Se remplir le gosier pour mieux oublierft. KAYABA Akihiko
Trois putain d'année. C'était le temps qui m'avait fallu pour récupérer le maximum de ce qui était récupérable de mon corps rachitique. C'était le temps qui avait fallu pour que je puisse me redresser sans trembler sur mes jambes, pour retrouver mes réflexes les plus innés. C'était long. Sacrément long quand la seule chose qu'on voyait était des murs blancs pendant des mois, aussi vide que ce qui me servait de cervelle. Il fallait dire qu'à mon réveil, je n'avais conscience de rien. On me parlait mais je n'entendais pas. Je voyais les gens agiter leur grande bouche pour dire des choses aussi merdique que la bouffe que l'on me donnait à la paille. Enfermée dans une chambre à attendre encore parce qu'il voulait comprendre et avoir des réponses que je ne pouvais pas leur fournir. Jusqu'à ce qu'il se décida à enfin penser à ma tronche et ma santé plutôt qu'à des explications.
Sans rire, rester dans un pieu à glander, ça pouvait paraître sympas mais dans mon cas... Tous les jours les mêmes questions, tous les jours la même nourriture écœurante, les médocs, les visites jusqu'à ce que je fus assez engraissée pour avoir assez de force pour la rééducation. J'avais passé du temps sur un fauteuil roulant avant de pouvoir me tenir droite. Pour m'occuper le temps, je faisais quelques conneries avec mais fallait pas croire là non plus, c'était toujours la misère même si je pouvais quitter au moins mon vestiaire d'hôpital. Je me faisais régulièrement gauler quand je piquais des clopes aux infirmiers. L'enfer. Interdiction de fumer, de boire autre chose que de l'eau et bien entendu, ma bouffe était limitée à ce qu'il me fournissait.
Alors, après ces putains de trois années, quand je sus enfin que tout ça était fini et que la liberté m'était rendue, c'était le panard. Enfin... je pensais que j'en serais euphorique. Sauf qu'une fois dehors, je me suis retrouvée conne. J'allais faire quoi? Mon père m'avait proposé de venir me chercher pour mon dernier jour mais je lui avais dit que ce n'était pas la peine. Je me tenais devant. Seule. L'esprit vide. Jusque là, ces dernières années avaient été rythmées par les autres. Ils décidaient pour moi quand j'allais manger, quand je devais prendre les médocs, quand je pouvais sortir,... Mais on vous disait pas quoi faire après. Ah si. Me rendre dans des lieux familiers pour ma mémoire. C'était tout. Démerdez-vous avec ça pour la suite. On m'avait assez tenu la main.
Ce jour là, je rentrais simplement chez moi. Le vieux avait dit qu'il avait fait le ménage parce que la poussière s'était accumulée. Je n'aurais qu'à poser mes fesses. Il m'avait même dit qu'il m'avait laissé un petit cadeau. On aurait pu croire que j'aurais eu quelques appréhensions à retrouver mon lieu de vie, mais cela me faisait ni chaud ni froid parce que personne ne m'y attendait. On m'avait dit que je vivais seule. J'avais même pas un chat. Mais j'avais compris que l'on ne me disait pas tout non plus. Soit disant qu'il fallait pas forcer les choses. Super.
Je m'impressionnais cependant moi-même parce que lorsque j'avais passé le pas de la porte, j'avais vu sur.... que dalle. Mon appartement paraissait aussi vide et neutre que ce qui se planquait dans ma boîte crânienne. Mes meubles étaient en bois, il n'y avait rien qui dénotait. Pas de photos. Pas de bougies. Pas de babiole. Rien qui dépassait. A par un bouquet de fleurs sur une table. Des violettes. Un coup de mon père ça. Où il avait pu en dégoter? Au moins, cela m'avait décoché mon premier sourire de la journée. Ce fut en relevant la tête et en regardant mon reflet dans un miroir accroché près de là que je vis ce qu'était réellement mon "cadeau". Derrière moi, apposer sur un support, il y avait un katana. Le mien. Je supposais le mien. On m'avait dit que lorsque l'on m'avait retrouvé, la lame de mon arme avait été brisé. Visiblement le paternel avait trouvé moyen de le faire réparer.
