Acté par un examen commun visant à faire monter en grade les jeunes pousses des deux villages, Uzushio et Konoha ont amorcés un rapprochement qui sonne comme une aubaine pour asseoir une politique de paix durable. Du moins tant que ces deux grandes puissances militaires maintiendront à leurs têtes des shinobis aussi peu enclins à revivre les drames du passé, comme c'est le cas actuellement. Nulle doute cependant que les instances dirigeantes de Suna observeront cette relation nouvelle d'un œil vindicatif. Une riposte, quelle qu'en soit la forme, n'étant pas à négliger du côté du pays du vent. De ton côté, bien que tu gardes un regard avisé sur l'évolution de la situation, les hommes au pouvoir dans ces villages cachés te font appréhender la chose avec une certaine sérénité. Tu es en revanche beaucoup plus inquiet de la réaction sunajin, la situation géographique de ton clan n'étant pas des plus enviables vis à vis des habitants du désert.
Pour mener à bien cet examen chuunin, c'est finalement Uzushio qui a accepté de servir d'hôte. Ce n'est pas monnaie courante de voir ainsi un village caché ouvrir ses portes au reste du monde. Parce que oui, sans doute fière de pouvoir étaler son faste et sa puissance, la cité a exceptionnellement permis à tous de venir assister aux épreuves. Tu ne pouvais pas louper cette occasion d'avoir des nouvelles de deux Uzujin croisés au cours de tes pérégrinations à travers le sekaï il y a quelques années, avant de prendre la direction du clan Nara. D'ailleurs, l'un comme l'autre, participent probablement eux même à cet examen. Il y a la gamine Uzumaki d'abord. Haruka. Enfin gamine, elle te sauterait sûrement à la gorge si elle t'entendait parler d'elle ainsi. Tu souris à l'idée. Elle a dû bien grandir depuis. C'était il y a combien de temps? Quatre? Cinq ans? Elle était à peine âgée de douze ans à l'époque et déjà pourvue d'un caractère bien trempé. En souvenir de ces instants partagés, tu possèdes toujours, rangés quelque part dans ton coffre aux merveilles, les bijoux qu'elle vendait avec sa mère pendant la fête de l'hiver. Et puis il y a Sanada. Tu l'as rencontré à peu près à la même époque. Quand tu l'as quitté, vous sortiez tout juste d'une incroyable aventure sur son île natale. Celle-ci vous avait mené à chasser la perle de l'empereur et à en ressortir indemnes malgré les embûches traversées. Toutes plus improbables les unes que les autres. Il n'avait alors pas caché son ambition de rejoindre la cité uzujin pour y devenir un ninja accompli. Nul doute qu'il y parviendra, si ce n'est pas déjà fait. C'est d'ailleurs lui que tu iras voir en premier, avant de profiter des combats entre genins, ce qui te permettra de jauger leurs capacités.
A peine as-tu franchi les larges portes de l'enceinte, que tu es pris en charge par une escorte de deux ninjas, portant fièrement sur le front le bandeau caractéristique de l'endroit. Ils t'accueillent avec courtoisie en t'expliquant, comme tu pouvais t'en douter, que si les portes sont ouvertes à tous, aucun visiteurs ne pourra se déplacer ici en toute impunité. Rien de scandaleux dans tout ça. Après t'être présenté, tu les salues poliment en acquiesçant à toutes leurs recommandations, puis leur explique rapidement le lien qui t'unit au Masamune en leur demandant s'ils le connaissent et s'ils savent où le trouver.
-Masamune Sanada...Masamune Sanada...intervient brillamment le plus vieux sans rien dire de plus, à ton plus grand désarroi.
-Hmmm...lui succède celui aux allures bien plus juvéniles, une lueur encourageante dans le regard...ce serait pas le jeune homme qui maîtrise le ranton chef?
Tu tiques un peu sur l'annonce d'une telle nouvelle. Pas qu'elle te surprenne puisque tu as pu supputé de telles compétences de la part de Sanada au cours de votre partenariat. Non, ce qui t'interroge, c'est la facilité avec laquelle un membre du village vient de révéler la capacité de l'un de ses concitoyens. Le boss de l'escorte semble d'ailleurs du même avis puisqu'il assène à son jeune coéquipier un coup violent sur le crâne avant de reprendre.
-Crétin...hum...oui oui...Masamune Sanada...surenchérit-il, au cas où tu aies déjà oublié le prénom de ton camarade...je vois très bien de qui il s'agit...d'ailleurs il fait parti des participants à l'examen...nous pouvons te conduire à sa demeure, mais rien ne nous dit qu'il y sera présent. En ce moment, les genins du village ont fort à faire...
Un large sourire se dessine sur ton visage. Tant pour avoir appris qu'il était candidat à la montée de grade que pour la promesse de rapides retrouvailles. Faisant profil bas malgré l'envie de brailler ton admiration hyperactive à chaque évolution du décor depuis la dernière fois où tu as mis les pieds ici, tu suis tes escorteurs jusque dans une petite ruelle, en te roulant une cigarette de salvia divinorum que tu fumes sur le trajet.
-On y est...dis le chef du binôme en claquant quatre coups secs contre le bois de la porte...
Il ne faut pas longtemps pour que l'appel soit entendu et, tandis que ton impatience prend fin, la porte s'ouvre. Sur rien. Ton regard se perd d'abord sur l'horizon, aussi restreint soit-il, sans qu'aucun visage n'apparaisse.
-Wooohhhh...t'exclames-tu, les yeux brillants de milles étoiles...Sanada-kun est devenu magicien depuis son arrivée ici...il possède une porte qui s'ouvre toute seule...hey...poursuis-tu d'un ton enjoué en te retournant vers tes accompagnants...vous avez vu ça les gars, c'est trop génial!!!!
Mais lorsque tu tournes à nouveau la tête, les yeux légèrement baissés, tu comprends ton erreur. A défaut du Masamune ou d'une quelconque porte magique, tu trouves face à toi une enfant. Hein? Comment est-ce possible? Il ne t'a jamais dit ça? Pendant toute cette aventure, avec tout ce que vous avez partagé, il a préféré taire cet épisode de sa vie? Peut-être qu'il en a honte après tout. Tu fixes la gamine d'un regard incrédule, avant de t'agenouiller à sa hauteur en lui adressant une petite tape amicale sur le haut du crâne. Tu te racles le fond de la gorge et d'un air bienveillant.
-Dis-moi petite...tu pourrais appeler ton papa et lui dire que Shika est venu le saluer s'il te plaît? Je suis un vieil ami à lui...enfin ami...je me demande finalement, vu qu'il ne m'a jamais dit qu'il avait une gamine...conclus-tu finalement en souriant.
Derrière-toi, sans que tu n'y prêtes plus d'attention que cela, tes gardes du corps personnels pouffent d'un rire sourd, en même temps qu'une certaine inquiétude semble les tirailler.
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Mifuyu était venue chercher Sanada pour une nouvelle séance d'entraînement, en prévision des combats titanesques qui les attendaient. Cela faisait quelques semaines qu'ils s'exerçaient assez régulièrement, notamment à l'art du combat rapproché. Le libraire était un bon Genin, peut-être même futur Chunin, mais manquait encore d'aisance au combat rapproché. Il maîtrisait des techniques aussi rares que puissantes, mais il y gagnerait à les accompagner de nouvelles compétences dans les domaines où il péchait pour le moment.
Elle avait frappé à sa porte une fois, deux fois, trois fois. Rien. Personne n'était venu lui ouvrir. Elle se dit alors qu'il devait être, comme à son habitude, sur son toit végétalisé, confortablement installé dans son hamac à fumer son calumet. Ah, la jeunesse ! Dans une trentaine d'années peut-être apprendrait-il que chaque minute était précieuse et ne devrait pas être gâchée par l'oisiveté. Elle effectua donc le mudra nécessaire et commença à escalader la façade de son appartement. Elle arriva rapidement sur la terrasse, dont elle fut une nouvelle fois frappée par la beauté. Plantes, arbustes, papillons, tout s'y mariait avec perfection. Cet endroit d'exception ne semblait pas faire partie du village des tourbillons : on y retrouvait la végétation luxuriante des îles des archipels du Sud et quelques installations humaines disposées avec harmonie. Au centre se trouvait le fameux hamac, qu'elle fut étonnée de trouver vide. Elle s'y installa une minute, ou peut-être dix, elle n'était plus trop sûre.
Ou peut-il bien être ? se demanda-t-elle, énervée. Il n'y a pourtant pas d'épreuve à l'examen aujourd'hui. Je parie qu'il est encore fourré avec cette Miyamoto. La Sorcière connaissait peu de choses de la vie personnelle et sentimentale de l'adolescent, mais elle l'avait aperçu plusieurs fois ces dernières semaines en compagnie d'une jeune fille du clan d'épéistes. Jolie, mais affreusement vulgaire. Elle savait comment étaient les jeunes à cet âge et, dans un certain coin de son esprit, enviait leur insouciance et leur goût pour les plaisirs futiles de l'existence.
Elle se leva finalement et s'approcha de la porte qui reliait le toit à son appartement. Peut-être était-il simplement endormi en bas ? Ses entraînements quotidiens devaient l'avoir épuisé, il était bien possible que son corps ait lâché. Quand elle essaya de tourner la poignée, elle se heurta à une résistance. La porte était verrouillée de l'intérieur, à son grand damne. Ni une, ni deux, la vieillard saisit le gros morceau de bois à gauche et à droite et, en forçant un peu, la sortit de ses gonds dans un "clic" libérateur. Elle adossa la porte sur sa droite contre un arbuste au tronc solide et pénétra dans l'antre du prépubère. Elle se retourna pour constater les dégâts. Le mécanisme de verrou était pété, mais elle remit tout de même la porte comme elle était dans l'espoir qu'il ne s'en rendrait pas compte.
La Sorcière descendit les escaliers qui la menèrent vers un véritable temple dédié à la mort. En voyant les dizaines d'autels bâtis en honneur des victimes du Genin – qu'elle avait déjà vus auparavant – elle se dit que son laboratoire n'était finalement peut-être pas l'endroit le plus glauque du village. Elle reconnut d'abord une prière adressée à la femme-grenouille et, près de la chambre du garçon, un temple miniature qui n'était pas là la dernière fois qu'elle lui avait rendu visite. Un dessin semblait y être gravé : celui de l'arachnide, produit miraculeux de Fusuke, qu'elle avait littéralement étripée dans l'atelier clandestin de son ancien collègue. Elle l'observa avec le sourire, puis s'en détourna pour rejoindre le salon, où elle attendrait patiemment le retour du garçon.
Comme toujours, elle avait emmené avec elle de la lecture. Elle sortit un ouvrage ancien de sa sacoche, sur la couverture duquel on pouvait distinguer, écrit en italique, le titre suivant : "Les substances toxiques en médecine : Tome II". Elle n'en put lire qu'une seule page avant que l'on toque à la porte d'entrée. Etrange, pourquoi Sanada frapperait-il à sa propre porte ?
La femme-enfant, interloquée, s'y rendit, défit le verrou et ouvrit. Devant elle se tenaient trois hommes, un grand et fin inconnu et deux shinobi du village, sans doute présents pour accompagner le premier. Elle ne comprenait pas réellement ce qu'ils pouvaient bien vouloir à un Genin, mais elle ne s'en inquiéta pas outre mesure. Elle allait leur répondre de partir et que le libraire n'était pas là actuellement, mais c'était sans compter sur l'attitude désolante de l'inconnu. Bien que la Sorcière appréciait d'ordinaire que l'on s'agenouille devant elle, elle avait plus de mal avec la petite tape sur la tête et le sourire imbécile. Elle avait l'habitude qu'on la prenne pour un enfant, mais alors là… Elle, la fille de Sanada ? Elle aurait sans doute ri si elle n'avait pas déjà agrippé sa main violemment et ne l'avait pas encore fusillé du regard. En un instant, la zone sembla se remplir d'une aura détestable, guerrière, meurtrière. Les deux Uzujin derrière l'étranger étaient pétrifiés de peur et cherchaient du regard la moindre porte de sortie.
- Sanada n'est pas là. Sa fille non plus, je l'ai tuée pour prendre contrôle de son corps. Une blague de très mauvais goût pour qui connaissait sa véritable histoire et la raison de son apparence enfantine. Je suis Omura Mifuyu, sa sensei. Vous êtes ?
Technique utilisée :
KANASHIBARI 【PARALYSIE TEMPORAIRE】
DOMAINE :
Ninjutsu
RANG :
C
PORTÉE :
Faible
CHAMP D'ACTION :
Faible
DESCRIPTION :
L'utilisateur émet une puissante vague de chakra chargée d'intentions meurtrières aux alentours, paralysant de peur les cibles dans l'aire d'effet pour un round. Cette technique d'immobilisation ne fonctionne que contre des ninjas de rang inférieur à celui de l'utilisateur ou des animaux. On peut se défaire de la paralysie par la douleur, par l'usage de cette même technique ou en ayant une capacité spéciale telle que Volonté inébranlable.
Peu de personnes étaient capable d'effacer de ton visage ton éternel sourire. Surtout pas dans moments d'oisiveté comme c'était le cas actuellement. Pourtant, en un éclair d'énergie spirituelle qui perturba un court instant tes connexions synaptiques, te fit te relever puis reculer de plusieurs pas, cette gamine venait de réussir ce tour de force. Derrière toi, tes deux accompagnants étaient quant à eux en proies à quelques suées névrotiques. Tu voyais très bien de quoi il s'agissait. Une technique ninja que tu connaissais très bien pour en user toi-même à l'occasion. Mais jamais dans de telles circonstances. Si ton niveau n'avait pas été ce qu'il était, tu aurais à coup sûr fini comme les deux uzujins. Pour bien faire les choses, la fillette ponctua son action d'une petite phrase acerbe. Réalité ou trait d'humour pince sans rire? Si tu n'avais pas gaillardement consommé de ton herbe sur le trajet te menant jusqu'ici, sans doute ton hyperactivité irréfléchie aurait-elle opté pour la première hypothèse. Mais la sauge insufflant à ton cerveau les effets pour lesquels elle était requise dans ton cas, tu pris en compte le second degré, aussi morbide et personnel soit-il. La petite avait du caractère! Mais qui pouvait-elle bien être réellement pour mettre aussi facilement à mal deux de ses concitoyens à un si jeune âge. Uzushio possédait donc ses propres génies. La réponse ne tarda pas à arriver, sous la forme d'une bénédiction qui figea un nouveau sourire béat sur ton visage.
Mifuyu. Omura Mifuyu! Le regard brillant et mu par la volonté de ne créer ici aucun incident diplomatique en houspillant une gamine un peu trop agressive à ton goût, tu sautillas frénétiquement jusqu'à elle avant de te remettre à sa hauteur et de caler ta figure enjouée face à la sienne.
-Ah ah ah...t'as un sacré humour toi pour une gamine...enchanté petite...poursuivis-tu en lui tendant une main amicale...Nara Shika...je viens de faire un long chemin et je dois dire que je ne m'attendais pas à un tel accueil de la part de la cité des tourbillons...
Si l'annonce de ton statut de chef au sein du clan des manipulateurs d'ombre aurait peut-être aidé à atténuer les instincts apparemment belliqueux de ton interlocutrice, n'aurait-ce été que pour assurer une relation politique saine entre le village et le clan des forêts, tu avais déjà pu remarquer qu'un tel titre ouvertement affiché avait tendance à biaiser les relations naturelles entre les gens. Et cela ne te convenait pas. Tu continuas donc ainsi, les zygomatiques toujours aussi étirées.
