Rencontre avec le roi [PV :Senkage]

La peur mène à la colère...

Meyo Tsuri ft Shun

The House of the Rising Sun - The Animals


   Un bruit sourd tira le Senkage de ses pensées. Il leva les yeux vers la porte. Sur son bureau s'étalait, comme à l’accoutumée, nombre de parchemins, d'édits et de commandes. Ses yeux cernés contemplaient encore il y a quelques secondes une demande de « Régulation des navires étrangers dans le port d'Uzushio. », car les pécheurs du village considéraient ne pas avoir la place de s'arrimer. Il gratta sur son coup une barbe négligée.

Entrez !

Un shinobi du village pénétra dans la pièce et s'agenouilla devant le bureau. De longs cheveux soigneusement noués, un visage aux traits fins, tendus par la sévérité naturelle du jeune homme. Tsuri reconnu le dénommé Shun. Le chunin s'était présenté il y a peu, dépité, faire son rapport à propos d'une mission qui s'était très mal déroulée. Deux jeunes genins, alors sous son commandement, étaient portés disparus depuis et Shun ne s'en était toujours pas remis... Comment l'en blâmer ? La mort faisait partie intégrante de la vie des ninjas. Ils l’appréhendaient dès leur plus jeune âge, même s'il est vrai que depuis la création des villages, il était de plus en plus rare de voir périr les siens. La mortalité infantile avait reculé, la durée de vie s'était allongée (pour les civils du moins), le taux d’alphabétisation était en liesse et l'accès aux soins grandement facilité. De fait, perdre quelqu'un n'était plus si fréquent que durant la guerre.

Le jeune shinobi était démoralisé, abattu et défaitiste. Tsuri l'écoutait attentivement. Il exprima le souhait d'être soumis à un entraînement avec le Shodaime dans le rôle du professeur. Drôle de demande venant de l'élite Uzujins. La plupart des ninjas n'osaient pas déranger le Kage et se débrouillaient entre eux. Shun au contraire lui demandait de l'aide directement. Confiance déchue ? Promesse rompue ? Indigne de s'occuper d'orphelins ?... Comment le tirer des affres de la souffrance et de l'affliction ? Bien entendu, rien de ce qu'il n'avait exprimé n'était vrai. Il n'avait perdu ni la confiance du kage, ni du village et surtout pas celles des orphelins qui le vénéraient. Le Shodaime avait pu le constater par lui-même lors de sa dernière visite.

Tsuri ne répondit pas. Il tira une cigarette de son paquet et l'alluma. Il s'étira un grand coup et on entendit quelques articulations craquer. S'appuyant des deux mains sur son bureau, il se leva doucement. Il s'avança dans la pièce et s'arrêta au niveau du Chunin, toujours agenouillé. Il lui posa une main sur l'épaule et resta là un moment.

Suis-moi.

Cape sur le dos et lunettes sur le nez, le Senkage traversa la tour, puis les rues. Lorsqu'on lui adressait un salut, il le rendait, le sourire aux lèvres et cigarette à la bouche. Il aimait son village et c'était réciproque. Derrière lui, Shun suivait. Ils arrivèrent bientôt à l'écart du village, sur les terrains d’entraînements. Tsuri avait eu le temps de réfléchir à la meilleure façon d'agir. Shun s'était enfoncé trop loin dans le chagrin, trop profondément dans la douleur pour être ramené par des mots. Malgré sa réticence, le Shodaime allait lui enseigner le remède, tout comme on le lui avait enseigné des années plus tôt. Il regarda le ciel un instant: « Ah Mio... Je ne pensais pas devoir utiliser un jour tes méthodes pédagogiques. ». Il se tourna vers Shun :

En effet, tu n'es plus digne du village. Petite pause. Les Uzujins, quelques soit leurs souffrances et leurs épreuves, les affrontent la tête haute, pas en quémandant de l'aide. Shun, Chunin d'Uzushio, il te reste maintenant deux choix; soit tu fuis le village sans retour possible, soit tu m'attaques avec l'intention de me tuer.