Je me mis à tout inspecter, je passais ma main sur certaine objet comme si cela pouvait réveiller ma conscience. Rien. Alors j'étais allée me coucher. Les heures défilèrent sans que je trouva le sommeil, je restais comme une idiote à observer le plafond. Il fallait que je sorte d'ici. Il fallait que je bus un truc. Pas de l'eau. Clairement pas de l'eau. Un truc qui m'arracherait peut-être mes cordes vocales abîmées. La nuit était tombée et il faisait chaud. Pas étonnant puisqu'on était en début d'été. Je me laissai alors guider par le bruit des rires et par les lumières pour trouver un bar. N'importe lequel ferait l'affaire.
Une fois mon bonheur trouvé, je rentrais à l'intérieur sans s'en sentir quelques regards curieux qui finirent pas se détourner. Moi je pris place sur un tabouret et m'assied, et je fis signe silencieuse au barmaid en lui désignant l'alcool qui m'intéressait derrière lui. Un truc bien serré. Il me mit un verre devant le nez avant de me servir mais je lui fis signe de laisser la bouteille alors que j'allumais une clope. D'une traite, je vidais ma gnôle et j'enchainai directement par une bouffée de nicotine. Le pied.
Le Haut Conseiller de Suna était un véritable bourreau de travail. Un de ces acharnés qui ne quittaient (presque) jamais leur bureau. Du moins, tant qu’ils n’avaient pas fini ce sur quoi ils étaient depuis des heures, voire des jours. En tout état de cause, le Kayaba avait (bien trop) tendance à passer ses nuits, esseulé, derrière son bureau et les moult piles de dossiers qui n’avaient de cesse de prendre de la place sur le plan de marbre. Autant dire que sa vie sociale n’était pas vraiment mirobolante. Bien loin de là. Cela ne l’empêchait pas de s’adonner à quelques plaisirs coupables, comme une cigarette accompagnée d’une coupole de saké. Celui lui arrivait plusieurs fois par journées et, comme par tradition, il se postait par-delà son balcon et laissait ses pensées traîner – à l’instar de son regard – ci et là. Mais cela ne durait jamais trop longtemps ; la réalité de son monde le rattrapait bien rapidement et le frappait en pleine poire, si bien qu’il lui arrivait de culpabiliser d’avoir perdu cinq précieuses minutes. C’était donc le cas ce jour-là. Comme à l’accoutumée, il sentit poindre un mal de crâne carabiné. Hélas, celui-ci était survenu bien plus tôt que d’habitude, aussi se dit-il qu’il avait besoin d’une pause… D’une vraie. Et à raison ! Cela faisait plus de douze heures qu’il était enfermé au sommet de l’immense tour de Suna, sans avoir réellement pris l’air ou décollé le nez des dossiers du village.
Qu’est-ce qu’il faisait chaud, d’ailleurs !! Bah, la faute à la saison. C’était le début de l’été et, forcément, le zénith culminait haut dans le ciel, versant le moindre de ses rayons sur la contrée ensablée. C’était aussi pour cela qu’il ne sortait pas beaucoup… il faisait bien meilleur à l’intérieur qu’à l’extérieur. Aussi décida-t-il de continuer encore quelques temps… jusqu’à ce qu’il n’en pût plus du tout. Le cerveau en bouillie, les yeux cernés et courroucés, il se recula d’un coup d’un seul – manquant de faire chavirer sa chaise au passage – et secoua vivement la tête. C’en était assez pour ce soir ! La gorge aussi sèche et brûlante que pouvait l’être le sable, il se frotta vivement les yeux, comme pour se réveiller et laissa son bureau tel quel avant de le quitter. Il reviendrait bien assez rapidement, de toute façon. Il était à peu près vingt-trois heures trente lorsqu’il descendit les (trop) nombreuses marches qui le guidèrent jusqu’au parquet des vaches. Non sans surprise, il ne croisa pas un rat et plus aucune lumière ne vacillait à mesure qu’il passait. Même Senshi s’était éclipsé ! Il avait encore bien trop travaillé ; qu’il ne vînt pas s’étonner d’être complètement éclaté et défoncé.
L’Ondoyance de Suna déambula dans les rues qui menaient à ses appartements, saluant prestement les quelques personnes encore présentes à cette heure de la nuit. Il ne voulait pas perdre plus de temps qu’il ne l’avait déjà fait. Il avait des plans en tête et il comptait bien les mener à bien… et profiter autant qu’il le pourrait. Pour une fois… Cela ne lui ferait absolument aucun mal. Après quelques temps de marche, le blondin arriva chez lui. Il s’empressa de se déshabiller et, hop là. Direction la douche. Il en avait cruellement besoin aussi… Malgré la chaleur étouffante et écrasante, l’eau chaude lui procura un bien si intense qu’il eut l’impression de revivre pour la première fois des éons. Ses muscles se dénouèrent peu à peu, ses cervicales se mirent à craquer, et il soupira. Ah pour sûr, il se sentait être un autre homme… Différent, libéré de toutes les tensions accumulées au travail… Il comptait bien être le roi de la soirée… Et il allait l’être ! N’était pas Haut Conseiller qui voulait, après tout.
Une fois prêt et apprêté pour l’occasion (revêtant donc son plus beau smoking blanc), le bellâtre déambula derechef dans les rues de Suna, jusqu’à enfin atteindre le centre-ville. Et ce fut facile à comprendre : c’était là que se trouvait l’entièreté (ou presque) de l’activité nocturne du Village Caché. Rires, chansons et autres discours alcoolisés vinrent doucement lui chatouiller les oreilles. Bien sûr, au vu de sa posture et de sa position au sein de l’organisation (et sans parler de ses différentes particularités physiques), nombreuses étaient ses fan, ses groupies. Mais bien peu d’entre elles pouvaient se targuer d’avoir pu l’approcher ou échanger quelques banalités avec lui. Mesdames, Akihiko n’est certainement pas un homme facile ! Et à raisons. Son passé y était pour beaucoup et il n’avait, hélas, pas réussi à se débarrasser de tous ses démons. De même qu’il n’avait toujours pas été en mesure d’accepter certaines choses non plus. Ainsi, pouvoir se lier à lui relevait du miracle… ou presque.
En tous les cas, le blondin se rendit dans son bar favori, l’Ambassy. Comme dans nombre d’endroits locaux, il était connu. Mais ici encore, il parvint à faire la différence et tout pouvait sembler surréaliste pour les quelques profanes (ou non habitués) de l’endroit. Ici, personne ne voulait sa peau, personne ne le traitait d’égoïste et personne ne l’insultait à tort et à travers. C’était peut-être même le seul endroit où tous l’appréciaient, d’ailleurs. Ainsi son entrée ne provoqua pas vraiment de tumulte. Il était accueilli avec la même intensité que les autres clients et escorts. Personne ne tentait de lui graisser la patte ou de s’attirer ses bonnes favbeurs. Ici, il était considéré comme monsieur tout le monde – si l’on excepte, encore une fois, les groupies peu habituées à l’endroit – et il n’allait certainement pas s’en plaindre. Pour le Futur Scribe des Flots Dorés, tout cela était rafraîchissant, vivifiant… Une sorte de renouveau, de renaissance. Ainsi s’approcha-t-il du comptoir et prit la place qu’il avait toujours eu l’habitude d’occuper. Pas trop au milieu mais pas trop excentrée non plus. Et, bien sûr, c’était sur la droite. Le barman le salua brièvement. Là, Akihiko lui fit comprendre qu’il prendrait comme d’habitude. A cet effet, on lui apporta une bouteille de Jäger (probablement une de celles qu’il avait réussi à rapporter lors des derniers échanges avec les Kusaribe) et un shot. Le blond remercia le tôlier d’un hochement de tête et commença à boire un verre. Puis un autre. Puis un troisième… lorsqu’il fut interrompu par une présence nouvelle. Une femme qu’il n’avait encore jamais croisée (et les Kamis savaient combien sa mémoire était excellente) ici. Cela dit, il avait eu vent d’elle… brièvement. N’ayant été Haut-Conseiller que peu de temps après son arrivée à elle, il n’avait pas encore forcément son mot à dire pour tout. Tout ce qu’il savait, c’était qu’elle avait été recueillie par les Shirogane et qu’elle passé trois ans dans le coma. Ou à l’hôpital. Il ne savait plus trop quoi prendre en compte.
« Shirogane Honoka, c’est ça ? Demanda-t-il, un sourire aux lèvres. C’est la première fois que je vous vois ici… J’espère que l’ambiance vous sera profitable, ajouta-t-il avant de s’enfourner un nouveau verre et de s'allumer une cigarette. »
Apparemment, il n’avait pas pris en compte le fait qu’elle était muette.
