Une nuit seulement s’était écoulée depuis le retour des deux frères et de la petite trogne rouquine qui les avait accompagnés. Les vapeurs… particulières qui avaient plongé la fine équipe dans une euphorie loufoque s’étaient pleinement dissipées, provoquant chez l’un des maux têtes, chez l’autre des vomissements… Une nuit idyllique, au demeurant. Au petit matin, autour de la table du salon, une impression de déjà-vu planait au-dessus des tasses fumantes.
"Pire qu’une murge…"
Fatigué… Hayato l’était oui. Des cernes violacées s’étendaient sur le bas de ses yeux, eux-mêmes encore couvert d’un épais liquide protecteur. Les cheveux en pétard et la peau de son visage encore poisseuse de la veille. Si la femme de sa vie était venue toquer en ce jour à la porte. Il n’aurait eu aucune chance… Les deux frères auraient bien souhaité dormir davantage, mais alors qu’ils devaient attaquer leur dixième heure de sommeil, de lourd coup avaient retenti sur la fragile porte de l'humble demeure.
Un messager fort zélé, qui avait osé pénétrer dans l’antre des fauves Nozomo alors qu’ils étaient encore partiellement assoupis. D’une voix gaillarde il avait délivré son message avant de s’enfuir à toutes jambes en constatant la réaction un brin belliqueuse, des deux dormeurs. Et les voilà, maté en main et parchemin étalé sur la table… Une convocation ? Même pas. Une invitation. La mention d’un corps kaigan, quasiment oublié depuis la veille, avait néanmoins suffi à faire ce lever les garçons.
Ressassant le contenu de la lettre à haute voix, d’une main Hayato tenait une cigarette tout juste allumée. "Une invitation à la morgue pour parler d’un corps un peu particulier… Présentant tous les signes d’une affinité au clan kaigan… Ils ne savent pas lire un rapport ? J’ai tout mis dedans… Je crois…" La main qu’il se passa sur le front laissait néanmoins place au doute. Toujours grognon, il avait continué… "Puis c’était toi le chef d’équipe… Pourquoi ils m’appellent aussi ?". Finissant le breuvage et prenant même le temps d’avaler quelques denrées. Le grand dadais ronchon fini par s’acquitter d’une douche qui n’était guère un luxe… Laissant s’écouler l’eau de longues minutes. Il resta statique en profitant de la sensation agréable que provoqué l’écoulement, yeux clos et sens en éveil.
Qu’allait-il advenir du petit Rokasu ? Le rapport qu’il avait remis aux instances ne risquait-il pas de précipiter l’apprenti vers la sortie ? Était-ce réellement un mal cependant ? Il était clair que la carrière de guerrier de l’ombre ne lui correspondait pas… Il était… trop… Rokasu. "Un lama…" Les mots lui avaient échappé, tant il restait sidéré, mais il n’en avait cure… Il était seul sous la douche après tout. Lieu de confiance, mausolée de ses pensées. Personne ici ne viendrait le contrarier. Après avoir conclut qu'il lui faudrait aller prendre des nouvelles du petit, son esprit navigua vers une seconde pensée. Cette fois-ci, concernant son frère… Il avait prouvé être capable de mener ses hommes et ses réflexions étaient logiques. Une ombre… Ou plutôt un léger nuage que le jonin avait préféré garder pour lui, demeurait cependant.
"Des décisions logiques… mais agressives. Il a couru vers le danger alors qu’on aurait aussi bien pu passer notre chemin. La prochaine fois il pourrait ne pas avoir autant de chance…"
Il n’en avait d’ailleurs pas toujours eu. Repensant à cette mission qui avait changé définitivement son fraternel, Hayato se tut. Restant maintenant muet sous le jet constant de l’eau…
Les derniers préparatifs effectués, les deux frères étaient fins prêts pour leur "visite de courtoisie" à la morgue. Alors qu’il approchait du lieu, non loin de l’hôpital. Hayato écrasa sa cigarette du talon avant de déblatérer quelques absurdités. "J’adore l’odeur des cadavres au petit matin… Pas toi ? En tout cas… Monsieur le chef d’équipe, à vous l’honneur…"^
Malgré son attitude un brin désinvolte, la curiosité du jeune homme avait-été attisée. En effet, combien de fois déjà avait-il pu lire le nom de : Funaki Mana, sur les rapports émanant de la morgue ? L'occasion aujourd'hui, d'enfin mettre un visage sur le nom… Et qui sait peut-être… Pourrait-il présenter un quelconque intérêt.
