[RP diplomatique] Feuille et Tourbillon [ft Senju Haruka]

Le pays des tourbillons était un endroit radieux qu'Haruka prenait grand plaisir à découvrir. Ici, la verdure se mariait à l'éclat des eaux pour offrir un spectacle paradisiaque et rafraîchissant. Tout transpirait l'abondance, de la terre jusqu'aux habitants, et plus particulièrement à Uzushio où les commerces fleurissaient partout dans la ville.
Ainsi l'avait-on accueillie, depuis le début des examens, dans une résidence somptueuse à faire pâlir de jalousie les plus fins décorateurs du pays du feu. Son architecture –à l'image de la politique du Village– était faste, subtile et élégante, loin des lignes de force austères et des figures martiales que l'on pouvait parfois retrouver à Konoha.

Si l'on avait cherché à l'impressionner, le pari était réussi. La kunoichi y avait vu une puissante source d'inspiration, un modèle auquel il était bon d'emprunter le meilleur afin d'améliorer le quotidien des Konohajin. De toute évidence, la richesse pouvait être une force aussi redoutable et imposante que le poing. Une arme qu'il faudrait à tout prix développer si la paix était bel et bien instaurée...

C'était d'ailleurs le sujet qu'elle allait effleurer aujourd'hui avec l'intendante d'Uzushio, dans la Tour du Senkage, en promouvant l'organisation du second examen. Jusqu’à présent, tout s’était déroulé selon les attentes de l’intendante de la feuille, laissant le champ libre à l'aménagement d'autres rencontres pacifiques. Ou presque.
Il y avait bien quelques surprises notables, la première étant l'absence d'accrocs entre les élèves d’Uzushio et de Konoha. Tout au plus quelques piques prévisibles, qui relevaient davantage de la saine rivalité que du mépris inconditionnel. En vérité, les véritables tensions étaient apparues entre les genin de Konoha, ce qui préoccupait la Senju. Il était impensable que des Konohajin collaborent moins bien entre eux qu’avec des étrangers, quel message cela envoyait-il ?
La seconde était l'intrusion de Fuyugeshiki Toka dans la bibliothèque du Village, ce qui avait bien manqué de la faire se décomposer sur place. La faute à un manque d'autorité ou au poids d'un secret de famille gardé depuis trop longtemps ?

Heureusement, le jeune âge des genin inspirait l’indulgence et empêchait de prendre tout cela trop au sérieux. Tant que l’image de Konoha n’était pas publiquement atteinte, tant que tout ceci demeurait bénin, il était inutile de s’inquiéter outre-mesure, pas vrai ?
Et pourtant, la désagréable impression que le Village caché de la Feuille flirtait avec le chaos et la négligence ne la quittait pas.  Au fond, Haruka craignait qu’il ne s’agisse du symptôme d’un mal plus profond, celui d’un délitement lent mais sûr de son unité. Il lui semblait en effet qu'une partie de la jeune génération se comportait comme des électrons libres, sans attaches, sans liens, que ce fût envers la hiérarchie ou les clans qui n'étaient pas les leurs. Manquait-il un goût de fraternité dans les programmes de l'Académie ?

Il était plus que probable que ses soupçons soient exagérés. Cependant, prévoir le pire avant qu’il n’arrive était son travail. D’autant plus ces derniers temps, alors que le Hokage se montrait étrangement peu impliqués dans les affaires du Village. À vrai dire, il ne semblait plus avoir d’yeux que pour cet étrange papier qu’il raturait sans cesse, et qui ressemblait furieusement à l’ébauche d’un discours ou d’un décret.

L’ouverture de la porte de la salle où elle se trouvait –et dans laquelle elle patientait depuis sa récente arrivée à la Tour– tira la kunoichi de ses pensées. Un chûnin l’invita aussitôt à le suivre, et elle s'exécuta pour mieux retrouver, trois pièces plus loin, l'intendante aux cheveux de feu qui l'accueillait à une table garnie de plateaux gourmands.
La dame de Konoha était consciente qu’elle avait plus à prouver que sa collègue. Entre autres garanties, elle allait devoir lui assurer que les Konohajin se montreraient irréprochables lors du prochain examen. Ce qui signifiait pas d’escapades interdites, et elle y veillerai personnellement.

Ravie de vous revoir Haruka-san, salua la Senju en s'inclinant respectueusement.

Puis, prenant place à table et se servant un minuscule beignet de crabe, elle poursuivit :

Commençons par votre proposition de traité, si vous le voulez bien. Mais permettez-moi avant toute chose de vous assurer que nous allons prendre les mesures nécessaires afin qu'un incident comme celui de la bibliothèque ne se reproduise plus...

L'intendante de Konoha se râcla la gorge en signe d'inconfort, puis jeta un regard interrogateur à son interlocutrice, lui laissant tout loisir de développer sa pensée.

Haruka se laissa aller à sourire en rétorquant à sa comparse que les genin d’Uzushio n’étaient pas en reste, certains faisaient vraiment froid dans le dos. Un sourire franc qui exposait à l’Uzumaki toute la sympathie qu’elle éprouvait, elle aussi, à son égard.
Voilà un moment – qui se comptait en années – qu’elle ne s’était pas autorisée à délivrer ses émotions de la sorte, excepté en de rares occasions noyées dans sa mémoire. Pour être honnête, cela lui faisait le plus grand bien.  
Il était vrai que les deux jeunes femmes partageaient l’ébauche d’une complicité qui faisait le terreau de toute future amitié. Aussi sa première impulsion, toute personnelle, aurait été de hocher la tête. Mais le spectre de l’intendance vînt aussitôt poser ses griffes sur ses épaules, lui imposant le silence.

Son expression changea imperceptiblement, perdant un peu de son enthousiasme. Haruka était de ces voix qui portaient la volonté du Village, représentaient ses désirs… et ses craintes. Tout comme sa collègue. La dame de Konoha était donc parfaitement consciente de ne pas traiter uniquement avec l’Uzumaki, mais également avec ceux qui se tenaient derrière elle, plus douteux, composant les différents clans d’Uzushio.
Jusqu’où pouvait-elle emmener cette amitié, au juste ? Car à Konoha, la tendance était au double-jeu. Et pour avoir été une Oinin, Haruka savait que les conseillers et le Hokage en personne pouvaient parfois se montrer complaisants envers les criminels étrangers en échange de précieuses informations, ce qu’il ne serait plus possible de faire si elle ratifiait ce traité. Bien sûr, ils trouveraient sûrement d’autres moyens d’obtenir ce qu’ils voulaient en cas de signature, aussi abject que cela puisse paraître. C’était d’ailleurs ce que Chô lui avait laissé entendre au cas où l’intendante des tourbillons aurait amené une nouvelle proposition sur la table. Cependant, il leur fallait une contrepartie suffisamment attractive, et il était du devoir de la Senju d’identifier une telle chose ainsi que de régler au mieux les détails gênants pour le Village.

Le gain le plus évident était une facilité décuplée à retrouver les quelques dissidents en fuite dont la liberté volée, insolente, hérissait le poil de Konoha et du Daimyo. Le second, de se voir offrir sur un plateau des individus sur lesquels le Village n’avait pas réussi à mettre la main pour leur extorquer des informations. Le troisième enfin, et pas des moindres, de capturer plus aisément des Sunajin fuyards et autres dangereux énervés détenteurs de jutsu intéressants.
De plus – et Haruka en était convaincue depuis le départ –, si l’on voyait plus loin, une amitié consolidée avec Uzushio apporterait des bénéfices évidents. Financiers tout d’abord, mais aussi politiques. Rien de tel qu’une amitié entre deux puissants Villages pour dissuader d’autres coalitions d’empiéter sur le territoire du pays du feu.

Je crois effectivement qu’un tel traité ne pourrait que nous être bénéfique à tous, déclara finalement l’intendante de la feuille avec sa retenue habituelle. Moi aussi, je vous apprécie franchement, et je crois que nous pourrions accomplir beaucoup de choses ensemble. Nos deux Villages unis pourraient bien devenir la puissance la plus redoutée du Sekaï.

Néanmoins – mais cela elle ne le fit pas remarquer –, Haruka était également convaincue que toute ascension conjointe finissait par immanquablement par la chute d’un des deux parti. Un trône était de ces choses impossible à partager : pour les Daimyo et pour beaucoup d’autres, il n’y avait qu’une seule place au sommet et jamais ils n’accepteraient de la céder ou de fusionner leurs pays. L’un d’entre eux chercherait tôt ou tard à affirmer son pouvoir, et elle devait s’assurer que Konoha ne perde pas ce bras de fer lorsqu’il arriverait.

