet généralement de bons résultats, la mioche semble oublier qu'elle est contre une Uchiha.

En effet, Kae l'avait oublié. Cela faisait même des jours qu'elle avait oublié la possibilité de se retrouver face à un rejeton du clan à l'éventail et ainsi d'affronter le Genjutsu à son état le plus pur. Elle n'avait rien, mais alors strictement rien pour le contrer, si ce n'était un mental d'acier. Pas sûr que cela suffirait, malheureusement…

Quand elle avait allongé son cou, elle avait évidemment regardé son adversaire. Comment aurait-elle pu faire autrement, puisqu'elle avait justement cherché à l'atteindre au visage ? Elle ne se rendit compte de son erreur que lorsque son adversaire se fut soustraite à sa vue quasi instantanément. Elle fut distraite par d'étranges hurlements rauques et aigus, dans lesquels elle reconnut le croassement de corbeaux déchaînés. Aussitôt, la zone en fut assaillie. Elle ne put continuer son plan et, malheureusement, abandonna son projet de nuage de poison sous l'effet de la surprise. Le bruit était insupportable et elle ne semblait voir que cela, partout autour d'elle. Des corbeaux, des corbeaux et encore des corbeaux, dont les ailes volaient si proche de sa tunique qu'elles l'effleuraient presque. De quoi devenir phobique.

"AAAAAAAAAH mais qu'est-ce que c'est que cette merde !!" hurla-t-elle en agitant ses bras pour lutter contre l'ennemi invisible. "J'vais tous vous crever les zozieaux, vous m'entendez ? TOUS !"

La foule, ne se doutant pas de ce qui se passait, restait interdite. Cette gamine était donc folle ? Pourquoi hurlait-elle à ce point au moment où on aurait dit qu'elle allait prendre l'avantage lors de cet affrontement. Ce ne fut que lorsque la gamine de Konoha lui enfonça un bon kunai dans les côtes que le public comprit. Elle était prisonnière ! Prisonnière de ces yeux maudits appartenant à la petite brune ! Si les spectateurs lâchèrent d'abord un "Oooh" de compassion à l'égard de l'Omura ainsi qu'un "Pwaah" de désapprobation pour la Konohajin, ils se trouvèrent étrangement dans l'impossibilité de ressentir le moindre sentiment sympathique pour Kae, qui, par ses multiples cris, s'était rendue antipathique auprès des adultes mêmes qui l'avaient vue grandir. Mifuyu, quant à elle, haussait simplement le sourcil.

De son côté, Kae ne se rendit pas compte des sentiments divers qui agitèrent successivement la foule. La douleur était forte, très forte, mais elle eut au moins le mérite de dissiper le mirage nuisible dont elle était la victime depuis quelques secondes. Enfin, les croassements hurlants s'effaçaient de sa mémoire et le visage de son ennemie lui apparaissait à nouveau.

"C'est une chouette technique que tu as là, lui dit-elle presque tendrement, en souriant de toute ses dents. C'est bien joué de ta part !"

La blondinette semblait tout aussi sérieuse dans ses compliments qu'elle ne l'avait été dans ses insultes. Il y avait certainement de quoi décontenancer dans ces revirements soudains et multiples !

Kae, elle, ne semblait pas décontenancée. Elle semblait à nouveau posséder son calme naturel et, en la voyant ainsi, il était difficile d'imaginer qu'elle avait pu entrer dans une telle colère auparavant. C'est avec aisance et sérénité qu'elle s'arma d'un kunai pour contrer la volée de shuriken qui avait été lancée sur elle par Kaori. Malheureusement encore pour l'Omura, même si elle était parvenue à éviter quelques blessures en contrant ces projectiles, cela la força à rester statique et elle n'eut le temps d'esquiver que quelques armes enflammées, malgré sa grande vitesse.

Elle avait légèrement contourné par la gauche pour en éviter certains, puis avait foncé à nouveau en direction de l'Uchiha, et ce malgré la douleur. Elle avait été bien amochée par les coups précédents, mais son incroyable volonté lui permettait de continuer presque comme si de rien était, et de passer à la contre-attaque. Enfin.

