Quand elle fut rentrée de l'hôpital, on annonça à la doctoresse que la petite Hatsumomo avait cherché à obtenir une entrevue avec elle. N'étant pas disponible, on l'avait renvoyée chez elle en lui demandant de repasser plus tard dans la soirée, soit dans les heures qui venaient.
Mifuyu se demandait bien quelle pouvait être l'origine de cette requête, mais n'en demanda pas plus à son assistant. Elle se contenta de rejoindre son bureau au sein de la Division d'Amélioration des Performances Humaines d'Uzushio (DAPHU) pour y traiter les affaires urgentes qui animaient l'organisme ces dernières semaines. En effet, la Sorcière avait décidé de remettre la machine en marche à un rythme plus soutenu, aussi les piles de paperasse s'amoncelaient à une vitesse folle sur son bureau. Elle n'avait pas le temps de s'occuper de tout, mais essayait tout de même de déléguer le moins possible. Elle ne faisait certainement pas confiance en la jeunesse pour s'occuper des soucis importants. Et puis, elle souhaitait aussi prouver à Hidenori qu'elle était capable de gérer cette surcharge de travail. Quémander son aide serait un immense aveu de faiblesse et une humiliation qu'elle n'était pas prête à lui offrir. Jamais. Plutôt se retrouver ensevelie sous les papiers que lui faire ce plaisir.
Son monocle fermement maintenu contre son œil, la vieillarde parcourut ses documents en veillant à ne manquer aucun détail important, puis les tria en trois catégories : les problèmes urgents, les problèmes non urgents et les problèmes qu'elle pouvait refouler à un stagiaire. La première pile était haute au moins du double de la deuxième, elle-même surplombant largement la troisième. Elle soupira. Elle en aurait au moins jusqu'à l'aube, et encore, seulement si on ne la forçait pas à intervenir physiquement dans les expériences, ce qui lui prendrait encore un temps considérable. C'était ça le résultat quand on promouvait une politique clanique molle et qu'on confiait l'éducation des prodiges Omura aux autorités médiocres du village des tourbillons.
On toqua à la porte. Puisqu'elle n'attendait personne d'autre, elle en conclut que ce devait être sa disciple. A moins que ce ne soit encore une blague de Riyu. Elle commençait à lui taper sérieusement sur le système, cette gamine. "Entrez" dit-elle simplement de sa voix rauque et fatiguée, espérant voir le visage calme de la petite tête blonde plutôt que l'excitée à la tignasse rousse.
Elle eut un discret sourire lorsqu'elle vit le visage innocent – en apparence seulement – d'Hatsumomo, apparaître dans l'entrebâillement de la porte. D'un naturel réservé, comme d'habitude, la fillette mit du temps à s'engouffrer dans l'antre de la Sorcière, qui l'attendait à son bureau sans rien dire.
Elle dégagea rapidement mais de manière ordonnée tous ses papiers pour laisser place à sa disciple. Elle déposa ses dossiers sur les plans de travail qui se trouvaient à l'arrière du bureau. Elle dut les entasser en tours pour qu'ils y rentrent tous, mais menaçaient alors de s'écrouler au premier courant d'air venu. Elle prendrait le risque.
"Bonsoir Hatsumomo. Qu'est-ce qui t'amène aujourd'hui ? Fais vite, je n'ai pas beaucoup de temps à te consacrer" dit-elle en lui faisant signe de la main de s'asseoir.
Jour après jour, tu t’entraînais. Tu perfectionnais ton art, sans cesse. Et bientôt viendrait le temps de participer à cet examen. L’examen des chunin fait conjointement avec le village de Konoha. Tu n’allais pas mentir en te faisant croire qu’il ne provoquait aucune angoisse chez toi et surtout au vu des commentaires et demandes de Mifuyu-sensei. Tu nepouvais pas utiliser ton hiden. Mais à quoi est-ce qu’il te servait si tu n’avais pas le droit de t’en servir et, surtout, comment réussir l’examen si la moitié de tes techniques étaient de près ou de loin reliée à ton hiden ?
L’angoisse montait avec tous les jours qui passaient. Tu devais faire tes preuves. En tant qu’Omura, en tant que ninja d’Uzushiogakure, mais également en tant qu’Hatsumomo. Il fallait que tu te prouves que les dernières missions n’étaient pas une erreur, que tu avais réellement ta place parmi les ninjas de ton village, mais si … mais si tu devais commencer avec un handicap, tu craignais sincèrement de pas pouvoir réussir. Tu avais donc demandé à ton enseignante, mais elle n’était pas disponible et on t’avait dit de te présenter à un autre moment. Moment qui approchait à grand pas.
Nerveuse, tu entras au DAPHU te dirigeant immédiatement au bureau de la vieille Omura et toqua, très faiblement. Lorsqu’elle te permit d’entrer, tu t’agitais déjà. Comment pouvais-tu osé lui demander une pareille chose, elle qui t’avait dit que c’était dangereux ? Mais ne l’était-ce pas autant que de faire cet examen sans être au maximum de tes capacités ?
- Mifuyu-sensei … Désolée de vous déranger … Hum. Non pas ... pas désolée. Je ne dois plus le dire, c’est vrai …
Tu manquais bien clairement d’éloquence, ta voix chevrotante, inquiète résonnait un peu de la même façon que cette journée où elle t’avait enseigné comment bouger tes organes dans ton propre corps.
- C’est en rapport ... à l’examen.
Le suspense n’était pas voulu, tu cherchais tes mots et tu appréhendais son interdiction. Elle n’était tout de même pas connue pour son bon caractère généreux et magnanime.
Une grande inspiration et la question qui te brûlait les lèvres coula, dans un ton beaucoup plus ferme, à ta propre surprise.
- Est-ce que je pourrai utiliser le Hiden de notre clan pour lors des épreuves ? Serais-je aussi autorisée à utiliser mon manteau visqueux et tout ce qui en découle ?
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Hatsumomo était encore plus nerveuse qu’à son habitude, la Sorcière n’avait pas besoin d’être sa mentor pour le remarquer. Sa voix tremblait, sa démarche était hésitante plus que de normal, ses phrases peinaient à se construire convenablement.
Comme toujours, elle avait commencé par s’excuser. Mifuyu soupira, lassée de la voir perpétuer ce signe évident de faiblesse. Toutefois, elle se reprit d’elle-même et son visage marqua finalement un léger sourire amusé. Bien, ses enseignements finissaient tout de même par entrer, même s’il leur fallait encore un peu de temps pour cheminer jusqu’à son brillant cerveau.
Passées ces quelques observations, qu’en était-il de la raison de sa visite ? La doctoresse ne tarda pas à la découvrir, découverte qui la laissa tant perplexe que silencieuse. Ainsi la petite tête blonde souhaitait utiliser ses capacités secrètes dans l’examen, révélant donc les arcanes enfouies du clan médecin à la fois aux tourbillons et à la feuille.
La vieillarde réfléchit. Évidemment, un tel comportement attiserait les méfiances de la part des autorités du village. Ces techniques étaient sensées être révolues. On acceptait communément de les voir employées par les anciens et les dirigeants, qui durent les apprendre au cours de la grande guerre des clans. En revanche, elles n’étaient normalement plus enseignées à la jeunesse, ou en tout cas pas les plus mystérieuses et dérangeantes d’entre elles. Même si Mifuyu n’avait aucune part de responsabilité dans la découverte du manteau visqueux, elle ne doutait pas qu’on céderait à la facilité évidente de la relier à une telle prouesse de la part d’Hatsumomo, si elle venait à la dévoiler au grand jour. Si elles avaient été discrètes au cours de tous leurs entraînements, il était de notoriété publique que les deux chirurgiennes se côtoyaient. Accuser la plus vieille de perpétuer les traditions ancestrales Omura serait aisé.
Elle afficha d’abord un visage contrarié. Originellement, elle était fondamentalement contre cette proposition qui pourrait mettre ses plans en danger. Néanmoins, elle avait assisté à la progression fulgurante de son élève et plusieurs éléments l’invitaient à remettre cette décision en question.
D’abord, le plus important, c’étaient ses intérêts personnels. Au cours de ses précédentes missions, Hatsumomo s’était imposée presque malgré elle comme une kunoichi puissante et influente au sein des tourbillons. Elle avait combattu des pirates à deux reprises, notamment lors des repérages en vue de la conquête prochaine des îles Tenro, qui étaient l’un des objectifs principaux du village à l’heure actuelle. Or, elle était toujours une genin et avait ainsi un poids politique limité. La Sorcière aurait bien besoin d’une Hatsumomo chunin à ses côtés : on reconnaîtrait sa fulgurante ascension et elle participerait enfin à la vie politique du village. Avec cet avantage supplémentaire, et de par son jeune âge, elle représenterait à merveille la jeunesse Omura auprès du village. Une jeunesse puissante et motivée, directement grâce aux instructions de la grande Omura Mifuyu. Son modèle d’éducation serait propulsé sur le devant de la scène, et cela ne faisait nul doute que les esprits belliqueux qui s’agitaient au sein du village verraient cela comme une aubaine.