-Omura comme dans clan Omura? Omura comme dans co-fondateur du village d'Uzushio? Omura comme dans médecins de génies? Omura comme dans tu voudrais pas me faire visiter votre domaine? Je suis un grand fan...enfin c'était surtout mon amie d'enfance qui vous trouvait géniaux à la base, mais depuis qu'elle m'a converti à la médecine, je dois dire que j'ai toujours rêvé de pouvoir admirer vos installations, votre savoir faire...il paraît qu'il n'y a pas mieux dans le monde shinobi...j'accepte toute surveillance rapprochée bien sûr...et tu peux me présenter à tes parents hein, histoire que vous ayez une garantie de ma bonne foi...à moins que tu les ais tué eux aussi pour en faire de futurs réceptacles...ah ah ah ah...tentas-tu finalement avec témérité, pour t'accorder au mieux avec son style d'humour.
Ton flux vocal était inarrêtable et ton engouement à peine freiné par les interrogations que suscitaient cette étrange fillette. Elle était la senseï de Sanada. A son âge? Comment était-ce possible? Quel niveau possédait-elle réellement? Et lui, dans quoi s'était-il encore fourré?
-T'es sûre que mon perliculteur préféré n'est pas là? Tu lui as rien fait à lui au moins? T'as pas idée d'où il peut être? Vous en êtes où de cet examen chuunin, parce que je compte bien assister aux un contre un finaux pour supporter Sanada-kun...ah la la, si tu veux je te raconterais nos aventures sur les îles à lui et moi...c'était hors du temps...jetant un coup d’œil par-dessus l'épaule de Mifuyu...ça à l'air cosy chez-lui dis-donc...tu fais quoi ici d'ailleurs? T'es là pour maintenir un semblant d'ordre dans cette maison? En même temps je comprends, un garçon de son âge vivant seul chez lui, ça doit pas être optimal d'un point de vu sanitaire...enfin, je dis ça, mais il a peut-être rencontré une charmante uzujin...tournant la tête et désignant de l'index les deux corps toujours tremblotants de ton escorte...et les deux là, tu comptes les laisser dans cet état longtemps? Enfin je veux dire, c'est quand même des camarades à toi...en tout cas, à ton âge je préférais faire les quatre-cent coups plutôt que qu'apprendre à maîtriser des techniques de ce niveau...tiens d'ailleurs, quel âge as-tu exactement?
Tout en restant sur tes gardes au cas où des idées peu amicales soient venu à l'esprit de ton interlocutrice, tu attendis impatiemment, des étoiles plein les yeux, qu'elle accepte ou non de te guider dans les méandres du clan Omura.
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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La vague néfaste déferla sur les trois hommes et seul un d'entre eux resta de marbre. L'étranger tint bon, bien qu'interloqué, tandis que ses deux accompagnants s'étaient laissés figer sous le poids des intentions meurtrières de la femme-enfant. Le petit Sanada connaît des gens puissants, pensa-t-elle en constatant que l'inconnu était toujours capable de se mouvoir sans problème. Cela signifiait bien une chose : s'il n'avait pas une puissance comparable à la sienne - en effet, la Sorcière s'était élevée au-delà du niveau des autres hommes - il était toutefois un combattant aguerri. Elle devint alors méfiante. Que lui cachait donc son élève ?
Un semblant de réponse lui vint rapidement. Nara Shika... Elle ne le connaissait pas, mais reconnaissait évidemment son patronyme. Elle n'avait pas eu beaucoup d'occasions de rencontrer ces habitants de la forêt, pour lesquels elle portait néanmoins un certain respect. Ils étaient un peuple rusé, intelligent et puissant. Dans un certain sens, ils se rapprochaient des Omura et, en réfléchissant bien, se mémoire quasi-éternelle était privée de tout souvenir d'un quelconque incident qui aurait pu les opposer. Si elle ne ressentit donc pas d'animosité à l'annonce de l'identité de l'homme, elle recula en revanche d'un pas, craintive d'un quelque mauvais tour ou manipulation qu'il pourrait essayer de mener sur elle. Il était visiblement quelqu'un d'important, sa puissance avait été prouvée précédemment et peu d'inconnus étaient accompagnés de deux gardes du village à moins de représenter un potentiel danger ou d'être une personnalité influente.
Elle ne répondit à sa main tendue que par un regard froid et méfiant. Elle faillit lui faire remarquer son erreur concernant son âge mais jugea qu'il était préférable de maintenir la méprise en attendant de savoir la raison qui l'avait amené jusqu'ici. S'en suivit un déferlement de paroles qui lui fit amèrement regretté de s'être tu. Le Nara, une fois lancé, semblait inarrêtable : voilà qui était bien contraire à l'image qu'elle s'était faite de sa famille ! Ses mots se voulaient élogieux envers le clan des médecins, toutefois le ton immature en s'adressant à celle qu’il pensait être une enfant était particulièrement énervant. Un instant, quand elle crut qu'il avait fini de parler, la doyenne entreprit de l'interrompre pour rectifier sa première mauvaise impression, mais l'homme repartit de plus belle dans une nouvelle tirade à rallonge à laquelle elle ne pouvait rien.
Elle n’en écouta d’ailleurs pas même la moitié. Elle sentait que, si elle le laissait parler trop longtemps, un violent mal de tête finirait par se déclarer. Elle n’était plus toute jeune, elle ne devrait pas avoir à subir un tel assaut verbal. Alors, quand il eut enfin terminé, elle prit une profonde inspiration, se replaça les cheveux puis s’efforça de paraître aussi agréable que possible malgré sa fatigue. Après tout, le Nara restait un invité du village qu’il fallait traiter avec une certaine déférence.
- Omura comme une femme de 87 ans qui n’en paraît que 13, commença-t-elle, répondant d’abord à la dernière question qui lui avait été posée. J’apprécierais d’ailleurs que vous vous adressiez à moi avec le respect qui incombe à une aînée. Elle éluda ensuite toute information concernant son élève et se raccrocha à l’aspect de la conversation qu’elle maîtrisait le mieux, à savoir la mention de son art. Vous pratiquez donc la médecine, vous aussi ? J’ignorais qu’il s’agissait d’une discipline répandue dans votre famille.
Puisqu’elle souhaitait également en savoir plus sur le garçon, et notamment sa connexion avec Sanada, elle céda à sa requête. Si elle était celle qui lui faisait visiter le domaine Omura, elle aurait au moins l'avantage de lui montrer l’aspect du clan de son choix. Elle pourrait alors l’emmener directement à la DAPHU, qui était de loin le haut lieu de l’activité Omura. Elle lui offrit un sourire visiblement faux mais cordial, et l’invita à la suivre.
- Venez avec moi. C’est un plaisir de faire découvrir notre domaine à un membre de votre famille. Elle se tourna vers les deux gardes qui étaient toujours pétrifiés de peur et dont le visage était recouvert de sueur épaisse. Je prends le relais. Vous pouvez rentrer, dit-elle en relâchant par la même occasion la tension qui les avait maintenus dans cet état. Les deux hommes s’inclinèrent puis tentèrent en vain d’exprimer un remerciement maladroit avant de se retirer, laissant le Nara seul avec l’infâme progressiste.
Mifuyu contourna le cerf et ferma la porte derrière elle, préservant ainsi l'étrange lubie de son élève du regard d'un étranger au village. Que penserait un œil extérieur de ces dizaines d'autels morbides érigés à l'effigie de créatures tantôt humaines, tantôt bestiales ?
Elle marcha ensuite sur quelques mètres devant Shika avant de lui faire signe de la rejoindre. Déjà, en son esprit, elle avait commencé à planifier le plan de la visite. Ils commenceraient par longer l'allée principale autour de laquelle avaient été bâtis les commerces essentiels au maintien du clan. On y trouvait par exemple un apothicaire dont les produits détonnaient ce qu'on avait l'habitude de voir dans le Sekai. Y étaient vendus notamment de véritables "médicaments", sous la forme de mélanges d'herbes médicinales parfois liquides, parfois contenues dans de petites capsules solides que les membres du clan commençaient à appeler naïvement "gélules".
Plus loin, se trouvait un vendeur de matériel médical personnel, dont la devanture était inondée de blouses blanches immaculées, qui se différenciaient uniquement par leurs formes et coupes supposément adaptées à toutes les silhouettes. On pouvait justement y reconnaître la tenue que portait la Sorcière, qui ne quittait jamais l'emblème de son clan. A côté se trouvait un petit bâtiment de bois qui servait d'école aux plus jeunes, où ils suivaient des cours de médecine en parallèle aux enseignements de l'académie. En fin de semaine, les adultes s'y réunissaient pour échanger leurs connaissances et commenter les nouvelles recherches médicales qui s'étaient illustrées. On avait d'ailleurs demander à Mifuyu de venir y partager son savoir à de nombreuses reprises, mais elle s'y était toujours refusée. Enfin, entre l'école et l'apothicaire était fièrement dressée chez Saiko, la boucherie Omura, dont les viandes luxueuses et parfaitement tranchées régalaient les papilles de tous les villageois. Inconsciemment, elle y chercha le jeune Heishi du regard – sans doute simplement pour admirer une fois de plus sa beauté hors normes – mais ne le trouva guère. Elle se tourna alors vers le Nara.
- Ici, vous êtes au cœur de l'activité du clan. Elle lui présenta brièvement chacun des bâtiments décrits plus tôt. Il y a aussi l'hôpital, bien sûr, mais il ne se trouve pas dans le domaine. Il manquait évidemment la DAPHU, qui se trouvait plus loin, à la bordure avec le cœur du village, où elle l'emmènerait un peu plus tard. Si vous voulez parler médecine, c'est là-bas qu'il faut aller, dit-elle en pointant l'école du doigt. Dites-moi, que voulez-vous à Sanada ?
La gamine te fit sourire lorsqu'elle remit en place une mèche de cheveux à la manière d'une dame, avant qu'enfin tu lui laisses la possibilité de s'exprimer. D'abord distrait et plus attiré par son attitude générale que par ses paroles, la première information mit un certains temps à monter jusqu'au cerveau.
-Omura comme une femme de 87 ans qui n’en paraît que 13. J’apprécierais d’ailleurs que vous vous adressiez à moi avec le respect qui incombe à une aînée.
-Hein????
Tu ne pus retenir un cri de surprise. Quatre...Vingt...Sept...Machinalement, tu déplias et replias plusieurs fois les doigts. Comptas, puis recomptas. Dans cette action toujours incompréhensible dans ce genre de situation. Celle d'utiliser tout ce qui passe sous la main pour tenter de quantifier de manière totalement superflue ce qui paraît improbable, voire impossible. Comme pour s'assurer que c'est bien réel. Ton cerveau de Nara, bien aidé par ton herbe divinatoire, se mit à actionner tous les rouages de ta réflexion. Tu envisageas plusieurs possibilités. Première hypothèse, en plus d'un humour toujours aussi suspicieux elle te prenait à présent clairement pour un abruti en agitant sa frimousse juvénile devant tes yeux, tout en débitant ces conneries. Seconde hypothèse, elle souhaitait participer avec toi à un jeu de rôle dans lequel elle serait une vieille dame du monde et toi son domestique ou toute autre personne. Troisième hypothèse, elle était beaucoup plus humble que ce qu'avait laissé supposer le premier contact et souhaitait se donner des allures de vieille dame pour cacher au mieux son génie de petite fille précoce. Quatrième hypothèse, elle disait vrai et était finalement un vieille femme. Ce qui, soit dit en passant, permettait d'expliquer beaucoup de choses, comme le fait qu'elle enseigne au Masamune, ou qu'elle semble aussi sûre d'elle. Enfin, cinquième hypothèse, qui n'était d'ailleurs pas incompatible avec la quatrième, elle avait réellement tué la fille de Sanada pour prendre son corps. Tu déglutis.
En classe, les anciens du clan vous avaient pas mal parlé des Omura quand tu étais môme. Plus particulièrement en cours d'''histoire et connaissance des clans''. Et le chapitre dédié aux Omura s'étirait sur plusieurs pages de votre manuel, tenant en bonne place à côté de ceux consacrés aux Uchiha, Uzumaki et autres Serika. S'il n'y avait eu que cela, tu aurais sans doute totalement oublié le contenu de ces cours. Mais voilà, il y avait Mayä. Ton amie disparue, passionnée par la médecine ninja passait une bonne partie de votre temps commun à te rabâcher tout le bien qu'elle pensait de ce clan de médecins, bien que cette admiration soit partagée par le dégoût de certaines de leurs pratiques. En effet, de mémoire, si leurs qualités médicales étaient indéniablement les plus abouties du sekaï, certains d'entre eux faisaient preuve d'une étique plus que douteuse. Les bouquins faisaient notamment mention de manipulations génétiques en tous genres ou encore de greffes considérées comme étant de mauvais goût par vos professeurs. Au regard de tout ceci, il n'était donc pas impossible que cette Mifuyu dise la vérité, bien que tes vagues souvenirs te rappelaient également que les déviants du clan avaient finis par rentrer dans le rang à la création du village, leurs pratiques correspondant peu à l'image que souhaitait véhiculer le Kage. Dans le doute et pour éviter de froisser Mifuyu par un débat moralisateur que tu ne te sentais de toute manière pas d'engager maintenant, tu préféras garder en tête l'attrait médical que suscitait une telle rencontre et rentrer dans son jeu. Te courbant légèrement, un bras sur le ventre et un rictus au coin des lèvres, tu lui fis une révérence digne de la noblesse la plus mondaine de ce monde. Sans vraiment savoir pourquoi, tu ajoutas même un accent parfaitement débile à ta panoplie.
-Madaaame....veuillez me pardonneer pour cette mépriise...pour toi-même bien qu'elle put entendre si elle était attentive...si s'en est vraiment une...de nouveau pour ton interlocutrice...beaucououp possèèdent des notions médicaales dans ma famiille, mais en effeet, comme vous l'aveez si justement fait remarqueer, peu maîtriiisent réellement cet art...comme j'ai puu vous le soumeettre précédemment, mon amiiie d'enfaaance, malheureusement disparuuue, faisaiit parti des érudiits du clan dans ce domaiine...elle avait dans l'idée de sauver touout le monde...et en sa mémoire, je me suiiis à mon touour promiis de devenir un maîître...j'en suis bien sûûr encore loin, mais j'avance bien...
Tu ne savais pas si ta prestation l'avait convaincu, mais tout en s'adoucissant de manière toute relative, elle accepta finalement de t'accompagner pour un tour du propriétaire, profitant de cela pour congédier tes gardes du corps, apparemment pas mécontent de s'éloigner de cette fille. L'engouement généré par l'acceptation de la requête te fit perdre le fil de ton jeu d'acteur. Le regard brillant, tu trépignas sur place pour montrer, si besoin en était, ta hâte d'y être.
-Hum...hum..veuillez me pardonner madaame cette joie peut-être un poil trop démonstrative pour vos yeux et vos oreilles...
A ta grande déception, elle coupa court à ta curiosité de découvrir un peu plus l'intérieur de la maison Masamune et referma la porte pour t'entraîner à sa suite vers le domaine Omura.
Oubliant complètement le rôle que tu t'étais attribué, c'est avec un émerveillement non dissimulé que tu parcourus les allées du marché Omura. Des plantes médicinales à foison. Des mélanges que tu n'avais jamais eu l'occasion de tester malgré la pharmacopée déjà bien étoffée du clan Nara, principalement issue des plantes des forêts alentours. Ici les paysages était différents. La flore aussi. Ce qui donnait donc forcément des concoctions qui différaient de celles que tu connaissais. La variété de celles-ci semblaient faire la fierté des apothicaires qui les vendaient. Ceux-ci ne se génèrent d'ailleurs pas pour t'alpaguer et tenter de te vendre quelques-unes de leurs préparations, flairant sûrement le bon coup commercial en contemplant ton attitude.
Idem pour le matériel chirurgical. Il y avait là des outils que tu n'avais jamais vu, comme des scalpels recourbés, pour pouvoir contourner les artères sans risque de les entailler t'avait expliqué le spécialiste. Ou encore cet étrange appareil composé d'une rondelle métallique, attachée au bout d'un câble se scindant en deux à la moitié et relié à deux appendices qui se plaçaient dans les oreilles. Cet instrument permettait apparemment de repérer les battements du cœur. Tout ici était incroyable.
Puis vint l'école, qui te rappela tes propres envies d'enseigner et enfin la boucherie près de laquelle vous marquâtes une pause. La boucherie? Le lieu dénotait un peu au milieu du reste du paysage. Un court instant un frisson remonta le long de ta colonne vertébrale en mettant en relation cette boucherie, tes connaissances et les paroles de Mifuyu. La pensée qui parcourut ton esprit était un peu flippante. Mais tu l'oublias rapidement en voyant le comportement de la jeune vieille changer sensiblement. Curieusement, elle semblait soudain un peu moins stricte, un peu plus légère que depuis le début de votre périple, alors qu'elle jetait un œil à l'intérieur de la boucherie pour y chercher quelque chose qui t'échappait. Sans filtre, comme à ton habitude, tu ne pus réprimer une petite remarque amusée.
-Ah ah ah...alors la vieille, on aime la chair fraîche? dis-tu en associant la remarque aux étals de viandes tous plus achalandés les uns que les autres...une hésitation...oups, un égarement...je voulais dire, madaame aime la viande? J'espère que c'est pas ici que vous stockez les cadavres que vous disséquez...
Ton regard se perdit au hasard, conscient qu'il valait peut-être mieux ne pas trop la titiller, bien que tu aies la plus grande difficulté à tenir ta langue. Elle t'indiqua l'école comme premier lieu à visiter. Tu acquiesças d'un mouvement de tête significatif.
-Je vous suis...
Contrairement à tes propres habitudes, la fille était plutôt taciturne, mais elle profita du trajet jusqu'à l'établissement scolaire pour te questionner sur Sanada, avec un brin de possessivité dans la voix. Du moins c'est comme cela que interprétas son ton et la tournure de sa phrase.
-Qu'est ce que je lui veux? Si je te réponds...ah merde...j'ai vraiment du mal avec toutes ces convenances...si je vous réponds que je viens essayer de le soustraire à son senseï actuel, vous aller essayer de m'égorger? Non, non, ne vous inquiétez pas, il ne s'agit pas de cela...j'ai connu Sanada il y a environs cinq ans...sur Shima-biizo une petite île au sud d'Uzushio...son île natale en fait, mais je suppose que vous le savez déjà si vous êtes son enseignante...la pêche à la perle vous connaissez? C'est une course qui était organisée tous les ans à l'époque...nous y avons participé ensemble alors que j'étais de passage là-bas pour quelques repos bien mérités...
Tu hésitas un instant à lui raconter les conséquences de cette virée, puis décida finalement d'aller plus loin sans toutefois trop en déballer.
-Je dis ''était organisé'', car l'édition à laquelle nous avons participé fut la dernière après que nous ayons découvert qu'il s'agissait en fait d'une vaste fumisterie...avec un objectif non officiel bien différent de ce qu'il paraissait...c'est cette fois là qu'il a pour la première fois découvert qu'il pouvait maîtriser son chakra...bref, c'est devenu un bon ami et je ne l'ai pas revu depuis...je profite donc de l'ouverture de votre village pour venir le saluer et l'encourager par la même occasion...et vous, en plus de vos capacités médicales, vous maîtrisez donc les courroux célestes puisque vous êtes sa professeure?
Peu de chance qu'elle réponde à ça, mais la question était venue naturellement, dans la continuité de ta tirade explicative.
Elle poussa les portes de l'école, un long couloir se présentant devant vous. Tout du long, de chaque côté, tu pouvais voir des casiers parfaitement organisés, chacun portant le nom de celui à qui il appartenait. Au milieu du couloir, tu marquas une pause. Bien que toujours dans le doute sur la véracité ou non de son état de vieille juvénile, ou de gamine sénile, une question te taraudait depuis un moment. Une question qui te permettrait d'éclaircir une bonne fois pour toute cette interrogation. Du moins si elle y répondait.
-Si vous avez effectivement l'âge que vous m'avez donné, comment se fait-il que votre apparence soit celle d'une enfant? Une maladie génétique? Ce serait quand même un comble pour une Omura...Ou alors votre clan a réussi a créer des crèmes plus efficaces que prévues? Si c'est le cas, faut m'en filer quelques-unes hein, ah ah ah...ou bien...
Tu laissas en suspend la fin de ta phrase, craignant l'incident diplomatique si tu lui demandais frontalement si les légendes inhérentes à son clan étaient réelles.
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Mifuyu, plus exaspérée que jamais, écoutait les paroles en apparence respectueuses et soignées du Nara. Pour une raison qui lui restait encore inconnue, il la fatiguait grandement. La vieillarde n'avait normalement plus de temps à consacrer à ce genre de personnes – et par ce genre de personne, elle voulait dire les personnes stupides – mais elle se disait que, puisqu'il était un Nara, il devait tout de même avoir des ressources cachées, ou alors ce type était la plus grosse fraude jamais perpétrée par le clan aux cerfs. Elle avait la sensation qu'il se moquait ouvertement d'elle avec ses manières exagérées et déplacées et n'attendait que la parole de trop pour le lui faire savoir. Déjà qu'elle acceptait de lui faire visiter son domaine, il pourrait au moins se faire discret. Car avec un comportement comme celui-ci, il y avait fort à parier qu'il n'aurait pas des problèmes qu'avec elle, puisque l'ensemble de la grande famille médecin était généralement calme, renfermée et peu enclin à l'amusement inutile. Ils sauvaient des vies, pardi.
Elle ne lui répondit donc pas et ne chercha pas à en apprendre plus sur la pratique de la médecine dans son clan. C'était pénible, mais il fallait s'accrocher. Si elle s'esquivait maintenant, cela serait extrêmement mal vu et elle donnerait une bien piètre image de son clan à un étranger. Qu'il ne l'aime pas, elle s'en moquait éperdument, mais elle voulait préserver la bonne réputation des Omura.
Pendant la visite, l'homme s'arrêtait à toutes les boutiques pour contempler les produits proposés par le clan. Chaque vendeur, voyant en lui un touriste un peu trop enthousiaste, l'alpaguait en lui proposant des objets à prix "cassés", alors même qu'ils élevaient le prix au moins du double afin de s'offrir une marge de marchandage. La doyenne riait de bon cœur de cette situation, mais n'en toucha mot à son accompagnant. S'il souhaitait participer à l'économie du clan, elle le laisserait faire avec plaisir ! Vu le sourire stupide qui était tout le temps fiché sur son visage, elle se dit qu'il serait cruel de lui ôter la magie de la découverte et de l'innocence.
Quand ils passèrent devant la boucherie et que l'ancêtre y chercha Heishi du regard, elle se retourna avec colère vers le garçon qui venait de faire une remarque hautement inattendue. Son regard se voulait dur, froid et accusateur. On aurait dit qu'elle cherchait à le pétrifier sur place. "Madame aime la viande, on peut dire ça, oui." Une phrase pleine de double sens mais qui pouvait savoir de quoi elle parlait réellement ? Parlait-elle d'une bonne pièce de gigot à déguster un soir de fête, de ses expériences chirurgicales sur des cadavres frais ou encore faisait-elle référence à son obsession récente pour le jeune fils du boucher ? Elle-même l'ignorait probablement. "Quant aux cadavres… depuis la fille de Sanada, j'en ai pas vu passer beaucoup. Haha." Quitte à supporter cette pénible rencontre, autant y ajouter un peu d'amusement. Jusqu'où pourrait-elle le mettre mal à l'aise ? Arriverait-elle à lui faire gober qu'elle habitait le corps de la fille d'un adolescent d'à peine dix-huit ans ?
Comme elle le lui avait proposé, les deux prirent la direction de l'école qui, aujourd'hui, comme toutes les fins de semaines, devait être occupée par des adolescents ou des adultes. Les enfants étudiaient là en semaine pour s'offrir une éducation solide dès le plus jeune âge, puis, les autres jours, le lieu devenait un centre de formation pour les plus grands ayant déjà des connaissances de l'iroujutsu. On n'y enseignait jamais les arcanes Omura, évidemment. Si un jeune voulait développer ces compétences, il devait directement approcher un adulte qui accepterait de les lui dévoiler. Cela se faisait dans le secret car ce genre de pratiques étaient désormais mal vu. C'était, si vous demandiez l'avis de la Sorcière, le comble de l'ironie. Personne n'ignorait que ces techniques étaient encore utilisées, mais personne n'avouait les avoir apprises ou enseignées. Elle, au moins, ne se cachait pas.
Elle l'écouta, pour une fois avec intéressement, lui faire le récit de ses aventures passées avec son élève. Etrangement, quand il s'agissait de Sanada, le monde ne lui paraissait plus si fade et sans éclats. Elle faisait l'effort de s'intéresser, de suivre sa progression. Elle se dit même qu'elle pourrait lui faire une petite surprise en lui parlant de la pêche à la perle pendant un entraînement. Que lui arrivait-il ?
- Hm ? Le pouvoir des cieux, très peu pour moi, non. Je me contente de l'encadrer et de nettoyer ses brûlures quand l'idiot se fait toucher par un de ses propres éclairs, dit-elle simplement. C'était faux, mais au moins c'était crédible. Elle n'allait quand même pas révéler à un étranger qu'elle était en réalité en train de fonder une armée mi-homme mi-bête avec Sanada comme représentant ? Tout ça pour renverser son clan en prenant le risque de déclencher une guerre civile au sein même du village des tourbillons ? Non, ce ne serait vraiment pas correct. Il fallait bien garder un peu de pudeur…
Ils s'engouffrèrent enfin dans le long couloir principal de l'école. Elle savait où elle le mènerait d'abord. Dans une salle à l'étage étaient exposés certaines distinctions et souvenirs de guerre qui avaient été confiés au clan Omura en remerciement pour leurs services prodigués durant le terrible conflit interclanique qui marqua le précédent siècle.
- Je vais vous révéler mon secret, puisque cela vous taraude tant. La vérité, c'est que je n'ai pas tué la fille de Sanada, ni ne me suis-je accaparé son corps. Je suis simplement une grande nostalgique de la période de l'enfance, vous me comprenez ?
Elle n'en dit pas plus. S'il se renseignait autour de lui, il apprendrait que la version officielle racontait que Mifuyu, en tant que parfaite maîtresse de son corps, était parvenue à développer une technique de transformation parfaitement aboutie, qu'elle maintenait sur elle en permanence dans un effort constant de déni de sa vieillesse. Dans un certain sens, ce n'était pas complètement faux, mais simplement une version édulcorée de la réalité.
Bientôt, le duo pénétra dans la petite pièce près de l'escalier dans laquelle était disposée une énorme vitrine. Derrière, on pouvait discerner des salles de classes, dont un léger brouhaha sortait malgré les portes fermées. Assurément, ils n'étaient pas seuls ici. Sur l'étagère, on pouvait retrouver des vêtements ensanglantés ayant appartenu à de grands ninja morts pendant la guerre. On distinguait également des armes, des médailles militaires et des parchemins écrits par des dirigeants de grands clans alliés, remerciant le clan pour leur aide pendant une période donnée. La vieillarde resta quelques secondes devant un foulard brun déchiré et taché de boue, à côté duquel une étiquette renseignait : "Omura Onshi (-74 ; -24)." Elle masqua du mieux qu'elle put son émotion devant l'objet qui avait appartenu à son défunt mari et, à la place, montra du doigt à Shika une vieille photo sur laquelle on voyait une femme brune, d'une cinquantaine d'années, assise en face d'un vieil homme chenu. On pouvait lire l'explication suivante : "Omura Mifuyu et Uzumaki Ren négociant la paix, photographie prise par Omura Kito en -14."
- Regardez donc ça… Pour tout vous dire, ce Ren était un sale type et je n'avais aucune intention de négocier quoique ce soit avec les Uzumaki, à l'époque… mais bon, les ordres venaient d'en haut. J'aurais aimé pouvoir vous présenter une photo avec un membre de votre clan, mais, malheureusement, je n'ai eu que peu d'occasions de parlementer avec eux. D'ailleurs, comment ça s'est fini, la guerre, pour votre famille ?
Quelques minutes plus tard, la porte d'une des salles de classe s'ouvrit et en sortit une ravissante femme d'une trentaine d'années. Il s'agissait d'Omura Akane, qui servait plus ou moins officiellement de bras droit à Leiko. Elle était l'archétype de l'Omura parfaite : experte en Iroujutsu, était dévouée corps et âme à son travail à l'hôpital et à l'éducation des enfants. Jamais on ne l'avait vue traîner dans quoi que ce soit de louche. Et, ce que la doyenne haïssait encore plus, elle avait toujours ce fichu sourire hypocrite.
- Mifuyu, c'est vous ? C'est rare de vous voir ici. Et qui est votre invité ? Vous ne voulez pas vous joindre à nous ? Ryôgi allait justement nous expliquer comment il avait failli s'évanouir en extrayant du poison des poumons d'un patient hier soir ! C'est un véritable héros !
Foutue clan parfait… Quelle image mièvre et désolante donnaient-ils de l'illustre famille Omura ?
Une intervention apparemment mal perçue engendra un regard assassin dans ta direction. La réponse qui suivit cingla d'ailleurs avec autant de sévérité que le reste de l'attitude, le tout saupoudré d'une dose de cet humour si particulier. Alors que tu commençais à te faire à l'idée que ton interlocutrice était juste une vieille femme s'accommodant d'un corps d'enfant pour une raison tout à fait naturelle, elle réinstalla le doute dans ton esprit en remettant sur le tapis la fille de Sanada. En effet, bien qu'après réflexion, cet état de fait te parut hautement improbable, tu avais assisté à tellement de bizarreries au cours de tes voyages que plus rien ne t'étonnait dans ce monde. Les Omura eux-mêmes n'étaient-ils pas des maîtres généticiens? Alors qui savait, peut être Sanada avait-il bien une fille malgré son apparence juvénile. Peut-être même cette fille était elle la création d'un quelconque docteur Fusukenstein. Une création ayant pour but principal de servir de réceptacle à une vieille femme en mal des sensations fortes que ne peuvent plus procurer un corps usé par le temps. Tout s'embrouilla dans ton esprit et d'un mouvement de tête, tu balayas cette idée qui t'était désagréable. Heureusement, la remarque suivante te rappela à plus de légèreté et tu éclatas d'un rire franc en écoutant le rôle que Mifuyu s'attribuait dans l'éducation du garçon.
-Ah ah ah ah...ça ne m'étonne pas de lui ça...toujours le don de se mettre dans des situations pas possibles à ce que je vois...surenchéris-tu sans même te poser la question de la véracité ou non du propos.
Enfin, vous franchissiez les portes de l'école. La visite pouvait débuter. Les Omura sans doute conscients que la médecine impliquait le plus grand soin tant dans l'hygiène que dans l'arrangement des choses, le lieu jouissait d'une organisation apparemment sans failles. En avançant dans le couloir principal, juste après les casiers nominatifs, on trouvait quelques lourdes armoires en fer, scellées par des parchemins qui les rendaient inaccessibles à moins de connaître la formule adéquate pour dissiper les sceaux. Sur les étagères composant ces armoires, on pouvait apprécier plusieurs bocaux remplis de formol, à l'intérieur desquels étaient conservées différents organes. Ici un œil de bœuf, là un cœur de poulpe, plus loin un foie de cheval. Tout était indiqué par de petites fiches collées sur le verre des récipients. Il y avait dans ces armoires plus d'organes animaliers que tu en avais vu au cours de ta vie. Sans compter les divers squelettes qui se tiraient la bourre pour dévoiler leurs plus beaux atours aux visiteurs et autres chercheurs de l'endroit. Tamisée, la lumière dégageait une lueur bleutée douce et rassurante, chaque porte de classe étant surmontée d'un néon permettant de bien distinguer les écriteaux qui y étaient placardés. Une salle de classe pour chaque branche de science enseignée. Neurologie, cardiologie, pneumologie, néphrologie, pédiatrie, génétique et bien d'autres encore. Tout en t'excusant par avance pour cet excès de curiosité, tu glissas ta tête au niveau de l'une des petites lucarnes qui permettaient d'observer l'intérieur des classes et pus constater que les équipements à disposition étaient à la pointe d'une technologie dont les anciens du clan t'avais déjà parlé au cours de leurs différentes tractations avec les Omura mais qui n'en restait pas moins bien loin de tes standards. Les tables accordées aux étudiants étaient individuelles et chacun disposait d'un ensemble d'appareillages tels que de petites plaquettes en fibres végétales servant à récolter le sang avant de l'analyser à l'aide de plusieurs verres grossissants calés les uns au dessus des autres. Ironiquement, c'est en marquant une pause devant la classe de gérontologie que Mifuyu démêla enfin le vrai du faux. Du moins, le sérieux de son attitude te fit considérer que tel était le cas.