Bien entendu, jamais il n'irait jusque là, mais le jeune homme n'en savait rien. Son visage n'avait plus rien de joyeux et son ton ne laissait pas de doutes sur ses intentions. Sa cape voleta dans son dos sous la brise. Autour d'eux, les feuilles chantaient sous la caresse du vent. Personne. Tant mieux. Il voyait bien que le chunin hésitait. Attaquer son kage était passible de mort au village. Il fallait le forcer à agir. Tsuri inspira une dernière fois sur la cigarette et jeta son mégot un peu plus loin.

Tu n'aurais jamais dû passer Chunin. Tu n'en as ni les capacités, ni le mental !

« J'y vais trop fort... Le pauvre ». Non, il fallait continuer jusqu'au bout, déclencher chez le jeune homme un électrochoc et pour ça, mettre sa vie en jeu. Tsuri effectua rapidement des mudras. Il sentit le vent croître en lui et il l'expulsa par ses poings et ses pieds en tournoyant.




Plusieurs salves d'air comprimés fusèrent sur Shun. Cela faisait longtemps qu'il n'avait pas combattu, voyons si il était aussi rouillé que ne l'affirmait Katsuo.

Récapitulatif:

   

La colère mène à la haine...

Meyo Tsuri ft Shun

Proxy - Cypher


Le chunin fut projeté au sol. L'attaque n'était pas faîtes pour blesser, auquel cas l’inattention du jeune homme aurait été punie. Se faire attaquer par un membre de son village, qui plus est par le chef de ce dernier, cela ne devait pas être facile. Tsuri le savait, mais il devait continuer, pour vaincre une souffrance, il faut l'affronter. Il ne pouvait qu'imaginer la peine de Shun, et la comparer à sa propre expérience n'était idéal, mais c'était tout ce qu'il avait. Le chunin s'adressa à lui. Rhétorique la question au final puisqu'il se décidait enfin à répliquer.

Tsuri l'observa, sur ses gardes, dessiner à toute vitesse sur son parchemin. Ses dessins prirent vies devant les yeux du Senkage. Il garda de montré son étonnement. Une bien étrange technique. Il ne l'avait jamais vu auparavant. Très utile selon son utilisation. Shun était vraiment un être à part. Il fallait le pousser dans ses retranchements, le forcer à tout donner. Une nouvelle provocation dans ce cas. Il prit son ton le plus condescendant et lança en levant les sourcils :

C'est avec ça que tu comptes m'abattre ? Des gribouillages d'enfants ? Tu es sur d'être shinobi ?  Il avait appuyé chaque mot de sa dernière phrase.

Le Shodaime composa ses mudras le plus rapidement qu'il le pu. Il inspira un grand coup et expulsa l'air sous pression hors de ses poumons. En soufflant, il dessina dans l'air une grande lame courbée qui fonça vers les lions.


En rase motte, la lame fusa. Elle trancha les pauvres anima comme s'ils avaient été fait de papier, réduisant son effort à néant et se dirigea droit vers le chunin. L'encre gicla dans les airs sous le coup. Il voulait contraindre Shun à user de ses jutsus les plus puissants. Une fois son attaque lancée, le Senkage chercha du bout des doigts le parchemin fixé à son poignet droit. Il appliqua une petite dose de chakra et appuya de l'index sur ce dernier. Une petite détonation tonna. Il tenait à présent dans sa main deux shurikens.  


Il rangea  les projectiles à l'intérieur de son kimono. Il les utiliserait plus tard. En attendant, il voulait voir la réaction de Shun. S'il n'esquivait pas sa lame, il serait tranché en deux. Un simple saut suffisait. « Pourvu qu'il ne se blesse pas », pria le Shodaime. « Ne sois pas ridicule Meyo, c'est un chunin d'Uzushio, pas un aspirant ». Tsuri plia les jambes et banda ses muscles, prêt à accueillir la contre attaque. Il avait un plan en trois actes, celui là n'était que le premier.

