A little walk on water [ PV Haruka Senju ]

Toute la vie du jeune homme n'avait fait que tourner autour d'une course au perfectionnement, autour d'entraînements réguliers en vue de rattraper un retard imaginaire, et ses nouvelles responsabilités n'avaient strictement rien changé à cela. Pour certains autres shinobis rencontrer la femme de leur vie aurait marqué un tournant dans leur carrière, une remise en question et un passage en revue de leurs priorités, anciennes ou nouvelles, mais pour le jeune homme cela ne fut que l'occasion d'obtenir une source de motivation supplémentaire. Si d'ordinaire il se battait toujours pour sa sœur et ensuite son village, cela en avait toujours été ainsi, aujourd'hui une nouvelle personne avait été ajoutée à l'équation et, avec elle, son lot de questions. Comment feraient-ils pour grandir, comme couple, en étant à des centaines de kilomètres l'un de l'autre ? Il ne fallait pas être un génie pour deviner que des sacrifices et des compromis devraient être faits mais, en attendant d'en savoir plus, le jeune Tadake préférait revenir à ses bonnes vieilles habitudes afin de se vider la tête.
Aujourd'hui était un jour  un peu particulier car l'aveugle allait avoir une partenaire prestigieuse pour la journée, l'intendante du village désireuse de perfectionner sa maîtrise de l'élément aqueux. Rien de bien surprenant me direz-vous, à ceci près que la demoiselle avait expressément demandé que ce soit le jeune aveugle qui se charge de l'aider dans ce but. Imaginez-vous la surprise, lorsque le concerné apprit la nouvelle ? Recevoir une demande d'un élève – d'un débutant – était une chose, mais l'intendante ? Il allait devoir muscler son jeu, et ce fut avec cette certitude qui tête que Kyoshiro se rendit au terrain d'entraînement dés la nuit tombée. Combien de temps resta t-il, là, à échanger des coups avec quatre copies conformes de lui-même ? Aucune idée, une fois encore il avait totalement perdu la notion du temps, mais ce ne fut qu'à l'aube, lorsqu'il entendit des pas se diriger dans sa direction, que le shinobi se permit une pause bien méritée. Torse nu, sa cage thoracique se gonflant et s'affaissant à un rythme rapide en raison de l'intense effort fourni, le Tadake vint attraper une serviette pour s'essuyer le visage alors que ses quatre copies s'immobilisèrent.

« Haruka-san ? Vous êtes en avance ! »

En avance ? Depuis quand était-il en mesure de déterminer le temps qui s'écoulait, de toute façon ? À bien y réfléchir...

« Ou alors j'ai encore perdu la notion du temps. Oui, c'est sans doute plus probable. Navré.   »

Si sa sœur lui faisait souvent la remarque quant à ses retards réguliers, se montrant compréhensive du fait de son handicap, peut-être que sa partenaire du jour se montrerait moins tolérante. Après tout, à part en quelques rares occasions, les deux shinobis n'avaient guère eu le temps de discuter entre eux. Attrapant une bouteille d'eau avant d'en avaler une lampée, l'aveugle accueillit sa camarade d'un sourire discret avant de rentrer dans le vif du sujet.

« Alors, dites-moi. En quoi puis-je bien modestement vous aider ?  »

S'il y avait bien une chose à savoir chez le jeune homme, c'était que l'entraînement n'avait jamais été une passion ou un bonheur à ses yeux. S'il s'entraînait tous les jours, du matin jusqu'au soir, ce n'était pas parce qu'il ne pouvait pas vivre dans ces sessions, mais plutôt parce qu'il avait un gargantuesque retard à attraper depuis toujours. Tout aveugle de son état le moindre geste lui demandait un effort autrement plus important, si bien que pour atteindre le même niveau que ses collègues il avait toujours dû se battre trois, quatre, ou cinq fois plus que n'importe qui. Il ne s'entraînait pas pour lui mais contre la vie, contre son affliction, contre les chances qui avaient toujours été contre lui car, à présent, il lui était tout bonnement impensable de rester le fardeau qu'il fut jadis. L'était-il seulement encore ? Plus vraiment, il était devenu un shinobi de haute volée et un senseï par la seule force de sa détermination, alors pourquoi continuer ce rituel quotidien ? Parce qu'il ne savait rien faire d'autre, tout simplement.

Il s'était entraîné seul la majorité de sa vie, faisant quelques exceptions comme avec Daiki ou l'un de ses élèves, mais ces cas-là étaient bien trop rares pour faire une quelconque différence. Mais aujourd'hui c'était différent, aujourd'hui il devait muscler son jeu car ses services avaient été requis par une femme qui ne tarda pas à faire son apparition. Celle-ci, appréciant la détermination dont faisait preuve le Tadake, parvint à décrocher un sourire à l'aveugle qui se rendit d'une réponse simple :

« C'est le moins que je puisse faire. »

À dire vrai le jeune aveugle donnait toujours son maximum car il ne savait pas faire autrement, mais était-ce vraiment le genre de professeur qu'il était ? Il avait endossé ce rôle en de trop rares occasions pour pouvoir répondre à cette question mais, quelque part, il savait que ce n'était pas avec cette intendante qu'il aurait besoin d'être particulièrement dur. Cette intendante, justement, parvint tout de même à prendre le Tadake au dépourvu en lui jetant un compliment inattendu  la figure, en mettant en avant sa maîtrise de l'élément aqueux comme raison de sa présence ici. Ouvrant des yeux ronds comme des queues de pelle l'espace d'un instant, ne s'attendant pas vraiment à ce que qui que ce soit reconnaisse ses talents ou ses efforts, Kyoshiro chercha ardemment une réponse pendant les secondes qui suivirent, avant de parvenir enfin à en trouver une :

« Meilleur maître Suiton ? J'apprécie le compliment, mais je ne sais pas si j'irai jusque là. Je fais juste de mon mieux, Haruka-san. En espérant que ce mieux soit suffisant, pour vous.   »

Il était trop modeste pour se vanter des talents qu'il ne pensait pas avoir, son seul véritable talent avait été d'être le plus acharné et le plus travailleur de sa génération, mais il n'y avait pas de quoi s'en vanter pour autant. Pas selon ses critères, en tout cas. Secouant sa tête pour y faire le ménage, pour se reconcentrer sur la raison de sa présence ici, le shinobi nota dans un coin les deux techniques qu'il allait devoir enseigner, sans s'autoriser le moindre commentaire à ce sujet.

« C'est parfait, nous avons donc notre programme du jour. On va commencer par  le plus simple.  »

Marcher sur l'eau était peut-être une technique basique, mais qui était-il pour juger celle qui avait besoin de lui ? Quelle arrogance devait-il posséder pour juger celle qui lui demandait son aide, en toute humilité ? Telle n'était pas sa façon de faire, voilà la raison pour laquelle il ne s'autorisa pas le moindre commentaire, préférant rentrer directement dans le vif du sujet

« Vous vous rappelez de la technique pour marcher sur les arbres ? C'est la même chose, mais avec un peu plus de doigté...et de chakra.   »

Un pas après l'autre, le garçon privé de lumière se rapprocha du trou le plus proche, celui-ci s'étant d'ailleurs rempli grâce aux récents averses. Il ne lui fallut que quelques secondes pour malaxer le chakra suffisant, avant de poser un pieds au-dessus de l'étendue aqueuse. Un mouvement supplémentaire et le pied fut ensuite apposé sur l'étendue, sans être décidé à y plonger pour autant, retenu par le chakra malaxé un peu plus tôt. Il resta là, ainsi, un pied sur l'eau, pendant une bonne dizaine de secondes jusqu'à ce qu'il relève finalement son visage en direction de sa camarade du jour.

« Rien de bien compliqué. Un peu de chakra sur la plante de vos pieds et le tour est joué. Trop peu de chakra et vous finissez trempée, trop de chakra et vos pieds resteront collés au sol.   »

S'écartant d'un pas du trou d'eau, l'homme invitant la demoiselle à prendre sa place d'un simple signe de la main, avant de conclure par un :

« Vous voulez essayer ?    »

S'il y avait bien quelque chose qu'on pouvait reconnaître aux deux jumeaux Tadake c'était leur absence totale d'ego, une volonté de servir et surtout une volonté sans faille. Bien sûr ils ne s'en vantaient jamais, n'en parlaient jamais entre eux ou avec autrui mais ils le savaient mieux que personne, peut-être était-ce pour cela qu'on pouvait se tourner facilement vers eux en cas de besoin. Ils ne jugeaient pas, qu'il s'agisse de leurs élèves ou de leurs pairs, ils donnaient toujours le meilleur d'eux-même et attendaient le même dévouement de la part de ceux qui requéraient leur service et leurs connaissances. Rien de plus, rien de moins. Aussi quand la demoiselle devant lui s'avança pour s'exercer à son tour, pour mettre à l'épreuve sa maîtrise de cette technique simple et pourtant essentielle, le jeune homme croisa les bras contre sa poitrine et laissa ses sens guider sa perception du chakra de sa partenaire.
Elle était une shinobi d'expérience et sut directement quoi faire sans demander plus d'explications, cherchant à se faire son propre avis sur sa maîtrise de cette technique, malgré un intrus un peu trop curieux qu'elle ne manqua pas de réprimander au point de le faire fuir. Elle avait de la poigne et du caractère, en ce sens elle rappelait aisément à Kyoshiro sa propre sœur et, lorsqu'elle fit montre d'un équilibre somme toute assez précaire, l'aveugle ne fit pas le moindre commentaire pour autant. Pourquoi ? Parce qu'il connaissait mieux que personne la difficulté que représentait la lutte contre sa propre faiblesse, le combat de tous les instants pour combler ses propres lacunes et jamais il ne jetterait la pierre à quelqu'un armé d'une volonté de s'améliorer. Cette simple volonté était tout ce qu'il pouvait demander, c'était la base sur laquelle il construisait toujours son enseignement et, lorsque la demoiselle s'adressa une nouvelle fois à lui, ses paroles furent le reflet de sa méthode d'apprentissage.

« Vous n'avez rien à craindre de mon avis, Haruka-san. Vous vous en sortez bien, pour un premier essai. La stabilité viendra avec la pratique. »

Il n'était pas un génie et ne le serait jamais, sa maîtrise de ses techniques n'était en rien innée mais née d'une inlassable répétition, aussi savait-il parfaitement à quel point il était dur et long de maîtriser correctement une technique qui lui était étrangère. Ainsi, lorsque sa Senju lui demanda de poursuivre l'entraînement sur l'eau, l'aveugle décroisa les bras et lui lança un sourire rassurant dont il avait le secret.

« C'était mon idée, dés le départ, pour tout dire. Suivez-moi, s'il vous plaît. »

Quittant ce petit trou d'eau, Kyoshiro marcha pendant quelques secondes pour trouver une mare bien plus large, une étendue aqueuse sur laquelle il aurait bien plus de liberté de mouvement. Mettant un pied devant l'autre, s'avançant jusqu'au centre de cette étendue, il se tourna vers sa camarade avant de poursuivre ses explications.

«  Je veux m'assurer de votre stabilité, avant que nous ne passions au cône de déluge. L'importance n'est pas de simplement se tenir sur cette mare, mais de pouvoir s'y battre également. »

Des shinobis de leur rang ne pouvaient se permettre de maîtriser sommairement une technique, ils devaient pouvoir l'utiliser en toute circonstance afin de s'adapter au terrain sur lequel ils évoluaient. Se battre sur un terrain instable n'était jamais une mince affaire, tous les deux le savaient bien mais c'était pour s'habituer à cette instabilité que Kyoshiro était là. Se concentrant l'espace d'un instant, il diffusa son chakra dans l'eau et, bientôt, deux formes aqueuses s'en extirpèrent avant de revêtir ses traits, les deux silencieuses copies se tournant vers la jeune Senju.

« À vous l'honneur. »

Un après l'autre ou les deux à la fois, se battre contre de faibles copies était un premier test appréciable selon les standards de l'aveugle. Il n'avait aucun doute dans la capacité de sa camarade à remporter cet affrontement, instabilité ou non.

Il n'y avait pas de bon ou de mauvais élève, pas de bon ou mauvais professeur mais simplement des personnes plus ou moins marquées par la vie, voilà en quoi croyait le jeune homme. Il n'avait jamais eu d'avis pré-conçu sur personne car il s'était toujours considéré comme le pire et plus incapable des élèves, alors comment pourrait-il se permettre de juger autrui ? Certes sa camarade n'avait pas appris à marcher sur l'eau malgré son grade avancé au sein de la hiérarchie de Konoha mais, comme elle put le montrer un peu plus tard, elle avait su maîtriser bien d'autres domaines afin d'être une kunoichi redoutable. N'était-ce pas le principal ? Son partenaire privé de lumière l'observa donc avec les quatre sens dont il était doté, la sentant lutter contre les flots dans un premier temps avant de trouver son propre rythme, avant de comprendre que l'eau et la terre ferme étaient deux domaines bien distincts. Il aurait pu lui donner quelques petites astuces pour commencer, comme il pourrait le faire avec une bleusaille fraîchement sortie des bancs de l'école, mais la jeune Senju était assez expérimenté et intelligente pour faire preuve d'un esprit analytique, pour comprendre et déduire ce qui était attendu d'elle.
Le Tadake demeura donc silencieux jusqu'à ce que sa partenaire se débarrasse de ses copies avec le don issu de son clan, un don assez impressionnant d'ailleurs et qu'il jalousait en partie. Oh oui il aurait donné son âme pour obtenir plus de cordes à son arc, pour être plus puissant, plus versatile mais la vie en avait décidé autrement et il devait jouer avec les cartes qui étaient les siennes. Une fois la prestation de sa camarade terminée, Kyoshiro l'accueillit d'un sourire discret avant de répondre simplement :

« C'est très bien, je n'en attendais pas moins de l'intendante de Konoha. »

D'autres auraient vu cette phrase comme un signe de moquerie face à la maîtrise d'une technique simplissime, mais le ton de Kyoshiro ne dégageait aucune malice, aucun sens caché, aucune moquerie. Pourquoi ? Parce qu'il était toujours sincère dans chacune de ses paroles, il était d'une honnêteté rare dans un monde si prompt à la trahison et avait toujours été fier de rester fidèle à ses valeurs. Elle avait su maîtriser une technique inconnue en un temps honorable, n'était-ce pas tout ce qu'on pouvait attendre d'elle ?

« On va passer à présent à quelque chose de plus offensif, mais pas nécessairement plus complexe. »

Joignant ses mains devant lui, le jeune homme créa à présent trois copies de lui, avant de reculer de quelques pas pour prendre de la distance. Prenant une courte inspiration, se rappelant de cette technique qu'il connaissait par cœur, il forma une série de mudras devant lui et gonfla sa poitrine, expulsant par sa bouche un flot aqueux et concentré qui fit retourner l'une de ses copies à son état d'origine. Cette technique n'était pas utile contre de grosses structures ou des adversaires particulières solides, mais elle pouvait s'avérer utile en quelques autres circonstances, aussi  Kyoshiro comprenait pourquoi la Senju voulait se l'approprier. Faisant une petite pause, il se tourna vers elle, les yeux toujours fermés, avant de reprendre :

« Le cône de déluge, comme vous le vouliez. Le plus compliqué dans cette technique c'est  la visée, et le contrôle de la pression du tir en fonction de la distance à atteindre. »

D'un claquement de deux, les deux copies restant se reculèrent, l'une d'elle resta en retrait d'une quinzaine de mètres de plus par rapport à la seconde. Cela aurait pu paraître étrange mais, en repensant au contrôle de la pression dont l'aveugle venait de parler, ce procédé prenait tout son sens. D'un simple mouvement de main il invita la demoiselle à s'essayer à cette technique, en concluant d'un :

« Deux cibles à deux distances différentes. Je vous laisse essayer pour vous faire la main. Sauf si vous avez des questions avant de commencer. »

Chaque élève avait sa propre façon de travailler tout comme chaque enseignant avait sa propre façon de diffuser son savoir et, dans un cas comme dans l'autre, Kyoshiro ne s'était jamais considéré comme un modèle à suivre. Il n'avait jamais eu de talent particulier autre que celui d'être bien plus têtu et acharné que la moyenne, ne pouvant se permettre moins que 110 %, de son énergie pour rattraper le retard que lui imposait sa cécité et, avec du recul, personne d'autre que sa sœur ne connaissait la colossale somme d'efforts nécessaires pour arriver à la position qu'il occupait aujourd'hui. Quant au côté enseignant de son devoir...sérieusement ? Avait-on déjà vu un handicapé montrer aux autres comment marcher, comment ressentir, comment se battre pour une cause plus grande que lui-même ? C'était une blague, une blague de très mauvais goût qui, très étrangement, avait trouvé son public chez plus de shinobis que le Tadake n'aurait cru cela possible. Il avait été le premier surpris par la demande de sa camarade, surpris qu'un shinobi expérimenté daigne voir en lui une source d'amélioration ainsi que d'inspiration et, même s'il ne pouvait le vocaliser, cela le toucha plus qu'il n'osa l'admettre.
Comment pouvait-elle la remercier pour ce vote de confiance, pour cette main tendue qu'il ne pensait pas mériter ? En donnant son maximum comme lui seul savait le faire, en lui offrait ce qu'elle attendait de lui sans arrière pensée, sans espérer un retour de faveur un jour futur, simplement parce qu'il était généreux et prévenant à ce point-là.  Il laissa donc silencieusement sa camarade s'exercer à cette nouvelle technique, attendant de pouvoir analyser sa réussite ou ses échecs et, quelques secondes plus tard, Kyoshiro dû faire un effort conscient pour ne pas rire aux éclats, pour ne pas montrer sa surprise. Il avait l'habitude d'avoir des élèves ayant des difficultés à être au niveau, mais c'était bien la première fois qu'il faisait face à une élève ayant un excès au lieu d'un manque de puissance. Oui, c'était cela de s'entraîner avec une shinobi aussi expérime,tée que lui.

Lorsqu'elle fit une pause, il ne fit aucune remarque face à cet excès de puissance et, lorsque la Senju voulut reprendre pour viser la dernière copie encore en vie, il lui fit un simplement mouvement de main et l'invita à reprendre d'un :

« Je vous en prie. »

En un rien de temps la demoiselle reprit et, si sa puissance semblait de nouveau excessive, la Senju fit preuve d'un certain contrôle nécessaire pour diminuer la puissance jusqu'à ce que la technique ne soit plus un danger pour personne. Il sourit lorsque la demoiselle pointa du doigt le temps nécessaire à son apprentissage, conscient qu'il n'avait rien d'autre de prévu aujourd'hui, avant de reprendre par :

« J'ai tout mon temps, pas d'inquiétude à avoir. J'ai d'ailleurs  une autre idée qui pourrait fonctionner, qui pourrait améliorer votre précision. »

S'éloignant de quelques pas, le Tadake fit une nouvelle série de mudras et créa quatre autres copies de lui qui se positionnèrent en une ligne droite. Il aurait pu s'arrêter ici et lui demander de viser une copie en particulière plutôt qu'une autre, mais cela n'était pas assez. Il devait faire plus, donner plus, demander plus et ce fut pour cette raison qu'il se positionna au milieu de cette ligne, laissant un écart de deux à trois mètres entre les autres copies, avant de relever la tête. Lentement, calmement, doucement, il conclut son intervention d'une demande pour le moins inattendue :

« Visez-moi. Juste moi.  »

Une méthode radicale, certes, mais qui aurait au moins le mérite de pousser la Senju à se concentrer davantage sur la technique en cours d'acquisition. Il renouvela donc un sourire, invitant finalement Haruka à revenir à la tâche en cours.

Kyoshiro n'était pas le plus confiant des enseignants, pas le moins du monde. Il était conscient que son handicap était l'une des limites premières à son enseignement et que, malgré tous les efforts, il ne parviendrait jamais vraiment à palier à l'absence de ce sens vital pour tout combattant de l'ombre. Il avait donc appris à faire au mieux, à redoubler d'efforts et de patience, à être plus imaginatif qu'aucun autre car, disons le franchement, les méthodes traditionnelles d'apprentissage n'avaient jamais été efficaces avec lui. C'était peut-être son originalité et son inventivité qui faisaient du jeune Tadake un enseignant assez polyvalent, pouvant attendre les plus talentueux comme ceux en difficultés, mais aujourd'hui il n'avait pas à s'en faire. Pourquoi ? Parce qu'il avait la chance insoupçonnée d'enseigner à une shinobi de haute volée, plus talentueuse que lui sur bien des domaines, il considérait donc cela comme une leçon autant pour elle que pour lui.
Certes il était conscient que viser une cible était la base de tout apprentissage, mais la jeune Senju était assez rompue dans l'art du combat et les missions sur le terrain pour ne pas avoir besoin de gants. C'était pour cela que l'aveugle s'était désigné pour cible, satisfait de voir que sa camarade du jour ne souhaitait pas aller à l'encontre de cette proposition. D'autres auraient râlé, auraient dit que c'était trop dangereux ou n'auraient pas osé : pas elle. Certes la tension était palpable mais cette sensation était source de nombreuses leçons, il fallait savoir l'écouter et, de toute évidence, Haruka-san savait le faire.

Il la laissa donc se concentrer, toujours entouré des copies, et sentit la première attaque venir, le touchant en plein poitrail sans le faire chavirer en arrière pour autant. Elle avait la maîtrise et elle avait la précision, le plus grand défaut du jeune aveugle, mais il lui restait encore à s'entraîner davantage pour que son attaque ne gagne en puissance. À la voir virevolter ainsi, usant de deux techniques à la fois, il hésita à changer de position avec ses clones pour brouiller les pistes, comme certains jeux auquels il avait pu participer jadis, mais il supprima cette idée de son esprit pour le moment, préférant y aller étape par étape.
Enfin, après de nombreux mouvements, il pivota son torse dans la direction d'une énième attaque qui, cette fois-ci, parvint à le repousser en arrière, le forçant à serrer les dents sous la puissance de l'intact. S'il resta immobile un instant, posant une main à l'endroit où la douleur se faisait la plus vive, il prit quelques secondes pour retrouver son souffle coupé, avant de répondre aux premières paroles de sa camarade sur un ton léger.

« Bien au contraire. J'avais justement besoin d'une bonne douche....ou plusieurs, apparemment. »

Lui en vouloir ? En vérité il lui en aurait voulu si elle avait fait le choix d'y aller de main morte, de prendre des pincettes avec lui. Elle ne l'avait pas fait, c'était tout ce qui comptait. Il passa une main dans sa crinière d'argent pour en chasser l'eau accumulée, avant de répondre aux derniers mots de sa collègue. Elle lui revaudrait cela ? Bien sûr que oui !

« Oh ne vous en faites pas, j'y compte bien ! »

Il trouverait bien moyen de se venger, assurément, mais pour le moment il préférait se concentrer sur la leçon. En parlant de leçon, justement, il venait de réaliser à l'instant qu'il pouvait profiter de cet instant pour polir ses talents dans le domaine de la maîtrise de l'eau. Pourquoi l'enseignant ne pouvait-il pas apprendre, lui aussi ? Il avait appris la technique du  bouclier d'eau jadis mais n'avait eu que très peu d'occasions de l'utiliser, alors pourquoi ne pas s'en servir pour s'améliorer, en essayant de bloquer et renvoyer les projectiles de plus en plus puissants de la Senju ? Cela valait le coup d'essayer !