Je vais vous révéler mon secret, puisque cela vous taraude tant. La vérité, c'est que je n'ai pas tué la fille de Sanada, ni ne me suis-je accaparé son corps. Je suis simplement une grande nostalgique de la période de l'enfance, vous me comprenez ?
Tentant toi-même au mieux d'articuler ton quotidien autour d'une certaine désinvolture juvénile afin de profiter au mieux de ce que la vie pouvait proposer de plus beau, tu comprenais bien la nostalgie toute naturelle d'une période où l'insouciance était reine. En revanche, tu n'étais pas certains de saisir le besoin de conserver un corps d'enfant pour parvenir à une telle finalité. Si bien que tu hochas timidement la tête en accompagnant le geste d'un haussement d'épaules en signe d'approbation autant que de résignation, gardant pour toi les interrogations que cela soulevait encore. Du moins pour l'instant. Après tout, il appartenait à chacun de jongler avec ses propres névroses et tu ne te permettrais jamais de juger cela, d'autant plus sans avoir une vue d'ensemble de la situation. Finalement, vous parvîntes à un escalier qui vous mena à l'étage supérieur.
En haut, d'autres salles. Mais tu n'eus pas le temps d'en faire le tour malgré les sons qui s'en échappaient, la femme t'entraînant à sa suite dans la pièce jouxtant les dernières marches. Impassible depuis votre rencontre, elle sembla pour la première fois se laisser aller à une certaine émotion lorsqu'elle te désigna divers apparats souillés ainsi que quelques photos, l'une d'entre elle confirmant d'ailleurs la véracité de ses propos précédents. Son nom y apparaissait en effet pour désigner une femme d'âge mûre, aux traits loin d'être désagréables. La paix. Uzumaki et Omura main dans la main. Et toi observant cet état de fait. Quelle ironie! Était elle au courant? Vu son âge, elle y avait participé alors peut-être. Non, sans doute pas. Bien que les Omura aient eu une place certaine sur cet échiquier, ils n'en était pas moins des pions. Comme tant d'autres. En te remémorant ces souvenirs, ton visage s'assombrit légèrement mais tu te forças à garder une contenance appropriée à l'instant en les chassant de ton esprit. Jusqu'à ce qu'elle remette les pieds dans le plat.
D'ailleurs, comment ça s'est fini, la guerre, pour votre famille?
Tu te crispas plus franchement. La guerre. Ta famille. Tu avais tendance à éviter l'association des deux ces derniers temps. Que pouvais-tu bien lui répondre? Ton statut au sein du clan t'avait donné accès à certaines informations que tu aurais préféré ne jamais connaître. A présent elles étaient ton fardeau. Les plus anciens et Towa étaient les seuls au courant à part toi. Cette dernière ayant même payé d'un sceau de silence pour que tu acceptes de lui dévoiler, eut égard à votre amitié autant qu'à son profond désir de connaître l'histoire du sekaï. Que pouvais-tu bien raconter à cette Omura? Que vos manigances combinées à celles de deux autres familles aussi joueuses que la tienne étaient directement à l'origine de la guerre des clans? Que pour de sombres querelles mêlées à de sournoises ambitions visant à devenir les maîtres de l'ombre vous aviez manipulé parmi les clans les plus puissants du monde, dont la sien? Que tout cela avait fini par déraper, entraînant pendant des années le chaos que tout le monde connaissait? Bien sûr que non. Alors oui, la guerre s'était plutôt bien terminé pour vous, bien que vous ayez eût votre lot de souffrances, mais finalement n'étaient elles pas méritées en comparaison à celles d'autres belligérants pour qui les choses auraient sans doute été bien différentes si vous et ces deux autres clans n'aviez pas tout mis en place pour en arriver à l'inéluctable. L'un de vous trois avait d'ailleurs payé cash cet affront en se faisant éradiquer, en grande partie à cause d'une situation géographique bien plus problématique que celle des Nara ou de leurs voisins et pseudo complices. C'est du moins ce que tu croyais jusqu'aux événements de Baransu.
Un malaise t'envahit. Aussi profond que la blessure générée par la connaissance de ce passé dont tu te serais bien passé en acceptant tes galons de chef. Essayant au mieux de faire bonne figure, tu te repris, bien que pour la première fois depuis le début, tu t'exprimas avec le plus grand sérieux.
-Pas mieux qu'elle n'a commencé...je crois que tout le monde a suffisamment payé pour apprécier la paix à sa juste valeur...
Tandis que tu cherchais le moyen de changer rapidement de conversation, tu fus sauvé par l'intervention d'une jeune femme aussi rayonnante qu'elle semblait emprunte d'une douceur toute maternelle. Tu ne manquas pas l'occasion en sautillant jusqu'à la nouvelle arrivante, un brin flatteur.
-Oh...je vois que chez les Omura le labeur ne fait aucune ombre à l'esthétique...mademoiselle...poursuivis-tu en t'inclinant légèrement...Nara Shika...vous me voyez flatté de faire votre connaissance...extraction de poison, voilà un jutsu bien difficile à accomplir...j'ai moi-même mis un certains temps avant de maîtriser cette technique...vous avez là des élèves redoutablement doués...ce serait un plaisir que de pouvoir observer votre manière d'enseigner...te tournant vers Mifuyu en lui octroyant un sourire dénotant avec ton attitude précédente...si toutefois mon hôte n'y voit aucun inconvénient...
Ayant besoin de laisser loin derrière toi le récent échange, tu ne laissas pas le temps de répondre à la vielle gamine et emboîtas le pas de la jeune femme. Tu te plaças au fond de la salle afin de ne déranger personne, écoutant avec attention toutes les indications données par la senseï, prénommée Akane comme l'indiquait une petite étiquette placée au niveau du cœur sur sa blouse. Ici on enseignait les poisons. Leurs variétés, leurs effets et les différents moyens de les contrer. Si certains élèves se révélaient aussi doués que tu l'avais imaginé, d'autres ne faisaient pas vraiment honneur à la réputation de leur clan. Plus d'une fois, Akane dut intervenir pour éviter une exposition prolongée à quelques poisons corrosifs qui auraient pu entraîner des conséquences dramatiques s'ils n'avaient pas été stoppés à temps. Au premier rang, une jeune fille à la blondeur éclatante et aux allures de première de la classe passait son temps la main levée, pour répondre aux différents problèmes soulevés par son enseignante. Elle semblait se désespérer lorsqu'on ne lui donnait pas la parole, soupirant largement devant les erreurs de ses camarades.
En revanche, juste devant toi, un garçon blasé qui te faisait penser à beaucoup de membres de ton clan, ne cessait de triturer la souris morte qui servait de cobaye initial, avant que les tentatives ne soient directement réalisées sur d'autres élèves. Tout en appuyant frénétiquement sur différents endroits de l'animal afin d'en faire gicler quelques gerbes de sang, il griffonnait sur un carnet plusieurs dessins de personnes aux allures inhumaines. En jetant un coup d’œil par dessus son épaule, tu pus apercevoir une femme avec six bras ainsi qu'un homme avec trois têtes, chacune des excroissances possédant quatre yeux, ceux habituels en plus d'un autre derrière la tête et un dernier sur le haut du crâne. Enfin, un autre homme disposant d'une dizaine de jambes placées de façon circulaires autour du bassin. Le reste de ses croquis, masqués par son bras, te restèrent inaccessibles. Bien qu'un peu glauque à ton goût, cette créativité n'en était pas moins intéressante. Plusieurs fois l'enseignante s'approcha de toi pour te demander si tu voulais participer à telle ou telle expérience. Tu ne te fis pas prier pour accepter, excité par l'idée de pouvoir être utile aux célèbres Omura. Un moment de pur plaisir, même si tu savais bien qu'il s'agissait ici d'Iroujutsu que tu connaissais déjà et que jamais un Omura sain d'esprit ne te donnerait accès à ses arcanes secrètes. Mais cela suffisait largement à faire ton bonheur.
C'est donc un grand sourire aux lèvres que tu pris congé en te rapprochant de Mifuyu que tu avais presque oublié dans l'euphorie générale. Plus d'une fois tu te courbas en signe de respect pour t'excuser d'avoir pris autant de temps, bien qu'au fond de toi, ce moment s'était présenté à pic pour oublier le sujet qui fâchait.
-Alors, ça vous a plu? L'interpellas-tu machinalement, comme si elle n'avait jamais eu l'occasion elle-même de participer à ce type de cours avant de te reprendre...vous même, vous avez votre propre classe? Vous enseignez quoi comme matière? Je ne sais pas si vous avez remarqué, mais au fond de la classe, il y a avait un jeune garçon, Maioko me semble t-il, qui avait l'air plus intéressé par la métamorphose humaine ou les monstres, c'est selon, que par le cours en lui-même...ces dessins étaient curieux, mais emprunt d'une certaine créativité, y a pas à dire...ah ah ah...
Tu retiras la blouse qui t'avait été prêté le temps de ta présence dans la salle, l'accrochas au crochet prévu à cet effet et sorti enfin, accompagné de Mifuyu, en même temps que retentissait la cloche signifiant la fin des cours pour aujourd'hui.
-Alors, que me proposez-vous maintenant? Tu t'arrêtas un instant...ce corps d'enfant, ne vous gêne t-il pas parfois? Il doit tout de même limiter vos capacités? Sur la photo toute à l'heure, j'ai vu une femme somme toute charmante et charpentée comme une kunoïchi de talent, sans doute plus taillée pour la vie de shinobi que ce corps de fillette?
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Mifuyu n'était pas fin psychologue, pourtant elle avait été dotée d'une intelligence légendaire qui avait fait d'elle la scientifique de génie qu'elle était aujourd'hui. C'était probablement cette même intelligence qui lui avait permis de résister à son quatre-vingt-huitième anniversaire – qu'elle s'était refusée à souhaiter, bien entendu – ainsi qu'à bon nombre d'évènements dramatiques dans son passé. Cette intelligence, aujourd'hui, lui indiquait un trouble flagrant chez son interlocuteur. Sa question, pour une raison qui lui échappait, avait créé un profond malaise en lui et, pour la première fois depuis leur rencontre, il s'était adressé avec le sérieux qu'elle avait attendu d'un Nara. Sans doute devait-il avoir perdu de précieux amis durant cette guerre, comme cela avait été le cas de tous. La Sorcière elle-même y avait vu périr son mari puis, un à un, ses trois enfants. De cette grande famille, seule cette vieillarde subsistait, la mort dans l'âme. Mais vivait-elle réellement ?
Pas vraiment, à en croire sa réaction face à l'arrivée d'Omura Akane. La petite scénette qui se joua devant elle, à savoir celle du Nara se permettant un petit dialogue de charme avec la bras droit de la dirigeante du clan, la laissa dans une profonde apathie. Elle ne montra aucun signe d'agacement et encore moins de joie : elle se contenta de suivre, à nouveau plongée dans les souvenirs de son passé. Les vingt dernières années, celles donc qui avaient suivi son opération, n'avaient été qu'un lent et douloureux rétablissement – bien qu'elle aurait bien volontiers appeler ça une agonie. Elle avait du mener une véritable lutte d'abord contre ce corps qui n'était pas le sien puis, dans un second temps, contre ce clan qui n'était plus le sien. Jusqu'à l'année dernière, en réalité, elle était restée plongée dans ce nuage de passivité et de résignation qui avait débuté avec la purge ordonnée par Leiko. Le prix de la survie de la Sorcière avait été particulièrement haut : elle fut contrainte de traquer et d'assassiner froidement ses précédents compagnons. Dire que cela l'avait laissée indemne serait une effroyable erreur. Les années suivantes, et ce malgré son rôle nouveau à la DAPHU, avaient fait d'elle un fantôme. Elle était cette forme spectrale qui s'entêtait à hanter un domaine qui ne lui correspondait plus. Si elle était finalement parvenue à remonter la pente, en particulier grâce à sa rencontre avec sa jeune et brillante disciple Hatsumomo, la vue de ces souvenirs l'avait finalement faite resombrer temporairement dans cet état de vide, de rien.
Mifuyu, donc, s'était gardée du moindre commentaire. Elle avait simplement suivi machinalement son invité jusqu'à la salle de classe où se déroulait un cours sur l'extraction de poison. Elle resta assise sur une chaise proche de la porte tout le long, comme si elle attendait la première occasion pour fuir ce lieu qui lui donnait la nausée. Elle n'observait que d'un seul œil ce qui s'y déroulait, ne cherchant plus à comprendre le monde qui l'entourait. Plusieurs fois, Akane tenta de lui faire prendre part au cours. "Nous avons la chance d'avoir parmi nous aujourd'hui une experte des poisons et de la médecine qui y est liée. Surtout, Mifuyu-sama, arrêtez-moi si je dis la moindre bêtise" disait la professeure avant de rire bêtement. La doyenne était dégoûtée par cette hypocrisie. Elle savait pertinemment ce qu'elle pensait d'elle. Elle ne lui avait jamais fait confiance et ne manquait pas de le répéter à Leiko dès qu'elle en avait l'opportunité. L'empoisonneuse refusa poliment chacune de ses requêtes et attendit que le membre du clan au cerf en eût assez.
Quand enfin ils franchirent la porte à nouveau pour quitter la salle, la dirigeante en second de la DAPHU eût l'impression de se réveiller d'un pénible cauchemar. Tout lui revint soudainement, les émotions, l'ennui, la fatigue, la colère, la vieillesse. Tout ce qu'elle ressentait habituellement laissait désormais son cerveau en état de siège, lui causant une vilaine migraine qu'elle ne put contenir qu'en se tenant fermement le crâne pendant quelques secondes.
- Je n'enseigne pas, répondit-elle enfin à la question de Shika, malgré la douleur. Mes responsabilités sont ailleurs. Je dirige les programmes de recherche de la Division d'Amélioration des Performances Humaines d'Uzushio. Je ne peux pas trop vous en dire malheureusement, ou je serais obligée de vous tuer, haha, plaisanta-t-elle. Mais était-ce vraiment une blague ? Elle se plaisait à laisser planer ce doute et jouer avec les craintes de son invité, comme elle l'avait déjà fait auparavant. En réalité, nous travaillons à améliorer la qualité des trousses médicinales que nous pouvons confier à nos ninjas. Cela facilite leurs missions, vous comprenez.
Elle éluda volontairement la remarque que l'homme avait faite sur le jeune Omura Maioko et ses dessins. A vrai dire, la chirurgienne le connaissait. Ses parents travaillaient avec elle et elle les soupçonnait de posséder des idéaux assez similaires au sien. C'était un nouveau rappel de l'hypocrisie immonde qui régnait dans son clan. "Ethique" ou "morale" étaient les seuls mots qu'ils avaient à la bouche, pourtant Mifuyu était persuadée que si vous interrogiez chacun anonymement, ce serait un discours bien différent qui émergerait…
- Justement, j'aimerais vous emmener à la DAPHU, si vous le voulez bien. Il ne faudra pas déranger les scientifiques, bien sûr, mais c'est là-bas que vous trouverez la plus forte émulation intellectuelle de tout le village. Ça devrait vous plaire.
Sans lui en laisser le choix, elle emprunta le large chemin de terre qui, passant à travers les habitations, menait à la DAPHU. Le bâtiment était étonnamment grand par rapport à tout ce qu'elle lui avait présenté jusqu'à présent. Et encore, ce n'était là que la face cachée de l'iceberg. Un vaste réseau de souterrains avait été creusé sous la Division dans lesquels étaient réalisées les expériences que l'on ne pouvait pas montrer au public et encore moins à un étranger. C'était également là-bas que se trouvait le laboratoire de Mifuyu où elle s'était tant de fois entraînée en prévision des évènements prochains.