Récapitulatif:

   

La haine mène à l'affliction.

Meyo Tsuri ft Shun

Erik Satie: Gnossienne No. 1, 2, 3


Il n'est jamais bon de retourner trop longtemps dans le passé. Une fois la nostalgie des bons moments en mémoire, c'est les remords des erreurs et le chagrin des malheurs qui prennent le pas. Cela nous détruit un peu plus à chaque fois. Ne pas sombrer dans la détresse, la culpabilité et le désespoir n'est aussi facile que de céder à l'appel de la colère et de la souffrance. C'est réconfortant la souffrance, familier. On finit par s'y habituer, par s'y complaire. On trouve des excuses pour ne pas avancer. Finalement, après un temps, on trouve cruel ceux qui veulent nous en sortir. On se dit qu'ils ne comprendront jamais, que cette peine, ce traumatisme, est une partie... non la partie la plus importante de notre être. Nous l'enlever reviendrait à nous tuer. Je ne l'ai que trop vécu.

Shun est un garçon intelligent et réactif, mais le malheur qui l'a accablé toute sa vie le hante et l'ombre de son passé l'étouffe. Son affliction a fini par devenir son rempart contre la cruauté du monde. Je dois changer ça, comme Mio l'a fait pour moi. Le vent ne le déstabilise pas, il utilise le Shunshin pour se déplacer. Quelle virtuosité ! J'ai toujours eu du mal à maîtriser cette technique, je lui demanderais conseil. En attendant, je sens sa présence dans mon dos. Mes muscles bougent, mais je les arrêtes. Mes réflexes sont tels que mes muscles se souviennent et prennent le pas sur ma conscience, pas aujourd'hui. Je dois le laisser finir. Je mérite bien quelques coups après la cruauté dont j'ai fais preuve. Son souffle chaud m'irrite l'oreille. Subis ta pire peur qu'il dit.

Tiens, où suis-je ? C'est la rue principale du village. Qu'est-ce que je fais ici ? Je vois... Du Genjutsu. Il est plein de ressources. Mes mains se joignent et je concentre mon chakra. Je visualise toujours une boule dans mon estomac lorsque je pratique le Kaï, seul technique efficace contre les illusions. C'est prêt, je n'ai plus qu'à rel....

Je décolle, frappé dans le dos. Par l'enfer, qu'est-ce que c'est ? Je n'ai jamais vu d'illusions semblables. J'ai mal. Je sens une pression sur mes côtes. J'essaie de frapper, en vain. Je chute maintenant. Ça va trop vite, je n'ai pas le temps... vite... Trop tard. Je met quelques dizaines de secondes pour ouvrir les yeux. C'était violent. Un liquide chaud sur mon visage... Du sang. J’essaie de m'essuyer. « AH ! » Un crac bruyant retentit. Mon épaule droite est touchée, Elle s'est déboîtée. J'ai vraiment mal au dos. Tant bien que mal, je m'appuie sur mon bras valide pour me relever. Je suis toujours sur l'avenue du village, mais tout est en feu. Un immense brasier me fait face et la chaleur embrase mes pores. Je place ma main en barrage devant mes yeux. Tiens, je n'ai plus mes lunettes. Peu importe. Je fais quelques pas en arrière. Il faut recommencer le Kaï. Je n'ai pas terminé la leçon. « Ah ! » Impossible, il faut que je remboîte mon épaule. Péniblement, j’attrape mon bras droit au-dessus du coude. J'inspire un grand coup, mes côtes sont douloureuses. Je plisse les yeux et tire d'un coup sec. « Aaaaaaïe, PUTAIN ! ». Ma mobilité est revenue. Je joins les mains une nouvelle fois.

- Tsuri !

Je tourne la tête, c'est impossible.

- YATANO !

Mon petit frère, il est vivant, il a besoin de moi. Je me met à courir vers la source du cris. Quelques dizaines de mètre plus loin, je le vois, étendu sur le sol, partiellement immergé, le corps boursouflé par l'eau de mer, à moitié rongé par les flammes. Des plaies suintent encore sur les parties émergés et du sang, tant de sang s'écoulent de son ventre sur la plage. Je cherche de l'aide du regard, je ne suis plus à Uzushio, mais bien dans mon village natale ou le même décors infernal m'attend. Je me précipite vers Yatano et le prend dans mes bras.

- Je suis désolé petit frère, je n'ai rien pu faire... Père !Père !
- Tu es trop faible Tsuri, c'est de ta faute !

Dans mes bras, sa tête pivote lentement pour me faire face. Ses yeux injectés de sang me dévisagent d'un air froid. Son sourire s’élargit et de l'eau sort de sa bouche. Je suis pétrifié.

- Père est mort. Je suis mort. Tout cela est ta faute. Celle des Uzumaki et des Miyamoto. Tu le sais et tu vies avec eux. Tu es devenu leurs chefs et malgré cela, nos cadavres, ceux des habitants de notre village sont toujours souillés.
- Non, je ne voulais pas, je ne peux pas...
- Tu es un lâche Tsuri, incapable de venger les tiens. Incapable de protéger tes petits Uzujins. Ta paix volera en éclat à la moindre brise.
- Impossible, tu n'existes pas. Tu es mort.
- Ce sont des animaux ! Ils te feront payer ton inaction.
- Tais-toi, tu es mort !

Des larmes dégoulinent le long de mes joues et s'écrasent sur le visage verdâtre de mon petit frère. Il ricane. Mon esprit lutte. Tout ça n'est pas réel, ce n'est pas réel. Tiens bon, réveil-toi ! Tu as déjà vécu ça. Souviens-toi de Mio. !

- Tu périras comme un CHIEN ! Trahis par les parjures de ton village ! Hahaha !
- TAIS-TOI ! TU... ES.... MORT !

Je suis secoué de sanglot, à genoux dans l'herbe, de retour sur le terrain d’entraînement. Mes bras sont lourds, ballants. Je prends quelques instants pour récupérer mon souffle. Yatano... Je bande mes muscles. Mes jambes s'activent et je quitte le sol. J'essuie grossièrement mon visage. Ma main est engluée de sang. Mon épaule droite me lance, mais je peux bouger. Je me tourne lentement pour faire face au Chunin. J’essaie d’essuyer une nouvelle fois mes larmes d'un revers de manche. J'étale de la terre et du sang. Je jette une rapide coup d’œil sur le côté. Un petit cratère, non loin de là, me dévoile le point d'impact de ma chute. Pas étonnant que je sois dans cet état. Je plonge ma main dans mon kimono sans prêter attention à Shun. Il a du tout entendre... Qu'importe. Sa technique est très efficace. J'en retire un paquet de cigarette froissé. J'attrape du bout des doigts une tige encore miraculeusement intacte, je la porte à ma bouche et l'allume. Je souffle l'épaisse fumée blanche vers le ciel et manque de tousser. Ce n'est pas une bonne idée. Lorsque mon regard croise celui du chunin, je le distingue mal. Sûrement un coup sur la tête ou mes lunettes.

- On me reconnaît nombre de qualité. La complaisance n'en fait pas partie. Il fut un temps où comme toi, je me nourrissais de ma souffrance. Ce spectacle lamentable que je viens de donner, dis-je en pointant l'endroit où mon frère se trouvait il y a peu, c'est l'unique chose que tu pourras tirer de cette souffrance. L'affliction est une malédiction, pas un cadeau. La vengeance n'est pas un moteur, c'est un frein. La peine.... La peine diminue avec le temps.