Cette contre-attaque était prévisible pour qui connaissait la jeune fille. Ne s'embêtant pas à imaginer plusieurs stratégies à la fois si tant était que les précédentes avaient fonctionnées, elle avait tendance à répéter les coups qui s'étaient avérés efficaces dans le passé. Ainsi, cette fois, alors qu'elle se ruait vers Kaori, ce furent ses bras qu'elle allongea pour la frapper. De là, alors que quelques mètres les séparaient encore, elle enchaîna de violents coups de poings comme si elle avait été juste en face d'elle. Elle espérait bien la mettre à terre avec cela et, si possible, en profiter pour enchaîner avec son combo favori.

Recap:

Mifuyu observait l'affrontement à distance. Elle n'était pas certaine de comprendre pleinement son rôle d'examinatrice, bien trop malhonnête elle-même pour surveiller les éventuelles incartades dans les règles, pour retenir ses coups ou pour apporter un quelconque changement au duel. Ce duel, en effet, se déroulait uniquement entre Kae et Kaori et, dans l'esprit traditionnel de la doyenne, qui naquît dans une société où l'honneur triomphait sur les contrats, sur les règles de vie arrêtées, empêcher l'une de ces deux gamines de montrer ce dont elles étaient capables serait une insulte pire que la défaite. Ainsi, peut-être laissa-t-elle durer ce combat trop longtemps, à voir l'épuisement des deux gamines qui n'avaient probablement pas combattu comme ceci depuis fort longtemps – peut-être en fait comme jamais auparavant.

En réalité, si la chirurgienne finit par arrêter ce combat, ce fut face à la pression insistante des autres examinateurs, perchés en haut des gradins près des autorités qui, à en juger par leur visage, auraient déjà coupé court aux hostilités il y a quelques minutes. Enfin, la Sorcière en avait suffisamment vu : elle s'était amusée, avait pu juger des compétences de l'Uchiha – qu'elle connaissait déjà – et de cette petite Omura qui, il fallait l'avouer, était intéressante malgré une force mental instable et déclinante. Peut-être pourrait-elle d'ailleurs se servir d'une gamine telle qu'elle, un peu abrutie et visiblement à la frontière de l'éthique elle-même, pour avancer ses revendications parmi les canaux "légaux" de son clan.

Certains spectateurs, quand elle arrêta le combat, furent surpris. En effet, l'Omura venait de se livrer à une impressionnante démonstration de force ; dévoilant par la même occasion l'une des plus vieilles ruses de son clan. Sa guérison miraculeuse, impeccable en apparence, avait laissé tout le monde bouche-bée : toutes ces bouches qui déjà s'apprêtaient à crier la victoire de la gamine à l'éventail se fermèrent tout à coup et reprirent leur souffle pour admirer la puissance écrasante de cette technique médicale. En quelques instants, la foule modifia ses paris, soutint un tout nouveau poulain auquel très peu seulement avaient d'abord accordé de crédit. Mais ce fut avant que l'immonde vieillarde ne vienne annihiler leurs espoirs de voir la jeune Uzujin l'emporter.

Une femme comme Mifuyu, évidemment, connaissait l'astuce, mais avait également vu qu'elle n'avait pas pris auprès de Kaori et que celle-ci, grâce à l'illusion lancée – il était d'ailleurs assez ridicule de voir Kae brasser désespérément l'air en grognant – était en mesure d'achever le combat, et d'achever l'Omura par la même occasion. Ici, puisque c'étaient les règles, elle ne la tuerait pas ; en guerre, elle le devrait et l'aurait sûrement fait. Cela suffisait à la Sorcière pour ne plus prolonger ce combat. Kaori, ne pouvant pas éliminer définitivement son adversaire, pourrait subir une contre-attaque, cependant cela n'aurait pas été juste de lui ôter la victoire alors que, dans des conditions normales, l'Omura ne serait plus qu'un cadavre à la gorge tranchée, vidée de ses forces et débarrassée de tout son sang qui retournerait aussitôt à la terre.

Ainsi, alors que Kaori apparaissait dans le dos de Kae, la lame prête à l'assaillir, l'ancêtre apparut entre elles deux à une vitesse fulgurante, prouvant encore que l'âge n'avait nulle emprise sur cette guerrière légendaire. Elle retenait d'une main le poignet de l'Uchiha et, de l'autre, elle poussa l'Omura qui, sans surprise, s'écroula de fatigue, mettant ainsi fin à sa présumée renaissance.

"Je déclare Uchiha Kaori victorieuse. C'était un beau combat, bravo." Annonça-t-elle sobrement à la foule qui se confondit en hurlements et qu'elle ignora royalement, comme à son habitude.  

Elle s'inclina légèrement avant de quitter l'arène.

Spoiler: