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La Voie • solo

Myōshin Junko
Myōshin Junko
Uzushio no Jonin
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La Voie • solo Jeu 7 Mai - 19:52
Myōshin Junko

« Pourquoi êtes-vous là ?
On m’a dit que vous saviez vous battre et manipuler le chakra.
Cela ne répond pas à la question.
Vous êtes un maître dans…
Je vous pose une question sur vous et vous me parlez de moi. Je sais qui je suis.

Dans ce cas, je ne peux pas vous aider. »

Ses poings se serrèrent violemment, faisant blanchir les jointures de ses doigts. Elle agrippait furieusement le tissu de son habit, dissimulé sous la table basse. Il se levait, mettant ainsi un terme à leur entrevue, et elle se mordait l’intérieur des joues pour ne pas céder à la colère. Le regard fixé sur sa tasse de thé, elle se faisait violence pour rester impassible. Pourtant, elle pouvait tout balayer, faucher la vie de cet homme et réduire son temple à néant. Il savait se battre, mais il n’oserait pas lever la main sur elle, car sa croyance l’en empêchait. Contrairement à lui, elle n’avait pas de barrière. Elle prenait la vie des hommes, d’où qu’ils viennent, quelle que soit leur condition. Elle s’était affranchie de toute considération morale et éthique. Elle avait quitté la Voie.

Arrivé sur le pas de la porte coulissante, il se retourna, lui jetant un dernier regard. Ses yeux étaient emplis d’une tristesse sincère ; il voyait une âme souffrante, mais cette âme refusait la main qu’on lui tendait. Il en était profondément désolé. Alors, dans une ultime tentative, il ajouta : « Soyez sincère avec vous-même. » Mais elle ne répondit rien et il n’eut d’autre choix que d’aller au bout de son geste. Il quittait donc la pièce, le cœur lourd. Aujourd’hui, il avait failli à son devoir.

Elle resta un moment ainsi, silencieuse et immobile, abandonnée à son triste sort. Peu à peu, sa fureur se muait en culpabilité ; quelle avait été idiote de refuser son aide ! Et, secrètement, elle espérait qu’il revienne sur ses pas et qu’il lui tende de nouveau la main. Cette fois-ci, elle se le promettait, elle ne commettrait pas d’impair, elle l’accepterait.

Mais il était trop tard. Le soleil commençait à décliner à l’horizon lorsqu’elle renonça finalement. Son orgueil était, une fois de plus, le responsable de tous ses maux. Traînant les pieds, elle s’extirpa de la petite pièce qui donnait sur l’extérieur et posa son regard sur le crépuscule rougeoyant. Bientôt, il ferait nuit noire. Elle songea à la raison qui l’avait menée ici, comme il était ironique de se retrouver là, à la nuit tombée, seule. « Soyez sincère… » avait-il dit. Elle n’était pas idiote, elle savait très bien ce que cela signifiait, mais cela faisait mal, trop mal.

Et lui, pouvait-il le comprendre ? « C’est bien beau de donner des leçons… Encore faut-il se les appliquer. » murmurait-elle dans l’obscurité grandissante. Et puis elle se dit que, puisque les mots ne parvenaient pas à franchir le pas de ses lèvres, peut-être pouvait-elle lui montrer. C’était un pari risqué, un pari qui n’avait pas fonctionné avec le reste des mortels… Mais lui, s’il appliquait ses propres conseils, il pouvait bien comprendre. Et si elle se fourvoyait, s’il la rejetait ? Elle haussa les épaules. Cela signifiait simplement qu’il n’était pas la bonne personne ; elle n’aurait, de toute évidence, plus de temps à perdre avec lui.

Elle avait donc tranquillement rejoint le centre de la cour, zigzaguant entre les différentes parcelles qui composaient le jardin japonais. Là, elle porta son regard sur la bâtisse en bois brut ; quelques lumières avaient été allumées et elle voyait les corps et les meubles par transparence, à travers le papier washi. Elle porta son regard sur le ciel.

L’instant d’après, il faisait noir. Cette fois, ce n’était pas seulement la nuit, mais une obscurité malsaine qui avait pris possession des lieux, faisant disparaître les lumières – la flamme des bougies comme l’éclat des astres. Elle ne le voyait pas, mais les ombres s’agitaient, derrière les shōji.

La responsable de tout ce chaos, c’était elle, bien sûr. Comprendrait-il ?

[…]

« Qu’avez-vous fait !? » Un rugissement s’éleva soudainement, dans la nuit noire. La dame eut un sourire ; il était venu. Alors, tranquillement, elle leva deux doigts et la technique se dissipa. Les ténèbres s’évanouissaient, révélant le visage de l’homme, déformé par une rage difficilement contenue. Les efforts qu’il faisait pour ne pas céder à la colère se traduisaient physiquement et Junko devait l’admettre, elle n’avait jamais vu pareille expression. Elle le regarda, silencieuse. La balle était dans son camp, que choisirait-il ? La chasserait-il, ou ferait-il l’effort de la comprendre ?

Il secoua la tête, comme s’il ne comprenait pas. Puis, reprenant peu à peu son calme, il soupira. « Nous ne sommes pas votre ennemi… » Et, quelque part, la dame sentit que cet homme était sincère. Il était bon, et s’il avait cédé un instant à l’énervement, c’était parce qu’elle en avait trop fait. Elle inspira doucement.

« Et je ne vous ai jamais considéré comme des ennemis.
Alors, pourquoi…
C’est la raison de ma présence : pourquoi ? J’aimerais comprendre, moi aussi.

Je n’ai jamais voulu cette situation.
Mais c’est vous qui choisissez qui est votre ennemi. Cette technique, je la connais. Vos alliés ne devraient pas être pris dedans.
Et si je vous disais… Que moi aussi, je suis avalée par les ténèbres ? »

Il ne répondit pas. Un pli s’était formé sur son front et il paraissait soucieux. A l’évidence, il comprenait la gravité de ce qu’elle venait de lui annoncer. Son cœur était noir, rongé par la solitude. Que faire pour cette femme qui se considérait comme son propre ennemi ?

Il ne répondait pas. Pourtant, elle s’était confessée. Elle avait avoué sa faiblesse. Mais il ne répondait pas, et elle avait besoin de lui. Elle avait besoin de son aide. Alors, elle posa un genou à terre, puis un second. Elle se pencha en avant, posant le plat de ses mains sur le sol froid et humide, face contre terre. « Je m’en remets à vous. » dit-elle sobrement. Cela faisait une éternité qu’elle n’avait pas fait de dogeza, et pourtant ce jour-là elle mettait sa fierté de côté.

Il la regarda, soudainement gêné. Personne ne devait le supplier ainsi, il ne méritait pas une telle abnégation. Alors il posa sa main sur l’épaule de la femme, et la rassura. « Nous ferons cela ensemble. »

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Re: La Voie • solo Jeu 7 Mai - 19:57
Myōshin Junko

« Nous allons commencer par le plus important : vous-même.
Excusez-moi, mais… Je ne crois pas que ce soit le plus important.
Pourquoi ?
Je suis responsable d’une équipe. Je… Enfin, je me suis habituée au noir, mais eux… Ce sont des enfants. Ils ne comprendraient pas. »

Le soleil chauffait doucement le dos voûté de la dame, alors qu’elle baissait les yeux vers le sol, presque honteuse. Se livrer avait toujours été une épreuve et, encore maintenant, elle souffrait de devoir confesser ses faiblesses. Elle tentait désespérément de lui faire confiance, mais l’épreuve lui paraissait insurmontable. C’était comme si, à chaque instant, elle était prête à prendre ses jambes à son cou et fuir loin de tout. Il dut le sentir car il posa doucement sa main sur l’épaule de la femme. Il comprenait. Elle n’était pas prête à parler d’elle directement ; mentionner les autres, ses protégés, c’était sa façon de contourner une difficulté trop grande. Pourtant, il faudrait qu’ils abordent le sujet, un jour ou l’autre, si elle souhaitait réellement se débarrasser de son problème.

Enfin, pour le moment, il cédait à sa demande. Ils travailleraient d’abord son rapport aux autres, avant de s’attaquer à sa perception d’elle-même. Car, lui rappelait-il, elle avait beau prétendre s’être habituée aux ténèbres, il ne doutait pas qu’elle en souffrît profondément.

Il la conduisait donc dans un bâtiment du monastère un peu à l’écart et elle le suivait, avec curiosité et appréhension. A mesure qu’ils s’en approchaient, l’odeur de bois vert et d’encens se faisait plus prononcée et il ne tarda pas à s’expliquer. Il s’agissait de leur menuiserie. Là, ils fabriquaient tout ce dont ils avaient besoin, aussi bien en termes de mobiliers que de matériels rituels. Puisqu’elle acceptait de se plier à leurs exigences, le temps de son séjour, mais qu’elle ne partageait pas leur religion, elle devait au moins faire preuve de bonne volonté en partageant leurs tâches.

L’homme plongea son regard cristallin dans les yeux de la femme. « Comme vous, les membres de notre communauté s’en remettent à nous lorsqu’ils sont atteints de maux qu’ils ne sauraient guérir autrement. Nous avons développé de nombreuses méthodes de guérison et parmi celles-ci, le Shikoku Mujin occupe une place importante. » Marquant une pause, il désignait de la main des tonneaux étrangement façonnés, bariolés de talismans et autres symboles inconnus. « Nous vous apprendrons ce rituel et vous nous aiderez à soigner nos croyants. » Ce n’était pas une question et cela n’appelait aucune contestation. C’était son épreuve – simple en apparence, elle serait tout à fait révélatrice du mal qui abritait la dame.

L’Uzujin était loin de se douter de ce qui se cachait réellement derrière ce nom, Shikoku Mujin, qu’elle ne pensait pas avoir déjà entendu. A l’évidence, elle savait que ces moines maîtrisaient les techniques shinobis – ils étaient des combattants, poussés par la nécessité de défendre leur temple – mais elle n’aurait jamais imaginé qu’ils fassent un aussi bon usage de leur chakra, au point de le mêler à leur rites, quotidiennement. Lorsque le religieux chargé de son apprentissage lui présentait donc un parchemin inscrit d’un sceau, elle ne put s’empêcher de manifester sa surprise. Le jeune homme, encore novice certainement, lui sourit aimablement. « Il s’agit d’une technique de scellement, c’est vrai. Nous l’utilisons pour forcer… Enfin, je veux dire, pour maintenir la personne en place et pour renforcer les soins que nous lui prodiguons. » Le choix des mots était étrange, presque révélateur, mais elle était bien trop intriguée par la chose pour le faire remarquer. « Si vous avez déjà des connaissances dans le Fuinjutsu, vous comprendrez vite cette technique. »

Il lui expliquait alors le processus complet : ici, ils fabriquaient les grandes cuves qui abriteraient les corps des personnes malades. Chaque cuve était personnelle ; il fallait connaître la personne à laquelle elle était destinée, réellement, avant de commencer la fabrication. C’était une étape fondamentale, pour eux, et cela pouvait prendre plusieurs jours, voire plusieurs semaines dans les cas les plus difficiles. Pourquoi, se demandait alors la jûnin, pourquoi attacher autant d’importance au contenant ? « C’est une promesse qu’on leur fait, madame. » répondit simplement le garçon. « Ces gens nous accordent leur confiance. Une fois qu’ils sont là-dedans, ils ne peuvent plus en sortir. Ils savent que c’est pour leur bien, mais accorder sa confiance à un tiers, c’est quelque chose de difficile. Prendre le temps de connaître ceux que l’on traite, c’est reconnaître leurs efforts et les honorer. C’est la promesse qu’on fera tout ce qui est en notre possible pour les guérir. »

Alors qu’il s’expliquait, avec beaucoup d’humilité, il lui montrait plusieurs exemples, tantôt achevés, tantôt en cours de confection. Les tonneaux étaient tous issus du même bois, mais les formes, les sculptures et les symboles variaient. Avec dextérité, il faisait tourner une des cuves sur elle-même, pour lui montrer les peintures qui couraient, le long des cernes du bois. Il indiquait alors quelques symboles, bien spécifiques. « Ceux-là sont toujours les mêmes. Ils font partie intégrante du sceau. » Elle se penchait, caressant du bout des doigts les marques inscrites dans l’aubier. Il poursuivait alors son exposé : « Lorsque la personne est à l’intérieur, on achève de sceller le tonneau par cinq parchemins. Mais… Euh, je ne peux pas vous montrer d’exemple là. Enfin, on les fabrique sur l’instant quoi. » Elle se retournait vers lui, un sourcil arqué. Il paraissait gêné, soudainement, et finit par avouer ce qu’il n’osait pas dire à voix haute. Elle eut un sourire. « C’est comme un pacte de sang. Je comprends. »

Ils continuaient de faire le tour des tonneaux entreposés, et le jeune expliquait sommairement chaque gravure qui composait finalement le sceau. Le mécanisme était assez simple à comprendre et elle ne doutait pas de son efficacité. Ne souhaitant pas faire preuve de curiosité mal placée, la dame se contentait d’écouter avec assiduité et réserve.



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Re: La Voie • solo Jeu 7 Mai - 20:39
Myōshin Junko

« La règle d’or, c’est la discrétion. On ne pose pas de question directe sur le mal. On ne mentionne pas la maladie de vive voix. On adopte un discours indirect, on parle de choses et d’autres, naturellement, et on laisse l’autre se confier, peu à peu. Tu verras, c’est pas difficile ! » La presque quarantenaire hochait la tête, tranquillement, mais son estomac se nouait. C’était à son tour. On allait lui présenter une personne de la communauté, et elle allait devoir construire un tonneau, puis exécuter un Shikoku Mujin. Ce n’était pas tant la réalisation du sceau, qui l’inquiétait, sinon tout le protocole que ces croyants avaient instauré, autour de la guérison.  Elle ne souhaitait pas commettre d’impair et entendre le jeune moine lui annoncer que cela n’avait rien de compliqué avait définitivement fait peser le poids de la responsabilité sur ses épaules.

Oui, tout devait lui paraître si naturel, lui qui avait été élevé dans cet environnement. Il était calme, à l’écoute, empathique. Mais elle, en était-elle capable ? Que devait-elle comprendre de ce qu’on lui dirait, comment devait-elle interpréter les paroles et les gestes des autres ? Elle se sentait oppressée. Faire preuve d’empathie n’était pas son truc. Elle ne pouvait pas comprendre et accepter les malheurs des autres.

Pourtant, elle ne se dégonfla pas et se rendit dans la petite pièce qui avait été aménagée pour cette rencontre. C’était le seul moyen, pour elle, d’obtenir ce pour quoi elle était venue.

« Je suis Eiji.
Enchantée, je m’appelle Junko.
Ah, la pureté… Ce n’est pas étonnant que vous travailliez ici.
Je ne… Enfin… Oui, je suppose.
Je ne vous avais jamais vue auparavant. D’où venez-vous ?
Ici et là. »

Le silence s’installait, étrangement. La dame tira nerveusement sur le pan de son habit, évitant ostensiblement de croiser le regard de son interlocuteur. C’était un homme âgé, marqué par la vie, et dont le regard était insoutenable. Ses yeux étaient presque blancs, certainement frappés par une cataracte légère. Peut-être était-ce d’ailleurs la raison de son déplacement. Mais ce qui dérangeait la dame, surtout, c’était la nostalgie qui en émanait. Il la regardait comme il reverrait un amour passé. C’était très troublant. Elle s’éclaircit la gorge.

« Vous venez souvent ici ?
Oh, tous les mois, depuis plusieurs années.
Ah, vous êtes vraiment assidu. Merci beaucoup.
Ahah ! Je ne l’ai pas toujours été… Malheureusement.
Ah... Qu’est-ce qui vous a donné envie de venir plus souvent, alors ?
Qui sait… L’approche de la fin, peut-être. »

Elle ne répondit rien, de peur de se montrer un peu trop piquante. La femme avait beau ne pas partager la religion des moines qui l’accueillaient, elle ne pouvait cependant pas s’empêcher d’être un peu agacée par ce genre d’individus. Elle trouvait ces gens hypocrites. Croyait-il se racheter, à la fin de sa vie, par quelques prières ? C’était de la fausse croyance, un acte intéressé. Alors, elle restait muette. Mais son silence dut trahir sa pensée, car il eut un sourire. « Vous avez raison. Ce n’est pas correct. Mais je ne fais pas cela pour moi. Je le fais pour tous ceux que j’ai laissés derrière moi. »

Il avait connu la guerre, comme beaucoup d’autres de son âge, et il racontait sa vie avec beaucoup de tendresse et de souffrance. Ses yeux gris et son visage ridé lui donnaient un air de vieux sage, alors qu’il s’exprimait doucement. Un instant, elle avait été tentée d’éprouver de la peine pour cet homme. Un instant, il avait su saisir son cœur. Elle s’était sentie soudainement proche de lui, proche de ses blessures. Elle était prête à comprendre son geste, comme un adieu à tous ceux qu’il avait connu et qui avaient péri misérablement.

Et puis tout s’était envolé, violemment, lorsqu’il avait avoué la vérité.

[…]

Vous devez sûrement penser que je suis une victime de la guerre… Vous ne devriez pas avoir pitié de moi. J’étais un bourreau. Un assoiffé de sang. Un profiteur et un pilleur. J’ai pris des vies et j’ai aimé ça, sans aucun regret. Aujourd’hui encore, je dors bien, je vis bien. Si je n’avais pas ces maudits yeux pour me rappeler mon âge, certainement que je serais encore en train d’explorer le monde… Mais ma fin est proche et je veux accueillir la mort comme une amie, sereinement. C’est le privilège des gens de mon espèce. Alors je prie pour tous ceux dont j’ai ôté la vie et qui n’auront jamais eu cette chance.