Sur le chemin, enfin, elle répondit à la dernière question du Nara qu'elle avait jusqu'à présent ignorée. "Ce corps de fillette, comme vous dites, est le mien au même titre que celui que vous avez pu voir sur la photo. Simplement à un âge moins avancé. Et au contraire, je pense que vous seriez surpris par les facultés d'un corps enfantin. Je suis bien plus agile maintenant qu'il y a trente ans, croyez-moi. Vous voulez vérifier ?" Une proposition faite sur le ton de la plaisanterie, mais qui, dans la bouche de la guerrière éternelle, sonnait comme un danger évident. Elle serait curieuse, en réalité, de découvrir comment se battaient les Nara et plus encore de se confronter à lui, qui avait résisté sans le moindre problème à son aura meurtrière, il y a quelques heures de cela.
Mais ce serait pour une autre fois. La visite continua et Mifuyu fit entrer son invité dans son quartier général. Kiyo, à l'accueil, les salua chaleureusement. L'employé fut d'ailleurs étonné de les voir se diriger vers le grand couloir principal, celui qui donnait vers les centres de recherche officiels, là où la doyenne avait l'habitude de traverser la petite porte qui se trouvait à sa droite et qui menait vers les souterrains. Ces choses-là, un étranger au village n'avait pas le droit de les voir. A la place, elle lui fit traverser l'immense couloir dont les murs étaient d'un blanc éclatant, vides de toutes décorations. A l'entrée, ils durent passer par une salle de nettoyage afin de ne pas contaminer les éléments des laboratoires. Un par un, ils ouvrirent la porte de verre, furent nettoyés par un puissant jet de vapeur à laquelle étaient mélangés des composants chimiques, et, après avoir enfilé des protections de plastiques sur leurs souliers, leurs mains et leurs cheveux, ils purent sortir par l'autre porte qui les mena de l'autre côté du couloir.
Tous les dix ou quinze mètres, ils passaient devant une porte en métal où était écrit le nom des départements qui travaillaient derrière. Ici, il n'y avait aucune pratique dérangeante, que des projets valorisés par Uzushio qui cherchait à s'affirmer en temps que monopole du matériel médical, position qui était favorisée par l'essor commercial dont le village jouissait grâce à la Ligue Somei. La Sorcière souhaitait emmener son invité un peu plus loin, vers des programmes de recherches plus intéressants, sans jamais violer le contrat de confidentialité qui la liait à ce lieu. Ils longèrent ces mêmes murs pendant cinq longues minutes, avant qu'elle ne tourne finalement à droite dans un embranchement. Sur un panneau qui se trouvait au centre, on pouvait voir inscrit la mention suivante : "A gauche : laboratoires de recherche B1-24 / A droite : laboratoires de recherche B25-36." Après quelques mètres supplémentaires, elle tourna la poignée de la seconde porte sur la gauche, celle du laboratoire B27.
La pièce qui se découvrit, pour un scientifique en quête de découverte, était une véritable caverne aux trésors. Dedans, on entendait les chercheurs rire à gorge déployée, bien que l'atmosphère joviale se transforma en crainte au moment où la Sorcière y mit pied. Tous la regardèrent, craignant son caractère autoritaire et tempétueux. A la place, elle leur sourit et, avec son bras gauche, leur présenta son invité. "Voici Nara Shika, en visite au village pour l'examen. Il souhaite en apprendre plus sur la médecine Omura, qu'avez-vous à nous présenter ?" leur demanda-t-elle. Derrière ce ton étonnamment agréable – troublant pour ces hommes qui n'étaient que peu habitués à la voir de si bonne humeur – se cachait évidemment une menace, un défi. Ils savaient qu'ils avaient plutôt intérêt à avoir fait du bon travail pour présenter à l'homme quelque chose d'impressionnant, sans quoi ils risquaient de retourner travailler en tant que stagiaire à l'hôpital. Situation qu'aucun d'eux ne souhaitait voir arriver.
Dans les armoires, on pouvait voir toutes sortes de produits médicaux : des onguents en grandes quantités, des flacons remplis de solutions douteuses, des pommades miracles ou encore des pots contenant des fleurs médicinales séchées. Tout ce matériel, ici, servait à renforcer les effets des potions de soin vendues usuellement dans le Sekai. Sur les murs étaient accrochés d'immenses parchemins sur lesquels étaient dessinés des schémas imposants, des calculs mathématiques et des explications chimiques. Tout ce travail, s'il fallait être honnête, Mifuyu en était bien incapable.
Un des chercheurs, finalement, s'avança timidement vers Shika en tenant une boite en ferraille entre ses mains. Celle-ci était décorée de quelques fleurs peintes de violet, ainsi que d'une inscription étrange et indéchiffrable. Quand il l'ouvrit, une puissante odeur se répandit instantanément dans la pièce. Elle était douce, chaleureuse et presque sensuelle. L'ancêtre y sentait l'odeur du bourgeon qui éclot, de la vie qui se prolonge. Elle avait soudainement l'impression d'être enfermée dans un cocon de laine où aucun malheur ne pouvait jamais l'y atteindre. Ses paupières se faisaient de plus en plus lourdes, mais elle ne sentait pas la fatigue. Les quelques griffures habituelles qu'elle avait sur les doigts semblèrent se résorber seules, lui procurant une profonde sensation de plénitude. Derrière le chercheur, qui s'effaçait progressivement à sa vue, elle voyait son mari qui lui souriait.
Peut-être pour la première fois en quarante ans, une larme coula le long de sa joue.
Précision :
Ce qui se passe est en fait une technique d'Iroujutsu et de Genjutsu (elle n'existe pas réellement, aussi j'en ai pas détaillé les effets). L'idée est simplement que cette odeur soudaine nous envoûte, guérit les éventuelles blessures et nous apaise en nous faisant voir ce qui nous fait le plus plaisir ! Je te laisse libre d'y mettre fin comme tu l'entends haha
Je n'enseigne pas, répondit-elle enfin à la question de Shika, malgré la douleur. Mes responsabilités sont ailleurs. Je dirige les programmes de recherche de la Division d'Amélioration des Performances Humaines d'Uzushio. Je ne peux pas trop vous en dire malheureusement, ou je serais obligée de vous tuer, haha.
Programme de recherche de la division d'amélioration des performances humaines. C'était long, mais ça sonnait plutôt bien comme nom. La fameuse DAPHU dont Mifuyu t'avait déjà parlé un peu plus tôt. Rien que le sigle puait la classe. Même si le ton acerbe qui accompagna la fin de sa phrase te fit froid dans le dos malgré le petit sourire de façade que tu lui octroyas, tu écarquillas de grands yeux intéressés par la proposition et ne te fis pas prier pour suivre ta guide. D'autant plus que le cours qui venait de se dérouler, n'avait pas eu l'air de l'emballer plus que ça. Tout du long, elle avait traîné comme un boulet un air blasé qui curieusement, malgré l'apparente cordialité de leur relation, dénotait une certaine défiance de l'ancêtre à l'égard d'Akane Omura. Si ce n'était du rejet, cela ressemblait au moins à de la rivalité. Peut être celle, inhérente à la famille Omura, que les anciens Nara narraient de temps en temps aux plus jeunes. Faisant rapidement fi de ces considérations qui après tout ne te regardaient pas, tu emboîtas donc le pas de la vieille jeune qui ne tarda pas à te vanter les bienfaits de ce corps d'enfants, sans oublier de joindre à son discours une pointe de défi glissée là par l'intermédiaire d'une subtile pirouette oratoire.
-Ah ah ah...non merci, je préfère de loin enrichir mon savoir médical en observant de quelle manière il est possible de l'optimiser...
Tu marquas une pause et sortis une cigarette de salvia préalablement roulée que tu allumas instinctivement.
-Ça ne vous dérange pas au moins? Questionnas-tu finalement en montrant la clope.
En même temps, si Sanada était son élève, elle devait avoir l'habitude de ce genre de chose.
-A ce propos...je veux dire à propos du savoir médical...de quelle manière vous organisez-vous exactement au sein du clan? Vous m'avez dit que vous dirigiez le service de recherche, mais à moins que je me trompe, ça ne fait pas de vous la cheffe de votre clan pour autant? Y a t-il un chef qui dirige tout le monde et plusieurs sous-divisions chacune dirigée par un adjoint au chef? Vous réunissez-vous régulièrement pour mettre en commun vos différentes recherches?
Tandis qu'une épaisse fumée marquait les dernières bouffée de ton apaisante cigarette, vous arrivâtes enfin à l'entrée du service de recherches. Un bâtiment gigantesque. Comme tu n'en avais jamais vu en dehors de la citadelle de la guilde des assassins. L'intérieur ne jurait d'ailleurs pas avec le sentiment que t'avais laissé l'extérieur. Tout ici était dédié à la valorisation d'une recherche optimale, les labos se succédant en grand nombre. Mifuyu ouvrit finalement la porte de l'un d'entre eux et d'un ton que tu ne lui connaissais pas, elle s'adressa aux chercheurs présents. Un sourire conquis par ce comportement s'inscrivit sur ton visage. En fait, derrière des allures un peu rustres et sévères, cette femme n'était que gentillesse et complaisance envers ses subordonnés, ceux qui comptaient vraiment. Du moins c'est ce que tu pensas naïvement en la voyant manier autant de légèreté. A sa demande, un des hommes présent apporta une petite boîte que tu ne tardas pas à ouvrir avec un attrait non dissimulé.
Sans même le savoir, ou du moins l'espérais-tu, les Omura avaient apparemment décidés de ne pas te ménager aujourd'hui. Après la question relative à la guerre des clans un peu plus tôt, tu te retrouvais cette fois plongé dans un état d'ivresse forcée. Oh bien sûr, pas de quoi t'en offusquer au premier abord. Bien au contraire, puisqu'une douce chaleur s'empara de tout ton corps en même temps que ton esprit se laissa griser par une sensation de bien être absolu. Comme si d'un coup tu te sentais plus léger, les quelques ecchymoses subsistant de tes plus récents combats s'estompant au fur et à mesure que le parfum se propageait. C'est plutôt la suite qui te perturba. Puisque le contenu de la boîte s'attaqua directement aux connexions neuronales contrôlant les émotions les plus secrètes. Mayä, apparue devant toi. De la même manière que cette fois là où Ao avait fait apparaître ton amie décédée pour t'aider à apprendre quelques bases du Genjutsu. Cette fois là, c'était volontaire de sa part et tu avais eu envie de lui faire la peau, bien qu'il n'ait eu aucune idée de ce qu'il venait de déclencher chez toi! Juste le tuer, sans second degré!
Si l'hyperactivité pathologique qui te caractérisait depuis ta naissance n'était pas étrangère à un comportement aussi explosif qu'imprévisible, elle n'était assurément pas la seule raison pour laquelle tu passais bien souvent pour un idiot. Chacun possédait ses propres défenses psychologiques face aux traumatismes du passé. Certains s'enfermaient dans un monde imaginaire, d'autres dans le mutisme, la colère ou encore l'antipathie. Toi, tu dissimulais tes blessures les plus viles derrière le masque de l'enthousiasme. Apprécier à chaque moment et de manière parfois démesurée ce que la vie pouvait offrir, était ta manière de fuir une réalité qui, bien que vieille de plus de dix ans, n'en était pas moins encrée au plus profond de ton âme et avait contribuer à forger ta personnalité. Pour ne pas sombrer, tu avais ainsi décidé de profiter du moment présent sans jamais te retourner.
Mayä se tenait donc là, devant toi, son sourire si caractéristique accroché aux lèvres. Ironiquement, elle revenait à la vie au moment précis où tu avais la chance de pouvoir découvrir de près le savoir des Omura. Elle qui chaque jour te rabâchait leurs talents ainsi que les vertus de la médecine dans son ensemble. Elle qui avait en tête ce rêve insensé de découvrir un moyen de guérir toutes les maladies, toutes les afflictions et de parcourir les routes du sekaï pour dispenser ses dons à ceux qui en auraient le plus besoin. Elle qui avait fini par te convertir à ce domaine de maîtrise à force de matraquage autant que par la douceur de ses paroles et de son sourire. Elle enfin dont la vie avait injustement été fauchée au détour d'une simple mission de repérage pharmacologique sans que tu ne puisses la sauver.
Ici et maintenant, tu la regardais déambuler dans les travées du département de recherche, s'émerveillant de chaque découverte. Tu pouvais même entendre des ''oh regarde ça Shika, c'est incroyable tous ces remèdes, il faudrait penser à en faire des comme ceux-là pour le clan''. Restant ainsi immobile pendant plusieurs secondes qui te parurent une éternité, la mine béate, tu ne pus finalement retenir quelques larmes lorsque tu acceptas la certitude que ce que tu vivais n'était pas la réalité. Pour en être sûr, tu tendis la main afin de la toucher mais comme prévu aucun contact physique ne fut possible. D'une main tremblotante, tu empoignas l'un de tes scalpels, l'un des deux que Mayä elle-même t'avait offert, puis tu serras le poing autour jusqu'à te faire saigner, tandis que de l'autre main tu refermas la boîte dans un mouvement brusque qui la fit tomber au sol en même temps que le scientifique qui vous l'avait amené recula d'un pas pour se mettre sur la défensive.
Relâchant la pression autour de ton scalpel, tu secouas plusieurs fois la tête de gauche à droite pour reprendre tes esprits, puis t'inclinas à maintes reprises en constatant que tu y étais peut-être allé un peu fort. Tu ramassas la boîte avant de la rendre à ses propriétaires, puis t'excusas platement pour ce comportement incontrôlé.
-Pardonnez-moi sincèrement messieurs dames...c'est juste qu'il y a certaines visions du passé qu'il vaudrait mieux éviter parfois...
Encore un peu groggy par ce qui venait de se dérouler et un léger filet de sang s'écoulant de ta main martyrisée par le scalpel, tu attrapas la première chaise libre venue et t'y installas.
-Juste quelques secondes, le temps de retrouver mes esprits...en tout cas, ce qui est contenu dans cette boîte est vraiment très puissant...et vous madame qu'en pensez-vous? Cela comble t-il vos attentes? Demandas-tu à Mifuyu en apercevant la larme qui roulait sur sa joue...
Tu repensas alors à son changement d'attitude devant l'écharpe tachée de boue.
-Et cet Omura Onshi devant l'écharpe duquel vous vous êtes arrêtée toute à l'heure, vous le connaissiez bien? Vous avez du avoir une vie rondement menée du haut de vos quatre-vingt ans passés? Vous avez sans doute eu de nombreux amants? Des enfants peut-être? Êtes-vous fière de ce que vous avez vécu jusqu'ici? N'avez-vous aucun regrets? S'il y avait ne serait-ce qu'une chose que vous feriez différemment, laquelle serait-ce?
Comme pour ne pas trop penser au dernier événement, tu enchaînas les questions jusqu'à ce que le manque de souffle te trahisse et stoppe ton envolée.
-Pfiouuu...je ne serais pas contre un petit quelque chose à boire moi après toutes ces émotions...
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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A l'extérieur de la DAPHU, quelques minutes auparavant.
- Effectivement, je dirige le service de recherche de la DAPHU, non pas du clan. Omura Leiko est notre dirigeante, aidée d'un conseil dont on refuse l'accès à une dame de mon âge. Elle conseille le Kage et dirige l'hôpital. A la DAPHU, nous sommes indépendants, même si nous lui présentons régulièrement nos découvertes et au Kage aussi.
