Fin de route [Masaru]

Masaru avait jugé que l'entrevue avec le Shodaime était un événement spécial qui nécessitait qu'il prenne un peu soin de son apparence. Ainsi, il prit un bain car cela faisait un petit moment qu'il ne s'était pas lavé, puis il mit une tenue qu'il réservait aux grandes occasions avant de passer un rapide coup de brosse dans sa chevelure couleur ébène, ramenant ses cheveux vers l'arrière de son crâne afin qu'aucune mèche ne vienne barrer son visage. Sur le chemin, ignorant les regards curieux et emplis de surprise, il prit la direction d'un fleuriste chez lequel il acheta un harmonieux bouquet au doux parfum.

De nombreuses questions tournaient dans la tête de l'Uchiha, le perturbant depuis un petit moment déjà. Ce jour-là, il voulait en finir avec cet état où il se retrouvait plein d'incertitudes. Il voulait que son maître réponde à ses questions, qu'il chasse ses craintes. L'enquêteur n'était pas parfait, il ne parvenait pas à lire son mentor et malheureusement, ne parvenait pas à comprendre ses décisions bien qu'il demeurait certain que cet homme ne laissait rien au hasard.

Lorsqu'il passa les portes du clan Akimichi, l'homme commença à se sentir anxieux. Si sa relation avec Meito n'était pas parfaite et ne l'avait jamais été, il aurait bien aimé le croiser et échanger quelques mots, l'exaspérer afin de se détendre un peu. Il n'aimait pas se sentir ainsi vulnérable, cela faisait partie des raisons pour lesquelles il n'aimait pas construire des liens profonds avec les autres. Chô eut longtemps accompagné l'enquêteur alors, comment ce dernier pouvait-il ignorer cet homme et ses choix, comment pouvait-il fermer les yeux sur ses agissements.

Toquant à la porte de son maître, Masaru attendit patiemment que l'on vienne lui ouvrir. Il s'inclina respectueusement face à la maîtresse de maison avant de lui tendre le bouquet de fleurs : "Je vous remercie de bien vouloir m'accueillir chez vous et m'excuse pour la gêne occasionnée par ma visite." Il suivit la femme et se glissa sur le toit-terrasse avant d'approcher de l'Akimichi lorsque celui-ci lui fit signe d'avancer. Même si la vue était tout bonnement sublime, le Jônin n'en avait que faire. Il n'était pas venu pour cela.

Se stoppant au niveau du Shodaime, mains plaquées derrière le dos, il regardait à l'horizon, esquivant le regard du grand homme qui se tenait à ses côtés : "Je suis navré de vous importuner, Sensei, mais j'aimerais que vous répondiez à quelques questions si vous le voulez bien." Bien que de sombres pensées étaient en train de parcourir son esprit, l'homme ne voulait pas manquer de respect à cet être en qui il avait pu croire pendant bien longtemps. "Rassurez-vous, ce n'est pas pour une quelconque enquête." Le regard du Uchiha vint chercher celui du ninja aguerri. "Pourquoi avoir démissionné maintenant ? Vous saviez que ce choix entraînerait certainement quelques mécontentements, une déstabilisation du village si ce n'est le chaos. Vous êtes fort et tout le monde vous a accepté alors pourquoi ?" Il lâche un soupir avant d'enchaîner sur une autre question : "Pourquoi êtes-vous devenu Hokage ? Quel était votre objectif ? Je n'ai pas l'impression que ce soit l'accomplissement d'un objectif qui vous ai fait démissionné..."

L'Uchiha s'assit à côté de son maître lorsque celui-ci l'y invita. D'une certaine façon, l'homme qui se trouvait déstabilisé par toutes sortes de questionnements était rassuré en entendant le "pourquoi pas" de son mentor car ce dernier avait bien l'habitude de faire tourner en bourrique ses disciples, c'était un véritable maître des réponses ambiguë pour ne pas dire alambiquées.

"Je suis parti parce qu'il était temps. Le temps de laisser de jeunes pousses prendre notre futur en main."

Masaru avait envie de rétorquer à son aîné que les jeunes pousses n'étaient pas prêtes, que le contexte du village et du monde était bien trop instable pour ce genre d'idées saugrenues, mais il garda le silence afin d'entendre les réponses de l'Akimichi jusqu'au bout. Il n'aurait certainement pas aimé lui couper la parole afin de poser des questions basées sur une mauvaise interprétation de ses propos.