Je fais une pause dans ma tirade. À moitié voûté, il m'est impossible de me tenir droit. La douleur tiraille mon dos et mes côtes. J'inspire une nouvelle fois sur la clope.

Je vais maintenant t'enseigner une technique. Pour la maîtriser, il est nécessaire de lui confier toutes tes souffrances : ton clan, ton passé, les disparus, le désespoir. Tout cela, enfermer dans un sceau. Je mime le mouvement. Un sceau puissant et destructeur où ton affliction devient celle de l'ennemi. Une technique redoutable.

D'une pichenette, je jetais ma cigarette au loin. Je joins mes mains et concentre le peu de chakra qu'il me reste après de telles blessures. Je suis fatigué.


- Ce combat, tu l'as perdu dès l'instant où je t'ai touché l'épaule dans mon bureau. Je vais te transmettre la technique de la même manière qu'elle m'a était transmise. Débrouilles-toi pour la suite, il faut que je me repose.

À ces mots, je m'écroule sur le dos, les yeux clos alors que la technique s'active. Mon ancien maître était partis à la pêche lui, durant notre entraînement et il ne m'avait même pas laissé l'occasion de le frapper. Je ne suis pas si cruel après tout.

Récapitulatif:

   

Un nouvel espoir.

Meyo Tsuri ft Shun

Star Wars - The Force Suite (Theme)




Tsuri s'éveilla brusquement sur le sol humide du terrain d’entraînement. Il se redressa en sueur. Son mouvement fut si brusque qu'il réprima un cris de douleur, les côtes en feu. Par réflexe, il posa sa main sur ces dernières, espérant futilement que le contact de sa main nue pourrez le soigner. Il fronça les sourcils. Au lieu de trouver son buste abîmé par le jutsu de Shun, une épaisse bande de coton lui enserrait le torse. Dubitatif, il chercha autour de lui ses lunettes. Lorsqu'il mit la main dessus, il les enfila. La lune était encore haute et sa blanche clarté éclairait les environs. Il fut surpris de voir une couverture sur ses jambes, elle avait du glisser lors de son réveil. À ses côtés, Shun dormait toujours. Il avait réussi à braver le sceau. Ce jeune homme était plein d'avenir pensa Tsuri, qui souriait à présent. Il devina l'identité de son bienfaiteur.

- Masashi ?

Un homme émergea des ombres alentours et vint s'agenouiller prêt du Senkage.

- Shodaime.
- Merci Masashi, tu n'étais pas obligé de me couver.
- Maitre, vous n'auriez pas du l'affronter... Il vous a blessé. J'aurais du le punir.
- Allons Masashi, tu m'a déjà vu dans des états bien pires.
- Là n'est pas la question Shodaime, c'est un membre du village. Katsuo m'a raconté sa requête. Il est perdu.
- C'est là que tu te trompes, ce jeune homme est plein de ressources, il bravera cette épreuve.
- Vous êtes bien optimiste.
- Rappelle toi votre état à ta sœur et toi lors de notre première rencontre.
- Certes. Il hésita un moment. Voulez-vous du thé ?
- Avec grand plaisir. Deux tasses, sauf si tu désir boire avec nous ?
- Vous savez bien que non. J'y vais de ce pas.
- Prend quelques parchemins et de quoi écrire s'il te plait, la séance n'est pas terminée.
- Mais ?... Bon très bien.

Lorsqu'il fut de retour, chargé d'ustensiles, le Kage avait allumé un feu près de leurs couchettes. La cigarette à la bouche, il laissait la fumée le tranquilliser. Revoir Yatano fut plus difficile qu'il ne l'aurait cru. Il avait fait le deuil de son passé depuis fort longtemps, mais il ne l'avait jamais confronté de la sorte. Il faudrait bientôt qu'il rende visite à sa mère au village. Masashi disposa le nécessaire à la cérémonie du thé et disparu de nouveau, pestant contre l'imprudence de son maître.

