Un paysage magnifique ✘ Honoka & Chiaki ✘ Rencontre tranquille ?

Un nouveau jour dans ma vie trépidante. Un nouveau soleil qui s'était levée pour m'annoncer que je devais me bouger le train parce que j'étais encore de ce monde. On se débarrassait pas de la mauvaise herbe aussi facilement après tout. A ce moment-là, je me retrouvais allongée sur mon canapé comme une épave, une bouteille vide posée sur la table basse, et une clope à la bouche alors que je contemplais la blancheur de mon plafond. Quelques rayons de soleil avaient trouvé un chemin pour atteindre ma joue, la réchauffant agréablement alors que je comatais de ma cuite de la veille. Tu parlais d'une vie. Mission, cuite. Mission, cuite. Pas de vie de famille, pas vraiment d'ami non plus. Pas de rêve non plus. N'importe qui pourrait aisément dire que j'étais une personne au sommet du pathétique mais je m'en tamponnais royalement... bien que parfois, je me demandais si c'était la même chose avant mon accident.

Est-ce que j'avais été plus heureuse? Est-ce que j'avais un but? Est-ce que j'avais seulement des potes? Est-ce que depuis ils m'avaient tous tourné le dos parce qu'ils croyaient les rumeurs? Si c'était le cas, au moins, je perdais pas grand chose. Leur amitié valait que dalle. Et puis qu'est-ce qu'il m"arrivait là? J'étais pourtant pas le genre à faire dans le sentiment pour m'apitoyer de cette façon. Fallait vraiment que je prisse l'air pour le changer les idées.

Je me redressais doucement avec un certain mal de crâne, me foutant de la cendre sur le T-shirt et me mettant à râler pour ma maladresse. Une douche. J'avais besoin de prendre une douche. Une fois fait, je me sentis bizarrement plus légère comme si l'eau m'avait purifié de mes méfaits d'hier. Cela risquait pas d'être vraiment le cas mais au moins, j'en eus comme l'impression. Avant de partir en emmenant mes clopes et mon katana - parce qu'il me quittait jamais, ironique pour une marionnettiste - je m'arrêtais deux secondes devant le petit autel que je m'étais fait, planqué dans un de mes placards. Fallait dire que c'était la seule chose que j'avais pas abandonné de ma vie de Kaigan : le culte de shukakku. Mais c'était prohibé et les gens aimaient pas trop ce qui venait de mes géniteurs originaux donc... Mon petit secret quoi... enfin, moins secret que je le laissais penser puisque j'avais mon gris-gris en bois d'Ichibi pendu au fourreau de mon arme. Une petite prière furtive et c'était partie.

L'air était plutôt frais, même pour la région, pourtant je trouvais ça assez agréable. Fallait dire que je n'étais du genre à travailler mon bronzage donc j'avais rien contre un petit vent rafraîchissant, plutôt que me retrouver à véritablement cramer sous le soleil. Je me mis à déambuler nonchalamment, les mains dans les poches et la cigarette serrée dans ma bouche, en faisant mine de pas voir certains regards qui se posaient sur moi. J'avais toujours droit de temps en temps à des œillades et des murmures, sans doute parce que je faisais pas dans le conventionnel et j'étais pas à la pointe de ma féminité. Parfois, c'était juste parce que les gens avaient rien d'autre à foutre. Du coup, je partis en direction du seul endroit où je me savais peinarde et où je pouvais contempler un paysage qui me rendait bizarrement nostalgique, mais en bien.

Arrivée près des grandes portes du village, je cherchais les escaliers qui menaient sur les remparts. Je m'attendais à croiser éventuellement un ou deux shinobis, des surveillants mais à la place, je tombais sur une gamine toute maigre avec de grands yeux verts. Je la connaissais pas. Facile, je connaissais pas grand monde de toutes manières. Je m'approchais lentement pour pas la surprendre, faisant exprès de traîner des pieds pour faire du bruit. Là, je lui fis un signe pour savoir si je pouvais m'asseoir à côté d'elle ou si ça l'emmerdait, avant de tirer mon calepin à conversation. Je lui montrais la première page.

" Bonjour, je suis muette. Désolée de pas causer. "

Vous croyez pas que je passais mon temps à gaspiller du papier? J'avais des textes pré-écris pour éviter de perdre du temps. La plupart de mes mots était assez direct, pas de fioritures, pas de truc nian-nian. Juste l'essentiel. Je tournais la seconde page.

" Je m'appelle Honoka. "

Je posais aussitôt mes fesses. J'allais pas rester debout, ça me gonflait déjà.

Alors que je posais mes fesses délicates sur le rebord du rempart, voilà que la donzelle me lança un bonjour bien enjoué qui me surprit un peu. On était rarement enchantée de me voir dans les parages. Non pas que j'étais d'une désagréable compagnie mais les préjugés.... Cela me fit sourire alors que je serrais entre mes dents ma cigarettes. Je levais donc amicalement la main en signe de salut pour me montrer amicale à mon tour. Chiaki, hein? Elle était mignonnette la gamine.

Tournant la tête sur le côté, je recrachais un peu de fumée de manière à ce que cela ne lui vint pas dessus. On pouvait dire ce que l'on voulait de mes manières, mais j'avais des bases. En tout cas, elle tenta d'entamer la conversation en m'indiquant qu'elle appréciait le coin. J'étais la mieux placée pour lui dire que je comprenais. J'étais là pour la même chose, non? Me remettre les idées un peu au clair, et tout et tout...

Nonchalamment, je me saisis à nouveau de mon carnet et je commençais à gribouiller un message nouveau. Je voulais pas lui faire un roman mais c'était toujours compliquée quand les gens maîtrisaient pas le langage des signes. Je devrais peut-être soumettre que ce soit imposé à l'académie? C'était pas comme si ça n'avait pas son utilité dans un métier comme le nôtre.

" Je me suis prise une sacrée cuite hier. J'avais besoin de me rafraîchir les idées, mais même sans ça, j'aime venir observer le désert et les dunes danser. "

Bon, ok. C'était sans doute assez direct mais j'allais pas mentir. Pas le genre de la maison. De toutes façons, j'aimais pas m'embarrasser de mensonges et j'étais pas le genre de femme qui en avait quelque chose à faire de froisser quelqu'un de manière globale. C'était peu probable que ce soit le cas avec la gamine, peut-être même que ma franchise allait la dégoûter. C'était pas convenable d'être une femme qui avait la facilité de la picole et bien je tâcherais de me justifier en disant que ma vie avait été assez chienne pour me permettre ce genre d'extravagance.

En attendant, je tournais mes yeux vers mon désert adoré, soupirante alors que je me saisis de ma clope entre mes doigts. Je la tapotais au-dessus du vide pour me débarrasser des cendres alors que je me perdais déjà sur l'horizon. Fallait dire que je me sentais toujours bizarre quand je venais ici. J'étais partagée entre le fait que c'était reposant et le fait que j'étais possédée par l'idée que quelque chose manquait dans le tableau. Il me manquait une pièce. Si je jouais les cyniques, je dirais juste qu'il me manquait une case depuis mon accident.

Je repris mon carnet et commença à réécrire quelques bricoles.

" Je suis étonnée de voir une gamine toute seule ici. Tu devrais pas traîner avec d'autres filles ou un truc du genre? Ou un joli garçon? C'est ton âge ces trucs-là. "

Je lui présentais mon papier alors que je repris une bouffée de nicotine, posant mes yeux mauves sur sa petite silhouette d'adolescente avec curiosité. J'énonçais sans doute pas mal de cliché mais je me disais que les jeunes d'aujourd'hui étaient tous dynamiques et épuisants, un peu comme la fillette que j'avais ramené lors d'une de mes missions précédentes. Les gosses, c'était crevant.

