Une nouvelle résolution

Une nouvelle résolution

Habillant le ciel de sa vaste robe ébène, la Nuit avait plongé le village de Konoha dans un noir absolu depuis plusieurs heures désormais… Si la Nuit appartenait au monde des rêves, cela n’avait pas suffit à démotiver le jeune Natsuki de sa nouvelle lubie. Loin d’être découragé par l’obscurité, le jeune garçon avait pris l’habitude de sacrifier ses précieuses heures de sommeil au profit de son entraînement. Définitivement, sa dernière altercation avec son aïeul avait éveillé en lui quelque chose d'inattendu : une ambition inébranlable - ou presque. Oui, les yeux de Natsuki brillaient désormais d’une passion flamboyante. C’était même la première fois qu’il démontrait autant d’ardeur lors de son apprentissage. Affichant le même entrain qu’il réservait d’ordinaire à ses interprétations musicales… Il semblait enfin avoir pris goût à cette vie, qu’on lui avait imposé de mener.

Malheureusement, tout cela n’était que faux-semblants. Natsuki ne brûlait pas d’envie de devenir ninja. Pas plus que la veille... Au contraire, les vaines tentatives de son grand-père visant à lui faire perdre tout sentiment l’angoissait. Il ne voulait pas devenir une arme insensible et remplaçable… Non, ce qu’il voulait c’était devenir meilleur, puissant. Un héros capable de protéger les plus démunis, mais surtout capable d’atteindre l’objectif personnel qu’il s’était fixé. Ainsi, pour enfin avoir l’opportunité de rencontrer son mystérieux géniteur, il avait accepté d’en baver, sans rechigner… Ce n’était qu’en devenant plus fort qu’il parviendrait à imposer sa volonté ; à enfin prendre sa revanche sur la vie qui l’avait jusqu’alors toujours bafouée ; qu’il pourrait enfin toucher du bout des doigts cette liberté qu'il fantasmait.

Alors, le cœur lourd, tandis que la froideur nocturne transformait chacune de ses expirations en une vapeur éphémère, le rouquin s’employait à des techniques de jets d’étoiles métalliques. Le bruit des shurikens se logeant dans le mannequin ligneux résonnait dans la cour de la demeure familiale du garçon. Si son niveau en shurikenjutsu restait relativement moyen, Natsuki avait malgré tout fait des progrès notables en la matière et ne semblait pas vouloir en rester là. Genjutsu, shurikenjutsu, taijutsu… L’éphèbe touchait à tout mais n’excellait en rien. Il allait devoir apprendre à se spécialiser au plus vite s’il espérait pouvoir un jour accomplir son rêve. Malheureusement, sans prédisposition génétique ou un quelconque talent inné le Senju avait l’impression d’être dos au mur. De ne plus être capable de progresser par lui-même. Il le savait. Il devait désormais trouver un maître, mais qui ? Qui accepterait de s’attarder sur son cas, le rejeton du singe, la souillure du clan Senju, le minable « bâtard » qui n’était bon à rien ?

Non ! Il ne devait pas se laisser abattre ! Surtout pas après sa dispute avec grand-père Osumu. Il devait prouver à tous qu’en dépit des gênes, il avait hérité d’un esprit acharné. Qu’il parviendrait à les surpasser et leur montrer de quel bois la flamme de sa volonté brûlait. Dans un excès de zèle, l’intrépide genin se rua en direction du mannequin d'entraînement présent dans la cour et criblé de lames. Dans un bon puissant, il réalisa un tourbillon rapide pour frapper de deux coups de pieds sa cible. Cependant, tandis qu’il demeurait encore en plein vol, il fut subitement déconcentré par le bruit de l’ouverture d’une porte coulissante derrière lui. Absorbé par ce qu’il se tramait en dehors de son champ de vision, sa réception fut indélicate et le garçon finit par atterrir sur sa cheville dans un craquement et une grimace laissant deviner la douleur qu’il venait de subir.

— Tout va bien ? Désolée, je ne voulais pas t’effrayer… - s’inquiéta immédiatement grand-mère Chiyo qui venait d’arriver sur le porche donnant sur la cour intérieure. En voyant Natsuki boîter, elle déposa avec précipitation le plateau qu’elle avait apporté et vint immédiatement l’aider à regagner l’engawa de la maison pour s’y asseoir.

Fais-moi voir cette cheville, évitons de laisser ça s’aggraver - continua-t-elle d’une voix attentionnée et visiblement inquiète. Apposant ses mains sur la présumée foulure, elle s’appliqua à y déverser son chakra curatif avant de reprendre…
Je voulais t’apporter une tasse de thé et te dire de rentrer, il est tard… Si seulement j’avais su…

— Ce n’est rien obaasan ! Et grâce à toi ça va déjà mieux alors ne te fais pas du mouron.

— Tu ne devrais pas veiller si tard tu sais. L'entraînement repose tout autant sur un bon sommeil que sur la pratique.

— Mais j’ai encore tellement de progrès à faire… Je ne suis bon à rien...

— Et ton don pour la musique alors !? - coupa-t-elle.

— Ce n’est pas pareil…

— Car tu refuses de le voir ainsi ! Tu as un véritable talent pour la musique Natsuki, mais plus que tout, tu possèdes une ouïe exceptionnelle. Regarde, à peine avais-je mis un doigt sur la porte que tu étais déjà aux aguets. Ton talent pour le yokobue ne vient pas seulement de ton excellent professeur - fit-elle d’un ton espiègle. J’ai tout de suite remarqué chez toi une oreille remarquable. Avec un peu de pratique, cet atout pourrait s’avérer bien plus pratique que tu ne l’imagines.

Bon… Cette cheville me semble comme neuve. Je vais rentrer, il fait froid ce soir… Profite du thé que je t’ai amené pour te réchauffer et essaie de laisser ton pied se reposer demain. Tu pourrais en profiter pour travailler un peu sur ce dont je t’ai parlé. Aller, passe une bonne nuit mon Natsuki et repose toi bien…

Abîmée par l’âge, Chiyo se redressa la main posée sur le bas de son dos comme pour soulager le fardeau qui endolorissait son vieux corps. Récupérant son plateau vide, elle s’engouffra dans la bâtisse laissant son petit-fils vaguer à ses pensées.

L’aïeule de la famille avait un véritable don : celui de toujours trouver les mots justes pour réconforter son petit-fils. D’un simple échange anodin, elle avait su redonner de l’espoir à la jeune pousse du clan Senju. Non, Natsuki n’était pas un bon à rien et il parviendrait à le prouver…