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La Ballade du Serpent - solo

Omura Mifuyu
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Omura Mifuyu


La Ballade du Serpent

Solo


Cela fait maintenant une semaine que Mifuyu a rejoint l'île qu'elle nomme familièrement L'Île de Fusuke. Mifuyu la nouvelle, Mifuyu la Sorcière, Mifuyu le serpent, tous ces avatars d'une même personne y sont seuls, à l'écart, laissant libre cours à sa guérison et à son adaptation à ce nouveau corps, chef d'œuvre scientifique, plus brillant encore que sa précédente résurrection. La chirurgienne a passé ces quelques jours sur les lieux de son précédent campement avec Sanada, qu'ils ont recouverts sommairement après leur précédente visite et qui n'a visiblement pas été exploré depuis. Sans doute était-elle la seule à fouler ce sable, à traverser cette forêt et à connaître l'existence de ce temple de l'orage qui habite le laboratoire clandestin de son plus vieil ami et de sa première trahison, Omura Fusuke.

Elle dispose d'un grand sac en toile rempli de vivres pour tenir les premiers jours, ainsi que de matériel médical, afin de se soigner tant que son corps est encore affaibli. Elle a commencé par tout réapprendre : comment marcher sur l'eau avec ce changement de poids, comment faire circuler correctement son chakra dans ce nouveau système, comment reproduire les manipulations génétiques qui affectaient son ancien corps, etc. En une dizaine de jours, elle est presque revenue au niveau de puissance de la Mifuyu d'il y a deux semaines ; même puissance, mais âge éternel.

*

Ce matin, elle se promène le long de la rivière qui scinde la forêt en deux. Le lit est étroit, les galets y sont légion et font obstacle à la course organisée de ses habitants ; poissons d'eau douce et anguilles que l'on ne trouve que dans les archipels des mers du Sud. Ce qu'elle cherche, elle l'ignore encore, un peu de calme peut-être, et ce, même si elle n'a pas prononcé le moindre mot depuis dix jours. Le bruissement des feuilles et l'écoulement de l'eau l'apaisent, loin du tumulte qui s'annonce à son retour à Uzushio. Cette parenthèse est une véritable bénédiction, aussi parce qu'elle apprend à connaître à nouveau la nature, nature à laquelle elle s'est immanquablement liée pour l'éternité. Abritant désormais des cellules animales, elle vivra peut-être à travers les âges et verra les civilisations émerger puis disparaître tour à tour, plaçant son existence au-delà de celle d'une simple humaine : elle est, elle aussi, la nature. Elle est cette nature sauvage qu'elle observe dans la forêt, elle est ce chat craintif qui sort des fourrés pour attraper ce poisson en plein vol, elle est ce serpent qu'elle voit s'en approcher lentement.

Le chat joue avec le poisson qui s'agite à la recherche d'une source d'eau dont on l'a privé. Il le griffe, l'entaille et bientôt entreprend de le dévorer, sous le regard de la doyenne qui ne bouge pas, mais qui observe. Ce qui capte son attention, plus que le félin qui dépiaute ce pauvre poisson, c'est le serpent qui rampe, tout doucement, caché sous l'herbe haute, dans la direction du festin qui l'attend. Ce reptile, elle a l'impression de le connaître. Lui ne la remarque pas, ou peut-être simplement ne l'approche-t-il pas car il sait qu'elle est de sa famille, qu'elle n'est pas une ennemie, ni une prédatrice. Elle en est une pourtant, même pour ses semblables, mais pas aujourd'hui.

Elle analyse chacun de ses mouvements, jusqu'à son bond – puisque c'est de cela qu'il s'agit, à une vitesse impressionnante – qui le propulse jusqu'au coup du chat et, en instant, le serpent enserre sa proie de tout son long. La chat se débat, couine faiblement, se prend les pattes dans les restes de son repas – pauvre poisson en bas de la chaîne alimentaire – mais ne parvient pas à se libérer. Il ne trouve aucune prise sur laquelle se rattacher, il glisse sur les écailles de son assaillant et même ses coups de griffes ne suffisent pas à l'en libérer. Bientôt, il cesse de bouger. Il ne bougera plus jamais. Son chasseur, le serpent, s'en détache progressivement puis l'avale. La digestion prendra du temps et cet animal deux fois plus gros que lui permettra de combler sa faim pour les trois prochaines nuits. Sentant désormais qu'elle assiste à un spectacle intime, celui de la restauration, de la consécration de la victoire du reptile, Mifuyu s'en va, rejouant la scène dans son esprit.

Elle apprécie de revoir le félin sous l'emprise du serpent, absolument impuissant. Elle s'imagine dans la peau du serpent et voit Leiko sous la fourrure du chat. Maintenant qu'elle est l'une des leurs, une chimère entre l'humain et le reptile, elle décide d'embrasser son côté hybride : elle veut se comporter comme le serpent, étouffant sa proie avant de la gober. Elle réfléchit, longuement. En bonne Omura, elle a un avantage certain pour la réalisation de cette technique, elle aussi étant capable de se contorsionner et de s'enrouler autour de l'une de ses victimes. Elle l'a déjà fait, comme le serpent, mais s'enrouler complètement la met en danger : et si le chat, muni de plus grosses griffes, avait réussi à entailler son agresseur ? Il lui faut mieux, il lui faut se servir de sa force brute pour emprisonner un adversaire et le regarder dans les yeux tandis qu'il perd pied.

Il lui faut une technique qui n'appartienne qu'à elle.


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La Ballade du Serpent

Solo


Alors, elle essaie. Elle mise petit, d'abord. Debout au milieu de son campement sommaire, elle a positionné en face d'elle, à environ deux mètres, une branche d'un arbre crevé qu'elle a trouvé près du rivage. Les arbres là-bas y sont plus secs, plus cassants, tandis que ceux aux alentours de la rivière sont plus vigoureux, vivants, abreuvés. Pour cette première partie de l'entraînement physique, après avoir observé minutieusement le procédé du serpent, elle utilise une technique qu'elle connait depuis longtemps mais qu'elle a dû réapprendre après son changement de corps : l'élongation musculaire. Rien de plus simple pour la Sorcière Omura, qui s'en est servi des centaines de fois dans sa longue carrière. Instantanément, elle étend son bras, elle a choisi le gauche, préférant garder son arme dans la main droite, qui vient s'enrouler autour de la branche. Il est difficile de le faire s'entrelacer autour d'un si petit objet, d'autant plus qu'il est éloigné d'elle, aussi elle doit s'y reprendre à plusieurs fois pour obtenir un résultat satisfaisant. Elle essaie ensuite sur de plus grosses branches et, enfin, sur un tronc directement.

Dans la théorie, elle semble y arriver. Pourtant, elle n'est pas satisfaite. Certes son bras s'enroule entièrement autour de sa cible, mais elle sent bien que son emprise n'est pas puissante : elle se sent moins oppressante que lorsque c'est son corps entier qui serre, elle n'arrive pas à déplacer son centre de gravité et la distance n'arrange rien. Que d'obstacles qui semblent impossibles à contourner.

Les jours suivants, l'idée de la technique continue de trotter dans la tête de Mifuyu, qui s'exerce comme elle peut en réfléchissant à des astuces pour surpasser ses difficultés. Rien ne vient, jusqu'à une seconde promenade au bord de l'eau. Cette fois, elle décide de s'asseoir sur une souche recouverte de mousse et écoute les oiseaux. Il n'y aucun chat sauvage en vue, ni même de serpent. Elle observe les petites créatures ailées se rejoindre, voler de concert et les écoute chanter à la gloire de l'automne qui s'annonce. Elle souhaite intégrer leur communauté ; maintenant qu'elle fait partie des rangs de la grande nature, pourquoi ne pas s'allier avec les oiseaux, eux aussi ? Après tout, elle a toujours envié leur capacité à voler et leur agilité. Seulement, elle n'est pas stupide : elle se rend bien compte qu'un frein biologique la retient, et pas des moindres. Elle n'a pas d'ailes. Tout comme elle n'a pas le corps d'un serpent et, pourtant, fière de sa technique de l'élongation musculaire, elle a eu la prétention de croire pouvoir en devenir un. Elle a eu la prétention de croire pouvoir voler.

La solution s'impose donc d'elle-même : si elle veut que son bras obtienne les capacités d'un serpent, il faut qu'il devienne serpent. Or, cela tombe bien, car possédant déjà des cellules de serpent, elle sait qu'elle est compatible et que l'opération ne sera pas lourde. Elle peut même le faire ici, sur cette île, dans le laboratoire de Fusuke. Tout ce qu'il lui faut, c'est un sujet pour son expérience.

Pour cela, rien de plus simple. Elle part en chasse. Cela dure des heures, mais elle sait où les trouver. Elle a observé les serpents, souhaitant s'intégrer à leur tribu. D'une certaine manière, elle a l'impression de les ressentir comme eux la ressentent, de savoir comment ils se comportent. Elle en attrape un au bord de l'eau, qu'elle prend d'abord pour une anguille égarée. Elle lui lance deux senbon, un qui lui transperce la tête et l'autre qui atteint ses reins, situés au centre de son corps. Le cœur est transpercé, il meurt sur le coup. Il n'aura pas souffert. Elle l'emmène au laboratoire, le dépèce, jette sa mue, lui ôte ses organes vitaux et prélèves ses muscles ainsi que ses écailles. C'est de ça dont elle a besoin : de muscles capables d'une contorsion et d'une pression largement supérieurs à son poids et d'écailles solides et glissantes pour rendre la fuite plus difficile. Elle a ensuite recours à la technique que lui a apprise sa disciple Hatsumomo, dans la version améliorée grâce aux secrets de Fusuke. Il faut qu'elle s'injecte ces cellules à même le bras et accepte de perdre un peu plus encore son humanité. Elle commence par s'administrer un anesthésient local composé de vinaigre, d'un mélange de trois plantes médicinales et de la sève d'un noisetier. Elle insuffle ensuite son chakra dans la zone à opérer, afin de l'habituer aux manipulations médicales qui vont s'y dérouler. Elle injecte les prélèvements mentionnés précédemment, tout en accompagnant leur incorporation dans son corps de son autre main chargée de chakra médical extrêmement puissant et affiné. Rien ne doit être laissé au hasard. Les muscles se fixent lentement à ses muscles humains, certains se juxtaposent, d'autres fusionnent et enfin les plus importants prennent entièrement la place des tissus humains. Finalement, elle pose délicatement les écailles vertes pâles qui donnent un aspect solide au bras de la doyenne - autant qu'elles la rendent monstrueuse.

S'en suit une grosse nuit de sommeil et des exercices de rééducation pendant trois jours. La technique de greffe est épuisante, elle le sait. Il vaut mieux ne pas la brusquer et laisser son corps s'accoutumer à son invité reptilien. Elle s'adapte à ce nouveau membre, l'utilise de plus en plus régulièrement mais se garde bien d'y faire passer son chakra pour le moment. Chaque chose en temps voulu. Maintenant qu'elle a toutes les cartes en mains pour réussir son entraînement, elle le débutera au petit matin.


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La Ballade du Serpent

Solo


Ou du moins, c'est ce qu'elle a pensé. Malheureusement, un évènement survenu en fin d'après-midi l'a privée de cette opportunité, elle se voit forcée de repousser son apprentissage de quelques jours. Quel est cet évènement ? Il s'agit simplement, une fois encore, de la ballade du serpent.

La veille de l'incident, Mifuyu a changé de repaire. Elle a quitté sa plage venteuse pour pénétrer la forêt, hostile au premier abord, mais qui lui parait désormais plus proche d'elle que jamais. Elle s'y sent bien et n'est qu'à une dizaine de minutes du temple qui renferme le laboratoire clandestin. Elle passe de plus en plus de temps dans la forêt, à réfléchir, à s'imaginer la guerre qui arrive, la réaction du Kage, de Leiko, quand ils l'apercevront à nouveau. Elle devra s'expliquer, c'était certain. Mais s'ils avaient accepté sa précédente transformation, pourquoi cela serait-il différent aujourd'hui ? N'y verraient-ils pas la nouvelle lubie d'une vieille folle, plutôt qu'une déclaration de guerre ?

Elle a quelque peu délaissé la rivière, qui ne l'attire plus. Elle l'a trop observée, il est temps de changer de terrain de jeu, comme cette petite clairière à l'herbe verte et rayonnante, éclairée par le soleil puissant de l'archipel. Le lieu semble parfaitement intact, comme si aucun homme n'y était jamais allé, comme si y accéder était un privilège exclusif qu'elle a obtenu grâce à sa métamorphose. Ici, la vie est sauvage, plus qu'ailleurs sur cet îlot isolé. Tellement sauvage que Mifuyu, allongée, parfaitement immobile, les yeux clos, ne sent pas approcher l'un de ses semblables. Il ne fait nul doute que le reptile voit en la Sorcière un obstacle à la tranquillité du lieu, un danger et, même si elle présente des caractères commun aux siens – il les sent – il sait qu'elle est dangereuse, même pour lui. C'est son instinct de survie qui le pousse à agir, à grimper sur sa poitrine qu'elle ne sent pas, à moitié endormie, et à siffler de sa langue pointue à quelques centimètres de son cou. Elle l'entend. Elle ouvre ses yeux, mais a besoin d'un certain temps pour que sa vision se focalise sur lui. Il est déjà trop tard, la mâchoire de la bête s'est élancée contre elle et ses crocs se sont plantés dans sa chair, arrachant sa peau et déversant un produit malicieux dans ses canaux. Elle hurle, se lève d'un bond et des dizaines d'oiseaux s'envolent des branches des arbres qui l'entourent. Instinctivement, elle ferme ses doigts contre le corps qui l'attaque, tente de le décrocher de son corps, lui force encore plus sur ses crocs, laissant une marque violette derrière lui. Elle parvient enfin à le décrocher, mais déjà se sent plus faible, l'environnement lui parait flou. Elle saisit soudainement une terrible vérité : elle n'est pas en sécurité ici, la nature sauvage ne laisse aucune chance aux faibles et il faut qu'elle s'en aille, il faut absolument qu'elle reste éveillée et qu'elle ne retombe pas ici, dans la clairière, à la merci des autres créatures de la forêt.

Alors, elle court. Loin, vite, sans prendre le temps de respirer. Elle manque plusieurs fois de rentrer dans un arbre, l'évite de justesse, perd l'équilibre, roule dans l'herbe puis se relève, toujours en agrippant fermement le serpent qui est incapable de s'échapper, la doyenne est trop forte pour lui ; il se rend compte qu'il s'est sacrifié pour sa cause. Elle atteint enfin son campement, là où elle est en sécurité. Elle jette le reptile à ses pieds, lui écrase immédiatement la queue pour l'empêcher de fuir et, avant qu'il n'ait le temps de la mordre une nouvelle fois, à la cheville peut-être, elle transperce son cœur avec un kunai.

Maintenant, il faut s'occuper du poison. Il est présent, c'est évident. Il n'est pas mortel, sans doute pas pour une humaine, mais il est douloureux, très douloureux. Elle s'applique toutes sortes de calmants, ingère d'étranges plantes et boit beaucoup d'eau : le pire ennemi en cas de blessure dans le cou, c'est la déshydratation. Enfin, elle s'endort.

Quand elle se réveille, le crépuscule envahit l'espace. Le ciel violacé se couvre de nuages tandis que la lune accède bientôt à sa place privilégiée pour y livrer l'un de ses plus beaux spectacles, celui du croissant parfait. Mifuyu se laisse avoir par cette contemplation pendant quelques minutes, encore quelque peu délirante et, enfin, retrouve ses esprits. Elle est d'abord subjuguée : comment elle, une femme de son calibre, empoisonneuse de génie, médecin reconnue ayant vaincu la mort elle-même, faillit laisser sa peau à un simple serpent qu'elle dérangea ? C'est donc cela, la puissance de ce monde reptilien, si silencieux, si mystérieux et si sournois ? Elle doit absolument en faire partie.

Alors, comme la dernière fois, une frénésie s'empare d'elle : elle récupère le cadavre du serpent et le place sur sa table d'analyse installée dans le laboratoire de Fusuke. Elle analyse tous les muscles de sa mâchoire si puissante, ce cou qui s'était propulsé si vite contre elle pour l'assaillir à la gorge, étudie en détail la langue, les crocs et, enfin, les glandes cachées derrières où est stocké le venin. Elle profite de son temps de convalescence, ces quelques jours durant lesquels elle est encore trop faible pour s'exercer à sa technique précédente, pour déjà concevoir la suivante, celle qui parachèvera sa transformation reptilienne, celle qui fera d'elle le cobra craint de tous. Couplée à sa maîtrise des poisons, elle a de quoi faire des ravages. Bientôt, le Sekai entier craindra sa morsure.


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La Ballade du Serpent

Solo


Les journées ont passé. Sous les yeux de la Sorcière s'est déroulé le jeu infini des deux entités sœurs, la course de la lune et du soleil, les souffles du vents, les larmes de la brise et la douceur des soirs. Elle ne sent plus les effets du poison et s'est habituée à son nouveau bras couvert d'écailles. Pour l'instant, elle se surprend parfois à le contempler au soleil, fière de cette prouesse qui pourtant répugnera tout le monde au village des tourbillons. Elle réfléchit à un stratagème pour maintenir son arme secrète suffisamment longtemps avant que la guerre n'éclate : désormais, elle couvrira ses bras de bandages. Au vu de sa réputation, probablement personne n'osera la questionner à ce sujet.

Il est maintenant l'heure de reprendre l'entrainement. Elle a la théorie, les moyens, il lui manque juste la pratique. Ces derniers-jours, il lui fallut apprendre à mobiliser son bras, à s'en servir pour des actions du quotidien, comme tenir une tasse, couper une tomate, aiguiser son kunai ou pratiquer une incision avec ses scalpels. Ce fut difficile au début, puis ses mouvements retrouvèrent leur fluidité d'antan, peut-être même avec un peu plus de légèreté, de malice. Elle se sent enfin prête, prête à disposer à nouveau une branche au milieu de son campement et d'apprendre à l'enserrer, à la capturer comme elle le ferait avec une proie humaine. Comme elle le fera avec tous ceux qui oseront entraver sa reconquête du clan Omura.

Sur les neuf heures, les essais commencent et s'enchaînent. Elle s'exerce d'abord à une distance d'un mètre, dans les cas où elle se trouverait face à sa cible, potentiellement en négociation. Elle commence donc avec une branche assez fine, environ de la taille d'un chat – sait-on jamais, cela peut toujours servir. Cet exercice n'est pas le plus compliqué, bien qu'elle se rende vite compte qu'il est plus difficile d'exercer une pression plus régulière et plus asphyxiante sur un objet de cette taille. Rapidement, elle passe à une branche plus épaisse, un bout de bois sec tombé d'un arbre de la plage, où le soleil se veut plus virulent et où les arbres se disputent les restes d'eau de la rivière qui s'écoule dans la forêt. Ces arbres sont un peu les marginaux de l'île, elle s'y reconnait d'une certaine manière, mais n'exprime aucune honte à s'en servir pour ses entraînements. Elle les encercle, les serre, les presse et les réduit en poussière, un à un. Mais ce n'est pas ce qu'elle recherche. La fin de cette technique, évidemment, est la mort, mais pas aussi vite. Elle aimerait parvenir à trouver le juste équilibre, celui qui lui permettrait de ne pas anéantir sa cible, mais plutôt de l'enfermer, de la maintenir vivante et captive, entièrement à sa merci – et ne la tuer que si elle le désir, si elle refuse de parler. Il faut qu'elle apprenne à maîtriser ce bras, trop habitué à tuer pour supporter le souffle chaud d'une cible qui agonise contre sa peau.