Il attendit les premières lueurs de l'aube pour réveiller Shun. Il le secoua gentiment en l'appelant. Il fit bouillir de l'eau sur le feu et la versa dans une théière. Les herbes infusèrent et l'odeur qui s'échapper du bec se voulait apaisante. Il en servit deux coupes et en tendit une au Chunin. Il laissa passer plusieurs minutes de silence, éclairé par la seule lueur des flammes. Les ombres dansaient sur leurs visages, virevoltant tel de vieux souvenirs douloureux. Sa cape posée sur ses épaules nues, le Kage fixait le foyer et derrière ses lunettes, son regard s'assombrit.

- Tu sais, tu es l'un des rares de ta génération à connaître l'horreur de la guerre. Cette douleur... Nous avons tout fait pour en épargner le village. C'était mon idéal, une paix durable. Je me rend compte aujourd'hui que même en ces temps paisibles, le deuil survient toujours et ce sera toujours le cas. Je suis navré Shun pour tes compagnons.

Le feu crépitait toujours dans l'âtre. Le Shodaime porta la tasse à ses lèvres, toujours le regard fixait sur les flammes. Les ténèbres de la nuit commencer à fuir la lumière du soleil.

- Je n'ai jamais su comment me comporter face à la douleur des gens. Les condoléances, les rituels, les flammes... Je n'ai jamais été à l'aise avec tout ça.

Il but une nouvelle gorgé, plus longue cette fois. Il posa la tasse vide sur le plateau emmené par Masashi. Il tourna pour la première fois son regard vers Shun. Il plongea ses yeux dans les siens. Les dernières flammèches vacillèrent un instant dans ses iris et les démons s'évaporèrent lorsque le soleil jaillit à l'horizon.

- Je peux te former en revanche. Il marqua un temps d'arrêt. T'enseigner ce que je sais sur la voie des shinobis. Et tu pourras en faire de même, combler mes lacunes. Seul, il est difficile de trouver des réponses, mais ensemble, nous aurions plus de chance. Qu'en dis-tu ?

Il attendit la réponse du chunin. Il pivota ensuite le buste pour attraper un parchemin roulé qu'il lui tendit.

- À l'intérieur se trouve le « Jigô Jubaku no In », le sceau d'affliction. Celui qui t'as frappé hier soir. C'est une technique redoutable. Maintenant que tu en connais les effets, je veux que tu traces le signe sur le parchemin en te remémorant les sensations d’enfermement et de souffrance. Sans chakra pour commencer, juste de l'émotion.

Récapitulatif:

   

L'épouvante du moi

Meyo Tsuri ft Shun

John Williams - Across The Stars


- Tu ne m'as pas compris Shun. Les événements tragiques qui entourent ta jeunesse et même les désertions récentes... Rien n'est de ton fait. Ta « faiblesse » n'a rien à voir là dedans. La vie est construite autour d'une multitude d’événements aléatoires. Certains sont les conséquences d'actions initiées par les hommes, d'autres par une simple branche qui craque. Personne ne peut en être sûr. La seule chose que nous pouvons faire, c'est agir pour le mieux et espérer.

Tsuri marqua une pause. Il tendit le bras et attrapa la bouilloire, il se servit à nouveau du thé avant de reprendre.

- Je vais maintenant de donner un ordre. Je ne veux plus jamais t'entendre dire que la mort de tes parents est de ta faute ! Et plus jamais tu ne diras de toi que tu es faible ! Est-ce bien compris. Dit-il d'un ton qui n'attendait pas de réponse.

Shun avait une si piètre opinion de lui-même qu'il était devenu naturel pour lui de se dénigrer en public. Jamais le Shodaime n'avait vu une telle flagellation mentale. Malheureusement, si la douceur ne fonctionnait pas, il se devait de trouver un moyen. Sans s'acharner plus longtemps. Tsuri reporta son attention sur le sceau. Shun entrait déjà dans la théorie avancée, preuve de sa connaissance du Fuin, mais il ignora complètement le conseil du Senkage. Tsuri porta la tasse à ses lèvres et but une longue gorgée.