Si l’on devait définir par l’odeur la directrice de la morgue et du funérarium, ainsi ferait-on. Ceux qui la rencontreraient ici bas parmi les morts retiendraient probablement cette sensation imperceptible. La morgue était son domaine et tout ce qui s’y trouvait pouvait être considéré comme sa propriété. Ainsi siégeait-elle parmi les défunts, vêtue élégamment mais avec pratique. Ses longs cheveux noirs étaient retenus en une natte serpentant le long de son dos pour des raisons de praticité. Ses yeux nacrés eux, toujours rehaussés d’un trait de crayon rouge. Alors que de sa pipe fumante s'échappait un parfum de tabac et de clou de girofle, il était aisé de voir dans un coin de la pièce un encensoir duquel s’échappait une discrète fumée aux fragrances d’oliban.
Devant Mana se trouvait un corps, probablement celui d’un kaigan si elle devait en croire les rapports qui… pour une fois, avaient au moins le mérite d’être synthétiques… A croire que l’efficacité se perdait lorsque les gens se retrouvaient avec un pinceau en main. Derrière un masque froid et détaché, à cause du corps sous ses yeux, s’était lovée une émotion. La directrice de la morgue était intriguée. Rien de forcément extraordinaire. Un détail sans importance. Une anomalie tout à fait quelconque. Les mains du cadavre avaient des callosités. Un élément qu’elle se serait contentée de noter tandis que le corps aurait rejoint un parchemin, pour être stocké, enregistré dans les archives puis, dissimulé. Alors, un Funaki un jour se pencherait peut-être sur la question, exhumant le corps et le dossier pour l’étudier.
Mais la directrice de la morgue profitait d’une période de calme au sein du village pour s’attarder sur ce cas... encore frais. Il était important qu’elle ne passe pas son temps à pratiquer toujours la même chose quand elle en avait l’occasion, maintenir son esprit ouvert. Ainsi s’était-elle penchée sur une anomalie qui serait probablement sans le moindre intérêt. Un kaigan qui avait hérité du trait typique des siens mais qui avait des cals. Le trait typique des kaigans pourtant, tendait toujours à faire disparaître ces cals à cause ou grâce au sable. Ce détail lui permettait de contempler son manque de connaissance sur ce clan et, lui rappelait par extension son manque de connaissances fiables sur tous les autres. Serika mis à part, avec eux, elle avait son sujet d’expérimentation personnel.
Ce ne serait d’ailleurs probablement pas de son vivant que les Funaki réuniraient toutes les connaissances des clans composant Suna. Elle ne verrait probablement jamais l’aboutissement de ses études, de ses recherches et, de ses réflexions… Elle n’avait cependant aucune crainte quant au fait que la famille continue l'œuvre qu’ils poursuivaient tous.
Un mince sourire amusé à cette idée, elle se saisit de la théière de grès autour duquel son serpent s’était enroulé, attiré par la chaleur de l’objet. Se versant une tasse de thé elle contempla sereinement la salle d'autopsie. Dire que l’endroit était propre aurait été un euphémisme, tout était organisé avec méticulosité, structuré afin de permettre au lieu d’étrangement baigner dans l’harmonie. La mort était sereine en ces lieux, Mana malgré ses fonctions et ses recherches veillant aussi bien sur le corps que l’âme des défunts du mieux qu’elle pouvait. Un seul corps était présent et il était question de celui du kaigan, certes étudié mais respecté.
La morgue. Contrairement à ce que l’on aurait pu croire, il y faisait frais et l’air n’était pas lourd de fumée. Nulle bougie, ou lumière artificielle. Située à plusieurs mètres sous terre afin d’éviter la chaleur du désert, un discret et complexe jeu de multiples miroirs permettait d’acheminer la lumière du soleil tout en permettant à l’air de circuler. Idéal car la nuit, le lieu atteignait des températures suffisamment basses pour rester frais dans la journée. Un travail architectural que la famille maîtrisait depuis longtemps, lui permettant de veiller sur les morts avec efficacité le temps que ceux-ci puissent trouver le repos.
Buvant une gorgée de thé, elle perçut le bruit typique du faible grincement de l’escalier descendant du funérarium jusqu’à la morgue, signe que des gens arrivaient. Prenant un bouffée sur sa pipe, elle laissa ses poumons se remplir de de tabac et de clou de girofle, recrachant un instant plus tard la fumée. Un coup d'œil rapide lui assura que tout était parfaitement rangé, scalpels, senbon, fil chirurgical et autres outils divers et variés. Tout était sorti, aligné et organisé. Elle n’avait pas encore touché au corps si ce n’était une inspection superficielle et, ce dernier était couvert respectueusement.
A l’instant précis ou l’escalier se tût, elle sut que ceux qu’elle attendait étaient arrivés et, se dirigeant vers la porte de papier de riz pour l’ouvrir.
-Merci d’avoir guidé nos invités Takehiko, tu peux remonter.
Se tournant vers ses invités, elle fit signe à son neveu de remonter.
-Bienvenue à la morgue Funaki messieurs, vous êtes les bienvenus.
Elle fit alors volte face, invitant les ninjas à entrer dans la pièce où trônait le corps.
-Désirez vous une tasse de thé?
Nozomo Yukio
Suna no Jonin
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La vie était parfois une sacrée chienne, le corps humain aussi.
Comment un peu de fumée venant d'une herbe brulée pouvait créer chez des hommes dans la force de l'âge, endurant et fort, des effets aussi pathétiques... J'avais passé ma soirée aux chiottes à tenter de calmer le flux suiton qui s'écoulait de manière libre de mon gosier. J'avais fait un mudra ? Je ne me souvenais pas. D'habitude, ce genre de chose arrivait quand j'étais bourré... Il fallait croire que mes rencontres avec les drogues, douces ou dures, donnaient toujours le même résultat : De la merde. "J'ai envie de crever..." Sentir son corps se vider de toute substance, et pas du bon côté, n'était en rien agréable.
La bile avait pris la place de toute nourriture concassée ou non dans mon estomac. J'avais réussi à dormir, mais mon ventre criait famine... Pourtant, au fond, je savais que si je mangeais quoi que ce soit, c'était un ticket retour à l'arrêt toilette. J'ai donc dormi le ventre vide, alors que celui-ci me demandait de me purger encore... Une sensation d'humidité dans la gorge qui ne me plaisait guère, pourtant je m'endormis assez vite.
Le lendemain fut... Voluptueux. Pas du tout.
Les effets étaient partis, mais la fatigue avait pris son dû. Malgré le sommeil, j'avais la tête et tout le reste du corps en charpie.
- Plus jamais je rentre dans une grotte. Une promesse qui j'allais parjurer bien assez vite tant le désert était truffé de boyaux vers l'enfer.
En parlant de boyaux, je mangeais prudemment en buvant un maté. Attendant à tout moment une alerte rouge pour me diriger vers le bunker d'urgence... Les toilettes. Une autre alerte me surpris : On toquait à la porte. M'élançant pour ouvrir à l'irrévérencieux qui venait m'emmerde alors que j'avais envie de tuer quelqu'un, pour découvrir un messager qui me tendait un parchemin en fixant beaucoup trop ma tronche. Je lui fis une grimace avant de lui claquer la porte à la figure, de toute façon il voulait déjà se barrer à la seconde où le papier avait quitté sa paume.
- On n’est jamais tranquille dans ce putain de village. J'étais autant en pétard que les cheveux de Hayato. Je lui envoyais le parchemin non déroulé pour qu'il le lise, c'était lui le cerveau.
Il m'apprit bien vite qu'on était invité à la morgue pour parler du cadavre de Kaigan que le grand dadais avait ramené, moi je l'avais zigouillé... Lui l'avait porté. Une fine équipe, les Nozomo. Pourtant, il restait perplexe sur la raison de sa présence, à lui :
- C'est toi qui l'a ramené, tu as été le plus en contact avec lui que moi... Et puis, tu restes un juunin. Je scrutai les réactions de l'aîné avant de me détourner. Il avait été envoyé pour me surveiller, peut-être que son rapport n'était pas élogieux et on avait demandé sa présence, car je n'étais pas capable de gérer ? "Non, il me l'aurait dit."
La fatigue déclenchait la paranoïa, ou en tout cas les débuts, je balayais les idées d'un geste avant de remettre ma tête dans la tasse de maté alors que mon frère parti à la douche... "C'est vrai qu'on devrait passer un coup." Je tirai sûrement une sacrée gueule, qui devait puer les relents de vomis accessoirement. Hayato sortit de la salle de bain, je fonçai pour faire ma part : Beaucoup d'eau, beaucoup de savon, la brosse à dents dans la bouche alors que je me nettoyais le corps.
Un gain de temps.
Propre et sentant meilleur, je sortais moi aussi de l'antre humide auquel s'échapper une autre vapeur que celle de la grotte d’hier... Il était temps de se rendre à la morgue pour répondre aux questions. Sur le chemin, le débile qui me servait de frère fit quelques vannes avant de me proposer de passer devant pour prévaloir mon statut de chef d'équipe. D'une moue, je m'affirmai en accélérant le pas. J'avais été le grand gourou de cette parodie de sauvetage, il fallait bien que je garde le rôle.
Un petit garçon nous accueillit, totalement éveillé celui-ci savait bien qu'on allait débarquait et nous guida dans le dédale du funérarium vers le coin où était disposé la morgue : Un escalier descendait vers les entrailles du bâtiment. Une métaphore amusante si l'on pensait qu'on arrivait à un endroit où la vie avait définitivement quitté les lieux. En avançant, de nouvelles odeurs débarquaient, celles-ci me surprenaient puisque... La mort ne sentait pas ça. La maitresse des lieux faisait attention à ne pas laisser sens se faire envahir par la "fin de tout" et c'était une réalisation qui forçait le respect. Il faisait frais, ça sentait assez bon... Où étions-nous vraiment ?
En parlant de la maitresse des lieux, celle-ci ouvrit la porte pour nous accueillir. L'enfant reparti à l'étage alors que nous entrions dans la salle où était disposé le cadavre du kaigan que j'avais tué. Une mort qui n'avait même pas touché ma sensibilité... C'était mon travail de tuer, voila tout.
- Bonjour, merci pour votre accueil et pour votre invitation. J'avançai mon respect d'un signe de tête courtois, avant d'embrasser du regard la pièce devant moi. Tout était en ordre, c'était presque effrayant.
Coupé dans mon étude par la proposition de thé de la dame, j'acceptais d'un sourire avant d'observer plus attentivement notre hôte. Quasiment ma taille, les cheveux long et noir avec des vêtements élégants qui donnaient un peu de style dans ce cadre particulier... Le seul point vraiment intéressant à discuter était ses yeux : Blancs, auquel elle donnait de la valeur en maquillant de pourpre le pourtour de ses paupières.
"Un dojutsu ?"
Je n'avais rien entendu sur ce type de capacité dans notre village... Konoha avait des champions dans ce domaine, alors que le désert n'avait que peu de technique héréditaire attaché à l'oculaire. "Un simple trait génétique particulier dans sa famille, sans doute."
- L'invitation portait sur le kaigan que nous avons rapporté de notre mission... C'était un sauvetage de civil, notre rencontre avec ces types, car ils étaient trois, était une coïncidence qui a amené à un combat. C'est mon frère qui a eu l'initiative de rapporter le corps, c'est le seul qui méritait vraiment d'être ramené. J'imagine que tout cela est dans le rapport qu'il a fait. Je me tournai vers l'intéressé. Si tu veux ajouter quelque chose que j'ai oublié. Une phrase pour lui, comme pour moi. Je revenais sur notre interlocutrice : C'est moi qui ai tué notre client, après un interrogatoire au sujet des portés disparus.
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Nozomo Hayato
Suna no Jonin
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Alors qu’il s’attendait à retrouver l’odeur propre à la décomposition des cadavres, c’était un doux fumet de clou de girofle, de tabac et d’oliban qui vint s’introduire au plus profond de ses narines. Il avait été mené là, son frère au-devant alors qu’ils descendaient les marches, par un jeune homme qui lui était inconnu. Était-il lui aussi un shinobis ? Ou bien vivait-il la vie simple d’un fossoyeur ou assistant de morgue ? Alors qu’il s’attendait à trouver là un homme, mi-humain, mi-boucher et re mi-humain derrière. Une femme à la tenue élégante - bien que les conditions l’obligeassent à rester pratique - et à la stature noble, les accueillies dans toute sa droiture.
Sans aucune surprise, accueillante, elle proposa un thé aux deux frères. Prenant les devants, Hayato accepta bien volontiers "Avec plaisir…" laissant la femme s’affairer il embrassait du regard les environs. Tout était parfaitement… Immobile. Le lieu était donc le miroir de son utilité, tout y était mort. Les outils parfaitement disposés et le cadavre se tenait droit, couché sur sa table. À quelques endroits on pouvait discerner les tentatives d’une femme voulant ajouter égailler son espace. Sans y parvenir tout à fait cependant. La seule réelle pointe de couleur venait en réalité de la tenancière elle-même. Puisqu’autours de son cou, un bijou fort lumineux faisait ressortir la pâleur de se traits et de ses pupilles : Vide d’iris. Peut-être qu’en d’autres circonstances, l’archer l’aurait trouvée jolie, bien que singulière.
Son frère ne semblait que peu ému de la scène, puisqu’il entreprit bien vite d’exposer son rapport. Il résumait la situation et quémandait approbation. Le regard fuyant, Hayato souffla plus qu’il ne parla "Oui… Enfin je pense… J’étais encore sous le contrecoup de la fumée…". Voyant que son frère le relançait en l’encourageant à ajouter les détails oubliés, le jeune junin tressaillit. Il venait de mettre la main sur la clef manquante, créatrice de toutes ses craintes. Un détail… Pas si minime en réalité, qu’il avait sans doute omis dans son rapport. S’éclaircissant la voix il reprit bien plus assurer que précédemment.
"Oui. En réalité je pense avoir oublié de faire l’état d’un fait dans le rapport et j’imagine que c’est la raison de notre convocation" Mimait-il parfaitement l’homme qui était conscient de cela depuis des heures déjà ? Ou bien personne dans la salle n’était dupe ? "Pour cette mission nous étions accompagnés d’un jeune garçon, génin de son état. Alors que le cadavre gisait au sol… Il… Il voulut lui rendre hommage, du moins c’est ce qu’il m'a dit." À mesure qu’il parlait Hayato s’était approché du cadavre et dessinait désormais des cercles autour de la zone en question.
C’était dans le bas-ventre que le génin avait fait son office, soulevant les chairs… Ou le sable ? Qu’importait. Il en avait composé un pâté qui peut-être aurait pu être un château si Hayato ne l’avait pas sévèrement retiré du corps. "J’espère que cela n’a pas handicapé votre étude…" Le corps avait été lavé et portait par endroits les stigmates d’un examen post mortem. L’image avait quelque chose de fascinant, comment donc un corps composé de sable pouvait-il se décomposer ? Risquerait-il un jour de ne rester à la place du corps rien de plus qu’une pile de grains ? Idée amusante, mais peu à propos. Cachant le sourire qui voulait déchirer ses traits Hayato fit face à la tenancière.
Le thé finalement entre les mains, il se contenta de reculer de quelques pas afin d’en profiter pleinement. Laissant le soin au chef d’équipe d’endosser la responsabilité des maladresses du garçon. Afin de s’assurer qu’aucune confusion ne put être faite, il s’engaillardi jusqu’à préciser "Comme le dit mon frère, c’était lui le chef d’équipe et je suis sûr qu’il allait en faire part dans son rapport. Le mien ne concernait pas directement cette mission après tout." Un peu lâche ? Peut-être. Mais puisque la touffe ambulante voulait devenir un chef, il lui fallait aussi apprendre à gérer l’après. Un exercice pratique en somme… En tout cas, le thé était vraiment délicieux.
Le seul intéressant à ramener? Elle aurait apprécié pouvoir critiquer la réalité mais, il était complexe de trouver cette logique erronée. Après tout, ramener des corps avait tendance à être quelque chose de complexe. Au contraire, même s’ils s’étaient trompés et que le Kaigan n’était pas le plus intéressant, il restait intéressant, impossible de se plaindre du sujet d’étude qu’elle avait gagné. Après tout, ce n’était pas tous les jours qu’on pouvait mettre la main sur le corps d’un Kaigan. Et même si ceux-ci n’étaient pas dans les sujets d’étude directe de la thanatopractrice… elle ou quelqu’un d’autre en aurait l’utilité.
Écoutant les deux ninja, Mana fit partir son serpent d’un geste de la main pour pouvoir se saisir tranquillement de la théière et servir ses deux invités. Offrant une tasse à ses deux invités, elle s’exprima pour les rassurer.
- En toute honnêteté, je ne vous ai pas fait venir ici pour discuter du rapport. Je n’ai rien à redire sur ce que j’ai pu en lire, si j’avais voulu avoir quelque chose de plus détaillé je me serais contentée d’envoyer une requête à ce sujet. Au contraire votre rapport était impeccable.
