« Un ninja doit être prêt à chaque heure du jour et de la nuit ! »
Telle était une phrase qui m'avait particulièrement marquée de la part de Rododin-chin, ce sergent-instructeur qui m'avait donné l'ordre de frapper à deux-cents reprises ma tête contre un mur en guise de punition pour avoir répondu à Akihiko, il y avait trois ans de cela. C'était à cette occasion que j'avais appris cette technique du Hedo Batto, qui m'avait permis de venir à bout de mon adversaire de pierre, une victoire dont je n'avais pas été mécontente tant l'exercice s'était avéré désagréable. Rien qu'en y pensant, j'avais ce sentiment d'écrasement au niveau du front.
Rododin était un peu fêlé et très à cheval sur la hiérarchie, sauf lorsqu'il s'agissait pour lui de reprendre quelqu'un sur sa conduite, comme la jounin que j'étais par rapport au chuunin qu'il était. Mais tout fêlé qu'il était, je devais reconnaitre qu'il était adepte d'une discipline de fer vers laquelle notre idéal militaire devait tendre. Et là se situait la principale différence entre lui et moi : cet idéal devait à mon sens rester militaire, car nous étions certes des soldats, mais aussi des êtres humains. Et moi, j'avais besoin de repos. Je revenais d'une longue marche dans le désert, seule, sans Shinsei, sans autre jounin, rien que le vent comme seul compagnon et les dunes comme seul décor. J'avais marché sous notre soleil de plomb, dans le sable, sur la pierre, dans les boue des oueds, dans l'eau des fleuves, en haut des montagnes, à l'ombre des oasis, un harmonica en poche. Une mélodie qui me trottait dans la tête était sortie de l'instrument durant cette escapade en solitaire. Des notes hasardeuses. Un rythme que j'avais oublié, déjà. Il appartenait désormais au vent.
Ce pays du vent, quelle chaleur folle ! Quel froid lors de ces nuits ! Quelles vastes étendues dans lesquelles j'avais pu me rouler sans que nul ne me vît ! Quel soleil de plomb dont j'eus pensé qu'allait avoir raison de moi. Quels mirages ! Quelle fraicheur que ces oasis ! Quelles belles montures que ces dromadaires ! Certains, sans doute ces maudits samouraïs, préféraient dans doute les chevaux, mais à choisir, les vaisseaux du désert m'étaient plus familiers et leur pelage me rappelait de vieux souvenirs, lorsque les marchands et mes parents commerçaient et que je caressais ces mammifères alors couchés au sol.
Ce Pays si pauvre en ressources, je le chérissais.
Puis le fracas. La lourde ! On frappait à répétition, on gueulait, on me dérangeait alors que je comptais entamer une bonne sieste revigorante. Et ce n'était pas pour mon pupille de petit moine, mais ce type gueulait bien mon nom. Je me redressai, espérant qu'il partît, mais non, il insistait bel et bien et ce dérangement semblait ne pas vouloir cesser. Debout d'un bond, je fonçai à l'huis et ouvris violemment :
J'ESSAIE DE DORMIR, DUGLAND ! TA GUEULE !
Et moi de sentir qu'il n'avait pas retenu ses coups au poing d'avoir frappé mon front dans la foulée. Cette main était celle de celui que d'aucuns surnommaient "Shisen", un marionnettiste décrit par les uns comme passionné, par les autres comme obsédé, mais qui était un digne représentant des marionnettistes. Mais il venait de me taper.
Heureusement que ce n'est que sur la tête ! Mais j'espère que tu as une bonne raison de taper sur ma tête comme ça !
J'avais vraiment envie de lui claquer la porte au nez et de filer dormir.