"Je ne suis plus tout jeune fier Cavalier. Fort probablement mais plus tout jeune. Et puis ce n'est pas cela qui compte. Ce qui compte c'est ce que tu as là. Ce que nous avons tous là."

L'homme du clan à l'éventail vint clore ses paupières lorsque son seul et unique Sensei vint tapoter son poitrail de son doigt potelé. Ironiquement, cela le ramenait au commencement de sa carrière, lorsque les Cavaliers de Konoha étaient encore de petits poussins protégés par les grandes ailes de Cho, la douce époque où l'âme de l'enquêteur n'était encore entièrement teintée de noir. Il se souvint des enseignements du Shodaime, il ne les avait jamais vraiment oublié bien que son comportement pouvait parfois prêter à confusion et laisser penser le contraire. Malheureusement, le coeur du Cavalier était chancelant à cause de toutes ces pensées parasites.

"Je suis devenu Hokage par hasard. Il se trouve que j'étais doué aux yeux des autres et que je tenais à protéger le village. A voir ses citoyens vivre en harmonie. Regardes donc autour de toi. Que vois-tu?"

L'enquêteur abandonna le regard du retraité et se leva, allant jusqu'à l'extrême limite du toit-terrasse pour observer les alentours, activant son légendaire Sharingan. Il pouvait voir quelques Akimichi se balader au sein du domaine de clan, un couple en train de se remplir la panse chez qui il pouvait discerner une certaine joie de vivre. Cela le fascinait profondément tout en le dégoûtant. Lui aussi aurait aimé connaître ce genre de bonheur mais il se savait maudit et avait décidé qu'il laisserait tomber l'amour et tous ces bons sentiments pour les vices.
D'une certaine façon, il avait décidé de se sacrifier pour le bien-être des autres mais s'était perdu en cours de route et avait vu son âme se noircir bien plus que prévu. Cependant, il avait toujours demeurait quelques minces éclats de lumière dans son coeur, Cho, Kagami, Konoha et les Cavaliers bien qu'il ne l'avouerait sans doute jamais.

"Il y a du blanc aussi pur que la neige immaculée, mais je perçois de la noirceur à l'horizon. Des ténèbres encore endormis mais prêts à venir dévorer la lumière. Et vous, que voyez-vous ?"

Jamais il n'avait pu avoir la moindre longueur d'avance sur l'Akimichi bien qu'il espérait toujours devenir un meilleur stratège que lui, un jour. Ainsi, l'Uchiha avait besoin d'entendre les propos du Shodaime afin de le comprendre. Se retournant vers ce dernier, il retourna s'asseoir après avoir désactivé son Dojutsu.

"Pourquoi n'avez-vous pas nommé de successeur ? Bien que cela puisse paraître plus juste et légitime de nommer le Nidaime en se basant sur le vote des villageois, ceux-ci n'ont pas forcément assez de recul pour faire le bon choix. Vous devez connaitre tous les Jônin du village, pourquoi ne pas avoir choisi le plus juste et compétent à vos yeux ?"

Masaru ne posait pas cette question parce qu'il aurait aimé devenir le Nidaime. Il pensait bien au contraire qu'aucun Cavalier n'avait les compétences pour assumer ce rôle à l'exception de Kokei, mais il se méfiait de cet homme quand bien même il lui vouait un profond respect et l'appréciait, le trouvant bien trop parfait pour être honnête. Il posa une nouvelle question, revenant un peu en arrière dans la discussion. "Vous avez dit vouloir protéger le village. N'aviez-vous pas d'autres perspectives. N'aviez-vous pas des projets pour Konoha ? N'étiez-vous pas pris d'affection pour le Senkage ?" Il marqua une courte pause avant de conclure ce point par une nouvelle interrogation : "Ne craignez-vous pas que ce que vous ayez construit puisse être détruit ?"

"Je vois la vie Masaru. Un avenir de possibilités sur lequel mon successeur devra naviguer."

Le plus jeune des Cavaliers de Konoha pouffa de rire à l'entente de tels propos. Cela ressemblait véritablement à son maître de dire quelque chose comme ceci mais, cela ne suffisait pas à chasser ses craintes, au même titre que la réponse qu'il eut concernant la succession. A ce sujet, l'Uchiha semblait être assez déçu bien qu'il ne se permit de faire le moindre commentaire, continuant à écouter les propos de son maître qui semblait avoir perçu l'agitation en lui. En tous cas, dans le discours de Chô, l'homme sembla déceler une certaine liberté caractéristique du personnage en dépit des postes qu'il avait pu avoir et de ses devoir, ce qui avait toujours suscité un sentiment de respect chez le jeune.