Pas toutes leurs découvertes, en tout cas. Ses travaux les plus intimes, pas même Gendo ne les connaissait, dont elle omit d'ailleurs volontairement le nom, bien qu'il fût son supérieur direct. Devoir mentionner Leiko était déjà suffisamment humiliant, elle n'allait pas avouer à cet étranger qu'elle était en réalité tenue en laisse par quelques chiens de garde parce qu'elle avait brutalement assassiné ses petites-filles et vivait désormais dans un mélange de leurs enveloppes charnelles ? Non, enfin, une femme ne devait pas dévoiler ces choses-là dans un premier rendez-vous.
***
Laboratoire B27.
La pièce était restée la même mais s'était progressivement emplie d'une épaisse brume rosée qui trompait les sens de la vieillarde. Les scientifiques qu'elle avait apostrophés quelques minutes plus tôt avaient disparus, tout comme le Nara à qui elle faisait la visite. Dans ce petit havre de paix, ils n'étaient plus que deux. Omura Onshi fit deux pas vers elle pour se rapprocher. Il lui apparaissait comme elle l'avait rencontré, quand la chirurgienne n'avait que dix-neuf ans et lui trois de plus. Il lui avait plu dès le premier regard et elle aurait pu sombrer une seconde fois dans ce sentiment d'amour dévorant si seulement son cœur n'était pas emprunt d'une si grande noirceur. Elle avait troqué tout droit à s'émouvoir pour prolonger sa vie il y a deux décennies de cela et en payait le contrecoup maintenant. Là, en le voyant, la tendresse se muait en tristesse. Une larme coula, puis une seconde et des centaines d'autres. Sans qu'elle ne ressentisse le besoin de se moucher ou de se réfugier dans son coude – son expression faciale ne montrait en réalité aucun signe de cette tristesse – son visage fut bientôt recouvert d'autant de larmes qu'elle aurait eu de rides si elle n'avait pas triché.
Feu son mari, de ses mains plus douces encore que dans ses souvenirs, mêlées à la chaleur de la brume qui s'infiltrait dans chacun de ses pores pour lui conférer une sensation de bien-être si forte qu'elle en devenait presque désagréable, caressa doucement ses joues. Il l'observa, ne dit rien et l'embrassa. Il ne semblait nullement repoussé par son aspect contre-nature. Etait-ce donc ce qu'elle souhaitait réellement ? Être aimée malgré sa folie, malgré sa soif de vie à jamais inassouvie ? Non, certainement pas. Elle n'avait plus le temps pour l'amour. Pas même pour Onshi, dont elle avait tourné la page à l'instant où elle avait fait son deuil. Sa mort avait été son inspiration. Elle avait déclenché chez la Sorcière cette quête maudite de la vie éternelle, qu'elle achèverait bientôt. Cette quête, qu'elle avait entamée pour que plus jamais quelqu'un ait à revivre ce que son mari avait vécu, était en réalité une punition. Elle commençait à le comprendre. Lui était mort et la visitait quand il le souhaitait, enveloppé d'images irréelles et merveilleuses, tandis qu'elle s'engouffrait plus loin encore dans sa folie. Or, cette quête l'empêcherait à jamais de le rejoindre. Les amants ne pourraient jamais être réunis car l'obstacle était trop grand : la mort, ou la vie.
Il lui tendit la main, mais elle ne la saisit pas. Il appartenait au passé, elle à l'avenir. Se détournant de lui, de nouvelles larmes perlaient sur la peau douce et enfantine de la vieillarde. Elle l'entendit murmurer, ou plutôt agoniser, tandis qu'il l'appelait.
-Mi-fu..-yu… ché…r-ie…
Un tremblement, ou plutôt une secousse. Sa voix. Sa voix, sa magnifique voix, rauque, jeune, virile, l'emplit de désir et de panique. Comment avait-elle fait pour oublier cette voix toutes ces années ? La voix de l'être aimé, la voix qui complétait la sienne. Surtout, comment avait-elle fait pour ne pas s'en rendre compte avant aujourd'hui ? Elle voulait l'entendre encore, elle le devait. Elle tremblait, elle avait froid. Elle ressentait une sensation de manque comme jamais auparavant. Elle se retourna en sursaut pour lui faire face à nouveau. Elle était prête à bondir vers lui, à lui tendre la main, à le rejoindre à tout jamais.
Mais il disparut.
La brume se dissipa et la pièce redevint telle qu'elle était quand elle l'avait quittée. Ou plutôt quand elle avait cru l'avoir quittée. Le Nara avait dissipé l'illusion en jetant la boîte au sol et le scientifique avec. La doyenne, dans une ultime tentative de préserver sa dignité bafouée, essuya ses joues de ses manches en toile. Tous, dans la pièce – peut-être à l'exception de son invité, elle ne le regardait pas – la toisaient avec des yeux affolés. Jamais auparavant ne l'avaient-ils vu dans cet état. Ils étaient fiers, fiers de lui avoir jouer un mauvais tour, fiers d'avoir développé une illusion régénératrice aussi puissante. Mais ils étaient aussi craintifs. Comment allait-elle réagir ? Elle ne laisserait sans doute pas cette humiliation couler sans les noyer avec.
- Juste quelques secondes, le temps de retrouver mes esprits...en tout cas, ce qui est contenu dans cette boîte est vraiment très puissant...et vous madame qu'en pensez-vous? Cela comble t-il vos attentes?
Ils se crurent sauvés par l'intervention de Shika qui détourna l'attention de l'ancêtre une seconde. Pour seule réponse, elle s'adressa directement aux inventeurs de ce piège cruel.
- Comment avez-vous donc pu présenter un tel produit à un invité, enfin ! Vous êtes abrutis ? Qu'est-ce que vous cherchez, à le faire fuir ? Imbéciles… Elle soupira et fit les cents pas sans que personne ne cherche à l'arrêter ni à protester, pas même le silence. Ceci dit, l'illusion est très puissante et, il est vrai, efficace. Je n'ai plus une seule coupure. Vous pourriez toutefois revoir ses effets, l'objectif n'est pas de noyer vos alliés dans le chagrin, mais bien de les réconforter. Elle s'arrêta de marcher et regarda l'homme qui avait ouvert cette boîte de pandore en premier. C'est pas des manières que de faire vivre cela à une femme de mon âge.
Elle se dirigea vers la porte par laquelle ils étaient entrés, pour leur montrer qu'elle en avait fini avec eux. Elle fit signe à Shika de la suivre, encore secouée par cette vision qui, l'espace d'un instant, l'avait faite douter. Aurait-elle réellement rejoint Onshi ? Ne croyait-elle donc pas être sur la bonne voie ? Cela faisait écho avec la question que lui avait posée son invité et, ainsi, elle prit le temps pour réfléchir avant de lui répondre. Maintenant qu'elle était revenue à elle, plus aucun doute ne subsistait. Elle était née pour découvrir et sacrifierait bien volontiers sa morale pour ses expériences. Pourquoi avait-elle douté ? C'était cette brume, cette fichue brume !
Cette excuse était bien plus acceptable pour elle que de se dire qu'effectivement, une partie d'elle préfèrerait peut-être une mort apaisante à une vie déchirante.
- Je suis profondément navrée que vous ayez eu à vivre cela, dit-elle en se tournant vers le Nara. J'ai soif, moi aussi. Je vous propose de nous rendre sur le port, on y trouvera certainement quelque chose à boire. Vous y verrez peut-être Sanada également, il a l'habitude d'y manger. Beaucoup trop, d'ailleurs, si vous demandez mon avis, dit-elle en plaisantant dans le but de faire redescendre la tension qu'avait créé cet arrêt à la Division d'Amélioration.
- Omura Onshi ? demanda-t-elle, feignant la surprise. Il est le spectre qui me hante, j'imagine que vous devez en avoir un vous-même que vous cherchez à fuir, pour vous être entaillé de la sorte. Donnez la moi, d'ailleurs, je vais vous soigner. Onshi est mon mari. Il est décédé il y a quarante ans cette année. J'ignore pourquoi vous me demandez cela, mais oui, j'ai bien eu quelques amants... Aucun ne me permit de l'oublier, cependant. Enfin… la vie est comme elle est, je ne vois pas la nécessité de la changer. Je suis bien trop vieille pour avoir des regrets, haha !
C'était vrai. Elle n'avait pas de regret, pas même le meurtre de sa progéniture. Elle avait d'ailleurs volontairement éviter le sujet des enfants, pas par honte, mais plutôt parce qu'elle n'aimait pas les regards apitoyés. Elle se doutait que si elle lui avait annoncé la mort de son mari, puis de ses enfants, puis de ses petits-enfants, elle deviendrait à ces yeux cette petite vieille un peu triste qui n'avait plus personne et qui, pour combler ce vide, emmerdait les jeunes.
Elle commençait à changer son jugement sur sa personne. Il parlait beaucoup, c'était un fait. Trop, même. Il était néanmoins quelqu'un d'intéressant et elle serait ravie d'en apprendre un peu plus autour d'une tasse de thé. Cette expérience, bien que vécue individuellement, semblait avoir rapproché les deux shinobi, à la grande surprise de la doyenne. Elle n'avait pas rechigné à l'idée de s'ouvrir à lui, bien que l'effort resta maigre. Elle se disait qu'il était un inconnu et qu'il repartirait demain d'où il était venu, laissant pour l'éternité cette conversation où elle était.
- Et vous, qui avez-vous vu ? Parlez-moi d'elle, se hasarda-t-elle, se disant que seule la perte d'un être aimé pouvait causer tant de maux. Après tout, le sujet le plus poétique n'était-il pas la mort d'une belle femme ? C'était en tout cas ce que semblaient penser les auteurs de l'époque…
Ils arrivèrent bientôt au port. Ils s'installèrent à la terrasse d'un salon de thé qui faisait face à la mer, où se mélangeait les odeurs portées par le vent marin. Poissons, algues, tant de reflux désagréables qui, mêlés aux saveurs des spécialités locales, faisaient pourtant la réputation et le charme du village des tourbillons.
Pour la première fois depuis le moment où tu avais croisé son regard sur le pas de la porte de la demeure de Sanada, la fille montrait quelques signes de vulnérabilité. Elle semblait au moins aussi ébranlée que toi par le contenu de la boîte et ne traîna d'ailleurs pas à réprimander vivement les concepteurs pour cette démonstration qu'elle avait pourtant elle-même commandée. A tel point que, c'est d'un regard médusé que tu accueillis des excuses de sa part. Excuses qui pour toi étaient jusqu'à présent rangées dans la case du hautement improbable, au regard du personnage.
-Non non, ne vous inquiétez pas...modéras-tu en espérant un peu atténuer les remontrances à l'égard des chercheurs qui n'avaient finalement fait qu'acquiescer à la demande de leur supérieure...c'est vrai que c'était un peu troublant, mais en même temps, il faut bien réussir un jour ou l'autre à tourner la page de nos tourments les plus tenaces...
Heureux qu'elle accède à ta requête et te permette ainsi de quitter cet endroit dans lequel ton sentiment d'inconfort se faisait persistant, tu ne rechignas pas à la suivre en direction du port. Rien de tel que les embruns d'un air vivifiant pour requinquer un homme. Tout à coup étonnamment loquace, elle profita du trajet pour répondre à tes questions et confirmer qu'elle avait vécu à peu près la même chose que toi dans le laboratoire B27. Ton état personnel ne lui ayant d'ailleurs pas échappé non plus apparemment.
Bien trop vieille pour avoir des regrets disait-elle. On eut dis les anciens du domaine Nara à l'entendre parler comme ça. Tu ne savais pas trop s'il s'agissait là d'une vérité, d'un simple trait d'humour ou de la vérité dissimulée derrière un trait d'humour. Après tout, n'était-il pas coutume de dire que derrière chaque dose d'humour de ce type se cachait une part de nos propres vérités. Toujours est-il que la remarque ne te laissait pas indifférent. Finirais-tu par tenir un tel discours dans trente ou quarante ans, si par chance tu vivais jusque là? L'idée te fit frémir. Fermer son cœur aux erreurs du passé n'était-il pas un gage de faiblesse? Le meilleur moyen de les reproduire encore et encore, quand bien même ces erreurs ne fussent-elles pas directement les nôtres? Il fallait une sérieuse confiance en soi pour être persuadé que tous les choix fais dans une vie étaient les bons. Tu trouvais quelque chose de triste là-dedans, mais tu ne relevas pas dans l'instant, préférant laisser tes pensées vaquer au gré des décors traversés sur le chemin. Jusqu'à ce qu'une question te sorte de celles-ci.
-Et vous, qui avez vous vu? Parlez-moi d'elle...
Elle avait visé juste. Tu n'avais pas coutume d'en parler. Encore une fois, ressasser le passé était bien souvent source de migraine qui empêchaient de profiter du moment présent. Au domaine, tout le monde était au courant, mais tous ou presque avait finit par abdiquer devant ton mutisme à ce sujet. Cependant, elle venait de se livrer à toi alors que du peu que tu connaissais d'elle, ça n'avait pas l'air d'être dans ses habitudes. Pour cette fois, elle ferait donc office de psynobi, ces personnes qui prenaient le temps d'écouter les malheurs des autres. Pour que la pilule passe avec plus de douceur, tu entamas le roulage d'une cigarette de sauge des devins.
-Mayä...j'ai vu Mayä...l'amie dont je vous ai parlé plus tôt...celle qui souhaitait guérir toutes les maladies, panser tous les maux...tu marquas une pause...elle aussi est décédée...mais aucune guerre là-dedans...une simple mission de reconnaissance pharmacologique pour le clan...juste elle et moi, quelque part dans Inari...le plaisir d'être ensembles, seuls et émancipées des demandes parentales...et la malchance...la clope roulée, tu la glissas entre tes lèvres et l'allumas avant d'en aspirer une grande bouffée...la malchance de se trouver au mauvais endroit au mauvais moment...nous avions seize ans et un groupe de braconniers maîtrisant les arts ninjas nous est tombé dessus...je n'en suis pas sorti indemne, mais je suis vivant...pas elle...déjà en piteux état, elle a finalement été poussé du haut d'une falaise sans que je ne puisse rien y faire...j'ai ensuite perdu huit ans de ma vie à pourchasser ses assassins par simple vengeance...et pour quoi au final? Absolument rien...aucun soulagement...pas même celui du devoir accompli...toujours la même souffrance...à laquelle s'ajoutait celle d'avoir contribué à perpétrer le climat de violence dans lequel les shinobis naissent...tu tiras plusieurs lattes sur la tige incandescente en laissant vagabonder tes souvenirs dans ton esprit...huit ans sans voir Inari, ma famille, mes amis...c'est fou comme notre parcours de vie peu influer sur ce que nous devenons...
A peine terminais-tu ta phrase que vous parveniez enfin à destination. Tu profitas du répit pour regarder si tu ne voyais pas Sanada attablé à l'une des nombreuses terrasses alignées le long du port d'Uzushio. Mais non. Il n'était pas là. Tu devrais sans doute attendre l'examen chuunin pour avoir de ses nouvelles en chair et en os. Mifuyu choisit un salon de thé comme point de chute et vous vous y installâtes sous la douce chaleur d'un soleil qui brillait aujourd'hui de milles feux. A dire vrai, avec tout ce que les récents échanges avaient remué en toi, tu n'aurais pas dit non à quelques verres de rhum plutôt qu'à une tasse de thé, mais tu ne comptais pas débattre de cela maintenant avec ton hôte. Un fois assis, tu repris là où tu en étais resté tout en plaçant enfin ta main blessée devant elle comme elle te l'avait proposé juste avant.
-Cela fait déjà au moins deux regrets dans ma vie, alors que je ne suis âgé que de vingt-six ans...ne voyez pas cette question comme une offense, mais est-ce la confiance en vous et dans le bien fondé de vos certitudes qui vous empêche d'avoir des regrets? Je dois dire que j'ai du mal à concevoir qu'en autant de temps d'une vie apparemment bien remplie, on puisse être persuadé d'avoir toujours agit comme on l'aurait voulu...chacun n'est-il pas soumis à une évolution permanente? Tant dans son corps que dans son âme et sa manière de penser les choses? Et de fait, cette évolution perpétuelle n'entraîne t-elle pas forcément des regrets? Appréhendez-vous votre vie psychologique de la même manière que vous la vivez physiquement?