[…]

Junko abattit brutalement la hache sur la grume qui se fendit sans mal sous le coup. Elle était dans une colère noire et rien ni personne ne pourrait contenir la rage qui l’animait alors. Elle se sentait sale et honteuse. Elle s’en voulait, mais elle en voulait au monde encore plus. Levant de nouveau la hache, elle fendit l’air violemment. Comment avait-elle pu se laisser attendrir ? Comment avait-elle pu éprouver de la compassion ? Comment… Comment avait-elle pu se laisser berner par cet homme ! Elle se sentait trahie, mais pas seulement par lui, sinon par les moines également. Elle leur avait fait confiance, elle avait cru en leur désir de l’aider… Mais ils se jouaient d’elle. Ils l’avaient piégée !

« Junko ! Je viens voir comment cela avance. » La voix la fit sursauter et elle se redressa subitement, lançant un regard furibond à l’homme qui se présentait à elle. Il était là, comme au premier jour. Elle lâcha sa hache. « Vous m’avez menti. » Il ne parut pas surpris, conservant tout son calme alors qu’elle le foudroyait du regard. Portant son regard sur le malheureux tronc qu’elle avait saccagé, il parut un peu embêté. « Il faut faire les choses plus doucement, plus simplement… » Il voulut lui prendre la main, mais elle recula immédiatement et dégaina un kunai de sa manche.

Alors, il inspira profondément, posant sur elle un regard sévère. « Que me reprochez-vous, exactement ? De suivre mes convictions, en acceptant tout le monde, indistinctement, au sein de ma communauté ? Si tel est le cas, je n’aurais pas dû vous accepter, vous aussi. » Il s’asseyait, tranquillement, l’air grave. « A moins que vous ne me reprochiez quelque chose que vous avez fait ? » Elle parut hésiter un instant, pesant le pour et le contre, puis abandonna finalement, baissant les bras, comme elle comprenait parfaitement ce à quoi il faisait allusion. L’air profondément blessé, elle s’asseyait à son tour. « Je n’y arriverai pas. » murmura-t-elle doucement.

« Bien sûr que vous allez y arriver. C’est la raison pour laquelle je vous ai accepté, vous et cet homme. Tout le monde peut changer. Cela ne se fait pas du jour au lendemain, ce n’est pas facile, mais c’est possible. » Elle le regarda, sceptique. Ignorant sa moue, il poursuivit. « Cette colère, cette rage envers les autres que vous avez en vous… Elle est issue d’un sentiment noble. Vous vous cachez derrière elle parce que vous avez peur du regard des autres, mais vous n’avez aucune honte à avoir. Vos sentiments sont purs. Vous êtes injuste parce que vous ne voulez pas qu’ils sachent que vous prônez la justice. Vous êtes violente, car vous haïssez la souffrance qu’elle cause. Vous méprisez les faibles, car vous l’avez été aussi. » Elle eut un mouvement vers l’arrière, de nouveau, manifestant sa surprise et sa colère. Il eut un rire, malgré lui. « Allons, ce n’est pas difficile à deviner, vous savez… Ceux qui ne croient plus en l’humanité et qui commettent les pires exactions sont souvent ceux qui ont le plus souffert. » Elle ne répondit rien, baissant les yeux vers le sol. Il avait raison, c’était malheureux. Mais quelque part, elle se sentait soulagée d’un poids immense. Jamais personne n’avait eu le courage de le lui dire.

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Re: La Voie • solo Dim 10 Mai - 20:19
Myōshin Junko

« Voilà, c’est terminé. » annonça-t-elle sobrement. Plusieurs regards se tournèrent alors dans sa direction et elle se sentit soudainement gênée. Se raclant légèrement la gorge, elle désigna son œuvre. « Le réceptacle de Eiji. » Et, contre toute attente, ils l’applaudirent. Elle les regarda mi abasourdie, mi embarrassée, puis ne trouva rien d’autre à faire que de s’incliner et de les remercier, pour dissimuler sa confusion.

Elle avait mis deux semaines, avant d’en arriver là, et bien que peu sûre de son résultat, elle éprouvait un sentiment d’accomplissement certain. Elle avait découvert le travail du bois et avait beaucoup appris, aux côtés de ces religieux. Ils lui avaient donné la force de continuer, alors même qu’elle avait hésité à abandonner à plusieurs reprises. Cette parenthèse dans sa vie de shinobi lui avait rappelée des souvenirs lointains ; elle s’était surprise à regretter son monastère, perdu dans la montagne.
Quelques curieux se levèrent pour aller voir de plus près son œuvre. Elle avait suivi scrupuleusement la tradition, sculptant le corps du tonneau dans l’aubier du bois, tandis que le couvercle qui refermerait le tout avait été découpé dans le duramen du tronc. Le ponçage était parfois un peu irrégulier, témoignage de la poigne hasardeuse de la novice, mais le verni donnait un aspect bien fini à la cuve. « Oh, qu’est-ce que c’est ? » lui demanda-t-on. Elle se pencha vers ce qu’on lui désignait et eut un sourire. « Ah, ça… Ce sont les esprits qui accompagnent Eiji dans ses prières. » Un murmure se répandit dans la foule. Souhaitait-elle qu’il soit hanté par les esprits des morts ? Elle balaya la rumeur de la main. « Bien sûr que non. Ils sont là… Pour tenir compagnie à un vieil homme solitaire. »

[…]

La Lune était haute dans le ciel. Pleine et ronde, elle diffusait une douce lumière à travers le volet. La dame déposa son pinceau un instant et s’étira en direction de l’astre. « Demain… Nous allons aider Eiji. » songea-t-elle soudainement. C’était un sentiment étrange, comme si elle prenait conscience de ses actes, après deux semaines de flou spirituel. Pourtant, elle n’était ni amère, ni en colère. Elle avait appris à connaître cet homme au spleen surprenant. Il avait ses failles et ses forces ; il était humain, dans le bon sens du terme.