Plus elle réfléchissait, plus elle remettait en cause le comportement qu’elle avait eu jusqu’à présent. Perdue dans cet océan de réflexions, elle en avait totalement oublié la présence de la fillette, qui devait trouver ce silence bien long.
Le deuxième argument de poids était la discussion qu’elle avait eu récemment avec le Senkage. Pour le moins animée, il ne faisait aucun doute à ses yeux qu’elle serait dorénavant surveillée de près. Toutefois, si les capacités d’Hatsumomo se déclaraient sous les lumières de l’examen et des envoyés de Konoha, elle détournerait d’abord l’attention et éparpillerait les doutes des autorités. Si dangereuse était-elles, ils ne pourraient pas éliminer une chunin en devenir sans avoir à fournir de sérieuses explications au public. S’ils essayaient de s’en prendre à Mifuyu, Hatsumomo serait là pour perpétuer son œuvre. De plus, voir que la Sorcière n’était pas seule pourrait paradoxalement la protéger : il deviendrait plus difficile de l’éliminer, si l’on supposait la masse de partisans qui l’entourait. C’était un pari risqué, mais elle ne pouvait pas brider son élève éternellement, d’autant plus que Baransu, puis cet examen, seraient l’enchaînement d’évènements idéals pour mener à bien son plan, qui avait débuté depuis que les fonds de la DAPHU avaient été augmentés.
« C’est d’accord. Mais permets-moi d’y mettre quelques conditions, Hatsumomo. » Elle s’exprimait d’un ton clair, posé, une lueur de détermination visible dans le regard. « Si possible, j’aimerais que tu n’utilises tes capacités les plus secrètes que lors de la dernière épreuve, lorsque tout le monde sera là pour les voir. Et si tu les utilises, tâche de l’emporter. » Il en allait de l’honneur des Omura bien sûr, mais surtout du modèle qu’elle véhiculait. Elle ne pouvait montrer aucune faille pour convaincre les dirigeants que c’était la voie à suivre. « Si jamais tu es obligée d’y avoir recours avant, j’aimerais que tu le fasses à l’abri des regards. Compris ? Tu as des questions ? »
C’était paradoxal, mais il fallait que leur utilisation soit spectaculaire, ou alors invisible. Elle devait présenter ces techniques comme étant son arme secrète, comme étant la force cachée de son clan, qui n’attendait que d’être libérée pour hisser le prestige du village des tourbillons. Les apparences étaient plus importantes que jamais.
Elle avait d’abord semblé choquée, contrariée même. Tu le savais. Oh comme tu le savais que ce n’était pas une bonne idée de lui demander une telle chose. Tu aurais voulu pouvoir ravaler tes paroles et t’enterrer dans un trou. Immobile, comme soudainement statufiée, tu attendais la réponse négative de ton mentor. Réponse qui ne vint pas. Elle laissa flotter dans l’air un épais silence chargé de tes peurs, de ton stress et de ton envie de disparaître sous le tapis.
Les secondes passaient l’un après l’autre et Mifuyu-sensei ne disait toujours rien. Que se passait-il ? Planifiait-elle déjà comment elle te tuerait ? Ce devait être ça. Après tout, elle l’avait déjà dit, si tu devais te servir de tes habilités en publique, c’est elle qui viendrait prendre ta tête pour l’offrir à Leiko.
Mais quelle erreur, mais quelle stupide erreur, voyons Hatsu, tu aurais pu faire mieux, n’est-ce pas ?
Et ce silence qui n’en finissait plus ! On aurait dit qu’elle le faisait exprès, qu’elle cherchait qu’à te faire tourner en bourrique … En même temps, c’était Mifuyu et elle était tout de même monté sur un comptoir d’un bar pour y mettre le bordel, alors te faire stresser en gardant le silence … ça ne te paraissait pas hors de sa portée.
Finalement, le jugement tomba et contre toute attente, ce n’était pas un non catégorique … En fait … ce n’était même pas un non.
Oui.
Elle venait de te dire oui. Si tu utilisais qu’en dernier recours et à l’abri des regards. Et pour l’épreuve finale, tu pourras t’en servir sans avoir à te cacher.
Estomaquée ? Non, tu n’y croyais tout simplement pas. Tu n’avais même pas imaginée qu’elle accepta et encore moins aussi facilement. Tu avais imaginé un millier de scénario et chacun d’entre eux comprenaient une joute verbale gagnée par la vieille femme.