J’aurais quelques conditions évidentes à poser, naturellement. Les criminels issus de Konoha ou du pays du feu devront systématiquement nous être envoyés. Morts, leur cadavre ne devra faire l’objet d’aucune étude par Uzushio et devront nous parvenir inaltérés. Pour s’assurer du respect de ces conditions, au moins un ninja de la feuille devra toujours être présent sur une mission concernant la capture d’un individu originaire du pays du feu.

La Senju feuilleta les documents à sa disposition, s’assurant que certaines de ses exigences étaient déjà inscrites, et les rajoutant à la plume si ce n’était pas le cas.

Bien sûr, il en sera de même pour des criminels originaires d’Uzushio. Cela vous convient-il ?

De surprise, l'intendante de la feuille haussa les sourcils lorsque la table vibra sous le poing de son interlocutrice, écoutant attentivement les ardentes revendications qu'il appuyait. Le moins qu'on puisse dire c'est que l'Uzumaki se dévouait corps et âme à la cause de son Village. On lui avait déjà vanté son tempérament de feu, mais le découvrir par soi-même était, pour sûr, un évènement mémorable.
La Senju n'avait cependant rien perdu de son calme et, délaissant plume et documents, joignait à présent ses deux mains d'un air pensif. L'on pouvait dire, rien qu'à l'expression sur son visage, que les prochains mots qui sortiraient de sa bouche auraient été méticuleusement choisis, pesés et soupesés, avant d'être exposés à la colère de la jeune femme.

Votre aplomb m’émerveille, confessa doucement la Senju. J’aurais aimé avoir été capable de confronter ainsi mes pairs à vôtre âge.

Elle lui offrit alors un hochement de tête sincère.

Vous avez raison. Je vais un peu vite en besogne et mes requêtes ne sont pas dénuées d'injustice. Veuillez pardonner ces prétentions, il est souvent compliqué de faire la part des choses entre les intérêts de son Village et ceux de ses partenaires.

Naturellement, Haruka ne regrettait en aucun cas d'avoir émis ces idées en premier lieu. La diplomatie était ainsi faite que l'on débutait les échanges en prêchant sa paroisse avant d'écouter celle des autres. Ces premières revendications étaient souvent outrancières pour l'autre parti, qui y trouvait rarement son compte. Cela à la poursuite du fol espoir qu'il se laisserait peut-être marcher sur les pieds sans le voir, ou accepterait de s'oublier. Dans l'optique de gratter le plus de terrain possible si personne n'y trouvait à redire, sorte de festin gargantuesque où chacun se portait des coups pour faire recracher à l'autre une part du gâteau.
La jônin attrapa du bout des doigts une mignardise, avant de changer d'avis et de la reposer.
L'intendante d'Uzushio, aussi jeune soit-elle, n'était toutefois pas une débutante et encore moins le genre à accepter docilement n'importe quoi, ce qui fit sourire intérieurement la dame de Konoha. Elle appréciait cette résistance. Après tout, elle-même n'était pas une grande fan de ce genre d'escroqueries politique, téléphonées et fastidieuses, bien qu'elle doive en passer par là. Elle espérait donc que son impétueuse homologue ne changerait pour rien au monde sa façon d'être.

Dans ce cas, la sentence pourrait être décidée par le Village lésé et appliquée dans le Village d'origine dans le cas d'un clanique. Si une peine longue est décidée, une délégation dédiée à cette fonction pourrait venir contrôler chaque mois ou tous les deux mois la bonne application de celle-ci. Pour les non-claniques, afin d'éviter des extraditions interminables, les détenus pourraient être jugés et incarcérés dans n'importe quel Village, la sus-dite délégation s'occupant de superviser leur gestion. Puisque certains dossiers de non-claniques demanderont probablement un traitement spécial, un jugement collaboratif pourrait alors être envisagé dans ce cas de figure, comme vous l'avez suggéré.

La Senju laissait le temps à son interlocutrice de réfléchir à la question tandis qu'elle approuvait sa remarque sur le paiement des oinin.

Je suis également d'accord quant aux ninja impliqués dans la traque. J'ai dans l'idée de les rémunérer comme dans leur propre Village, qu'en pensez-vous ?

L’intendante de la feuille laissa échapper un rire amusé lorsque l’ardente Uzujin se fendit d’un commentaire sur son étourderie. Puis, secouant doucement la tête après avoir prit le temps relire, consciencieusement, chacun des paragraphes qui avaient été annotés tout au long de leur entretien, elle conclut calmement :

Je pense que nous avons fini, il ne nous reste plus qu’à rédiger tout cela au propre.

Des deux mains, Haruka rassembla alors les papiers éparpillés sur la table.
Tandis qu’elle tassait cette pile de documents, la Senju songeait à son futur rôle dans tout ceci. À ce moment où Konoha finirait probablement par se retourner contre tous ces efforts de paix pour tenter d’asservir ses voisins.
Que ferait-elle, alors ? Allait-elle vraiment approuver sagement cette tournure et l’assister, parce que tel était son devoir ? Elle avait beau aimer son Village plus que tout, être prête à le défendre au prix de de milliers de vies étrangères –ou même natives– s’il venait à être menacé, elle y répugnait. Elle ne se voyait pas participer au sabotage de la relation qu’elle avait contribué à faire naître. Sans compter que la guerre des clans, qui avait fait de son enfance un enfer sur terre, l’avait amenée à haïr ces compétitions tacites, ces rivalités meurtrières, qu’elles soient entre clans ou entre villages. Elle n’avait pas soutenu la création de Konoha, au nom de l’unité, pour ensuite assassiner cette même valeur plus tard. Tout cela au nom d'un vieux Daimyo pompeux qui s'imaginait que son pays était meilleur que les autres. Ha, si elle en avait eu le pouvoir, elle aurait donné son indépendance à Konoha, lui aurait offert la liberté comme il le lui avait offerte.
Mais en attendant, et malgré tout, pouvait-elle vraiment laisser ce Village qu’elle aimait tant, qui l’avait abritée et lui avait offert un refuge, se faire écraser par des puissances concurrentes au nom de la paix ?
Elle soupira.
Ce dilemme intérieur semblait être insoluble.
Au final, rien n’avait changé, hormis l’échelle de ces conflits absurdes.

Il sembla que les émotions qui l’agitaient avaient débordé de sa conscience pour couler sur son visage, puisque son homologue la questionna du regard.

Vous savez… hésita-t-elle un instant en marquant une longue pause. J’ai le sentiment que mon temps à l’intendance pourrait bien être fait et que c’est la dernière fois que nous avons l’occasion de nous entretenir ainsi.

Ses yeux se perdirent dans le vide, en quête d’une explication rationnelle suffisamment succincte pour traduire ses états d’âme. Mais celle-ci ne vînt pas. Alors, délaissant ce sentimentalisme ainsi que le souci de se faire comprendre, elle lui offrit plutôt un sourire.

C’était une belle aventure. Je veux simplement que vous sachiez que, pour peu que vous en ayez besoin un jour, vous avez une amie à Konoha.

La Senju soutint le regard, comme pour lui indiquer toute la dimension que son affirmation renfermait. Cette fois, elle ne s’adressait pas à l’intendante d’Uzushio, mais à la jeune fille sous la robe qu’elle avait appris à connaître. Aux rêves francs et aux idéaux solidaires qu’elle portait, comme autant de braises volcaniques enfouies au creux de cette tête enflammée d’impétueuses mèches carmin. Elle se pencha alors légèrement en avant pour mieux continuer sur le ton de la confidence :

Et permettez-moi de vous dire également ceci : méfiez-vous de ceux qui font autorité au village de la feuille. Les bonnes intentions ne suffiront pas, certains ne comptent nullement souscrire à la paix que nous leur avons vendue, malgré leurs grands sourires. Dans les coulisses, une bataille se prépare autour d’un sujet qui ne manquera pas de nous diviser, encore, à l’avenir. Si votre souhait est véritablement d’aboutir à un monde uni, soyez prête à affronter des écueils terribles, le pire n’est pas derrière nous. En vérité, tout reste à faire. Et je me demande encore si votre bonne volonté saura résister à cette tempête… je l’espère, en tout cas.

Quel était ce sujet auquel elle faisait allusion ? Elle laissait le soin à l’intendante vermeille de le comprendre. Lorsqu’elle tenta de la questionner, Haruka lui répondit uniquement que la seule chose qui importait aux Villages Cachés était ce qui pouvait leur apporter de la puissance. Aussi seraient-ils sans doute amenés à s’arracher la dernière et meilleure arme connue. Elle ne pouvait en dire plus.

En attendant, savourons d’avoir écrit une si belle Histoire pour le Sekaï, même juste quelques lignes, et profitons de cette liesse tant qu’elle dure, acheva la Senju en lui tendant une plume.

Haruka détourna pudiquement le regard, espérant cacher à son interlocutrice l’émotion qui luisait dans ses yeux. Venait-elle de se faire sa première véritable amie ?
Elle fit mine de se recoiffer, mains au-devant de son visage, profitant du rideau momentanément offert par les longues manches de son kimono pour laisser couleur une larme, aussitôt épongée par son habit. Lorsqu’il retomba, il ne restait plus signe de cet instant de faiblesse, mais une profonde gratitude illuminait encore ses traits.
L’intendante de Konoha hocha alors la tête, puis s’éclaircit la voix.

En effet. Pardonnez-moi, je manque à tous mes devoirs. En ce qui concerne l’examen Jônin, je comptais vous proposer les mêmes modalités qu’au précédent examen, puisque ce dispositif a déjà fait ses preuves.

Si l’on omettait, bien sûr, l’intrusion de la petite Toka. Mais, plutôt qu’une faille systémique, elle relevait davantage de sa propre négligence ainsi que d’un manque de discipline chez les jeunes générations de Konoha. Ce genre d’incident avait très peu de chances de se reproduire avec les prochains participants, plus matures, qui s’étaient préparés aux responsabilités du grade de Jônin.
Ce qu’elle exposa à sa collègue d’un ton qui se voulait rassurant.

Tenez. Je vous laisse procéder aux relectures habituelles, commenta la Senju en lui tendant une liasse de papiers contenant le règlement de l’examen à venir ainsi que quelques propositions d’épreuves.

Adaptées, bien évidemment, à des candidats d’un âge plus avancé. Il y avait là, couché sur le papier, la version aboutie d'un exercice de diplomatie, d'une escorte et d'une capture de drapeau.

Vos assistants m’ont fait parvenir vos suggestions avant que je ne vienne, afin que je puisse vous apporter une proposition définitive aujourd’hui même. Comme toujours, je vous fait confiance pour ne pas retenir votre franc-parler et me dire si cela ne vous convient pas.

D’un air pensif, l’intendante de la feuille porta délicatement sa main contre sa joue tandis qu’elle songeait à la question d’Haruka.

Cela va faire un petit plus d’un an, répondit-elle avec étonnement. Le temps file sans que je m’en aperçoive. Et toi, alors ? Tu sembles rodée à cette fonction, le Senkage doit être fier d’être si bien accompagné.

La Senju laissa sa question en flottement alors que sa comparse émettait ensuite quelques suggestions. Le monde Shinobi était effectivement un train lancé à grande vitesse qui ne s’encombrait d’aucun arrêt pour embarquer ses passagers. Heureux, donc, ceux qui le rattrapaient, car seule la mort attendait les autres : laissés à une sélection naturelle, ou heurtés de plein fouet par cette réalité. Voilà pourquoi chaque shinobi devait s’investir dans une volonté de progression perpétuelle, cultiver sa ruse, se tenir informé, et ce de sa propre initiative.
Ce constat était aussi pertinent pour un ninja que pour un simple citoyen, car le train de la plus simple des vies, bien que moins véloce, n'était pas plus clément. En vérité, l'inertie était le plus grand des péril. Il condamnait tout : l'âme, le corps, l'esprit. Il n'existait pas pire gangrène, et ceux qui en étaient affligés ne se voyaient pas mourir, emportés par un long et profond sommeil.
L’intendante de Konoha hocha la tête.

Je suis d’accord, approuva Haruka. Trop d’entre eux s’imaginent encore qu’ils seront un jour parfaitement prêts, mais on ne l’est jamais. Rares sont les missions où l’on est pas pris de court et qui se passent d’improvisation. Bousculons-les un peu.