Essuyant les taches d’encre sur ses doigts, elle tournait son attention vers un ouvrage écrit à la main. L’écriture était fluide et propre, caractéristique d’une main experte. A côté, Junko avait disposé un parchemin sur lequel elle tentait de reproduire certains sinogrammes, non sans difficulté. Elle maniait difficilement le pinceau qu’on lui avait prêté, peu habituée aux poils de belette, plus rigides que ceux de chèvre.

L’ouvrage du monastère recelait de surprises ; elle avait découvert de nombreuses techniques, aussi bien dans son domaine de prédilection, le Fuinjutsu, que dans l’Iroujutsu. Mais, malheureusement, le temps lui était compté et elle ne pouvait guère s’attarder sur toutes ces merveilles. Il lui fallait apprendre, et vite, les derniers symboles à tracer pour le Shikoku Mujin. Jusqu’alors, on lui avait enseigné les quelques sinogrammes à graver dans le bois du contenant, mais cela ne suffisait pas. Son professeur l’avait mentionné dès le premier jour : au moment de l’exécution de la technique, on signait de son sang les cinq parchemins qui fermeraient définitivement le tonneau. Voilà donc ce qui préoccupait la dame, en cette nuit déjà bien avancée.

La symbolique du sang était forte et, bien que n’affectant pas plus que cela l’efficacité du sceau, cela l’encourageait à ne pas commettre d’erreur. Elle s’entraînait donc avec son pinceau aux poils durs, tout en sachant pertinent que le lendemain, il lui faudrait utiliser ses doigts. C’était une façon d’augmenter la difficulté, lors de l’entraînement, afin de minimiser les chances de commettre une erreur. Si elle pouvait le faire dans des conditions extrêmes, elle saurait le faire le moment venu.

Elle traçait donc, avec application, les sinogrammes de la prison, du renforcement, de la protection et de la dissimulation – car elle avait appris plus récemment que cette technique avait d’autres fonctions, également ; elle permettait notamment de protéger ce qui était enfermé et de le cacher aux yeux des gens comme elle, les senseurs. Puis, lorsque son écriture se fit plus sûre, que les idéogrammes et les pictogrammes furent systématiquement corrects de mémoire, elle se décida à essayer l’exercice sans pinceau.

Alors, finalement, lorsque les premiers rayons percèrent à l’horizon, elle fut prête.




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Re: La Voie • solo Mer 13 Mai - 0:29
Myōshin Junko

« Yoshikawa Eiji. »

Le temps se suspendit tout à fait. Tous semblaient retenir leur souffle, tandis que l’appel fendait l’espace ; l’air hagard, Junko se levait promptement. Elle s’était préparée à cet instant des heures durant et pourtant ses mains devinrent subitement moites. Les essuyant machinalement sur un pan de sa tunique, alors qu’elle s’approchait du centre de la cour, elle était comme cet enfant qui reçoit son premier ordre de son supérieur, emplie d’une crainte terrible, la crainte celle de l’échec. L’appelé avait suivi, dans son sillage, et ils s’arrêtaient de concert, à proximité de ce qui deviendrait son tombeau si elle commettait une erreur. Un bref instant, leurs regards se croisèrent et elle sut alors pourquoi l’anxiété l’avait gagnée. Serait-elle capable de le sauver ?

Elle ne craignait pas de se tromper dans l’exécution du Shikoku Mujin, sinon de provoquer son échec. Elle avait haï cet homme comme jamais elle n’avait haï quelqu’un, car il incarnait tout ce qu’elle souhaitait détruire, la race humaine dans toute sa splendeur, puis elle s’était pliée à la volonté des moines et avait suivi leur enseignement avec beaucoup d’application. Elle avait appris à le connaître et croyait s’être affranchie de son ressentiment à son égard… Mais à présent que le moment fatidique approchait, elle se connaissait suffisamment pour savoir qu’en son for intérieur, elle ne parvenait qu’à lui souhaiter la mort. C’était comme si son corps la guidait sur un chemin qu’elle ne pouvait se résoudre à suivre, comme si son esprit la suppliait de s’en détourner car se serait renoncer à son identité. Elle fut prise d’une légère nausée et tout son corps fut parcouru d’une sueur froide.

« Junko. »

La voix était douce et ferme à la fois, c’était autant un rappel à l’ordre qu’une inquiétude à peine dissimulée. Elle lui jeta un regard perdu, dans lequel transparaissait toute sa frayeur et il se pencha vers elle, pressant légèrement son bras pour formuler une question muette. Alors, elle sut qu’elle ne pouvait rien lui cacher ; il savait tout, jusque dans le moindre détail. Il devait penser que son âme était pourrie. Peut-être avait-il cru en ses efforts tout au long de son séjour, cru qu’elle pût changer véritablement… Mais tout était perdu, à présent. Un léger froncement de sourcils de sa part acheva de la convaincre. Il allait la rejeter, la chasser avant qu’elle ne commette l’irréparable. Déjà, elle était prête à accepter sa sentence.

« Tu peux le faire… » souffla-t-il alors et elle fut prise d’un vertige. Pourquoi ? Dans ses yeux, naissait l’incompréhension. Pourquoi continuait-il de croire en elle – ou plutôt, en l’Humanité, à travers elle ? Puis, comme il se retournait vers l’assemblée après lui avoir adressé un sourire confiant, elle renonça à comprendre. Cet homme resterait un mystère à jamais ; c’était peut-être mieux ainsi, elle l’élevait au-dessus des Hommes, il ne faisait pas partie de l’espèce qu’elle reniait.

La cérémonie débuta alors et il lui sembla que son esprit se détachait tout à fait de son corps. Elle se vit se mouvoir, au rythme des chants religieux gutturaux, et dévoiler son œuvre aux yeux d’Eiji. Elle le vit verser une larme émue et elle se vit lui tendre la main pour l’aider à se glisser à l’intérieur. Peu à peu, les bruits tout autour d’elle s’estompaient, laissant place à un silence étrange et artificiel. Les moines continuaient à chanter, elle pouvait les voir, mais aucun son ne sortait de leurs bouches grandes ouvertes. Une forte odeur d’encens lui monta à la tête et celle-ci se mit à lui tourner furieusement. C’était le moment.