- Alors … Alors je peux le faire ? En respectant les conditions bien sûr ! Holàlà ! Ça change tout ! Absolument tout. Est-ce que je dois faire quelque chose en particulier ? Je ne vais pas te décevoir ! Je serai raisonnable aussi ! Je vais leur montrer qu'il faut prendre les Omura au sérieux !
Il fallait inspirer et se calmer. Ton ton de voix étant désormais rempli d’entrain, comme si tu venais de recevoir le plus beau cadeau du monde. Tu allais peut-être réussir, peut-être pourrais-tu réellement devenir Chunin et faire honneur à ton mentor, ta mère, ton père et même ton frère.
- Hum … est-ce que … Je vais pas me faire tuer pour ça, hein ?
Omura Mifuyu
Uzushio no Jonin
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Leur montrer qu’il faut prendre les Omura au sérieux... Oui, c’était exactement ça. Derrière son innocence et sa naïveté juvéniles, la petite tête blonde semblait comprendre les véritables enjeux qui se jouaient dans l’ombre. Elle était intelligente, peut-être avait-elle même senti que la tant attendue révolution Omura était déjà en marche. Bientôt, sûrement après l’examen, la mentor mettrait sa disciple au courant. Elle lui dévoilerait son plan et lui confierait son rôle. Pour le moment, mieux ne valait pas l’impliquer directement au risque que cela s’ébruite.
« C’est tout à fait ça, Hatsumomo. Utilise tes techniques pour vaincre, pour déchaîner ta puissance. Mais tu dois donner l’impression que tu te contrôles, tu dois apprendre à mieux maîtriser ton manteau visqueux. »
Quant à sa deuxième question, la réponse était plus difficile. Son élève ne se ferait probablement pas tuer, non. Mais qu’en était-il de sa maîtresse ? Elle en doutait également, même si une désagréable boule au ventre lui rappelait sans cesse que cette possibilité devait être envisagée. Trop de gens seraient arrangés si elle venait à disparaître.
Pendant quelques secondes, elle sentit sa tempe tambouriner, comme si elle était sur le point de s’évanouir. Elle regretta ce qu’elle avait dit : elle ne pouvait, non, ne voulait, certainement pas mourir. Elle avait bâti sa vie comme une danse flirtant avec la mort pour mieux la contourner. Elle prenait là l’ultime risque, celui qui lui permettrait de continuer ses recherches sans perdre de temps, ou celui qui la mènerait droit à sa tombe.
Elle ne voulait pas mourir. Observant le corps jeune de sa disciple, elle refusait de céder à la facilité, celle de périr. Ce qu’elle voulait, c’étaient ces cheveux lisses, ce visage parfait et ce cou sur lequel on ne comptait aucune ride. Elle l’aurait. Mais elle devait passer par Hatsumomo pour cela. Elle se calma. Elle faisait là un pari risqué, mais un pari nécessaire. Toute sa vie au cours des vingt dernières années avait été écrite pour cela. Elle serait la revanche du progressisme, qui règnerait en impératrice sur le clan Omura. Comme elle avait toujours cru y être destinée. Créature mi-divine, mi-produit-scientifique, elle était apparue sur cette terre pour repousser les limites du naturel, repousser les limites du mortel.
« Non, tu ne mourras pas. Ils n’oseront pas s’en prendre à toi si tu utilises tes techniques devant un grand public, y compris celui de la feuille. Cela les ferait paraître faible. Quel village aurait peur d’une gamine ? » dit-elle de manière à la convaincre. « Non, le risque, c’est moi. Mais je sais me défendre. Le Senkage est trop occupé à rattraper Baransu et à préparer la conquête. Il a encore besoin de moi, alors ça devrait aller. »
Plus elle parlait, plus elle en venait à se convaincre elle-même. Elle était une figure indispensable des tourbillons, qu’on le veuille ou non. En tant qu’alliée, elle pourrait lui conférer la puissance en dirigeant la DAPHU d’une main de maître. En tant qu’ennemie, elle devenait cette entité malfaisante forçant l’union, forçant la naissance d’une nouvelle solidarité Uzujin.
« Très bien, tu peux retourner à tes entraînements maintenant. » Elle attendit quelques secondes puis, quand sa disciple était prête à partir, elle lui fit don d’un encouragement sincère, riche en sens. « Bonne chance, Hatsumomo. »
Quand la porte se referma, la vieillarde prit le temps de méditer, comme elle le faisait souvent ces temps-ci. Elle voyait sans cesse le déroulement de son plan défiler sous ses yeux et remettait tout en question. Puis, après avoir effectué ce qui était devenu un rituel tant elle le répétait machinalement, elle put retourner à sa paperasse.