En même temps, une vieille femme arborant le corps d'une fillette pouvait elle réellement voir les choses de cette façon? Tu avais conscience que tu poussais peut-être le bouchon un peu loin et craignais sa réaction, notamment pour ta main qui se trouvait à présent à quelques millimètres de la sienne, mais ces questions n'avaient pas du tout pour but de la mettre en rogne. En effet, bien que tu croyais fermement en tes ambitions pour le clan Nara depuis que tu en avais repris les rênes, cela ne t'empêchait pas de douter plus qu'il n'eût fallu, alors que de son côté, cette ancêtre aux allures de petite fille te jetait à la figure des certitudes en apparence inébranlables. Cela te perturbaient.
La serveuse se présenta alors que tes interrogations restaient en suspend, permettant ainsi à chacun de reprendre un second souffle.
-Je suppose que vous ne servez pas de rhum ici?
Elle confirma, mais compléta en indiquant qu'il y avait sans doute une ou deux bouteilles de saké qui devaient traîner derrière le bar pour encourager les serveurs une fois le travail terminé. Elle te proposa de t'en servir un verre en échange de l'achat de trois tasses de thé. Le commerce était quelque chose de sacré à Uzushio et cela se voyait. Elle n'eut pas à trop insister pour que tu acceptes le deal en lui donnant ta confiance pour sélectionner les trois meilleurs thés dont elle disposait. Elle conseilla immédiatement celui aux baies de givres, récoltées dans l'isthme du gel et te laissa la surprise des deux autres, avant de se tourner vers Mifuyu. Ne lésinant pas sur les courbettes, elle s'adressa à elle avec déférence et la voix chevrotante.
-Faites-vous plaisir madame, c'est moi qui régale...lanças-tu à l'ancêtre d'un sourire franc et amical.
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Depuis quelques semaines, le soleil propulsait sans cesse ses puissants rayons contre les murs de la cité marchande. Seul le vent marin, légère brise appréciée de ses habitants malgré les relents qu'elle transportait, luttait encore contre l'installation d'un été caniculaire qui s'annonçait déjà. Uzushio, de par sa géographie, était sujet à de très fortes chaleurs dans les mois qui précédaient l'automne, tout comme les îles des archipels environnants qui étaient très souvent prisés des vacanciers pour ses décors paradisiaques. Le rayonnement du village caché en était d'autant plus accru en ces temps-ci, faisant du pays des tourbillons le centre prisé du Sekai.
Cette chaleur, donc, qui aurait été suffocante si elle n'était pas adoucie par cet agréable filet de vent, éclairait la peau blanche de la Sorcière qui marchait jusqu'au port en levant les yeux au ciel, contemplant ainsi le royaume de son élève, comme cela lui plaisait de le penser. Elle le voyait d'ailleurs teinté d'un bleu azur magnifique, clair de tout obstacle qui pourrait déranger le duo dans sa quête du pouvoir. Mais, bien loin de partager ses pensées déloyales avec son invité, dont elle avait fini par apprécié la compagnie, l'ancêtre l'écoutait plutôt dévoiler les images qu'il avait aperçues lors de leur expérience sensorielle précédente. Comme elle, il y avait vu le visage le plus doux de la mort, celui d'un être aimé, d'un souvenir tendre et émouvant qui avait détourné sa concentration. La seule différence avait été qu'il fut capable de briser l'illusion, tandis qu'elle était restée immobile, prise par les larmes. Il avait été plus fort qu'elle, plus fort qu'elle qui s'était laissée aller au doute, c'était indéniable.
- La vengeance est un but plus noble qu'on l'accorde généralement, dit la doyenne, sans trop s'avoir si son but était de rassurer le Nara ou d'excuser ses propres méfaits. La mienne fut plus abstraite, évidemment, continua-t-elle comme si tout le monde pouvait deviner de quoi elle parlait, mais ne prit pas moins de vingt années de ma vie. On me l'a souvent reprochée mais, comme je vous l'ai dit, je ne la regrette pas. C'était un passage nécessaire et, bien que difficile, fondateur.
Pendant qu'ils échangeaient, l'étrange duo s'était finalement assis à la terrasse d'un salon de thé dans lequel la Sorcière avait ses habitudes. Face à la mer, on distinguait une petite crique à quelques centaines de mètres où jouaient des enfants. De l'autre côté, à leur droite, les travailleurs du port s'affairaient à approvisionner les îles environnantes des biens produits ici, dans le village. Des hommes s'essuyaient la sueur qui coulait de leur front tout en portant de larges caisses de bois, dans lesquelles se trouvaient peu de denrées alimentaires, mais plutôt des créations d'artisans locaux, comme de la porcelaine, des tissus ou des vêtements tressés. Un peu plus loin, un petit bateau de pêcheur se débarrassait de ses prises du jour, que le capitaine vendait à des restaurateurs du port. Le commerce ici se faisait à l'échelle locale et c'était précisément ce qui plaisait à la doyenne. Pour accompagner son thé, elle commanda d'ailleurs une spécialité de la région, du poisson pêché dans la mer toute proche puis agglutiné en petites boules épicées que l'on faisait frire à la poêle. Elle remercia de la tête son hôte qui lui avait indiqué payer le repas pour elle.
- Mes regrets, hein… Décidément, vous êtes bien curieux. Vous semblez de bonne foi, aussi j'accepte de vous expliquer. Je pense que ce qui nous sépare ici, c'est une différence de définition. Une différence de perspective, si vous le voulez, dit-elle en caressant son menton de ses petits doigts rafistolés pour montrer qu'elle réfléchissait. Peut-être cela est-il dû à une certaine arrogance, je ne le nierai pas mais, jeune homme, je vais vous instruire d'une distinction primordiale. Ne pas regretter, ça ne veut pas dire être persuadé d'avoir agit comme on l'aurait voulu. Comment voulez-vous qu'un homme agisse toujours comme il l'aurait voulu alors même qu'il change constamment d'avis, influencé par ces mêmes erreurs qu'il cherche en vain à rectifier ? Ce serait hautement improbable ! s'exclama-t-elle alors comme si cette simple idée lui semblait impensable, voire qu'il était sot juste de l'imaginer.
La Sorcière n'admettait certes aucun regret, pour autant elle n'était pas moins consciente que toute sa vie n'avait été qu'une succession d'erreurs dans laquelle elle s'était engouffrée et dont elle ne pouvait plus faire marche arrière. Il ne lui restait plus qu'une seule issue, celle de suivre la voie qu'elle avait choisie, car seule la réussite salvatrice pourra lui prouver ainsi qu'au reste du monde qu'elle n'avait jamais eu tort. Elle ne vivait que pour la vie éternelle et ne s'arrêterait que lorsqu'elle mourrait.
- Je ne vous dirai jamais que toutes mes décisions ont été justes. Elles le sont autant que les vôtres, que celle de vos parents, des daimyo, des Kage ou de qui sais-je d'autre. Vous soulevez une contradiction inhérente à votre propos sans même vous en rendre compte, peut-être est-ce le bénéfice de l'âge qui me permet de vous l'exposer. Vous dîtes que nous sommes en évolution permanente et pourtant vous me parlez de regrets ! Quelle drôle d'idée ! Nous sommes en évolution permanente, c'est une croyance que je partage plus que vous ne pouvez le croire. Mais cette évolution n'est-elle justement pas dictée par nos erreurs ? Par ce fil immuable que nous suivons, qui fait que si nous changions une seule de nos réactions passées, toute notre vie actuelle s'effondrerait ? Il ne faut rien regretter, car tout vous construit. Ne vous nuit qu'un évènement qui nuit à votre nature. Il est absurde de se soucier du reste.
Elle marqua une pause, essoufflée par sa tirade. La vieillarde n'avait plus discuté comme cela depuis bien des années, excepté peut-être avec Sanada, mais cela se faisait alors dans un climat bien plus confortable et informel. Guerrière érudite, Mifuyu avait été baignée dans la culture depuis son enfance. Elle avait passé des journées entières cachée dans la bibliothèque fournie du clan Omura, entre les ouvrages de sciences naturelles et les vieux parchemins philosophiques, certains écrits même par d'illustres membres de sa famille, respirant l'air renfermé des livres poussiéreux.
- Enfin, excusez donc une vieillarde qui s'emporte. On me dit que j'ai souvent tendance à faire la leçon, mais c'est parce que les jeunes refusent de m'écouter. Ils verront, ceux-là, quand je reviendrai plus forte… dit-elle d'un ton énigmatique sans pour autant le relever à nouveau.
Bientôt, la serveuse revint avec les différentes boissons commandées par le duo, la bouteille de sake accompagnée d'un seul verre ainsi que des boulettes de poissons commandées par la chirurgienne. Devinant d'avance la potentielle incompréhension du Nara devant l'absence d'un second verre pour partager l'alcool, elle l'informa qu'elle ne buvait pas et que les serveuses ici le savaient. Etant une habituée, ils avaient fini par retenir les goûts et les envies de la dame.
- Gouttez donc ce poisson, c'est véritablement délicieux. Mais dites-moi, jusqu'à quand restez-vous en ville ? Je crains qu'il ne vous faille rester ici longtemps si vous voulez voir Sanada émettre quelque prouesse… à moins qu'une autre affaire ne vous retienne ici ?
Vingt ans d'une vie sacrifiés à la vengeance. En entendant cela, tes huit années de pérégrinations dans le but d'assouvir tes propres pulsions te paraissaient bien maigres. Et pourtant, maintenant que le temps avait fait son œuvre, tu ne pouvais t'empêcher de regretter ce que tu considérais à présent comme une perte de temps. Quelques soient les choix qui étaient fait, le temps ne suspendait jamais son vol. Autour, la vie continuait son cours, sans se soucier d'attendre quiconque avait décidé de se mettre en marge pour assouvir d'égoïstes fantasmes. Combien de personnes n'avais-tu pas pu soutenir dans leurs moments les plus difficiles? Combien de fois le petit frère que tu n'avais vu ni naître, ni grandir, avait-il demandé qui était ce grand frère dont il entendait parlé? Combien de partages collectifs avais-tu manquer? Rien ne pourrait jamais effacer tous ces manques.
Le soleil semblait décidé à vous rendre la vie rude malgré l'abri partiel offert par votre parasol et finalement, seuls les embruns venant te rafraîchir le visage permettaient une parade acceptable à l'agressivité de l'astre.
Ne pas regretter, ça ne veut pas dire être persuadé d'avoir agit comme on l'aurait voulu. Comment voulez-vous qu'un homme agisse toujours comme il l'aurait voulu alors même qu'il change constamment d'avis, influencé par ces mêmes erreurs qu'il cherche en vain à rectifier ? Ce serait hautement improbable !
Elle marquait un point. Cependant, la différence de définition impliquait-elle pour autant que le lien ne soit fort entre les deux? Tu la laissas continuer sans l'interrompre, profitant de l'instant pour rouler une nouvelle cigarette de sauge. Tandis que tu vagabondais dans les méandres de ton esprit, l'Omura se montrait loquace comme jamais et c'est un brin essoufflée qu'elle conclut enfin sa tirade. Pour le coup, tu craignis l'infarctus pour cette vieille femme jusqu'ici plutôt avare en longues phrases.
-Tout va bien? Vous avez l'air essoufflé. Pas habituée à parler autant? Si vous voulez je prendrais le temps de vous apprendre cet art du blabla ininterrompue...on dirait pas comme ça, mais ça demande un sacré travail de respiration ah ah ah...tu glissas la clope dans entre tes lèvres et grillas une allumette que tu approchas de l'extrémité pour l'enflammer. Tu aspiras deux grandes bouffées en prenant soin de recracher la fumée au plus loin de ton hôte, puis repris plus sérieusement...je vous rejoins sur ce point, notre évolution est dictée par nos erreurs. Celles qui régissent ce que nous sommes à cet instant précis, sans pour autant savoir si nous serons les mêmes demain...je le pense en effet...mais de même, ces erreurs ne sont elles pas justement dictées par nos regrets? Comment pourrais-je considérer comme une erreur quelque chose que je ne regrette pas? Si tout regret était absent de mes actions, alors je serais à même de reproduire les mêmes schémas de multiples fois sans jamais me dire que c'est une erreur...prenons l'exemple de la guerre des clans...si je ne regrettais pas qu'elle ait eu lieu, je serais sans doute en train de monter une armée pour partir au front à nouveau...du moins si je réfléchissais avec mon cœur avant de plaider l'existence d'un cerveau qui s'ajusterait aux réalités du moment...mais du coup cela n'en reviendrait-il pas à au simple besoin égoïste d'assouvir ses propres ambitions au détriment d'une vision plus large des choses? Songeur sur ta propre réflexion, tu pris le temps d'observer patiemment les différentes personnes attablées à la même terrasse que vous, avant de reprendre...c'est peut-être là le nœud du problème après tout...regardez tous ces gens, vous, moi...combien sont prêts à suivre la voie de la raison plutôt que celle du cœur et inversement? Et en ce qui concerne le sujet initial, pour ma part je ne pense pas être capable d'avancer dans un schéma où les regrets ne guideraient pas mon évolution, de même que je peux accepter de n'avoir aucun regrets que si ce que j'ai réalisé a été bénéfique pour tous...c'est sans doute utopique, j'en ai conscience, mais ma propre vengeance a été guidée par un acte égoïste qui n'a profiter à personne, pas même moi au final et à présent je regrette ce que le temps sacrifié a pu me faire perdre en contrepartie...c'est ce qui m'a poussé à être qui je suis aujourd'hui...
La serveuse arriva finalement à votre table pour y déposer les boulettes de poisson commandées par Mifuyu, ainsi que le verre de saké et les trois tasses de thé, les deux dernières étant un assortiment de plantes du pays du feu pour la première et une simple tasse d'eau chaude pour la seconde. Subtilement appelé "la saveur de Suna". Ce thé tirait son nom du désert floral qui le composait. Au moins ils ne manquaient pas d'humour à Uzushio, même si tu doutas qu'ils aient osé jouer tenter ça avec ton interlocutrice. Bon joueur, après un éclat de rire saluant la touche humoristique, tu remercias la jeune femme et lui réglas l'addition avant d'offrir à Mifuyu un sourire bienveillant lui indiquant qu'elle n'avait aucune raison de s'excuser pour son emportement. Chacun vivait de ses convictions et aussi proches ou différentes des tiennes qu'elles soient, tu ne te donnais pas le doit de juger cela.
Gouttez donc ce poisson, c'est véritablement délicieux. Mais dites-moi, jusqu'à quand restez-vous en ville ? Je crains qu'il ne vous faille rester ici longtemps si vous voulez voir Sanada émettre quelque prouesse… à moins qu'une autre affaire ne vous retienne ici ?
De bonne volonté, tu ne te fis pas prier pour obtempérer et piquas dans l'un des morceaux de poissons avant de l'ingérer, la portion te remplissant les joues. D'un geste frénétique de la main signifiant quelques excuses d'avoir la bouche trop remplie pour pouvoir t'exprimer correctement, tu tentas tout de même de répondre.
-Oh, pas d'chouchi...che chui ichi avant out pour Chanada-un, onc che pachienterais...Pis ch'ai pas out, che chompte profiher de ma préjence ichi pour renconcrer otre Hage...
Jetant quelques coups d’œil gênés vers la femme, tu t'emparas d'une serviette pour t'essuyer la bouche après avoir enfin ingurgité le reste de nourriture. D'un trait, tu avalas ensuite le contenu du verre de saké avant de le reposer soigneusement sur la serviette.
-Veuillez me pardonner, je me suis laissé surprendre par la petite saveur épicée de votre plat...excellent en tout cas...et donc, comme je vous le disais, j'ai l'intention de rencontrer Meyo Tsuri...je ne dois d'ailleurs pas trop traîner si je ne veux pas manquer le début de l'épreuve finale de l'examen...je ne vous ai pas spécifié mon rang avant, autant parce que je suis avant tout ici pour rencontrer Sanada-kun que parce que je craignais que cela ne compromette la nature de nos échanges, mais en plus d'être moi, je suis également le chef du clan Nara. Ainsi, plus qu'une raison, je vois en ma présence à Uzushio l'opportunité d'endosser les habits dévolus à ce rôle en rencontrant le Senkage...histoire de me faire par moi-même une idée de ce qui se raconte dans le sekaï à propos de cet homme. J'ai toujours été curieux de rencontrer de nouvelles personnes avec lesquelles échanger. Sans compter que ne suis pas à ce poste depuis bien longtemps, ce qui me rend avide d'observer différentes gestions du statut afin de me former au mieux, tout en gardant le contact avec mes propres valeurs...vous le connaissez bien? C'est l'un de vos amis proches? Vous avez sans doute l'occasion de le croiser souvent étant donné votre position à la tête du département de recherches?
Il était temps de passer au thé. Écartant d'une main la tasse d'eau chaude sans aucun agréments, tu attaquas avec défiance celle aux baies de givre et fut surpris que tes papilles gustatives y trouvent un certain attrait.
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Peut-être pour la première fois depuis des années, la Sorcière ria de bon cœur et non pas pour une raison égoïste, ni du malheur de quelqu'un. Elle riait du trait d'humour du jeune Nara qui, elle le remarquait, était bien conscient de sa haute propension à parler, alors même qu'elle n'avait cessé de le lui reprocher depuis leur rencontre. Finalement, cet homme trop bavard pour une femme comme elle pouvait lui apporter un vent de fraîcheur agréable quand celle-ci ne se braquait pas comme elle le faisait d'ordinaire avec les villageois. Une pensée lui vint : cet individu était-il intéressant justement car son clan avait fait le choix de rester en marge des villages cachés, de ces organisations qui abrutissaient les esprits ? Sans doute, oui.
Elle l'écouta ensuite parler sans l'interrompre. Sa pensée était intéressante. Il était un esprit vif, qui s'appuyait sur ses paroles, sans les dénigrer, pour lui présenter un point de vue bien différent et tout aussi acceptable. Elle saluait cette capacité, dans laquelle elle reconnaissait bien le génie du clan au cerf. Voyant la serveuse arriver avec la commande du duo, Mifuyu se hâta de répondre au garçon avant qu'il ne se disperse dans l'agitation que provoquait généralement la nourriture – et autres plaisirs simples – dans l'esprit des jeunes gens.
"Je comprends ce que vous dites, oui. Vous me pardonnerez toutefois de ne pas penser comme vous. Sans doute est-ce mon âge qui m'a ôté tout espoir, mais je ne conçois pas réellement les actions dans votre schéma. Je me moque de savoir si que j'ai fait est bénéfique, tant que j'ai la certitude de l'avoir fait, d'avoir essayé. Ce monde que je ne comprends pas, et ce malgré les innombrables études que j'ai menées, j'ai cessé de vouloir en dévoiler les secrets, car je sais qu'au bout, la mort m'attend, comme elle attend toute autre créature vivante. En attendant, j'essaie de vivre le plus, plutôt que le mieux, sans me perdre en méditation."
En attendant… mais en attendant quoi ? En attendant d'avoir repoussé cette limite que ce monde nous oppose, celle de la mort. Actuellement, l'être humain n'est rien et Mifuyu en a bien conscience. Même elle, à l'ego démesurée, Sorcière d'un village, doyenne d'un clan, n'est rien à l'échelle de l'humanité. Elle n'est rien car tout le monde meurt et tout le monde oublie. Or, si seulement elle parvenait à vaincre la mort, elle serait quelqu'un. Elle pourrait participer à l'évolution de ce monde, elle serait retenue comme la femme qui a mis fin à cet insupportable paradoxe qu'est la vie, quand bien même elle n'en trouve pas le sens.
Perdue dans ses pensées, elle ne saisit pas le trait d'humour de la serveuse dans son choix de thé. A la place, elle piqua elle aussi un morceau de poisson qu'elle porta à ses lèvres. A peine entra-t-il en contact avec sa langue qu'elle sentit toutes les saveurs se déployer en un instant en elle. Tantôt l'aigre, le piquant, l'acidité, tout se succédait à différentes doses dans un mélange parfait. Ce met était véritablement l'un de ses préférés et peut-être la seule bonne chose qu'elle tirait de l'alliance en villages cachés.
Encore une fois, elle rit en entendant le Nara parler la bouche pleine, bien que cette fois-ci elle se cacha la bouche de ses doigts, car elle ne souhaitait pas l'embarrasser. Pour qu'elle se donne cette peine, c'était que ce garçon avait quelque chose de particulier. Elle ne sentait aucun attachement précis pour lui, bien sûr il était trop tôt pour cela, mais elle voyait en lui une version différente de Sanada. Elle comprenait finalement pourquoi ils devaient se connaître et s'apprécier et, par liens indirectes, l'appréciait un peu plus pour cela.
Elle sourit en entendant le titre de Shika. Plutôt que de l'impressionner, elle fut en fait rassurée. Elle s'était livrée, certes, mais pas au premier péquenaud venu. Il y avait donc une raison pour laquelle le jeune homme dégageait une telle prestance mais également une telle puissance. Avoir une bonne relation avec le clan Nara pourrait également lui servir à l'avenir, même si elle ne visualisait pas encore trop en quoi. Pour autant, elle ne changea pas de comportement en sa présence. Elle avait passé depuis bien longtemps l'âge de faire attention à ce qu'elle disait en fonction du rang d'une personne. Elle l'avait d'ailleurs très bien prouvé à son Kage en le menaçant de vive voix et plus explicitement qu'elle ne l'aurait souhaité. C'est également pour cela qu'elle pouvait en parler en mal sans avoir à se soucier des répercussions.
"Je connais l'homme, oui. C'est l'un des rares pour qui j'ai un brin de respect dans ce village. Intelligent, réfléchi, il n'est pas comme tous ces autres gamins. Enfin, ça n'empêche pas qu'une vieillarde comme moi peut difficilement s'entendre avec la jeunesse et partager ses objectifs. Il m'arrive de le voir oui, mais je pense que nous avons mis en place depuis quelque temps un effort réciproque pour s'éviter. Je ne veux surtout pas vous embêter avec mes histoires – ou plutôt n'avait-elle pas envie de se livrer de trop – mais pour certaines raisons anciennes, j'ai plutôt l'habitude de rendre mes comptes à Leiko, qui dirige mon clan, plutôt qu'aux autorités du village. Elle marqua une assez longue pause, pensive. Je vous envie, parfois, ou plutôt souvent, vous qui êtes restés indépendants."
En même temps qu'elle parlait, la doyenne avait ponctué ses phrases par quelques gorgées de thé à intervalle régulier, mais elle ne touchait finalement que peu au poisson. A cause de la chaleur, elle n'avait pas très faim et sentait la fatigue la prendre. Bientôt, elle rentrerait se reposer un peu dans la fraîcheur de sa petite maison.
"A vous voir, je pense que vous n'aurez aucun mal à vous entendre avec lui. Mais vous voudrez peut-être éviter de commencer la conversation en racontant notre entrevue…"
Vivre le plus, plutôt que le mieux. Bien que son point de vue divergeait largement du tien, cette femme était décidément vraiment intéressante. Là où tu prônais un carpe diem en partant du principe que la mort pouvait arriver n'importe quand et que tu y étais préparé, elle semblait souhaiter vivre le plus longtemps possible. Là où tu aimais flâner et prendre le temps de contempler d'un œil aérien le monde qui t'entourait, elle se fixait un objectif et mettait tout en œuvre pour l'atteindre. Si tu avais fais parti de cette caste émergente du sekaï, celle des psynobis qui aimaient entrer dans le crâne des autres pour leur trouver des problèmes nécessitant de multiples consultations grassement rémunérées, tu aurais sans doute analysé là-dedans une peur de la mort et de ce que l'on peut trouver après. Curieux pour quelqu'un qui met sa vie en danger au quotidien de par son métier. N'étant somme toute qu'un simple shinobi d'Inari, tu te contentas de lui adresser un sourire aimable pour accompagner sa tirade.
Ta clope de sauge dans une main, une tasse de thé dans l'autre et un regard appuyé sur le verre de saké qui te faisait de l’œil, c'est avec ce même sourire que tu reçus la suite, une main balayant l'air d'un geste nonchalant pour signifier à ton interlocutrice qu'elle ne t'embêtait en aucune façon. Ce que tu confirmas tout de suite après, profitant de la pause qu'elle marqua.
-Oh non, ne vous inquiétez pas pour ça, il est impossible que vous m'embêtiez, j'aime bien trop échanger avec les gens qui me proposent des points de vues différent des miens pour cela...pour le reste, ce que vous souhaitez développer ou non, n'appartient qu'à vous seule...
Même si ça ne t'étonnait pas plus que cela, elle faisait donc parti de ces personnes qui avaient du mal avec l'autorité. Sans doute n'était-elle d'ailleurs pas contre l'idée d'être celle à qui l'on référait plutôt que l'inverse. Comme tu avais pu le remarquer avec tes gardes du corps devant chez Sanada ou encore avec les scientifiques du labo, elle semblait prendre un malin plaisir à inspirer la crainte inhérente à certains donneurs d'ordres. Elle conclut finalement sur une touche qui dénota légèrement. Totalement investie dans son personnage et ses certitudes depuis le début, elle exprimait pour la première fois de l'envie vis à vis d'un congénère. En l’occurrence pour ta condition d'indépendant. Il aurait été difficile de la contredire, tant ton désir absolu de liberté trouvait son accomplissement dans ce statut. N'appartenir à aucune institution majeure, pouvoir profiter à ta guise de la sérénité proposée par les forêts d'Inari, tout cela n'avait pas de prix, même si en creusant un peu, il y avait largement matière à nuancer la situation.
-Je vous accorde que ce statut d'indépendant est une bénédiction en terme d'oisiveté...ne pas entrer dans l'organigramme d'un village nous offre sans doute des libertés qui doivent être étrangères aux membres des villages...ne serait-ce que la libre circulation à travers le sekaï pour les plus jeunes, à ce que j'ai compris...cependant, ne croyez pas que nous n'avons de comptes à rendre à personne. Si notre clan dispose d'un endroit bien à lui où se développer, il n'en est pas moins redevable au Daimyo pour les terres accordées...du moins pour le moment...tu marquas une légère pause, un sourire aux lèvres en imaginant une éventuelle réplique de Mifuyu...tu l'aurais presque entendu lancer un '' tuez-le'' avec le ton flippant dont elle savait si bien user...au sein même du clan, j'ai beau en être le chef, je dois régulièrement rendre des comptes au conseil...en même temps, même si l'idée de tordre le cou à ces anciens de temps en temps aurait quelque chose de fort agréable, je me dis que ce n'est pas plus mal que toutes les décisions n'appartiennent pas à une et une seule personne...
Une pensée te traversa l'esprit. Tu regardas la jeune vieille plus intensément, un rictus frondeur au coin des lèvres.
-Ah je vous jure, ces vieux et leurs certitudes...pas facile tous les jours..ah ah ah ah...
Tu échangeas le thé que tu venais de terminer avec le saké et fit un cul sec avec le verre d'alcool, avant de plonger le nez dans ce qu'il restait de poisson, la femme n'ayant pas l'air plus décidée que cela à le finir.
-Mais bon, malgré cela, je n'ai en effet pas à me plaindre de cette situation...
La serveuse ne tarda pas à revenir avec l'addition puis, après que tu aies pris le temps d'écouter ce que Mifuyu avait à ajouter, l'horloge solaire installée au milieu du port te rappela à tes obligations. C'est presque à contrecœur que tu te résolus à clore ici ce doux moment de repos ensoleillé.
-Merci encore gami...euh madame...raaaah, j'arrive décidément pas à m'y faire. J'espère que nous aurons l'occasion d'échanger à nouveau autour de quelques verres...avec Sanada-kun pourquoi pas...s'il vos recherches vous mènent vers Inari, n'hésitez pas à m'envoyer un message. En attendant il me faut me rendre à mon rendez-vous avant d'aller encourager Sanada...je fonde beaucoup d'espoir sur ce garçon...alors si jamais il perdait, je compte sur vous pour le faire bosser deux fois plus...terminas-tu, l’œil malin.
C'est finalement dans un ultime sourire que tu la saluas respectueusement puis quittas les lieux, satisfait de cette rencontre fortuite.
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Mifuyu ne put s'empêcher d'ajouter, lors du court instant de pause de Shika, un peu comme si celui-ci avait attendu sa réaction, que traiter avec un Daimyo ne devait pas être un si grand problème. Férocement attachée à son indépendance, la Sorcière savait que, si elle en avait les moyens, elle ne laisserait pas un petit noble lui donner ses ordres, exiger une part de ses recettes ou lui interdire ses pratiques quotidiennes. Un Kage, c'était difficile à gérer, mais un Daimyo, ça non. Pour une femme qui, comme elle, croyait à la supériorité inhérente des shinobi par rapport aux civils, il était inconcevable qu'un clan doté de chakra accepte d'obéir à un être qui n'avait que son nom et son argent comme armes. Elle lui soufflerait bien la solution toute simple, brûlante de par son évidence, mais elle n'était pas prête à se dévoiler jusque-là ; pour elle, il fallait le renverser. Le tuer. Mais sans doute y avait-il déjà songé, derrière ses airs d'agneau inoffensif.
Prise dans ces pensées assassines, elle ne releva pas la pique amicale – enfin, elle le croyait – que lui avait envoyée le jeune Nara. Oui, elle était vieille. Oui, elle était butée dans ses opinions. Mais n'était-ce pas justement parce que l'âge apportait recul et sagesse ? Que l'on ne s'étonne pas d'entendre les anciens radoter, mais qu'on les écoute à la place ! Cela permettrait d'éviter des pertes de temps considérables. Si seulement ses ennemis des tourbillons pouvaient le comprendre aussi… peut-être n'aurait-elle pas acquis le surnom abominable qui la suivait partout aujourd'hui, bien qu'elle apprît à l'aimer avec les années, son âme altière étant remontée encore davantage par la crainte presque naturelle qu'elle inspirait à autrui.
Finalement, elle décida de répondre sobrement. "Si une dépendance vous cause un problème, rompez-le lien avant que la situation ne tombe hors de contrôle. C'est tout vu. Et écoutez vos aînés."
Quand la serveuse vint, quelques secondes après sa dernière réplique, la doyenne sortit quelques pièces brillantes de sa bourse, qu'elle donna directement à l'employée. Elle tenait à régler pour son invité, en guise de remerciements pour le premier étranger qui était parvenu à lui faire bonne impression depuis bien longtemps. Elle se sentit d'ailleurs obligée de le lui faire savoir, dans un compliment qui ne pouvait sortir que de sa bouche. Elle finit ensuite gracieusement ce qui lui restait de thé, passant sur ses lèvres le liquide parfumé encore tiède, qu'elle avala en quelques gorgées avant de reposer sa tasse en porcelaine sur la table.
"Je vous remercie pour ce moment, Shika. Malgré une légèreté navrante, vous n'êtes pas inintéressant." En même temps qu'elle parlait, elle se leva, acceptant sans résistance la fin de cette entrevue. Elle aussi avait des choses à faire. Rien de précis, certes, mais pourtant c'était toujours la course. Parfois, elle avait l'impression que sa seule présence à la DAPHU multipliait les questions que pouvaient avoir ses sous-fifres – à défaut d'utiliser le terme de collaborateur, qui n'existe pas dans le vocabulaire de la vieillarde – et les urgences techniques. "Ne vous en faites pas pour Sanada, la prochaine fois que vous viendrez au village, je peux vous assurer qu'il ne sera plus le même. Au plaisir de discuter à nouveau avec vous, dans cette vie ou ailleurs. Avant de vous laisser partir, permettez-moi d'insister une nouvelle fois : préférez éviter de mentionner mon nom lors de votre discussion avec le Senkage." Finit-elle sur un ton énigmatique, et pourtant bien sérieux.