- Shun. Dit-il soudain. Ce n'est pas le plus important. Je te l'ai dis, ce sceau est particulier. En plus du chakra, il faut y mettre des sentiments. La volonté d'asservir l'adversaire comme s'il s'agissait de la partie la plus noire de ton âme. Tu dois faire face à tes émotions. Tu dois les utiliser. Lorsque l'on débute, on nous apprend à les réprimer pour garder le contrôle et c'est très bien, la plupart des arts shinobis nécessite un contrôle total et le Fuinjutsu d'autant plus. Mais certaines techniques avancées, en plus de requérir une grande précision, demande de puiser dans ce qui fait notre humanité.

Tsuri marqua une nouvelle pause. Peut-être s'était-il trompé, trop précipité ? Shun n'était peut-être pas apte à apprendre le Jigô ? Incapable d'affronter son passé. Le Kage se gratta la joue. La force n'avait pas fonctionnait, la douceur non plus... La subtilité dans ce cas.

- Avant toute chose, inspire profondément et ferme les yeux. C'est ça. Dans l'obscurité, je veux que tu visualise tes fameux échecs. Doucement, l'un après l'autre. Continue de respirer. Pense à ce que cela a provoqué chez toi, la peine, la douleur, la haine... Canalise ce sentiment, visualise le comme une boule de fumée... Maintenant, prend ce pinceau sert toi de cette fumée pour tracer le sceau ! Fixe le avec ton chakra et trace !


Il n'avait pas trouvé mieux.

Récapitulatif:

   

L'usage du "ça"

Meyo Tsuri ft Shun

Balduin - Mister Mister



- C'est parfait ! S'exclama le Shodaime.

Enfin il y parvenait. Tsuri observait le parchemin se noircir d'encre et de chakra. Il attrapa à bout de bras le papier et contempla le sceau. C'était très bien. La partie la plus difficile venait de s'achever. Maintenant que Shun avait comprit le sceau, il fallait passer à la partie pratique. Le Senkage se leva et invita d'un geste le chunin à l'imiter. Il se dirigea à la lisère du terrain ou s'élevait, à la manière d'une barrière naturelle, une forêt de pins. Il caressa du bout des doigts l'écorce de l'arbre le plus proche. Sous cette carapace rugueuse, il pouvait ressentir le mince filet de chakra circuler de la racine vers la cime. Il se tourna brusquement vers Shun.

- Très bien . Je veux que mentalement tu dessines le sceau dans le creux de ta main. Tu vas l'apposer sur cet arbre et t’entraîner à y insuffler un peu de chakra. Le chakra, à défaut d'encre, doit se fixer sur ta cible par le biais de ta main. Une fois que tu auras réussi à laisser ton sceau sur l'arbre, recommence en y ajoutant tes émotions, comme tout à l'heure. Je te laisse le temps qu'il faudra.

À l'académie, on enseignait à tous les prétendants au grade de Genin que la chakra était une matière impalpable présente dans tous les être vivants, une sorte d'énergie vitale, à la fois collective et individuelle. De ce fait, la plupart des shinobis avait vite comprit qu'il était possible de s’entraîner dans la nature à manipuler le chakra, et notamment sur les arbres. Shun avait subit la technique et acquit la manipulation des émotions. Il restait encore deux étapes. La première, il la travaillait dès à présent. La seconde consistait l'activation sur commande du Jigô, même à plusieurs dizaines de mètre de celui-ci.

Tsuri s'assit au creux d'un grand pin et s'adossa au tronc. Il plongea la main dans sa poche et en sortit son paquet de cigarette bien abîmé par les événements de la veille. Alors qu'il allumait une clope à l'angle incertain, la voix de Masashi surgit des branchages qui le surplombait.

- Vous le croyez capable de réussir ?
- Oui, sans aucun doute.