(c) AMIANTE
Shirogane Honoka
Suna no Chunin
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Se remplir le gosier pour mieux oublierft. KAYABA Akihiko
Du haut de mon tabouret, la cigarette calée entre mes doigts, je soupirais tranquillement la fumée en me rendant compte que je n'avais même pas maté l'enseigne de l'établissement. J'avais vu de la lumière et j'étais entrée sans me soucier si c'était craignos ou pas. En tout cas, le verre que le barmaid me servit me prouva qu'il y avait un certain standing car c'était pas dégueu du tout. Non pas que je me souvenais avoir ingurgité beaucoup de tord-boyau, mais celui-là coula comme de l'eau. J'aurais pu continuer à profiter simplement de ce petit instant en solo mais je fus soudainement interrompu par un badaud qui avait pris place pas loin de moi. Un grand blond, belle allure, de jolies yeux. C'était qui le beau gosse? Son visage me disait rien du tout.... mais apparemment lui me connaissait.
C'était bien ma vaine. Sérieux? Je trainais avec ce genre de type? Cela me mettait clairement les glandes de pas m'en rappeler. Non... il devait y avoir une autre explication, surtout à sa façon de m'apostropher, on était clairement pas des anciens intimes. Une connaissance? Non plus. Finalement, ça puait l'administratif... ou sinon j'avais déjà une réputation. Je ne savais pas ce qui était le pire. Du coup, sans trop m'en rendre compte, j'avais instinctivement arqué un sourcil d'étonnement quand il s'adressa à moi. J'allais agiter les mains pour causer avant de me raviser. J'étais plus à l'hôpital avec des infirmiers qui avaient les bases, fallait l'ancienne méthode.
Je me coinçais ma cigarette dans la bouche avant de tâter mes poches. Je cherchais un petit carnet auquel j'avais accroché un crayon pour justement communiquer avec les mortels qui ne maîtrisaient pas les gestuelles des pauvres silencieux comme moi. Lorsque je mis la main dessus, je le posais sur le comptoir et commençais à le griffonner pour tendre une feuille que je finis par arracher vers le blondinet.
" Pardon, mais pour moi, c'est la première fois que je vous vois tout court. Votre prénom? "
On était dans un bar et on picolait, on allait pas s'emmerder avec trop de formalité non? Alors que je lui laissais le soin de me répondre, j'écrivais déjà sur un autre papelard.
" M'en voulais pas si on s'est déjà rencontré. J'ai des soucis de mémoire. "
Je lui tendis, et j'en profitais pour me servir un nouveau verre. Là, je le levais comme pour lui signifier que j'étais enchantée avant d'enchainer pour le vider tout aussi vite en poussant un petit soupir de soulagement. Qu'est-ce que ça faisait du bien! Enfin quelque chose qui avait du goût! Enfin quelque chose qui me procurait ne serait-ce que quelques sensations agréables.
Je repris mes petits papiers.
" Pour répondre à votre première question, ça doit être la première fois que je viens ici. C'est pas désagréable. "
Pour le moment en tout cas, et lorsque je lui tendis mon message, je me permis de sourire un peu, au moins pour montrer que je n'étais pas si sauvage que j'en avais l'air. En attendant, alors que je posais mes yeux sur lui, je cogitais toujours pour savoir si je l'avais déjà vu. C'était vraiment impressionnant comme parfois, une tronche, ça vous revenait pas. Là, c'était un vide complet et pourtant, c'était un gars avec un physique assez atypique pour les environs. Parmi les types de l'hôpital, des blonds, on en voyait pas tant à Suna, et encore moins habillé aussi chics. Il fallait dire que j'étais pas certaine qu'on ait eu beaucoup d'occasion de se présenter comme ça... ou bien je préférais les types sales, les mal fagotés, et du coup, je ne remarquais pas les autres. Abandonnant cette psychologie de comptoir pour prendre un nouveau verre, je pouvais en profiter pour faire la causette avec mes maigres moyens.
" Vous venez souvent? "
J'enchainais avec une bouffée de nicotine. Ouais. J'étais au sommet de la distinction et de l'élégance. On me pardonnera, ça faisait trois ans qu'on m'interdisait tout. Fallait que je rattrapasse le temps perdu.