"J'ai toujours des projets pour le village. J'apprécie toujours le Senkage. A quoi bon craindre Masaru? Tu sembles te faire beaucoup de souci pour peu de choses. Ca va? Il ne faut pas oublier que le stress nuit à l'efficacité. Ceci est doublement valable pour un shinobi. Le travail paiera toujours plus que la lente apathie liée au stress."

Masaru n'avait pas bougé. Il observait son mentor, immobile. De nombreuses questions continuaient à se bousculer dans sa tête, d'autant plus que l'Akimichi restait évasif dans ses réponses bien que cela fut sans doute pour pousser son interlocuteur à réfléchir. A vrai dire, le chasseur était quelque peu agacé par les conseils de son aîné concernant son mode de vie. Blablabla, dormir est important... Blablabla, faut manger équilibrer... Blablabla, faut faire de l'exercice. Il en avait assez que toutes les personne possibles et imaginables viennent lui donner des conseils de santé quand bien même cela était fait avec de bonnes intentions. L'homme souhaitait juste qu'on le laisse mener sa vie tranquillement et se pourrir le corps et l'esprit s'il en avait envie.

"Désolé" dit-il malgré tout au Shodaime, honteux de le laisser s'inquiéter pour lui. Le Cavalier n'avait certainement pas envie de livrer toutes ses pensées et ses sentiments à un être qu'il n'avait jamais réussi à lire, mais il ne souhaitait pas que la situation reste figée, au même titre qu'il ne voulait pas s'abaisser à employer son Sharingan sur son maître afin de lui soutirer des informations.

Ainsi, il décida d'être franc avec son interlocuteur : "A vrai dire, je ne sais pas si je peux toujours vous être loyal. Vous êtes si évasif dans tous vos propos. Vous n'avez jamais donné la moindre explication concernant l'équipe que vous avez monté, une équipe composée exclusivement de jeune ninjas issus des grands clans du village, cela peut prêter à confusion, non? L'ajout subit de Senju Daiki, immédiatement nommé capitaine est également étrange. Votre refus d'exécuter Eru, je ne l'ai jamais compris, pas plus que cette démission quelques mois seulement après le siège de Baransu par l'armée de Tetsu."

Il marqua une pause avant de poursuivre, le ton de sa voix ne cessant d'augmenter : "Si vous n'êtes plus Hokage, comment espérez-vous mener à bien vos projets ?" Serrant les poings, il prit une grande inspiration afin de se détendre et surtout de se calmer avant de s'approcher de son aîné. Puis, d'une voix plus douce, plus posée, il continua à le questionner : "Que pensez vous de Tadake Yuriko ? Que pensez-vous des Cavaliers de Konoha ?" L'Uchiha voulait savoir ce que cette femme avait de plus que Kôkei, si elle avait une véritable légitimité au pouvoir, s'il fallait lui faire confiance -et ce même s'il comptait bien investiguer personnellement-. Mais aussi, il désirait une réponse claire sur ce qu'il représentait, avec ses camarades, aux yeux du Shodaime. Masaru était conscient de l'image de décrépitude voire de perversion qu'il renvoyait et connaissait les rumeurs qui circulaient à son propos bien qu'il les ignorait, conscient du bon travail qu'il exécutait mais au fond de lui, il avait besoin d'être rassuré. "Ne sommes nous que de vulgaires poupées que vous faites bouger entre vos mains ?"

"Les Cavaliers doivent apporter au village la meilleure chose qui soit. La paix. Vous êtes brillants et vous mettre ensemble permettra de montrer l'union soudée entre les clans. C'est ce que je souhaite. Daiki est plus que qualifié pour vous mener. Cela dérange-t-il l'un d'entre vous? Et bien dites-lui. Confrontez-le et démêlez cette situation par vous-même."

Une union soudée... Masaru avait du mal à y croire, tout le monde n'était pas aussi gentil et compréhensif que cela. Le monde n'était pas aussi beau et simpliste. Mais l'homme avait embrassé sa destinée de gardien de Konoha et il travaillait sérieusement -à sa façon- à la protection du village, chassant les péchés et donc les pécheurs.