Récapitulatif:

   

Une dernière chose

Meyo Tsuri ft Shun

La fatigue, il s'était fourvoyé en pensant pouvoir récupérer plus vite, mais les blessures causées par le chunin engendraient nombre de douleurs. Les jumeaux, formés à l'assassinat et à la protection, restaient mal habile dans l'art de guérir. Assis en tailleur face au terrain d’entraînement, Meyo soupirait. Il aspirait au sommeil, un long et profond sommeil réparateur dans un lit chaud et douillet. Malheureusement, il le savait à la position du soleil, la journée promettait d'être longue. Il jeta un coup par dessus son épaule et observa Shun se débattre avec l'obscure technique. Quel pitoyable enseignant ! Pensa t-il. Une pédagogie incertaine pour un minimum de résultats. Avec d'autres, Shun aurait très certainement comprit le fonctionnement de la technique beaucoup plus rapidement.

Pourtant, malgré les lacunes du professeur, Shun arborait une détermination nouvelle. De ça au moins, il pouvait s'en réjouir. Masashi, toujours perché dans les branchages au dessus de lui, dévisageait le chunin avec dédain. Meyo souriait à présent. Shun venait de contournait la principale difficulté du sceau avec une telle aisance... Si Mio avait vu cela. « Ce n'est pas en contournant le problème que l'on atteins le succès. » Pourtant, Shun venait de réussir. Il avait utilisé les techniques de son clan. L'encre, en guise de fixateur, ne nécessitait plus de visualiser le chakra. Shun venait de s'adresser à lui. Trop fatigué pour se lever, il répondit:

- Très bonne initiative ! Ce n'est pas ce j'avais en tête, mais tu as réussi. Tu as fais le plus dur à présent. Il ne reste plus qu'une seule étape.

Le plus dur... Pas vraiment. Shun avec les deux premières étapes, était déjà capable d'utiliser la technique en combat, ce qui n'était pas négligeable. Mais pour que le « Jigô » révèle son plein potentiel, il était nécessaire d'en comprendre tout les mécanismes.

- Tu dois fixer le sceau sur l'arbre, sans le déclencher. Je m'explique, ajouta t-il devant la réaction de son partenaire. La plus grande force de ce sceau, c'est sa capacité à te donner l'avantage au combat et ce, au détriment de l'adversaire. Si tu cours vers un hypothétique opposant avec l'intention d'utiliser une technique, il te verra venir à des kilomètres. Mais si au cours d'un échange physique, tu lui appliques à son insu, tu pourras prendre l'avantage à n'importe quel moment. Est-ce que tu comprends ?

Il n'était pas sur de l'avoir expliqué clairement. Il laissa le silence s'installer, le temps pour le chunin d'ingérer les informations.

- Ta prochaine et dernière tache est la suivante. Tu vas fixer le Jigo sur l'arbre sans l'activer. Tu vas devoir lui tourner le dos, revenir vers moi et l'activer une fois que tu seras à plus de dix mètres. Mais avant cela tu vas aller boire un coup et souffler quelques instants.

Meyo s'était levé à présent, le regard fixé sur la lisère de la forêt. Il n'avait pas tout dit au chunin, mais comment le pouvait-il ? Essayez d'expliquer à quelqu'un que le secret réside dans la fragmentation de l'esprit et vous verrez la tête qu'il fera. Il fallait être capable de compartimenter l'attention. Laisser, de manière constante, une infime partie de cette dernière sur le sceau, tout en poursuivant le combat. Il suffisait d'une faute d’inattention pour le déclencher et ruiner ses efforts. Et l'inattention opère le plus souvent quand on perd de vue la cible. Shun l'apprendrait bientôt à ses dépends. C'était cette facette de la technique qui lui valait la catégorie A. Meyo détourna enfin le regard et lança à l'adresse de son élève.

- Au fait, essaie de faire en sorte que l'encre se voit le moins possible. Bonne chance !

Récapitulatif: