Ao m’avait chargé d’aller chercher Kyoshiro pour qu’il l’interroge. J’avais accepté sans poser de question. Je savais que l’idée pouvait être un peu controversée, sachant bien évidemment qu’une femme enceinte voyagerait seule jusqu’à Konoha, mais pour qui me prenaient-ils une de leur délicate petite fleur fragile qui brisait à la moindre brise ? J’avais vaguement entendu les murmures dans mon dos alors que je partais et les commentaires acides de mon maître résonnaient encore dans ton esprit. Cet homme savait comment me faire hésiter, comment me retourner de tout sens tous côtés, surtout depuis les quelques vérités qu’Ao avaient fait miroiter devant lors de son entraînement et qui avaient mené à une guerre froide entre Ichizo et moi. Je prenais également un malin plaisir à aller à l’encontre de la volonté de mon maître et à prendre la direction pour le village caché de la feuille sans perdre de temps.
J’avais la chance d’y être déjà allée, avec Ao. Cette visite, visite qui était responsable de tous ces changements et de cette nouvelle allée. Je retournais là où je l’avais rencontré. Peut-être allais-je lui demander de retourner dans le jardin à la pleine lune. Cette simple idée me fit frissonner. Mon ventre commençait à changer de forme et je doutais que je puisse le séduire aussi facilement … Mais il était aveugle et le verrait pas … il sentirait au moins.
Il fallait que je cesse de penser à ça, pas maintenant, de le rejoindre dans son lit ou dans ses bras n’était pas le but de ma visite. Enfin, pas vraiment. De cette histoire, je ne savais quoi en penser exactement, je ne m’étais jamais vue partager ma vie et encore moins sur le long terme. Mais Kyoshiro … Kyoshiro était arrivé dans ma vie et avait tout changer. Il m’avait permis de voir quelque chose que je voyais et ne voulais pas voir. Sa sœur ne s’était gênée de m’appeler amie et de remettre à ma place lorsque nous avions bu ensemble. Oui, il était au cœur de tout ce qui changeait. Pour le mieux ou le pire, je ne pourrais le dire, mais j’étais, depuis sa venue dans ma vie bien mieux que je ne l’étais avant et, pourtant, mon maître me rappellait sans cesse que je gâchais ma carrière.
Pourquoi étais-je si prompte à tout jeter et changer qui j’étais ? Je ne saurais le dire avec précision. Mais peut-être que je le dois à la première parcelle de chaleur qui m’est parvenue tant de mois au paravant. Ao était le premier à me traiter comme autre chose qu’une arme. Yuriko était ma première amie. Kyoshiro était le premier homme que j’ai aimé.
Je me reconnaissais à peine. J’avais tant changé, mais si peu également.
Le chemin jusqu’à Konoha était court, plus court que je ne le pensais, ou peut-être étais-je trop seule avec mes pensées et cette révolution qui venait d’arriver dans ma vie. Cette vague de chaleur, cette douceur inattendue …
Lorsque j’arrivai, je présentai aux gardes du village le message de mon intendant. On m’escorta ensuite jusqu’au terrain d’entraînement. Il pleuvait et pourtant, il faisait beau jusqu’à présent. Des cordes d’eau tombaient du ciel et au centre de cela, se tenait la raison de ma visite. Je restai quelques secondes en transe observant ses vêtements se plaquer à sa peau à cause de l’eau. Sa silhouette de dos, mais je ne dis rien. Je vis mon escorte s’avancer mais lui fit signe d’attendre. Je savais qu’il saurait que j’étais là.
De par la voie du sang qui était la leur, qu'ils y soit par choix ou pour suivre les traces de leurs ancêtres, leurs shinobis étaient rapidement contraints à oublier toute idée de stabilité ou de bonheur, leur existence prenant généralement fin bien avant qu'ils aient l'âge de se pencher sur la création de durable. Pourquoi songer à fonder une famille s'ils ne vivraient pas assez longtemps pour la voir vivre et prospérer ? Certes les grandes familles de shinobi étaient des cas à part, des communautés guidées par des traditions centenaires qui les maintenaient parfois au-dessus du lot, leur permettant de créer des shinobi d'une qualité supposément supérieure, mais les autres ? Les orphelins ? Les anonymes ? Les fils de personne ? Ils apprenaient bien vite que la vie n'était rien de juste et d'égal, ils devaient se débrouiller par eux-même et, malheureusement, beaucoup périssaient avant de pouvoir penser à leur futur, à autre chose que leur carrière. Pendant un long moment, presque toute sa vie en vérité, le jeune aveugle n'avait jamais été guidé par une futile recherche de la gloire mais par le désir de faire ses preuves, de se rendre utile, de prouver au monde qu'il ne se résumait pas uniquement à sa cécité. Avait-il réussi ce pari ? Plutôt oui, car il était l'un des shinobis d'élite de son village mais, malgré ses nouvelles responsabilités, il n'avait jamais stoppé ses efforts pour autant et, qu'on se le dise, ne le ferait sans doute qu'au moment de son dernier souffle. Il n'avait jamais envisagé autre chose que cette voie du sang, peut-être parce qu'il ne pensait pas mériter autre chose, peut-être parce qu'avoir un but était suffisant à le satisfaire, mais toujours était-il qu'il avait chassé de sa vie toute idée de l'après. Heureux ? Son propre bonheur n'avait jamais fait partie de l'équation jusqu'à présent, seul le bonheur de sa sœur importait réellement mais, depuis quelques temps, une chose était venue changer la donne.
Une idée, un concept, un soleil aux cheveux rosés.
Au début il n'avait pas réfléchi à ce que cela pouvait être. Peut-être une passade, une femme de plus pour réchauffer son lit et ses nuits, puis ses pas le guidèrent jusqu'à son jardin secret et là, sous le regard bienveillant de l'astre lunaire, il sut que c'était...autre chose. Quelque chose de différent de ce qu'il avait eu avait, de plus intense, de plus doux, de plus...juste et pendant un temps il ne sut que faire de tout ce bonheur. Pourquoi ? Parce qu'un monstre, un homme brisé comme lui ne devrait pas mériter un tel bonheur et cette idée s'était trop fermement accroché à son esprit pour s'en aller en un battement de cils. S'il s'était battu pour se débarrasser de cette idée, brique après brique, ce fut l'annonce de la grossesse de celle qui faisait battre son cœur qui fut le coup de grâce, le signal indiquant au Tadake qu'il était prêt à passer à autre chose. Ainsi, dés son retour, il redoubla d'efforts afin d'être meilleur, d'être à la hauteur de cette nouvelle vie à venir...mais aussi pour éviter de trop penser aux changements à venir. Qu'adviendrait-il de lui et sa sœur ? Car il était impensable pour lui de rester loin de la mère de son futur enfant mais, en même temps, pouvait-il vivre éloigné de sa jumelle ? Il ne le voudrait pour rien au monde mais, malheureusement, peut-être qu'on ne lui laisserait pas vraiment le choix. Il savait qu'il devrait bientôt aller chez les Yamanakas pour parler de l'avenir, la date approchait à grands pas mais, pour se vider l'esprit, Kyoshiro passa bien plus de temps que d'habitude sur le terrain d'entraînement, repoussant ses limites toujours plus loin. Ce matin là, sur le terrain d'entraînement, le jeune homme était resté dans un immobilisme certain depuis plusieurs heures, debout, les mains tendues devant lui, paumes levées vers le ciel, laissant chaque goutte de pluie venir le percuter pour ressentir tous les chakras aux alentours. Il avait pris le coup de main, cette technique n'était plus compliquée pour lui, mais la faire durer pendant aussi longtemps ? La maintenir jusqu'à presque totalement le vider de son chakra ? Jusqu'à sentir ses jambes prêtes à se dérober sous ses pieds ? C'était bien là, la limite qu'il essayait de repousser encore et encore.