Les canaux s'ouvrent et le chakra parcourt ce nouveau membre. La sensation est différente, étrange, mais pas désagréable. Elle rit, d'abord, étonnée de ce drôle de chatouillement, puis sent la puissance venir en elle. Ce bras est plus fort qu'auparavant, le chakra qui le parcourt lui en donne une parfaite maîtrise. Elle apprend à reconnaître chaque conducteur de chakra et, quand cela est bon, elle a l'impression d'être plus malléable encore que quand elle était humaine. Pour sa technique, c'est parfait. Elle s'enroule sans problème autour des souches et les serre sans les faire craquer. Mais c'est épuisant. La prochaine étape est de s'entraîner à maintenir cette emprise, à rester dominante. Ce n'est pas simple, cela lui prend plusieurs journées et plusieurs siestes, tant la fatigue l'emplit. Progressivement, heureusement, maîtriser ce bras reptilien devient aussi facile que maîtriser le bras humain : la fatigue redescend et la confiance remonte enfin. Elle y est presque. Tout ce qu'il lui faut, désormais, c'est trouver une cible vivante, mouvante et résistante ; car il n'y a aucun mérite à maintenir immobile une souche morte, mais il y en a plus à empoigner un félin sauvage.

Elle a vu quelques panthères sur l'île, rodant dans la forêt à la recherche de poisson et de petit gibier. Elle s'en est tenue à l'écart jusqu'à présent, le serpent ignorant poliment le fauve. Mais aujourd'hui, exceptionnellement, le fauve devient la proie du reptile, le serpent s'élance à sa poursuite pour affirmer sa dominance. Mifuyu le cherche pour affirmer sa transformation, sa déshumanisation. Elle en trouve une, de taille moyenne – plus petite que la Sorcière, donc – qui s'abreuve à la rivière. Elle s'approche doucement, ne fait aucun bruit ; elle ne voudrait pas l'effrayer et la voir partir en courant. Elle n'a pas peur d'elle, évidemment, mais elle désire jouer le jeu du prédateur, rampant dans les ténèbres pour surprendre sa cible, comme elle s'était faite surprendre dans la clairière.

Elle progresse lentement, puis marche sur une feuille qui se brise sous son poids, laissant échapper un bruit très familier à la forêt, un grand cri de guerre, celui de la chasse. Immédiatement, la panthère se retourne et observe, attentive. Elle non plus n'a pas peur, mais elle sonde. Elle est ravie de voir son dîner s'approcher de lui-même ; ce soir, elle n'aura pas à chercher. Les deux bêtes s'avancent l'une vers l'autre, posant un pied léger sur la terre, presque sur la pointe des pieds – et des pâtes – pour ne pas alerter une cible qui, pourtant, se tient juste devant. Chacune est persuadée de sortir vainqueur, aucune ne pense être la proie. Pourtant, l'une d'elle l'est : Mifuyu effectue un mudra, canalise son énergie spirituel dans son bras reptilien qui immédiatement s'allonge, comme elle l'aurait fait avec son bras humain antérieur. L'action se déroule sans effort et le membre couvert d'écailles, puissant, glissant, coupant comme le verre, s'enroule autour de la cage thoracique de l'animal qui ne comprend pas, qui se demande comment il a pu en arriver là, qui n'a jamais vu d'humaine, et encore moins une hybride.

La bête se débat, mais ne parvient pas à s'échapper. La Sorcière jubile. Elle la lâche une première fois, déconcentrée, sans faire exprès, mais parvient à la rattraper et à la capturer à nouveau. Cette fois-ci, c'est encore plus simple. Elle sent qu'elle maîtrise enfin la technique, après plus d'une semaine passée à s'entraîner, à récupérer de la greffe et à mobiliser son nouveau membre.

Enfin, elle relâche le fauve qui détale à toute vitesse.


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Deux jours se sont écoulés. La Sorcière s'est reposée, prélassée, entraînée dans la mesure du raisonnable. Maintenant qu'elle n'est plus humaine, qu'elle possède un bras reptilien, elle souhaite parachever sa transformation. Elle repense au serpent qui l'a attaquée et lit plusieurs fois par jour l'ensemble des notes qu'elle a prises sur une liasse de parchemins, où elle y a détaillé les caractéristiques de l'attaque qu'elle avait subi ainsi que ses observations de l'anatomie de la gorge d'un serpent accompagnées d'une suite de schémas explicatifs. Plus que tout, elle souhaite développer cette technique qui viendra compléter sa légende. Elle ne sera plus seulement la Sorcière, elle sera le Serpent, le Serpentaire, le Reptile d'Uzushio ou encore le Cobra des Tourbillons. Cette fois-ci, elle sait comment gagner du temps comparée à la technique précédente. Elle a retenu la leçon : rien ne sert d'imiter le serpent, il faut devenir le serpent.

S'entame alors une nouvelle démarche de greffe. Elle chasse à nouveau un serpent, faisant d'elle l'une des plus grandes meurtrières de son espèce, et en extrait les crocs, la langue fourchue ainsi que les glandes et les canaux qui y sont connectés. Dans ces glandes se situent la substance empoisonnée et, si sa condition humaine ne la rend pas capable de créer du venin ex nihilo, elle les adapte tant bien que mal pour qu'elles puissent contenir des doses de poison préalablement préparées, bien au chaud dans son atelier personnel. La greffe de la langue n'est pas le plus difficile, mais c'est un exercice douloureux. Elle coupe d'abord la sienne et, pour le dire de manière barbare, la mélange à celle du serpent grâce à une opération nécessitant l'utilisation de chakra médical ; elle couvre ensuite les deux entités devenues sœurs de ses mains, libérant une puissante énergie verte, et c'est là que réside la prouesse de greffe : elle force la langue humaine à accepter la langue reptilienne, et les deux fusionnent. Elle rattache finalement le tout à sa propre bouche, encore une fois grâce à la technique développée par Fusuke, et le tour est joué. Reste le plus compliqué : intégré les glandes et ses canaux reliés que, par souci de simplicité, nous appellerons dorénavant "système toxique". Il lui faut s'inciser directement au niveau de la gorge. Malgré les précautions prises, à savoir l'application d'une pommade anti-douleur composée d'une myriade de plantes de la forêt, la douleur reste énorme. Heureusement pour elle, Mifuyu est une experte des scalpels : elle incise juste au bon endroit et, ainsi, évite la fontaine de sang, la perte de connaissance et la mort. Elle raccorde méthodiquement chaque nerf, s'aidant toujours de son chakra médical pour apaiser sa peau et faciliter l'opération. Elle termine par les glandes, qu'elle raccorde aux canaux, eux-mêmes raccordés à sa nouvelle langue. Enfin, et c'est là toute la prouesse scientifique de cette technique : elle crée un canal entre ces glandes et sa gorge, protégé d'un clapet, dans lequel elle pourra faire circuler ses doses de poison quand elle voudra répandre son venin.

L'opération est terminée. Résumé grossièrement, elle ne prend ici qu'une minute à lire mais, dans les faits, elle dût entrecouper chaque étape par des pauses, du repos, et le total fut étalé sur toute la journée. Ce n'est pas l'opération la plus lourde dont elle a eu à se remettre – en fait, elle s'y est habituée plus vite qu'à la transformation de son bras – néanmoins le fait que la partie corporelle à modifier était si petite a rendu la tâche très difficile. Maintenant qu'elle en a terminé, elle dîne et s'endort sur le champ ; elle dort d'un sommeil de plomb et n'est rappelée dans son monde que vers dix heures du matin. Elle passe la journée dans son campement, à se reposer, à s'habituer à cette étrange sensation – piquante, presque – qui lui prend la langue ; et, surtout, à sa nouvelle voix. La voix vieillie et rauque de la Sorcière s'est transformée en une voix de femme sévère, mais légèrement plus aiguë qu'auparavant. La principale différence réside dans sa nouvelle manière d'insister sur les consonnes et, particulièrement, les c, les s, les sc et les ss.

Le jour qui suit, la Sorcière prend une résolution : dès qu'elle maîtrisera cette technique, elle repartira pour Uzushio ; galvanisée, elle s'y attèle immédiatement. Elle ne sait pas trop comment s'y prendre, au départ. Avant même d'essayer d'avoir recours au poison, il lui faut apprendre à allonger sa langue un peu comme elle le fait avec ses bras. Elle essaie, plusieurs fois et, si au bout d'une trentaine de minutes, elle parvient à la projeter à une cinquantaine de centimètres devant elle, elle se rend bien compte que ce n'est pas ce qu'elle cherche à accomplir. Elle projette sa langue, oui et bien quoi ? Que va-t-elle en faire, après ? Une langue, en elle-même, est bien souvent inoffensive. Elle souhaite atteindre quelque chose de plus grand : elle ne veut pas que ce soit sa langue qui sorte de sa bouche, mais un véritable serpent.


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La Ballade du Serpent

Solo


Après plusieurs tentatives de modéliser son chakra en forme de serpent ; et devant l'affreuse constatation de sa totale inaptitude à le faire, se disant qu'elle a été bien présomptueuse de se penser capable de copier une technique du Temple du Bois Bleu, elle comprend que ce n'est pas son énergie spirituelle qui doit prendre l'apparence du serpent. Après tout, si cela avait été la solution dès le départ, pourquoi avoir pris la peine de se greffer une langue de serpent, pourquoi avoir pris le risque de modifier sa voix, modifiant par la même occasion son identité à jamais et la perception que les autres auraient d'elle ? Non, au fond elle le sait depuis le départ, mais n'a pas voulu l'accepter, finalement frileuse à l'idée de perdre définitivement son humanité.

Pour réussir, il n'y a qu'une seule solution et elle la connaît : il faut fusionner, embrasser le serpent qui l'habite et ne faire plus qu'un avec lui. La puissance a un coût, qu'elle est désormais prête à payer.

Elle entreprend de changer la forme même de son chakra. Bien qu'elle ne sache pas encore quoi faire exactement, elle sait qu'il faut qu'elle se concentre sur une sensation proche de celle qui la chatouille quand elle utilise son bras reptilien. Pour une experte de la science médicale comme elle, le chakra n'a aucun secret : elle a appris depuis toute petite à le manipuler, à le travestir dans différents domaines, aussi ce n'est finalement pas l'étape la plus difficile. Elle a tout de même besoin d'un peu de temps pour identifier la forme exacte à donner à son chakra, se basant avant tout sur la part de serpent qui habite sa nouvelle enveloppe, tant dans sa langue que dans l'ensemble de son corps ; quand elle parvient à la visualiser, à la serrer en son fort intérieur, elle sait qu'elle a trouvé la seule énergie, plus pure, animale, qui lui permettra de stimuler correctement les cellules de serpent qui habitent sa gorge. Elle s'entraîne ainsi deux jours durant, méditant sur cette nouvelle énergie découverte et sur la manière d'y faire circuler le chakra. Elle commence doucement, par quelques essais et, bientôt, elle est capable de transformer sa langue nouvelle en un petit serpent, de la taille d'une couleuvre qui, bien qu'inoffensive pour l'instant, lui indique qu'elle a trouvé la voie. Elle jubile.

Après un jour de repos, elle entame la phase active de son entraînement. Maintenant qu'elle a découvert comment faire, qu'elle se sait sur la bonne voie, débute l'inlassable enchaînement de répétitions éprouvantes et gratifiantes. Mifuyu, fidèle à elle-même, place la cruauté au centre de son entraînement. Elle capture des lièvres habitant l'île, d'abord pour se nourrir, mais garde également certains cadavres qu'elle accroche avec ses senbons au tronc d'un arbre : ils seront sa cible. Elle découvre progressivement les bons mudra qui lui permettront de réaliser au mieux sa technique : évidemment, pour cela, le mudra du serpent en est la clef principale. Contrairement à ce que beaucoup de shinobi pensent, qui se contentent d'apprendre par cœur un enchaînement qu'on leur aurait transmis, Mifuyu les découvre d'elle-même, méthodiquement, se reposant sur la connaissance qu'elle a de chacun, de ses attributs et de ses effets. Une matinée lui suffit pour comprendre comment faire et, ainsi, se crée la suite des quatre mudra qui lui permettra d'élever sa morsure au rang de technique shinobi.

L'après-midi, elle essaie, encore et encore. Les signes incantatoires se suivent sans cesse et sa langue se transforme progressivement en reptile rampant de plus en plus large. Bientôt, elle parvient à atteindre le lièvre pourtant accroché à huit mètres d'elle. Malheureusement, la gueule du serpent ne se referme pas sur lui mais s'enfonce simplement contre son abdomen. C'est la prochaine étape de l'entraînement : "dresser" la bête pour la rendre agressive. Enfin, la dernière étape sera d'y ajouter l'élément qui fera de cette technique l'arme destructrice de la Sorcière, à savoir le poison.



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Omura Mifuyu
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La Ballade du Serpent

Solo


Elle continue. Mais comment le serpent pourrait-il lui obéir, lui qui n'est pas vraiment réel bien que tangible, qui ne possède pas de volonté propre ? Devant ce problème qui semble sans solution, la Sorcière persiste toutefois, se servant de la rage, de la haine et de la colère accumulées et entassées au fond de son cœur plus noir que le Tartare ; tentant, en vain, de l'insuffler dans cette création chakratique qu'elle aimerait voir aussi remontée contre le monde extérieur que l'est sa maîtresse, elle.

Elle cogite pendant des heures durant, retournant même observer les serpents fourrés près de la rivière. Quel est leur rituel avant l'attaque ? Pourquoi ne parvient-elle pas à le reproduire ? Elle s'approche d'un reptile qu'elle surprend à la chasse ; il rampe derrière un lièvre, silencieusement, alors que sa proie, s'abreuvant tout en zieutant à droite à gauche, reste alerte mais pas suffisamment. Son instinct de survie lui dit qu'il est en danger dans ce monde, qu'avec sa position dans la chaîne alimentaire, il n'est en sécurité nulle part : à peine venu au monde, ce lièvre était déjà condamné à mort. Mifuyu s'est déjà interrogée sur ce sentiment : la chirurgienne ne craint pas grand monde, se plaçant d'elle-même au-dessus de la chaîne alimentaire ; c'est en fait parce qu'elle n'a craint qu'une seule chose tout au long de sa vie, la mort, la triste mort injustifiée qui est la pierre angulaire de la position de mortel, qu'elle s'est acharnée à la surpasser. Maintenant qu'elle est immortelle, éternelle, elle ne craint plus rien – elle est libérée de ce sentiment prenant, de la crainte qu'il lui insufflait à chaque instant dans son passé. Un village entier ne lui fait plus peur.