Soigneusement, elle prit la lame posée devant elle, sur un petit présentoir. Suspendant son geste un instant, elle regarda son reflet dans le plat de l’arme. Le visage qu’elle y vit lui sembla étranger, livide et creusé ; elle vit une femme que l’âge, sinon la démence, avait frappé de plein fouet. Une femme seule… Mais qui avait trouvé un certain réconfort auprès de ces gens, malgré tout.

Alors, elle leva la lame parfaitement aiguisée et elle sentit que chacun retenait son souffle, comme s’il s’attendait à la voir massacrer furieusement le vieillard. Elle-même le désirait, plus que tout, en cet instant. Mais la lame vint sagement trancher le plat de sa main gauche – la main du Diable. En un rien de temps, surgit de la plaie béante son propre sang, qu’elle regarda comme si elle le découvrait pour la première fois. Elle se sentait dépossédée ; pourquoi obéissait-elle ? Pourquoi ne trouvait-elle pas le courage de l’exécuter, dans l’instant, au lieu de l’aider ?

Elle plongea son doigt dans le liquide chaud et, le portant sur un parchemin, elle écrivit silencieusement les caractères qu’elle avait passé la nuit à réviser. De son doigt ensanglanté s’écoulait lentement son chakra qui, se mêlant au liquide vermeil, formait alors des sinogrammes parfaits. Dans le même temps, l’homme qui l’assistait avait fait son œuvre : Eiji gisait à présent, inconscient. Elle banda sa main, afin de stopper l’hémorragie, et regarda l’homme user d’une technique de soin sur le vieil endormi. Venait ensuite son tour, de nouveau. Lentement, la dame refermait la cuve, puis elle apposait les cinq parchemins qu’elle avait marqués. C’était la dernière ligne droite. Joignant les mains, elle exécuta quelques signes puis, très solennellement, annonça : « Shikoku Mujin ! »

Une étrange fumée se forma, tout autour d’elle et de la cuve, les enveloppant de toute sa noirceur. Elle crut d’abord avoir commis une erreur, puis le nuage se résorba, comme absorbé par la cuve. Lorsqu’il disparut totalement, la surface de cette dernière était couverte d’une substance étrange, imprégnée de chakra, et elle sut qu’elle avait réussi. Ses yeux ne voyaient rien, comme on l’en avait avertie. Ce qui se trouvait à l’intérieur était à jamais dissimulé, même aux yeux d’un senseur. Elle seule pouvait l’en libérer.

Elle se sentit soudainement épuisée, alors que la tension retombait. Ce n’était pas tant la technique qui avait absorbé toute son énergie, sinon son esprit et la lutte intérieure qui y avait fait rage. Elle-même n’était pas encore bien certaine d’avoir fait le bon choix et ce doute perdurerait encore quelques temps, certainement.

Par la suite, il ne subsisterait, dans sa mémoire, qu’un souvenir diffus de la cérémonie. Elle se souviendrait vaguement d’avoir reçu des félicitations et du sourire de cet homme qui avait cru en elle jusqu’au bout. La seule chose dont elle serait vraiment certaine, c’était la longue nuit qui avait suivi cet épisode.



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Myōshin Junko
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Re: La Voie • solo Mer 10 Juin - 22:38
Myōshin Junko

« Me voilà dans les mains d’un Dieu plus redoutable
Que ne sont à la fois tous les maux d’ici-bas ;
Me voilà seul, errant, fragile et misérable,
Sous les yeux d’un témoin qui ne me quitte pas.
Il m’observe, il me suit. Si mon cœur bat trop vite,
J’offense sa grandeur et sa divinité.
Un gouffre est sous mes pas ; si je m’y précipite,
Pour expier une heure il faut l’éternité.
Mon juge est un bourreau qui trompe sa victime.
Pour moi tout devient piège et tout change de nom.
L’amour est un péché, le bonheur est un crime,
Et l’œuvre des sept jours n’est que tentation.
Je ne garde plus rien de la nature humaine ;
Il n’existe pour moi ni vertu ni remord.
J’attends la récompense et j’évite la peine ;
Mon seul guide est la peur, et mon seul but la mort. »

L’obscurité l’enveloppait parfaitement, à présent, et recroquevillée sur elle-même, la dame tremblait doucement, happée par la terreur. Elle avait vu la dernière lueur du jour disparaître alors que le sceau avait fait son œuvre, la laissant seule et démunie, face à sa pire ennemie. Elle avait fermé les yeux pour ne pas la voir, comme si le noir derrière ses paupières l’était un peu moins que celui qui l’entourait – pour elle, en tout cas, ça l’était. Elle fermait les yeux pour ne pas voir les ténèbres qui peuplaient ses cauchemars les plus sordides, s’imaginant une scène lumineuse, derrière la fine membrane qui la séparait de la réalité. Un stratagème ridicule, indigne de son rang, mais malheureusement nécessaire. Il fallait dire qu’elle ne pouvait user de son chakra, sous l’effet de la drogue qui lui avait été injectée, et il lui était donc impossible de se plonger dans l’une de ses illusions développées sur-mesure lorsqu’elle craignait la nuit.

Quel triste sort lui avait-on réservé ! Elle s’en était doutée, évidemment, compte tenu des paroles qu’ils avaient échangées. Malgré tout, elle n’arrivait pas à se faire à l’idée. C’était une peur viscérale, une coexistence impossible avec l’invisible. Elle laissa échapper un gémissement ; elle souffrait, d’un mal qui n’était pas physique, mais qui la détruisait. A peine lucide, mais tous les sens exacerbés, cette épreuve devenait insurmontable pour son esprit torturé. Mais elle y avait consenti ! On lui avait dit : « Il te suffira de lui parler. » Et elle avait accepté…

Elle se mit à pleurer silencieusement.