Ce fut au tour du dénommé Hayato d’aborder un point qui, s’il ne l’avait pas dérangé dans son travail, l’avait quelque peu fait tiquer. Quelqu’un avait interagit avec le corps post-mortem, ce qui en temps normal n’aurait pas été particulièrement inhabituel. Un fait bien plus intrigant cependant, ce qui avait été effectué sur le corps semblait s’approcher des rites Kaigan. Un détail mineur mais qui pouvait avoir son importance. Les rapports entre Suna et les Kaigan étaient pour le moins… conflictuels.
Instinctivement elle avait suivi le Nozomo, se rapprochant du corps qui trônait au milieu. Se saisissant d’un senbon elle pointa la zone que celui ci avait désigné.
- Effectivement, je me suis rendu compte de... l’hommage. Et s’il s’agit bien de la raison pour laquelle je vous ai invité, je vous rassure, cela ne nuis pas à mon travail. Ma famille a dans ses principes de respecter les morts et, les vingt-quatre premières heures que nous consacrons à un corps ont pour vocation à apaiser les esprits. Elle prit une bouffée de tabac et de girofle qu’elle recracha un instant plus tard. Si je vous dit cela, c’est pour mettre en avant le fait que nous accordons une certaine importance à connaître les traditions funéraires des clans. Le problème, c’est que la moindre information concernant les Kaigan sur ce point s’avère complexe et, ce que j’ai pu observer sur ce corps est cohérent avec ce que je connais.
Mana prit une pause, profitant avec une certaine vanité de ce que pouvait sous-entendre ce qu’elle disait. Même si elle n’agissait pas par satisfaction mesquine mais afin d’éviter tout danger pouvant menacer le village… amener le doute avait toujours quelque chose d'extrêmement savoureux.
- Cela est aussi la raison pour laquelle je ne vous ai fait venir que tous les deux sans le genin qui vous accompagnait sur la mission. Le chef d’équipe. Elle désigna Yukio de son senbon. Et l’intendant du village. Elle désigna cette fois Hayato de son senbon. Vous êtes frères et étiez tous les deux sur la mission. De plus vous êtes des Nozomo, j’ai donc une idée minimal de votre situation au sein de Suna et de votre fidélité à l’égard du village.
Faisant disparaître dans sa manche le senbon, elle laissa planer un certain silence, laissant aux deux hommes le temps d’assimiler les informations qu’elle transmettait. Prenant une gorgée de thé, elle continua à s’exprimer.
- Donc, nous avons un jeune homme du clan, sur lequel je n’ai guère d’information qui, accompli à l’égard d’un mort un “rituel” que je m’attendrai à voir de la part d’un kaigan. Je me pose donc une question, comment et pourquoi a t-il eu cette idée? Si cela est du hasard, la situation n’a aucune importance. Mais il y a deux autres possibilités. La première, il est d’origine Kaigan. La seconde, il a des connaissances à l’égard des Kaigan acquis d’une manière ou d’une autre. Qu’il s’agisse de la première ou seconde option, il faut enquêter à son sujet pour s’assurer qu’il ne représente pas la moindre menace à l’égard du village et, de quelle manière cela pourrait servir Suna. Bien évidemment cela peut toujours rester un hasard. C’est pour cela que je vous ai invité, je ne tiens pas à envoyer officiellement de note à ce sujet, cela pourrait inutilement mettre en péril l’avenir d’un jeune homme innocent. Heureusement pour moi, parmi ceux qui étaient avec lui sur la mission avec lui, l’un d’entre eux est intendant de Suna.
Elle contempla le corps qui trônait, se disant que par moment elle prenait bien trop au sérieux l’avenir du village et que ce détail pouvait parfaitement être anecdotique. Mais elle savait que le diable se cachait toujours dans les détails et, il était hors de question qu’elle prenne le moindre risque pour l’avenir du village. Buvant une nouvelle gorgée de thé, elle se fit la remarque qu’elle avait pu respecter les secrets du mort, ne révélant rien à son égard comme les traditions familiales l'exigeaient.
- Il s’agit de la seule raison pour laquelle je vous ai fait venir. Cela pourrait être anecdotique mais, ce n’est pas à moi d’en décider. Il n’y a strictement rien d’officiel dans notre rencontre bien évidemment et, je ne compte pas vous retenir plus que cela. A la vue vos têtes je me dois de m’excuser pour vous avoir fait venir uniquement pour un tel sujet.