Fort heureusement une présence doucement familière vint le ramener à la réalité, faisant naître un sourire sur son visage alors qu'il laissait ses bras retomber le long de son corps, faisant en même temps cesser la pluie fine qui s'était abattue sur la zone depuis plusieurs heures. Instinctivement, sans se retourner, il leva la main à l'attention des deux gardes qu'il avait senti, tentant difficilement de retrouver son souffle pour lui demander un peu d'intimité.
« C'est bon...les gars. Je prend le relais. »
Les deux gardes échangèrent un regard et tournèrent les talons, retournant à leur poste sans demander leur reste, laissant le Tadake et la Yamanaka enfin seul à seul. Pivotant sur son côté, se débarassant de son t-shirt désormais totalement trempé avant d'aller chercher une serviette positionné à l'abri des intempéries, Kyoshiro attrapa la serviette et, la faisant reposer sur une épaule, se tourna vers sa princesse avant de la gratifier d'un sourire dont il avait le secret.
« Salut...ma belle. »
Peut-être était-il crevé, exténué même, mais elle était là à présent : plus rien d'autre n'avait d'importance. Lentement, sûrement, d'une démarche lourde mais néanmoins assurée, Kyoshiro s'approcha de sa belle pour, une fois à portée, venir l'entourer de ses bras sans ajouter un mot de plus. Il savait pourquoi elle venait mais en cet instant, en ce court instant, il souhaitait simplement profiter de sa présence et de sa douce chaleur sans penser à autre chose.
L’eau coulait contre son corps, suivant les angles et les rondeurs ses muscles saillants, chose qui ne me déplaisait guère. Il ne resta pas immobile bien longtemps. Ses bras retombèrent et peu importe ce qu’il faisait, il cessa. Un sourire naissant sur son visage. Je dus me battre avec moi-même pour ne pas me laisser emporter par l’instant et répondre à son sourire. De toute façon, il ne le verrait pas et je perdrais la face devant les gardes, chose que je n’allais pas me permettre, pas aujourd’hui.
Je le fixais, il m’avait manqué. De dire autrement serait un mensonge. Depuis son passage chez moi et les courts échanges que nous avions eu à Baransu … Son absence était marquée par les souvenirs qui m’échappaient toujours plus furieusement. Intangibles et pourtant toujours sous mon nez. Sa silhouette étendue dans mon lit alors qu’il se reposait, le jardin en pagaille après un échange musclé, la beuverie du matin, sa présence, ses mots, ses bras. Partout où j’allais, ils m’accompagnaient et m’échappaient. Ces images d’un passé pas si éloigné, toujours en tête, toujours gardés dans le plus secret de mon cœur, dans mon existence, dans l’absence de sa présence et sa chaleur et dans son sourire qui me hantait lorsque je fermais les yeux, sa voix qui me rassurait dans les ténèbres de la nuit, à l’insu de l’univers …
Si je ne me connaissais pas, je me dirais obsédée.
Il s’approcha et chassa les gardes qui m’avaient accompagnée. Kyoshiro devait être plus gradé ou plus respecté, car sans hésitation, sur l’ordre de soleil de minuit, ils obéirent sans rouspéter, nous laissant tous les deux.
Aussitôt, ma posture aux aguets s’affaissa. Lorsque ses bras se refermèrent sur moi, je me laissai entièrement à sa merci. Autour de moi, j’avais l’impression que son étreinte me parlait : je suis là, je ne partirai pas. Chose suffisante pour m’enivrer toute entière. Ma tête reposa d’elle-même contre son torse, le voyage et ses difficultés coulant sur moi comme l’eau qui ruisselait sur les pierres.
« Hey ... »
Normalement, la pluie ne m’aurait pas importunée, mais depuis Baransu, tout me laissait sur mes gardes. J’avais peur de causer du mal à l’enfant sans le vouloir. J’avais peur de le perdre à chaque intempérie, à chaque combat, à chaque entraînement … Mais j’étais trop têtue pour l’admettre et je continuais tout de même à prétendre que rien ne m’atteignait que l’enfant qui grandissait dans mon ventre était invulnérable au monde extérieur …
« Nous … peut-être devrions nous aller chez toi ou quelque part où il ne pleut pas. »
Et l’eau alourdissait mon kimono. Oui, voilà, c’était ça. L’eau alourdissait mes vêtements et je n’aimais pas ça. Ce n’était pas l’enfant. Ce n’était jamais l’enfant. De devenir mère ne m’inquiétait pas. J’allais faire mieux que ma mère … enfin … j’espérais. C’était la raison de ma visite ce qui m’avait poussé à venir jusqu’à lui. Offrir mieux à cet enfant que ce que j’avais eu.
« Tu m’as manqué. »
Les mots m’échappèrent et je ne pus même pas les retenir. Ma voix tremblait légèrement, sous l’émotion … Seuls, tous les deux, je n’avais plus le même contrôle sur moi-même qu’avant et encore moins que lorsque je me savais épiée.