[…]

« Qu’as-tu vu ?
Ma mort, certainement.
Comment était-ce ?
C’était… C’était agréable, à vrai dire. C’était doux et chaud, comme une étreinte amicale. Ou comme un rêve… Cela faisait longtemps que je n’avais pas rêvé.
Ce n’était donc pas ta mort, Junko.
Toute cette obscurité, ce n’était pas ma mort ?
C’était ta résurrection. »

Junko ne croyait pas en la résurrection. Elle croyait que chaque chose faisait partie du même tout, de la même entité – appelée Dieu par certains –, mais elle avait bien conscience que l’on ne vivait qu’une fois dans cette enveloppe charnelle, que le temps était compté et qu’il n’y avait pas de seconde chance. Pourtant, lorsqu’il lui annonça sa résurrection, elle eut l’intime conviction qu’il avait raison.

Elle avait survécu à l’épreuve du Shikoku Mujin – cette même épreuve qu’elle avait imposée à Eiji –, elle avait appris à apprivoiser sa peur la plus extrême et elle était ressortie de son tombeau transformée. C’était une résurrection de l’âme.

Ce qui s’était passé à l’intérieur était étrange, et elle ne saurait faire la part des choses entre le rêve et la réalité, mais il lui semblait qu’après avoir pleuré toutes les larmes de son corps, elle s’était finalement résolue à ouvrir ses yeux desséchés et brûlants. Elle avait alors découvert que l’obscurité qui l’entourait n’était pas vide. Il y avait un quelque chose de lumineux dans cette absence de lumière, quelque chose d’accueillant et de réconfortant. Cette obscurité-là n’avait rien à voir avec celle de ses nuits terribles. Elle avait eu le sentiment qu’elle pourrait en faire une alliée… Et elle lui avait ouvert son cœur.

[…]

« C’est le moment. » Il pressa légèrement son épaule, dans un geste amical, pour l’encourager, et elle lui sourit doucement. Elle se sentait prête, à vrai dire. Elle était en paix avec elle-même, peut-être encore un peu étourdie par la prise des médicaments douteux. Il fallait dire qu’ils n’avaient pas traîné ; sitôt son corps extrait de son réceptacle, ils avaient débriefé et décidé qu’elle devait se mettre à l’entraînement dans la foulée. Il voulait voir le résultat de ses propres yeux, comme son cas était particulier.

Elle se plaça au centre de l’espace, joignant tranquillement les mains. Habituellement, elle fermait les yeux, lorsqu’elle lançait cette technique, mais cette fois-ci elle n’en ferait rien. Elle avait vécu trop longtemps les paupières closes, fuyant la vision de son ennemie. Non, à présent Junko connaissait sa véritable forme, elle l’avait vue, et elle ne la craignait plus. Mieux encore, elles étaient des alliées. Alors, elle puisa dans toutes ses ressources, laissant le chakra réchauffer ses entrailles, tandis qu’elle s’appliquait à exécuter des signes qu’elle avait maintes fois tentés en vain.

Son chakra s’échappa de son corps, soudainement libre, se diffusant sans limites ou presque, dans toutes les directions. Pour elle, rien n’avait changé ; le gravier, les nuages, les pierres et les arbres étaient toujours à leur place. Pour lui, en revanche, tout ceci devait avoir cédé la place aux ténèbres grandissantes. Elle leva les yeux vers le ciel, retenant son souffle, dans l’attente du verdict.

« Je ne vois rien. » Elle expira, soulagée. Il fit alors quelques pas, faisant crisser le gravier sous ses pieds et elle reporta son regard sur lui. Il était un peu penché vers l’avant, les mains tendues, les yeux grands ouverts, comme s’il cherchait une présence devant lui. « Vraiment ? » dit-elle, soudainement suspicieuse – peut-être faisait-il semblant, n’osant pas avouer son échec, de peur de la décevoir. Il eut un rire. « Ne sois pas ridicule… Et toi, alors ? » Elle laissa le douter planer quelques instants, juste assez pour voir son visage devenir soucieux. « Je vois. »

Il eut un grand sourire, empreint d’une satisfaction sincère, en dépit de ses yeux qui regardaient totalement au mauvais endroit, tel un aveugle. Il était heureux pour elle, et elle se sentit touchée par sa sollicitude. Tout ceci n’aurait certainement pas été possible si cela n’avait pas était pour lui. Elle rompit la technique, le laissant apprécier un instant le retour de sa vue. Mais alors qu’elle allait le remercier, il anticipa ses paroles et l’arrêta. « Nous n’avons pas terminé, Junko. Tu n’es plus ton ennemie, certes… Mais les autres ? » Elle parut surprise, sur le coup, mais il avait malheureusement raison. Ah… Elle soupira. « Très bien. Mais nous ferons ça demain… » Pour l’heure, du repos s’imposait.



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Re: La Voie • solo Mer 17 Juin - 0:11
Myōshin Junko

L’échec faisait mal, transperçant son orgueil regonflé par quelques réussites le jour précédent. Impitoyable, la vie la rappelait à la raison, dès qu’elle s’écartait légèrement du chemin. Soufflante, transpirante, la femme s’autorisait un bref répit et les hommes qui l’accompagnaient ne répliquèrent pas. Ils connaissaient suffisamment le personnage pour savoir qu’elle n’était pas du genre à se laisser aller à la paresse ou à la faiblesse mentale. Si elle avait besoin de repos, ce n’était pas tant parce qu’elle venait de subir, coup sur coup, une déconvenue, sinon parce que la technique qu’elle essayait désespérément d’employer était particulièrement énergivore. Ils avaient déjà pris deux repas, depuis le début de son entraînement à l’aube, et l’après-midi paraissait déjà bien entamée. Il n’était pas étonnant que ses ressources s’amenuisent.