"Daiki ne me dérange pas... Tant que c'est pas moi qui doit gérer le groupe, ça me va. Mais, je ne comprends pas les raisons qui vous ont poussé à le choisir alors que Kôkei semble plus que qualifié et qu'il connait mieux le groupe que Daiki."

L'Uchiha n'aimait pas l'idée de devoir gérer un groupe, surtout un groupe aussi spécial que celui-ci. Cela lui aurait demandé de trop gros efforts. Il préférait amplement travailler seul ou obéir à des ordres si ceux-ci n'étaient pas trop restrictifs. Au fur et à mesure de la discussion, l'enquêteur sentait la voix de son mentor se durcir et ses mains se resserrer sur la barre mais il ne s'arrêtait pas pour autant de parler, il continuait à dévoiler les incertitudes et noirceurs de son âme à l'Akimichi.

"Assez Masaru. Tu en as assez dit."

Le Shodaime semblait hors de lui, sans doute avait-il été touché par les propos de son interlocuteur. Il se disait déçu. Ce simple mot suffit à au policier pour se sentir blessé, comme si un clou avait été enfoncé dans son coeur battant bien que son visage ne laissa pas paraître la moindre expression de tristesse ou de remords. Le bras droit de Kagami tenait profondément à Chô et c'était la raison pour laquelle il était tant impacté par les mots de son maître. Mais hélas, il avait décidé que plus jamais il ne laisserait la moindre mort ou la moindre trahison l'affecter, il avait décidé qu'il valait mieux vivre sans attache et se laisser consumer peu à peu par la folie que de se laisser aller à du sentimentalisme.

Il se retourna, observant la porte qui le mènerait à la sortie. A vrai dire, l'homme à la chevelure d'ébène n'avait pas envie de croiser le regard de la femme du Shodaime, ni même de passer devant ses enfants. Il se sent quelque peu honteux d'avoir mis cet homme dans cet état mais au moins, il aura la certitude de ne pas avoir été trompé ou manipulé par l'Akimichi quand bien même il ne pouvait soutenir les décision de cet homme.

"Et concernant Eru... Que nous soyons clairs à ce sujet. Elle fait partie du village. Jusqu'à preuve avérée du contraire, je ne laisserai personne, je dis bien personne, ne toucher au moindre de ses cheveux. Me suis-je bien fait comprendre?"

Il regarda son maître et le dépassa pour s'accroupir sur la barrière. Partir de cette demeure serait certainement plus agréable en passant par l'extérieur que l'intérieur. Il fit un bref repérage des lieux, préparant méticuleusement son atterrissage. Mais avant de partir, il devait glisser quelques mots à Chô.

"Je suppose que je ne serai plus le bienvenu ici..." Il marqua une pause avant de poursuivre. "Je ne vais pas vous infliger ma présence plus longtemps. J'aimerais cependant que vous sachiez que c'est certainement au pire moment possible que vous avez décidé de céder votre place à la nouvelle génération. La mort de Senju Naoshige, les conflits entre Hyûga ayant mené à l'ascension de la petite Yume, la possible tentative d'assassinat d'un Uchiha par un Uchiha, le développement plus que fulgurant d'Uzushiogakure, sans compter la menace de Tetsu et les idéologies expansionnistes de Sunagakure... ce n'est pas rassurant." Il lança un regard, légèrement triste à son maître. "Je m'acquitterais de mon rôle. C'est tout ce qu'il me reste."

Masaru se leva, prêt à partir. Il avait certainement d'autres choses à dire mais ne pouvait se permettre de rester là si le propriétaire des lieux ne voulait pas de lui.

"Je ne déteste pas Eru contrairement à ce que vous semblez penser. Cette femme me fascine... Et, cette fascination que je ressens, mêlée à ses propos et ses agissements, cela m'effraie et me dégoûte en même temps. Je ne sais pas si vous le savez, mais il fut un temps où j'ai tenté de la séduire." Il lâcha un soupir. Il était surement beaucoup trop tard pour cela, mais puisque l'Uchiha avait commencé à se confier, autant aller jusqu'au bout. "Vous savez, un membre du clan Hyûga a demandé à être mon disciple... J'ai accepté. Cependant, je n'ai jamais eu d'élève et je ne suis pas une bonne personne... Je pensais que vous pourriez m'aider..."