Haruka s’empara à nouveau de plume et papier pour rédiger cette proposition, à la suite de ce qui avait déjà été scellé par écrit.
Elle aimait la façon de penser de son homologue, qui semblait, comme tous les shinobis d’expérience, avoir avalé son lot de réalité crue.

Les traits de l’intendante de la feuille s’étirèrent de stupeur en entendant parler des hauts-faits d’Haruka. Oh il ne s’agissait pas là un mauvais signe, bien au contraire. Pour tout dire, elle était franchement épatée. L’on avait envoyé à Baransu les ninja les plus compétents du Sekai, et ceux qui avaient échappé à ce charnier pouvaient raisonnablement être qualifiés de virtuoses du combat. Ou de miraculés. Mais rien qu’en la regardant, il était évident que la chance n’avait rien à voir avec la survie de cette pugnace jeune femme. Qui plus est si elle avait infiltré l’ennemi et que, non contente d’en réchapper, elle s’était illustrée au milieu de ce brûlant conflit.

Pardonne mon étonnement, s'excusa-t-elle sans relever le tutoiement familier qui s'était naturellement invité dans leur langage. Tu es si jeune et pourtant tu as déjà accompli d’honorables prouesses. De nous deux,  c’est moi qui devrait te prendre pour modèle, s’amusa la Senju en balayant d’un revers de main toute contestation. Allons, je n’ai que ma rigueur d’admirable, et des gènes dont je ne suis responsable en rien. Toi, au contraire, tu as l’étoffe des braves, ce qui est infiniment plus rare et précieux.

Si cela pouvait en avoir l’air, ce n’était pourtant pas une poignée de flatteries courtoises jetées dans l’arène de la diplomatie. La dame en rouge de Konoha le pensait véritablement. Et elle savait qu’on ne ressortait pas de ce genre d’évènement sans y laisser une part de soi-même.

Mais je ne devrais pas parler ainsi, se reprit-elle aussitôt. Je souhaitais saluer ton indéniable talent et, en parlant, je me rends compte de ma maladresse. Je n’imagine que trop bien l’épreuve que cela a dû représenter. Sur le champ de bataille, on ne fait que semer et rencontre la mort sans souci pour le moment ou la manière. Il est bien difficile de trouver quoi que ce soit de glorieux là-dedans, surtout lorsque l’on a dû faire couler le sang par soi-même.

Comme pour clore ce sujet délicat, Haruka se racla sobrement la gorge et se repositionna sur sa chaise. En y réfléchissant, elle se rendait bien compte qu’elle n’avait encore rien accompli d’aussi extraordinaire pour Konoha, ce qui la faisait s’interroger sur sa propre légitimité. Aussi revint-elle sans plus de formalités au sujet de leur entretien, écoutant attentivement le questionnement de la fougueuse intendante d’Uzushio.

Tout à fait, nous avons préparé les plans de construction d’un site qui sera entièrement dédié à cette épreuve. Aux abords de la forêt qui entoure le Village, expliqua la Senju en déroulant sous ses yeux une carte glissée hors de ses dossiers. Nous prévoyons un environnement différent pour chaque chemin.

Son doigt pointa trois emplacements au relief schématisé, puis désigna tout particulièrement l’un d’entre eux.

L’aide de quelques-uns de vos maîtres du Suiton serait effectivement appréciée à cet endroit. Comme tu peux le voir, parvenir à une telle configuration requiert de ne pas lésiner sur les moyens. On ne peut pas dire qu’on dépensera sans compter… mais le projet est conséquent.

Elle se tut quelques instants, laissant le regard de son homologue vagabonder sur la carte et apprécier l’ampleur de la tâche. Il était après tout question de recréer de véritables biomes.

Concernant le déroulement de l’examen enfin, que pensez-tu d’échauffer nos participants avec l’épreuve d’escorte, pour ensuite les confronter à notre épreuve de diplomatie, avant de terminer en fanfare avec une course au drapeau ? Cela clôturerait notre échange sur une jolie note.

Sa dernière remarque faisait bien évidemment référence aux subtilités de l’épreuve du drapeau, couchées ici-même sur le papier.