Arrivant à sa hauteur, il posa son regard bienveillant sur elle, comme pour la réconforter. Elle soupira cependant, relevant une mèche collée à son front par la sueur. « Je suis désespérée. » dit-elle sobrement. Ce n’était pas une plainte, loin de là, seulement un constat. Elle y avait cru, après sa réussite la veille, elle avait cru en sa métamorphose et en ses capacités. A présent, elle était simplement impuissante face à la réalité. Pourquoi la vie était-elle si mesquine ? Il baissa le regard, comprenant son désarroi, mais lui-même sans réponse. Les Dieux étaient bien mystérieux – qui savait réellement ce qu’ils réservaient à cette pauvre enfant ?

A vrai dire, la situation était pour le moins étrange. Pour l’exercice, ils avaient fait appel à deux apprentis, afin d’être certains que Junko était capable de distinguer entre ses alliés et ses ennemis. Il y avait donc potentiellement deux alliés et un ennemi, dans la zone d’effet de son Genjutsu. Cependant, contre toute attente, seul l’un de ses deux alliés désignés pouvait y voir et se mouvoir sans inconvénient. L’autre, un des deux apprentis, était pris au piège comme l’ennemi – le second apprenti. Rapidement, il en était venu à la conclusion que la dame ne faisait pas suffisamment confiance à l’apprenti-allié pour le considérer comme un véritable allié. Mais que pouvait-il y faire ? Il savait combien elle doutait de tous, en permanence, et ils avaient travaillé cela avec Eiji, travaillé son rapport aux autres… Et elle avait progressé car lui-même faisait partie de ses alliés, visiblement. Alors, certainement que son cœur était simplement hermétique aux inconnus.

« A quel moment as-tu décidé de faire confiance à Shun ? » Shun, c’était un de ses élèves, dont elle lui avait parlé. Ils avaient une relation compliquée, mais certainement bénéfique, pour tous les deux. Les choses semblaient plus simples avec son second élève, Tsume, car leurs regards allaient souvent dans la même direction. Mais c’était dans la confrontation – sans tomber dans le conflit – que l’on apprenait le plus, croyait-il.

Elle le regarda, fronçant les sourcils, comme pour raviver des souvenirs épars. « Je ne l’ai pas décidé… Enfin… Je ne sais pas. Je me suis simplement rendue compte, un jour, qu’il avait suffisamment grandi. Qu’il n’était plus un boulet, ou quelque chose comme ça. » Il acquiesça, comme s’il s’attendait à cette réponse. « Tu lui as fait confiance, le jour où il t’a prouvé qu’il ne t’était pas inférieur. » Elle eut une grimace de désapprobation ; c’était étrangement dit, d’autant qu’il lui était toujours son subordonné ! Il suffirait d’un duel singulier pour le prouver, ils ne jouaient pas dans la même cour. Il sourit, ignorant sa moue, et poursuivit : « Penses-tu que mes apprentis te sont inférieurs ? » Elle avait appris à ne plus être surprise par les questions de cet homme. En réalité, il n’y avait pas de question-piège, avec lui. Il demandait toujours les choses avec beaucoup de sincérité, aussi devait-elle lui répondre honnêtement. « Non, au contraire. Je les respecte et j’admire leur travail. » Et c’était la vérité, tout simplement. Il hocha la tête, pensif. « Je crois que c’est le même problème, alors… Tu ne peux pas leur faire confiance, car tu ne les places pas au même niveau que toi. Vous formez une équipe, Junko. Une vraie, pas une fictive, sur le papier, qui dit qui est le chef et qui est l’élève. Mais celle qui, dans l’action, doit se serrer les coudes et se sauver les uns les autres. Celle où tout le monde compte, même tes élèves, même tes maîtres, et même toi. »

Pour Junko, élevée dans l’ordre et l’observation de la hiérarchie, il était impossible de penser de cette façon, à première vue. Elle était le chef, elle avait tout fait pour l’être et elle refusait qu’on la rabaisse. Cela dit, il ne lui demandait pas de rompre avec son statut, mais de considérer leurs vies de façon équivalente. Et cela, elle pouvait le comprendre. Mieux encore, elle pouvait l’accepter et le respecter, car cela coïncidait relativement facilement avec un précepte fondamental de sa propre croyance. Tous faisaient partie d’un tout ; tous n’étaient qu’un. Une vie, quelque qu’elle soit, restait une vie.

Et, subitement, au moment où elle s’y attendait le moins, elle se surprit à renouer avec la Voie. Elle qui croyait s’en être définitivement éloignée, retrouvait son chemin. Elle sentit un poids s’enlever de ses épaules, un poids qui était là depuis très longtemps, si longtemps qu’elle en avait oublié la lourdeur.

Elle aborda la suite de son entraînement avec plus de sérénité ; elle savait ce qui avait manqué à sa réussite, à présent et l’avenir le lui confirma. Il ne lui fallut guère peu de temps pour parvenir à ses fins. « Un allié, c’est une vie comme la mienne. » se disait-elle intérieurement. Ce n’était pas quelqu’un de plus fort, ce n’était pas quelqu’un de plus gradé. C’était un cœur qui devait continuer à battre.

Son ultime Kokuangyo fut parfait. Elle, lui, l’apprenti-allié, tous voyaient normalement, tandis que l’apprenti-ennemi était pris dans les ténèbres angoissantes. Elle maintint la technique tant qu’elle le put, posant un milliard de questions au pauvre homme pris dans ses filets, sur son ressenti, ses impressions, ce qu’il pouvait faire ou ne pas faire. Son calvaire aurait duré encore longtemps si la technique ne s’était pas évanouie d’elle-même au bout d’un moment. Mais la dame s’en fichait, elle avait eu les réponses qu’elle attendait, elle avait réussi, pour de vrai cette fois et elle rayonnait comme jamais.

Bien sûr, tout cela n’aurait pas été possible sans l’aide précieuse de cet homme. Leurs regards se croisèrent un bref instant, et pour les autres cela ne parut pas grand-chose, mais pour eux cela valait milles mots. Un éclair nostalgique, qui trahissait leur séparation imminente, la fin d’une belle histoire, chacun devant retourner à ses occupations.

« Je reviendrai… » murmura-t-elle alors.



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