« Avez-vous encore suffisamment de chakra et d'énergie pour continuer ? J'aimerai profiter de cette situation pour m'exercer, en même temps que vous le faites. Si oui, attaquez à nouveau. »

Il y avait plusieurs raisons pour lesquelles le jeune homme avait pris l'habitude de s'entraîner dans son coin, au détriment d'un évident manque d'efficacité. En effet, s'il souhaitait tout d'abord garder ses cartes secrètes jusqu'au dernier moment, afin de profiter de l'évident effet de surprise, il devait bien avouer qu'il n'était pas confiant en ses capacités. Oh oui il était bon acteur et pouvait paraître très sûr de lui, car c'était l'image qu'il donnait de lui, mais l'aveugle était aussi conscient qu'il avait encore de grosses lacunes à combler. Et enfin, petit point de détail, il préférait éviter de travailler avec de gros senseurs afin de ne pas attirer la jalousie, car il était conscient de l'immense réserve de chakra qui résidait en lui. Fort heureusement, s'il était encore un peu tôt pour dire qu'il faisait entièrement confiance à la jeune Senju, Kyoshiro la savait suffisamment intelligente et discrète pour que cet entraînement reste uniquement entre eux deux.
Le Tadake savait qu'il n'était pas le plus compétent en matière d'enseignement, aussi était-ce compliqué pour lui de débuter la formation d'un nouveau shinobi mais, dans le cas d'une guerrière aussi expérimenté que sa partenaire du jour, le problème ne se présenterait pas. Elle ne râlait pas, ne pestait pas contre ses premiers tests infructueux mais, au lieu de cela, suivait les indications du maître de l'eau et, surtout, continuait de s'exercer encore et encore : c'était tout ce que l'aveugle espérait, en fin de compte.

Elle expulsa donc ce jet d'eau encore et encore, maîtrisant un peu plus la trajectoire tout autant que la pression dudit jet jusqu'à ce que, finalement, Kyoshiro décide d'intervenir. Pourquoi ne pourrait-il pas combiner l'entraînement de la Senju au sien ? Il injecta donc du chakra dans l'eau tout autour de lui, modelant l'élément aqueux en une forme ronde et plate, un miroir qu'il éleva devant lui pour repousser l'énième jet de la demoiselle. Celle-ci fut évidemment surprise et, lorsqu'elle reconnut la technique, son partenaire du jour répondit :

« Il doit juste être encore un peu peaufiné. »

Il masqua sa frustration derrière un habituel sourire doux et charmeur car, en vérité, la technique n'était pas une réussite. Oh oui il avait maîtrisé la forme de la technique et la capacité à repousser les attaques ennemies, mais le manque de précision était sa plus grosse lacune. Si cela n'avait pas été le cas, l'attaque n'aurait pas fait que « presque » toucher la Senju, elle l'aurait percuté de plein fouet. Il allait devoir travailler dessus mais, alors que le sujet s'ancrait dans son esprit, il fut aussitôt balayé lorsque le Tadake sentit une autre attaque arriver. Une attaque différente, mais surtout plus puissante que toutes les autres jusqu'à présent.
Sentant l'attaque arriver, écoutant les conseils de sa camarade, Kyoshiro injecta plus de chakra dans l'eau, érigeant de nouveau un bouclier au moment où le prédateur aqueux vint percuter la protection. Oh il pouvait sentir la puissance de l'attaque et, serrant les dents, il pouvait sentit son bouclier faiblir, petit  à petit, jusqu'à ce qu'une première craquelure ne se fasse sentir. L'une après l'autre les failles se multiplièrent pour que, enfin, le bouclier ne vole en éclat, repoussant l'aveugle en arrière par la même occasion.

« Et merde. »

À peine plus qu'un murmure, sa frustration était néanmoins palpable. Se redressant, encore plus humide qu'il ne l'était déjà, Kyoshiro resta là, immobile, les yeux fermés, pendant une bonne figure. Inspiration puis expiration, l'aveugle respira ainsi lentement, faisant le ménage dans sa tête pour chasser la frustration dans son esprit, et retourner à cet entraînement dans les meilleures dispositions possibles. Enfin, après une dernière expiration, il se pencha en avant, mains proches l'une de l'autre, prêt à réessayer de bloquer l'attaque de sa camarade du jour.

« Encore. »