Mes mains passèrent autour de lui et je le serrai contre moi un peu plus, le regard rivé au sol, n’osant pas relever la tête. La grossesse faisait dire des choses et réagir sans mon consentement. Je devenais comme les femmes du clan qui avaient des piques d’humeur pour un rien …
Kyoshiro n'était pas considéré comme un hyperactif au sens médical du terme, non, mais ceux qui le connaissaient reconnaissaient l'immense énergie dont il avait été pourvue par Mère Nature, à tel point qu'il était tout simplement incapable de rester immobile plus de quelques minutes sans avoir l'impression de devenir fou. Pourquoi ? Parce qu'il était un homme d'action dans un monde qui ne cherchait que la paix, un lion en cage, une boule d'énergie qui ne demandait qu'à exploser et, jusqu'à présent, à défaut de n'avoir jamais pu trouver la paix, il n'avait pu que chercher des moyens d'inhiber ses sens ou s'épuiser autant que possible. Tetsuo, Akira, sa sœur, les plus gros repas ou les plus énormes cuites : rien n'avait été capable de calmer les ardeurs de cet homme qui, de ce qu'il en savait jusqu'à présent, ne trouverait la véritable paix que lorsque son cœur aurait battu pour la toute dernière fois. Mais la pluie ? Celle dont il était le responsable, aujourd'hui ? Chaque goutte d'eau coulant depuis son front, le long de son corps musculeux, oui, arrivait à refroidir son corps bouillonnant l'espace d'un court instant. Il n'avait jamais compris pourquoi seul le vent et la pluie avaient cet effet sur lui, il n'avait jamais cherché à le comprendre non plus pour être honnête, mais il avait toujours accueilli ce calme temporaire à bras grands ouverts. Certes il était plus épuisé que véritable détendu, comme si cette relaxation était quelque chose qui lui était interdit mais, au vu des changements qui se profilaient à l'horizon de sa vie, il acceptait tous les outils à sa disposition pour faire un peu de ménage dans sa tête.
Bien vite, à la périphérie de sa perception et de ses sens, comme une main chaude posée tout contre sa nuque, Kyoshiro sourit en sentant l'apparition d'une présence familière qui ne l'avait que bien trop manqué. Il n'était pas homme à brider sa vraie nature, pas homme à sa retenir mais en cet instant, sous cette pluie disparaissant enfin, son corps vint retenir l'envie de se ruer sur cette présence bienvenue. Il avait envie de la prendre dans ses bras comme jamais il ne l'avait voulu pour personne, de l'embrasser, de passer ses mains sur son visage, il avait même envie de...retrouver la vue pour la contempler, juste une seconde, mais il se fit violence le temps que les gardes fassent demi-tour, non pas pour sauver les apparences mais pour se laisser le temps de reprendre son souffle. Et enfin, après une éternité de séparation, tout le corps du guerrier se décrispa d'un seul coup en sentant les bras de la belle autour de lui et cette petite tête tout contre son corps humide. Il devait être totalement trempé, puant la sueur mais, en cet instant, cela n'eut plus la moindre importance pour lui.
Elle était là, tout allait donc forcément bien. Il aurait pu rester là pour une année entière, une éternité à puiser dans la chaleur que lui apportait cette femme, cette femme qui lui avait donné plus qu'il n'aurait jamais cru pouvoir avoir mais, fort heureusement, elle eut la présence d'esprit de le ramener à la réalité. Elle devait faire attention à son état de santé maintenant et, non sans se faire violence, Kyoshiro déposa un doux baiser sur son front, avant de s'écarter d'elle, tout en rajoutant un simple mais sincère :
« Tu m'as manqué aussi, mon cœur. »
Il aurait voulu sentir sa présence encore un peu plus, puiser en elle mais se força à retrouver sa concentration, prenant délicatement sa fine main dans la sienne avant de se diriger vers chez lui, conscient qu'il ne pouvait pas voyager avec des vêtements dans pareil état. En quelques minutes à peine il tourna la poignée et pénétra dans cet appartement très peu décoré que certains pourraient appeler un foyer, mais que lui ne considérait que comme un endroit de plus où dormir. Après tout, n'était-ce pas que du mobilier ? Rien qui ne vaille la peine qu'on s'y attache, en tout cas. Se tournant vers sa belle, conscient qu'elle devrait presque être aussi trempée que lui, oubliant les frissons qui parcouraient son corps à cause du froid, il lui lança simplement et doucement :
« Tu veux que je fasse sécher tes vêtements, un peu ? »
D'autres auraient demandé si elle avait fait bon voyage mais le Tadake n'avait été partisan des mondanités et des phrases vides de sens, cela ne l'intéressait pas de devoir demander quelque chose par pure politesse mais par contre, s'assurer du bien être de sa belle ? Cela, oui, il pouvait le faire. Attendant la réponse de son aimée, il tourna les talons et enleva déjà son t-shirt, révélant un torse nu et tout aussi trempé que le reste de sa personne, avant de se diriger vers sa chambre pour aller chercher quelque chose de sec. Pour être honnête, moins de temps il passait dans cet appartement et mieux il s'en portait, surtout depuis son retour de chez les Yamanakas car, pour être honnête, il s'était senti là-bas bien plus chez lui qu'il ne s'était jamais senti entre les murs de Konoha. Il espérait simplement que ce sentiment était amené à persister. Retirant ses derniers vêtements, bastion de sa nudité, l'homme passa en revue ses vêtements en les caressant du bout des doigts, les yeux toujours fermés, tout en demandant finalement à la belle Yamanakas :
Enfin les pieds dans l’eau, les vêtements lourds, un frisson pris sur ma peau, mais rien de tout cela n’avait d’importance contre lui. Bien que j’aurais voulu rester ainsi bien plus longtemps, de fut moi qui ouvrit la bouche pour dire que nous devrions nous mettre au sec. Retrouver notre intimité, loin de possible regard indiscret. Je voulais garder pour moi seule nos instants volés, dérobé au destin et à la distance qui nous séparait, jour à après jours. Je voulais voir que lui seulement lui. Le reste n’était que distraction. Ses lèvres contre ma peau … un contact qui m’avait manqué encore plus que je ne l’aurais imaginé.
Mes yeux se fermèrent savourant l’instant, savourant sa présence, mais il se détacha de moi pour me guider à cet endroit, non pas le jardin, mais tout autant significatif. Non seulement avions nous fait l’amour le soir de notre rencontre, mais en plus, il m’avait apporté chez lui par lui suite, il m’avait fait dormir dans son lit, bien que ses besoins eussent été assouvis plus tôt. Expérience qui avait été un première pour moi. Moi qui n’avais partagé la couette d’un autre que pour des jeux, des mensonges et des missions … Il n’en avait jamais été de cela avec lui.
La raison qui le liait à moi m’était encore inconnue. Ce n’était pas mon visage ou mon corps, puisqu’il ne le voyait pas. Ma personnalité ? J’en doutais. Je n’étais pas connue pour être agréable, mais quoi qu’en fut la réelle raison, je ne voulais pas trop m’y attarder. Ça me faisait plus de mal qu’autre chose et je voulais simplement profiter de sa présence, de ses bras et de cette chaleur qu’il faisait naître en moi. Une tendresse qui n’était pas simplement le désir de la chaire, une expérience nouvelle … bien qu’elle me suivît partout depuis quelque mois.
Ses mots me sortirent de mes pensées, me ramenant à lui. Faire sécher mes vêtements … Oui c’était une idée. Mon regard baissa vers mon ventre. Je n’avais pas l’habitude de me questionner là-dessus, mais soudainement je n’étais plus certaine et si … ?
Repoussant cette pensée avant de la finir je retirai mes vêtements sans me poser davantage de question. C’était aussi son enfant, de quoi devrais-je avoir honte ?
« Oui, c’est une idée. »
Je lui donnai mes vêtements, car après tout je ne m’étais pas encore familiarisée avec cet endroit qu’il appelait chez lui, mon séjour ayant été bien plus court que le sien chez moi. Il ne me donna pas l’occasion de me perdre plus longtemps dans mon train de penser hasardeux, sans cesse changeant et totalement déplacé. Si je posais me yeux sur lui trop longtemps, je savais que j’allais encore me laisser happer par les souvenirs des dernières fois, la douceur dont il avait fait preuve, l’amour et la dévotion qu’il m’avait fait ressentir … Non, je n’étais pas là pour m’étendre sur mes sentiments … ou peut-être que si …
Comme s’il devenait ma lutte intérieure, il me demanda comment j’allais. Question que je n’entendais que très peu en général.
« Confuse. Je ne sais pas si ça te le fait à toi aussi. »
Je voulais aborder le vif du sujet maintenant, mais la peur de le faire fuir m’empêchait d’ouvrir la bouche. Nous n’en avions que très peu parlé. Nous ne savions pas encore où nous allions, tout était à tâtons, sans guide, sans lumière, sans instruction.
« Je … Qu’est-ce nous sommes ? Non … Qu’est-ce que tu voudrais que nous soyons tous les de … tous les trois ? »
L'esprit du jeune homme était assurément son pire esprit, ne le laissant pas se reposer un seul instant si bien que l'hôte de ce corps était contraint de s'épuiser, constamment, afin de trouver un semblant de paix à laquelle s'accrocher. Ce n'était pas une paix à proprement parler, plus un état de fatigue bien trop intense pour lui permettre de réfléchir normalement et, pour l'heure, il se contentait très bien de ce compromis. Parfois il avait tendance à oublier à quel point il pouvait sur-réfléchir sur tout ce qui pouvait l'entourer, mais aujourd'hui il en eut un rappel lorsque sa belle lui tendit ses vêtements, humides, et qu'il sentit monter en lui un désir que seule cette femme pouvait faire naître en lui. Il était peut-être un homme au sang-chaud, aucun doute là-dessus, mais l'idée de savoir cette nymphe nue juste devant lui ? L'idée d'imaginer les courbes de son corps arrondi par la grossesse ? Il fut contraint de tourner les talons, trouvant pour excuser d'aller étendre les vêtements humides de sa belle afin de respirer un bon coup, tentant désespérément de calmer son esprit qui s'accrochait déjà aux souvenirs de leurs premières rencontres. S'il s'était écouté, grossesse ou non, il aurait sauté sur celle qui faisait battre son corps et son cœur sans une seule hésitation, il lui aurait rappelé la signification première du mot plaisir mais, pour une fois, il s'accrocha à la partie rationnelle et sage de sa psyché car la situation ne s'y prêtait pas. Au lieu de cela, soufflant une nouvelle fois pour essayer de calmer le feu qui croissait en lui, fermant la mâchoire pour contenir ses pensées qui menaçaient de jaillir à chaque instant, il vint attraper la plus large et chaude serviette possible avant de la poser sur son lit.
Attrapant un pantalon noir, l'enfilant pour enfin regagner un peu de pudeur, le shinobi attrapa de nouveau la serviette et retourna dans le salon, à temps pour entendre la demoiselle lui demande si, lui aussi, sentait de la confusion s'emparer de son esprit. De la confusion ? Il avait l'esprit clair sur ce qu'il voulait, savait très bien où ses pas finiraient par le mener, mais alors qu'était-il en train de combattre, si ardemment ? Il dû se poser pendant quelques secondes pour mettre un mot sur cette sensation, avant de finalement répondre :
« Un peu, j'imagine. Mais je ne m'y attarde pas vraiment, puisque je sais ce que je veux. »
À force de temps et d'expérience, depuis sa résurrection à dire vrai, le jeune homme avait appris à ne pas se laisser infecter par des pensées parasites, par ne pas laisser son esprit être continuellement son pire esprit. C'était la raison pour laquelle il luttait si vaillamment pour lâcher prise sur certaines sombres pensées, pour ne pas se focaliser sur ce qu'il ne pouvait contrôler, pour ne pas se montrer trop...têtu. Bientôt il s'approcha de sa belle, passant ses bras derrière elle pour l'entourer totalement de cette chaude serviette, avant qu'une question ne vienne à ses oreilles.
Si ses yeux s'ouvrirent, comme s'il regardait à l'horizon, le jeune homme laissa le bon de ses doigts glisser sur les épaules nues de la demoiselle, descendant lentement le long de ses flancs, caressant ses côtes avant de s'arrêter sur ses hanches. La peau de sa muse était toujours aussi douce, rendue presque glacée par le contact de l'eau mais, fort heureusement, les mains de Kyoshiro n'avaient jamais cessé d'être autre chose que chaudes.
« Qu'est-ce que nous sommes ? »
Y avait-il seulement un mot pour définir leur relation, pour définir ce qu'ils étaient en train de créer tous les deux ? Oh oui il y en avait un, plusieurs même, mais Sayuri semblait désireuse de l'entendre de la bouche de son amant. Ce dernier, lentement, déplaça ses chaudes mains et vint les poser sur le ventre rebondi de son aimer, se forçant à souffler et respirer pour juguler l'émotion qui grandissait déjà en lui.
« Ça me semble évident, non ? »
Lentement, délicatement, ses mains vinrent caresser ce ventre qui renfermait le fruit de leur union, essayant d'imaginer déjà à quoi ressemblerait le petit gars à l'intérieur car, même s'il n'en savait rien, le Tadake avait l'intime conviction que sa femme portait un garçon en elle. Mais cela importait assez peu pou le moment, ils seraient heureux qu'importe le résultat. Lentement, comme s'il luttait pour contenir le bonheur qui s'emparait de lui et l'émotion qui allait avec, Kyoshiro posa un genou à terre, avant de poser son visage tout contre le ventre rond de son aimée. Oh il pouvait presque sentir la vie au bout de ses doigts... Relevant la tête, l'aveugle posa finalement un doux et délicat baiser sur le ventre de son aimée, avant de finalement lui donner réponse à sa question.
« Une famille. »
C'était tout ce qu'il avait voulu. Une famille, voilà tout ce qu'il pouvait oser demander.
Ses bras m’entourèrent, posant sur mes épaules une serviette bien chaude, pour me réchauffer et pour éponger les goûtes d’eau qui perlaient encore sur ma peau. Et comme a chaque fois, comme à chaque attention qu’il m’offrait, j’avais envie de lui en demander plus, toujours un peu plus, un peu plus longtemps. Et ce fut comme s’il le savait ou que lui-même ne voulait mettre fin à ce contact entre nous immédiatement. Ses mains, toujours aussi avides qu’à notre première rencontre, glissèrent sur moi, sur ma peau naturellement froide, laissant dans leur sillage une traînée de frisson difficilement réprimés.
À ma question suivante, je connaissais la réponse, celle que je voulais entendre, mais je voulais que ces mots soient les siens, sa décision. Il fit écho à ma question, mais il ne semblait pas réfléchir, simplement me répéter, comme pour ancrer encore plus la question. Ses mains bougèrent pour se poser sur mon ventre naissant. C’était la première fois. La première fois qu’il mettait ainsi sa main, comme pour toujours l’enfant qui grandissait … Et soudainement, les mots prononcés quelques semaines plus tôt et ceux qu’il prononça à la suite de ce geste devinrent limpide de sens et aucun doute ne subsistait dans mon esprit. Plus maintenant.
Ses mains ne restèrent pas immobiles bien longtemps dansant doucement sur mon ventre, alors qu’il posait genou devant moi, posant son visage contre mon ventre.
Une famille.
Je n’avais jamais ce que c’était. J’avais une mère autre fois, mais pas de famille. Ce concept nouveau me fit me raidir une fraction de seconde. Une famille. Allais-je tout détruire ? Je n’étais, évidemment pas l’archétype d’une mère normale. Je n’étais pas aimante comme ma mère, ni ouverte ou chaleureuse. J’avais passé ma vie à chercher une place que je n’avais pas trouvée et maintenant, cet homme qui déjà m’avait reconstruite, m’offrait ce que j’avais toujours désiré. Une famille. Un endroit que j’appellerais maison au sens plus profond que l’endroit qui physiquement m’appartenait. Il m’offrait ce que j’avais toujours envier des autres.
« une famille … »
Ma voix était incrédule, absente. Les mots m’avaient échappée sans que je ne puisse les contrôler.
« Tu es sûr ? Sûr de vouloir une famille avec moi ? »
Je fis une courte pause, posant une main dans ses cheveux, mes doigts se mirent à jouer avec les pointes cendrées, d’un geste lent, continu, tentant de lui communiqué par ce geste l’amour et le bonheur qu’il me procurait. Voulais-je le mettre en garde avec ma question ou simplement me faire rassurer ? Je saurais réellement le dire, mais je ne suis pas de celle qui pense aux autres d’abord …
« Je … Je n’ai pas les qualités d’un bon être humain, tu sais. D’une bonne ninja, oui, mais pas d’un humain décent et encore moins d’une bonne mère. Je … Je ne t’en voudrais pas. »
Mensonges. Je lui en voudrais. Je lui en voudrais de m’avoir refaçonnée pour rien. Je lui en voudrais d’être entré dans ma vie et d’en repartir aussi simplement. Je n’étais pas de celles qui pardonnaient, mais je devais savoir avant de poursuivre, avant d’aborder la raison de ma venue en ces lieux alors que je grossissais un peu plus chaque jour.
S'il y avait bien une valeur qui avait toujours guidé le jeune homme, tout le long de sa vie, c'était le sens de la famille car c'était grâce à elle qu'il se tenait là, aujourd'hui. La plupart des shinobis oubliaient leurs racines et leurs proches en quête d'une puissance illusoire, en quête d'une force qui leur semblait nécessaire pour accomplir leurs desseins mais, malgré toutes ces années, Kyoshiro n'avait jamais oublié d'où il venait et qui l'avait aidé. Sans sa sœur il ne serait pas en vie et sans elle qui se trouvait là, juste devant lui, il n'aurait jamais su ce que cela faisait de se sentir véritablement et entièrement vivant. Cette femme avait-elle seulement conscience de l'effet qu'elle avait sur l'aveugle ? Ce dernier était à peu près sûr que non et il ne lui en voudrait jamais pour cela, à force de se voir comme une arme elle avait oublié ce que cela faisait de ressentir les choses, de se sentir humaine et c'était cette réalisation que l'aveugle avait apporté avec lui. Il resta donc là, un instant, posant ses mains sur le ventre rebondir de cette future même, sentant cette chaleur humaine depuis le bout de ses doigts, se servant de ses mantras pour juguler ses émotions et garder un semblant de composition. Pourquoi ? Parce qu'il devait être fort pour elle, solide comme un phare dans la tempête, tel était son rôle et il ne pouvait pas se permettre de flancher maintenant. Il avait plus changé qu'il ne le pensait durant les derniers, acceptant enfin la possibilité d'être heureux et, lorsqu'il sentit les doigts de sa belle courir dans ses jambes, les dernières bribes de pression disparurent de son esprit.
Était-il certain de ce qu'il venait de dire ? De la voie sur laquelle il était en train de s'engager ?
« Plus que jamais. »
Peut-être se jugeait-il trop sévèrement, assurément même, mais Kyoshiro avait l'habitude de réfléchir constamment si bien qu'il se connaissait parfaitement. Il savait ce qu'il voulait, il n'avait simplement jamais pensé pouvoir l'obtenir jusqu'à présent : tout était différent, à présent. Vint enfin la question fatidique qui fit grimacer le jeune homme, ces mots lui rappelant que la demoiselle n'avait pas encore totalement accepté l'idée qu'elle puisse être humaine malgré tous les échanges. Oh oui il était patient, très patient, mais cela lui faisait mal de l'entendre parler d'elle de la sorte, à chaque fois. Se forçant à sourire pour masquer cette douleur passagère, le garçon releva la tête et ouvrit ses paupières, posant ses prunelles immaculées sur le ventre juste devant lui. Lentement, délicatement, il posa un doux baiser sur ce ventre qui accueillait la vie, avant de s'adresser à son futur enfant pour la toute première fois.
« Hey. Tu peux dire à ta sublime mère qu'aimer c'est être humain ? Qu'elle est la plus formidable femme que je connaisse, et que je ne me vois pas passer ma vie avec quelqu'un d'autre ? »
Bien sûr qu'il n'y aurait pas de dialogue, c'était une simple façon détournée de répondre aux incertitudes de celle qui faisait battre son cœur. Laissant un petit silence s'installer, Kyoshiro enchaîna ensuite par un :
« Tu lui diras, hein ? En attendant, je m'en vais lui prouver le sens de mes paroles. »
Lentement, toujours très délicatement, il retira ses mains du ventre de sa belle, se redressant – toujours torse nu – avant de se diriger vers la pièce qui servait de chambre. Sans hésiter il se dirigea vers un petit bureau sur le coté gauche, ouvrant un tiroir avant d'y plonger les mains pour y trouver quelque chose. Ses mains fouillèrent pendant une bonne vingtaine de secondes sans trouver ce qu'il souhait et, au fil des secondes, le shinobi sentit une certaine tension venir se coincer au milieu de sa cage thoracique. Non non, non, non. Pas maintenant. Surtout pas maintenant.
Fort heureusement la pression retomba immédiatement lorsque ses doigts trouvèrent cette petite boîte qu'il ne connaissait que trop bien, l'ouvrant avec milles précautions pour en sentir les contours.
« Allez respire. Respire. »
Pourquoi se mettait-il la pression de la sorte ? Parce que ce n'était pas n'importe quelle femme qui se trouvait dans la pièce juste à côté, pas n'importe quel moment, pas n'importe quelle occasion. Posant sa main libre sur le rebord du bureau, l'autre refermant silencieusement la petite boîte avant de la mettre dans la poche de son pantalon, Kyoshiro resta là, un instant, la tête baissée, se servant de tous ses entraînements pour respirer et retrouver son calme. Fort heureusement il y parvint et, d'une démarche lente et maîtrisée, retrouva le chemin du salon où il vint se positionner juste devant sa belle, au même endroit que tout à l'heure. Une main dans la poche, tâtonnant du bout des doigts l'objet de son inquiétude, le garçon resta silencieux cinq secondes, avant de relever la tête vers la belle Yamanaka et lui lancer un sourire solaire dont il avait le secret.
« Yamanaka Sayuri... »
C'était parti, il n'arrivait pas encore à réaliser ce qu'il s'apprêtait à faire mais ne pouvait plus reculer à présent. Prenant une autre respiration, tentant de calmer son cœur qui menaçait de s'emballer, l'aveugle agrippa délicatement la petite boîte noir, l'écrin caché dans sa poche, avant de le sortir à l'air libre. Relevant la main devant lui pour la mettre en évidence, le Tadake usa de sa main libre pour ouvrir l'écrin, révélant une sublime bague en argent surmontée d'un saphir à la lueur douce et radieuse. Si on lui avait dit – ne serait-ce que quelques mois plus tôt – qu'il allait prononcer ces mots un jour il ne l'aurait jamais cru et pourtant ici, en ce jour, il laissa parler son cœur pour vocaliser la seule et unique chose qui occupait son esprit. Il avait un souhait, un désir, et ce dernier se matérialisa sous la forme d'une simple question :
Sa détermination, sa voix, elles m’ont saisie, transie, j’en ai oublié de respirer. Il m’a fallu quelques secondes pour me ressaisir. Mes yeux se posaient déjà sur lui alors qu’il commençait à s’adresser à mon ventre. Je ne comprenais pas. Moi, formidable ? dans mon métier oui, j’étais la meilleure, mais … comment pouvait-il vouloir … non ce n’était que malséant de se questionner davantage. Il savait ce qu’il faisait non ? il savait qu’avec ses mots, jamais plus je ne le laisserais partir. Alors que je me reprenais et que j’allais lui donner la proposition d’Ao, il ajouta une phrase et disparu de mon champ de vision, me laissant seul avec notre enfant à naître.
Une de mes mains se posa sur mon ventre, là où ses mains et ses lèvres m’avaient touchée, et je restai immobilisée, sentant encore la chaleur de son contact contre moi. Ses paroles m’avaient intriguée, mais je ne l’avais pas appelé, attendant qu’il me revienne d’abord.
Quelque chose dans l’air avait changé. Une nervosité peut-être ? Une incertitude ? Qu’importe ce que c’était, cela venait me retourner l’estomac, me laissait sur le qui-vive. Je voulais savoir ce qu’il comptait faire. Une excitation flottait, non dite et couverte de manteau de peur ou de stress brut, je ne saurais dire.
Mon nom, mon nom complet … Un trou dans mon estomac, je manquais d’air.
De sa poche, il sortit un boitier. Je n’avais pas besoin d’être un génie pour comprendre. Sa demande était avant même qu’il ne parle et pourtant j’attendais la question en silence. Je voulais l’entendre le dire avant de lui répondre. D’une main, il ouvrit l’écrin et une bague d’argent au joyau identique aux yeux de ma mère se présenta de moi.
Ma réaction ? Un demi rire et des paroles incrédules.
« C’est bête ... »
Je marquai une pause, reprenant le contrôle de mes pensées, de mon existence, de tout ce que j’étais, je lui répondis encore plus maladroitement et toujours sous le choc visiblement.
« C’est exactement ce que je venais te demander. »
Je secouai la tête réalisant ce que je venais de dire. Bien que ce fût la raison de ma visite, il y avait un millier de façon plus douce de le dire. Des façons qui n’auraient pas laisser un doute dans l’esprit de Kyoshiro.
« Alors, oui, c’est un oui. »
Il lui fallait une réponse convenable et c’était bien ce que je voulais lui donner. Oui je voulais de lui pour le reste de ma vie. Je voulais le garder pour moi seule, garder son sourire, m’approprié son être, son esprit, son amour. Je le voulais tout entier et pour moi seule.
« Viens là … »
Je le guidai vers sa chambre avant de lui laisser le temps de réagir. Je … Je ne voulais pas voir l’émotion sur son visage, car je savais que je ne saurais comment la gérer. Je savais que peu importe ce qu’il ressentirait à ma réponse, ça allait m’avaler, me dévorer, toute entière et, déjà, je peinais à me contrôler. À contrôler la joie dans ma poitrine, le désir qu’il éveillait en moi, le bonheur d’être enfin avec lui et … l’exaltation de sa demande.
« Je … je ne m’y en attendais pas. Évidemment, mais … comme j’ai dit … J’étais venue te demander exactement la même chose. Ao aimerait discuter des détails en sa qualité d’intendant. »
Il y avait une grande différence entre dire avoir le sens de la famille et vouloir se créer la sienne, car ce dernier point amenait une tonne de nouvelles responsabilités que la plupart des guerriers de l'ombre ne pouvaient assumer. Ils étaient déjà suffisamment occupés à combattre les menaces extérieurs et risquer leur vie quotidiennement, pourquoi prendre le risque de fonder une famille si c'était pour laisser une veuve derrière eux ? Certains voyaient la chose comme cela mais pour le Tadake c'était différent, il avait arrêté d'y penser car il était tout simplement convaincu qu'un tel bonheur n'était pas à sa portée. Il n'était pas un homme, pas un homme complet au sens propre du terme en tout cas et, s'il avait toujours lutté pour être à la hauteur des autres, comment pourrait-il seulement envisager d'être un père convenable ? Lui qui ne pourrait même pas voir le fruit de leur amour ? Il avait donc chassé de son esprit tout idée de bonheur, de construction, d'héritage et tous ces concepts lui étaient revenus en plein dans la gueule depuis que cette femme était entrée dans sa vie. Alors qu'il posait un genou à terre, préparant la phrase fatidique qui allait donc changer pour eux, Kyoshiro se remémora quelques passages de sa vie, souriant face au changement qui s'était profilé sans qu'il en ait seulement conscience. Où était le Kyoshiro alcoolique ? Le dépressif ? Le coureur de jupons ? Celui qui semblait incapable de prendre quoi que ce soit au sérieux ? Aux oubliettes apparemment, mais le Tadake se remémorait ses aspects de sa personne comme s'ils appartenaient à un autre...pas à lui. Avait-il seulement changé à ce point ? Son essence, son âme étaient restées intactes, à n'en pas douter, mais il avait assurément gagné en confiance si bien qu'il put se permettre de vocaliser ces quelques mots qui allaient passer leur relation à l'étape supérieure.
Jamais il n'avait pensé les prononcer un jour mais avec elle, avec la femme qui se trouvait devant lui, tout semblait clair comme de l'eau de roche. Dés le début il ne s'était pas posé la moindre question, ce qui était important pour un homme qui ne cessait de sur-réfléchir constamment, et aujourd'hui il vocalisait la force de ses sentiments en dévoilant cette bague. Le symbole de son amour pour elle, pour ainsi dire. Il resta là, ainsi, le bras tendu, sentant la pression le faire trembler en prenant le silence qui suivit comme un signe d'hésitation. Avait-il brûlé les étapes ? Puis il entendit un rire, hésitant à considérer cela comme une moquerie face à son geste mais, fort heureusement, la phrase qui suivit fit disparaître cette croyance ridicule.
« Les grands esprits se rencontrent. »
Elle aussi souhaitait sceller leur union officiellement, c'était la raison même de sa venue ? Le Tadake ne s'était même pas demandé pourquoi elle était ici, trop content de pouvoir profiter de sa présence mais, bientôt, lorsque la réponse positive parvint à ses oreilles, il sentit tous ses nerfs se relâcher d'un seul coup. Se sentant comme vidé de son énergie en un instant, comme si toute la force mise dans son geste venait de disparaître en un instant et, s'autorisant un sourire de soulagement, le jeune homme ne parvint qu'à vocaliser d'une voix épuisée :
« Merci... »
Que pouvait-il dire de plus ? En cet instant les mots lui manquaient terriblement, sans doute parce qu'il avait déjà tout dit en cet instant mais, fort heureusement, il n'eut pas le temps de s'attarder sur cette recherche de paroles. En moins de temps qu'il n'en fallut pour le dire, la demoiselle l'amena jusqu'à dans sa chambre, Kyoshiro l'invitant à s'asseoir sur le lit pour se reposer tout en écoutant ce qu'elle avait à lui dire. Elle était venue le chercher ? Si le côté sage et pratique de Kyo aurait voulu qu'elle demande à quelqu'un d'autre, afin de se reposer compte tenu de son état, il la savait aussi têtu que lui pour repousser cette idée d'un revers de la main.
« Avant ça, j'ai quelque chose à faire. Donne-moi ta main, s'il te plaît. »
Il avait beaucoup à faire et à penser au vu de ce que la belle venait de lui dire, il allait devoir avoir une discussion des plus sérieuses mais avant cela il lui restait quelque chose à faire, quelque chose qui obsédait son esprit depuis qu'il avait songé à prononcer les mots formulés un peu plus tôt. Lentement, délicatement, il posa un genou à terre et souleva délicatement la main gauche de sa belle , tenant dans son autre main le symbole de leur union, avant de le glisser avec une infinie douceur le long de l'annulaire de celle qui faisait battre son cœur. Faire sa proposition était une chose, mais lui mettre véritablement la bague au doigt ? Cette seule idée fit naître en lui un flot d'émotions qu'il eu toutes les peines du monde à juguler, se forçant à respirer, avant de parvenir à sortir :
« Bien mieux comme ça, non ? Bon, j'imagine qu'il va falloir que je me prépare, mais avant tout... »
Lentement il se redressa, venant s'asseoir derrière la belle Yamanaka, se débarrassant de cette serviette l'espace d'un instant, posant doucement son propre torse contre son dos avant de l'entourer de ses bras, lui donnant toute la chaleur dont il avait été doté, avant de déposer un doux baiser dans le creux de son cou. Doucement, comme un murmure, il lui rappela la seule certitude qui guidait sa vie :
C’était quelque chose que je n’avais pas compris. Lui. Lui tout entier. À chaque fois, il trouvait une nouvelle façon de me prendre de court, de me retourner dans tous les sens. Il me faisait perdre le nord un peu plus chaque fois. Je savais que j’avais beaucoup à apprendre lorsqu’il en venait à l’amour et ses aléas. Lorsque je l’entendis me remercier, je me figeai une seconde. Je cherchais le sens. Pourquoi me remercier ? Ne devait-ce pas être moi qui le remerciait ? Après tout, il m’offrait la chance de ne pas rejouer la tragédie de ma mère et la mienne. Il se donnait à moi et sans même que j’aie à le lui demander … Alors … Pourquoi me remercier moi ?
Avant même que j’aie réussi à l’apporter dans sa chambre, il m’interrompu. Je n’opposai aucune résistance, m’immobilisant. J’attendais donc qu’il fasse cette qu’il avait tant à faire. Ma main dans la sienne. Ça … ça je l’avais compris, bien avant qu’il ne me le dise ou qu’il ne le fasse. Dans ma poitrine, je sentais même une certaine impatience, une hâte que je ne savais ressentir et, pourtant, elle était là. M’empêchant de rester de glace, faisant même naître l’ombre d’un sourire sur mon visage que j’avais tant l’habitude de maîtriser. À mon annulaire gauche, il glissa la bague.
Une fois qu’il libéra ma main, je ne pus résister à l’envie de la regarder, d’admirer le nouveau bijou et l’allure qu’il avait. Oui. Oui, j’aimais. J’aimais plus que je ne l’aurais pensé. C’était un de mes défauts. Je pensais trop, je cherchais à tout expliquer de façon logique avant de me permettre de vivre. Choses que je faisais de moins à moins à ses côtés.
« Définitivement. »
Puis, nous poursuivîmes notre chemin jusque dans la chambre, où il me prit la serviette pour me réchauffer de son corps. Je le laissai aller au moment, me lovant contre lui. Un soupir d’aise franchit mes lèvres alors que les siennes vinrent trouver mon cou, suivi d’un murmure ferme, décidé, mais doux et tendre. Une certitude partagée. Si malgré que la demande qu’il venait de faire précisait un peu plus l’avenir qui nous attendait, ni l’un ni l’autre ne savait ce qui nous attendrait. Comment serait notre vie à deux, où elle serait – bien que je me doutasse qu’Ao ne me laisserait jamais quitter le clan – et comment nous ferions pour gérer la naissance de l’enfant.
« C’est quoi le plan ? »
Je lui demandais plutôt pour l’avenir immédiat. Les prochaines minutes, les prochaines heures.
« Je pensais me reposer un peu ici avant de repartir. Le voyage était plus épuisant que la dernière fois. »
Même sans chercher à s'y attarder, le jeune homme savait bien que sa vie était une valise pleine de regret et, ici et maintenant, son intention n'était guère d'en rajouter un autre à la liste. Alors oui il aurait dû s'ouvrir plus tôt, comprendre plus vite que se renfermer sur soi-même ne menait jamais à rien de bon, mais à quoi bon ? Il ne pouvait pas refaire le passé, ne le voulait pas non plus car peut-être ne serait-il pas la même personne aujourd'hui, mais il savait qu'à présent son désir était de faire mieux. Car il ne s'agissait plus que de lui ou de ses petites ambitions inexistantes, plus que de son ego, plus que de ses instincts, plus que de savoir où il allait pouvoir picoler ce soir-là, d'autres personnes étaient venues s'ajouter à l'équation, depuis quelques temps et c'était très bien comme cela. Certains pourraient croire que le jeune aveugle savait bien ce qu'il faisait, qu'il avait tout calculé à l'avance pour être le plus efficace possible ou pour toucher le cœur d'une femme plus aisément, peut-être fut-ce vrai jadis, mais la vérité était autrement plus simple : il ne se posait aucune question. Il ne s'était pas demandé quelle serait la réaction de son aimée au moment de lui passer la bague au doigt, probablement parce que l'incertitude lui aurait fait faire un pas en arrière, mais il s'était contenté d'agir car c'était ce que son cœur lui dictait de faire. Ni plus, ni moins.
Avec elle ici, tout contre lui, le cœur prenait toujours la place de son cerveau.
L'espace d'un instant, d'un long instant, il laissa donc ses bras entourer le corps frêle de cette future mère, lui diffusant autant de chaleur que possible, avant de venir délicatement reposer son menton contre son épaule. Ici il n'avait pas de question à se poser, il était bien et, à en juger par le murmure de la belle Yamanaka, c'était la même chose pour elle aussi. Bien entendu Kyoshiro ne put retenir un sourire lorsque le côté plus terre à terre de son aimée refit surface, lui demandant s'il avait un plan en tête, ce à quoi il répondit sans hésiter :
« Depuis quand est-ce qu'on a besoin d'un plan ? Ao-san n'est pas pressé, si ? »
Il ne connaissait que peu cet intendant mais, à son humble avis, Kyoshiro pensait qu'un peu de temps serait toléré. N'avaient-ils pas le droit à un peu d'intimité ? Et puis, de toute façon, depuis quand le Tadake était-il connu pour faire les choses comme tout le monde ? S'il avait envie de prendre un peu de temps, ici, maintenant, il le prendrait tout simplement. Laissant ses pensées divaguer sur l'articulation du reste de la journée, s'imaginant déjà amener boisson et nourriture à sa belle qui resterait allongée, l'homme ne tarda pas à vocaliser ses pensées.
« Pour le moment le plan c'est de rester ici, tous les deux, peu ou prou dans cette même position, jusqu'à ce qu'on s'en lasse. Et ensuite, quand tes vêtements seront plus secs, je t'amènerai quelque part. T'en dis quoi de ce plan génial ? »
Se doutait-elle de l'endroit mentionné ? La surprise ne tarderait pas à être révélée de toute façon mais, pour l'heure, Kyoshiro se contenta de poser un nouveau baiser dans le cou de sa belle, avant que l'une de ses mains ne vienne se glisser jusque sur ce ventre dans lequel grandissait la vie. Il ne pouvait pas se lasser de le toucher, de sentir sa chaleur, d'imaginer le petit être qui grandissait à l'intérieur et, par ce geste, une autre pensée vint l'assaillir. Une pensée qu'il ne tarda pas à partager.
“Non, il n'est pas pressé. Ni moi d'ailleurs et, comme je m'épuise de plus en plus rapidement ... C'est mieux comme ça.”
Je voulais rester encore un peu plus longtemps avec lui. Je ne voulais pas rentrer immédiatement et encore moins parler politique. L'idée de pouvoir rester avec lui, le garder pour moi, jusqu'à ce que notre métier ouu la mort nous sépare était certes de plus alléchante, celle d'en faire un enjeu politique, beaucoup moins. Notre relation, notre enfant, tout ça ce devait être normalement illégal, enfin, peut-être pas illégal, mais tout de même mal vue des autorités. J'avais l'impression que dans un sens ou l'autre, tout ça allait nous porter préjudice.
Il ne fallait s'y attarder et je ne comptais pas le faire. J'avais choisis d'être égoïste et de penser à mon enfant et à cet homme avant le reste, ce n'était pas maintenant que j'allais laisser la situation jouer dans ma décision, surtout que jusqu'à présent, je m'étais fait un plaisir de l'ignorer.
“Quelque part ?”
Je fis une courte pause le temps de réfléchir, mais rien ne me vint, il me fallu donc me résoudre à le voir lorsque nous irons.
“Est-ce que cela te convienne qu'on ne se rende que ce soir ? On pourrait aussi en profiter pour attraper quelque chose en ville ... J'ai envie de manger du soba ce soir ...”
Puis, il me frappa avec CETTE question. La seule que je ne pensais pas avoir à affronter cette journée-là. Une armée, soit. Des assassins, je pouvais gérer, pas ça.
Je ... hum ... pas du tout. Je n'avais pas penser à un nom. C'était ... c'était quelque chose que des parents devaient faire. Je ne l'avais pas fait. Il était mon enfant et c'était tout ce dont j'avais besoin. Un nom ? Un nom pour quoi faire ? Je n'avais même pas imaginé que c'était nécessaire, enfin, pas avant qu'il naisse ...
Je savais exactement pourquoi je n'avais pas pensé à ce détail. J'avais peur et de nommer cette peur, rendait le tout plus tangible, inévitable ... Pas que je souhaitais l'éviter, mais le simple fait de tout concrétiser dans un nom ... Je n'y étais pas encore.
Mais je n'allais pas faire comme mère. Cet enfant connaîtra son père. Cet enfant grandira dans sa famille et ne sera pas renier. Il portera fièrement son nom. Il sera un Yamanaka. Ma main rejoignit la sienne sur mon ventre. Un jour il en aurait un, mais ... pas aujourd'hui, pas de ma part, du moins.
“Non.”
Ma main sur mon ventre se crispa sur celle de Kyoshiro. J'espérais lui faire comprendre sans le dire. Je voulais qu'il n'instât pas, qu'il m'envoie pas à cet endroit de mon esprit.