Laissant de côté ces réflexions, la vieillarde observe attentivement ses sujets d'expérimentation. Elle suit à nouveau le processus de morsure, mais cette fois-ci dans son intégralité, non pas en tant que victime, mais comme observatrice. Quand le serpent frappe, mord, tue, elle comprend ce qu'elle avait manqué. La clef, c'est ce mouvement de mâchoire, c'est le paon qui se pavane, le serpent qui montre les crocs, envahi du sentiment de sa parfaite supériorité. C'est cela, la solution. Le serpent n'est pas celui qui doit mordre l'ennemi de Mifuyu : c'est bien elle qui doit le faire, à travers son intermédiaire reptilien.

Elle ajoute donc un signe incantatoire à sa méthode, mais qui ne réside pas dans ses mains : quand elle invoque ce serpent, désormais, elle mord – elle n'imite pas la morsure, elle la pratique. Elle plante ses dents dans la chair de sa cible ; cela est d'abord un peu difficile à imaginer, puis finalement le serpent ouvre progressivement la gueule et se veut plus agressif. Elle est sur la bonne voie. A la nuit tombée, elle maîtrise parfaitement la technique, sa gueule reptilienne devenant capable de réduire en miettes un cadavre de lièvre à une distance moyenne.

La dernière étape, maintenant, rappelons-le, est de mêler à cette technique les arcanes sournoises de Mifuyu : le poison, la toxicité qui rendra cette technique fatale, mais également tant représentative de la chirurgienne, qui pourra bientôt l'arborer comme sa technique fétiche. Le jour suivant, elle tente d'avaler des doses de poison, comme elle le fait déjà pour d'autres techniques, en localisant cette fois le canal qui mène jusqu'aux glandes prévues à cette effet, d'une part et d'autre de sa langue. Il lui faut du temps pour la localiser ; d'abord, elle manque plusieurs fois de s'étouffer, tousse, rougit, ses yeux pleurs et elle part se reposer. Quand elle réessaie, cela passe un peu mieux, mais la fiole de poison trouve toujours difficilement son chemin. Elle avance, progressivement et, au bout de la cinquième tentative, elle commence à maîtriser le mécanisme. Bien, le poison est entré, il ne reste plus qu'à le faire sortir.

Pour cela, elle connait déjà la théorie puisque ce n'est pas la seule technique de son arsenal à être composée de la sorte. Le plus difficile est d'accompagner doucement le poison le long du canal à l'aide d'un chakra qui l'englobe, protégeant ainsi l'organisme de Mifuyu des effets du dit poison. En effet, il serait bien dommage qu'elle se blesse elle-même. Elle apporte une attention particulière à cette partie de l'entraînement : le procédé est très long, très technique, mais elle y arrive finalement sans s'être intoxiquée une seule fois ; c'est là l'essentiel. Désormais, il faut qu'elle accompagne ce mouvement jusqu'à ce que ce poison vienne imprégner les crocs du serpent. A cet effet, il n'y a pas de secret : la pratique est le seul moyen d'y parvenir. Elle s'entraîne une bonne moitié de la nuit, sans jamais s'arrêter excepté pour boire et manger et, faisant totale abstraction du vent frais qui s'abat de ce côté de l'île, elle résiste jusqu'à ce qu'elle réussisse. Heureuse, elle se couche.

Le lendemain matin, elle retourne à la clairière, où elle ne compte pas se laisser faire. Un petit singe se balade d'arbres en arbres, observant Mifuyu de loin, le regard suspicieux, mais ne l'approchant pas pour le moment. C'est elle, finalement, qui le trouve. Ni une ni deux, d'une série de mudra, elle l'enferme dans l'étreinte du serpent qu'elle maîtrise désormais, et voilà le petit singe condamné à couiner, à gigoter, espérant désespérément s'en sortir alors qu'il a déjà bien compris qu'il s'est fait avoir, que la Sorcière est le nouveau prédateur de cette jungle. Il se débat furieusement, elle le serre et, pour ne plus qu'il s'agite, elle le mord avec sa nouvelle technique, afin d'en tester les effets : la morsure ne le tue pas sur le coup, mais le poison paralysant l'immobilise complètement. Une trentaine de seconde après, il est totalement pétrifié, pris dans l'étreinte du serpent qui se resserre inexorablement sur lui ; enfin, il meurt, étouffé.

Fidèle à son serment, la Sorcière prend la direction d'Uzushio, où elle a quelques affaires à régler.



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