La scène devait paraître plutôt bizarre d'un point de vue externe. Moi du haut de mes trente années je me tenais à côté d'une fille à peine sortie de l'adolescence, la clope à la main, et on discutait comme si cela avait été normal. Il y avait presque un côté grande sœur que je ne me connaissais pas. Pourtant, à dire vrai, j'étais quasi certaine que j'en avais quelque part. Des demi-frères ou demi-sœurs. Kaigan, bien entendu. J'avais pas les détails, mais il m'avait semblé me rappeler que mon père avait pas que ma mère sous son toit et je savais que les Kaigan étaient du genre polygame. Les coquins s'emmerdaient pas. Je trouvais ça toujours étranges comme mœurs de jouer les gros pieux religieux et à côté d'avoir assez le feu aux fesses pour prendre plusieurs maris et plusieurs femmes. Je jugeais pas, hein! Mais ça me laissait songeuse. Je savais pas pourquoi dans mon esprit ça collait pas trop ensemble.... même si ça me choquait pas non plus. Après tout, on jurait fidélité au clan à et Shukkaku. Pas à son mari. Ou sa femme. Ou ses femmes. Enfin qu'importait.

J'arquais un sourcil quand elle me répondit avec assez de sérieux qu'elle avait pas de copain, ou que ses amis étaient déjà en mission. Je laissais échapper un petit ricanement avant de reprendre mon carnet.

" T'as déjà été en mission? "

Je savais pas pourquoi, j'avais l'impression qu'elle dégageait un truc qui me laissait penser que l'expérience lui manquait encore. Je savais pas si c'était son petit regard de poupée ou autres choses, mais je le sentais bizarrement de cette façon. Quand elle aborda l'autre réponse à ma question, sa petite bouille changea d'expression aussitôt. Elle attendait quelqu'un hein? Bah visiblement c'était pas son mec. Je repris une bouffée de ma cigarette et finit par tourner mon regard vers le désert.

Attendre quelqu'un... qui ne viendra pas.

Je savais pas pourquoi ça résonnait comme un échos étrange dans ma poitrine. Attendre quelqu'un.... mais qui... est-ce que c'était aussi pour ça que je venais toujours sur ces remparts poussiéreux? Parce que j'attendais quelqu'un? Je me mentirais à moi-même si je prétendais que j'avais pas une sorte de manque quand je venais dans le coin, cependant j'avais jamais été fichu de mettre le doigt dessus et j'avais jamais croisé quelqu'un qui aurait pu aussi s'amuser à m'attendre ici. Pendant un moment, je m'étais convaincue que je déraillais. Maintenant que je voyais la gosse, ça m'y faisait à nouveau penser et j'avais cette drôle d'impression qui me reprenait.

Je finis par soupirer et je repris ma clope dans la bouche pour commencer à écrire à nouveau.

" Je suppose que c'est quelqu'un qui compte? Depuis combien de temps tu guettes dans les environs? "

J'étais pas certaine que la réponse allait sincèrement m'intéresser, ça faisait toujours un brin de causette. Mais c'était surtout parce que j'étais pas capable de vraiment ressentir ce qu'elle éprouvait et j'étais pas certaine d'en avoir envie. Cela m'empêchait pas d'être curieuse pour autant.

Lorsque la petiote m'indiqua qu'elle n'avait effectué que des basses besognes pour le village, ça m'avait fait sourire. En général, on profitait des gosses pour les faire bosser à des tâches ingrates qui emmerdaient foncièrement les plus haut-gradés et ces derniers se planquaient derrière le fait que ça devait forger le caractère, apprendre l'humilité et ce genre de connerie. C'était surtout des gros flemmards. Qu'on se le dise. Personnellement, je me souvenais de que dalle en ce qui me concernait mais j'étais à peu près sure que j'avais dû faire des trucs nazes quand j'étais gamine.

" T'inquiète. On est tous passé par là. "

Petit message de réconfort basé sur un demi mensonge puisque je m'en souvenais pas. Mais honnêtement, cela m'aurait beaucoup étonné d'avoir eu le moindre passe-droit, même au sein de mon clan. Parce que pour infos, j'étais déjà adulte quand le village avait été créé, mais ça m'empêchait pas d'imaginer que j'avais dû faire des choses ennuyeuses pour les Shirogane.

Quand je me permis de jouer les indiscrètes, le regard de la petiote changea. Boulette. Je l'avais piqué involontairement au vif. Je posais mes yeux blasés sur sa petite figure alors que je prenais une bouffer de ma cigarette. Elle m'expliqua qu'elle guettait le retour de son vieux depuis plus de deux ans. Si j'avais été sans pitié, je lui aurais clairement dit qu'il était sans doute mort depuis une éternité mais... ça serait salop. Au fond d'elle, j'étais à peu près certaine qu'elle le savait aussi mais ça lui mettait trop les glandes. Elle était jeune. Cela se comprenait... mais c'était pas très shinobi. Trop de sensiblerie.

D'un autre côté, si ça pouvait lui servir de moteur pour devenir plus forte avec le temps... pourquoi pas? J'allais pas lui briser ses illusions et visiblement, son désir d'expérience n'était que le résultat de sa volonté d'avoir une réponse claire. Mort ou pas. S'il était pas mort et qu'il trainassait on-ne-sait-où, j'avouerais que lui botterait bien le cul pour avoir abandonné sa gamine et ses responsabilités à Suna.

Naturellement, je portais ma main vers elle et lui tapota la tête. Je lui ébouriffais un peu les cheveux amicalement pour lui montrait que ça allait et je commençais à écrire un nouveau message.

" Tu peux pas dire que ça sert à rien. T'as un but dans la vie. C'est bien. "

Je lui tendis le bout de papier alors que j'enchainais sur un autre.

" C'est peut-être lui qui t'attend. Alors dépêche-toi de devenir plus forte. "

Je tentais de lui sourire alors que je continuais à fumer comme un pompier.

Pour foutre les pieds dans le plat, j'avais pas mon pareil. C'était assez comique puisque j'y arrivais sans débiter la moindre parole. Quoiqu'il en soit, à la gueule de la gamine, il était plus que clair que j'avais touché la corde sensible et en matière de "fille à papa", j'étais en première ligne. Moi aussi je kiffais mon vieux et je savais que j'irais chercher son cul décrépi n'importe où il pourrait se trouver, même s'il m'avait demandé de jamais risquer ma vie pour ses miches à lui. Sauf qu'il pouvait me la chanter à l'envers ou à l'endroit, je lui devais ma vie plus d'une fois. Pas seulement de manière littérale parce qu'il m'avait extirpé du désert où on m'avait laissé me dessécher en sacrifice avec le cadavre de ma mère, mais parce qu'il m'avait donné l'envie de vivre et un putain de but. Il avait fait de mon son apprentie puis il m'avait adopté pour me légitimer. Il était le seul type qui croyait en moi, le seul qui me pensait innocente des accusations que l'on portait sur moi, le seul qui était venu me tenir compagnie pendant mon coma. Il était le seul dont ma mémoire n'avait jamais douté.

Toujours la clope au bec, je continuais à me détendre à coup de grand bouffée alors que la petiote se mit à me remercier. De quoi? Je captais pas trop en fait. J'avais pas l'impression d'avoir dit quoique se soit qui méritasse la moindre gratitude. Je ne fis que hausser les épaules comme pour dire "de rien". Je comprenais pas trop les jeunes d'aujourd'hui. Je coinçais à nouveau ma cigarette entre les dents alors que je pris mon carnet.

" Si tu veux m'aider, deviens plus forte. Comme ça, tu sauveras mon popotin de mamie le jour où j'en aurais besoin. "

Je lui tendis le bout de papier alors qu'un bref petit sourire se dessina sur mon visage. Bah quoi? Il était préférable que la nouvelle génération se débrouillasse mieux que l'ancienne et on m'avait toujours dit que les plus jeunes devaient prendre soin des vieux. Autant les formater maintenant... et non, je disais pas ça uniquement par flemme et par envie de prendre une retraite anticipée. Je serais capable de vraiment m'ennuyer si je pouvais pas me dérouiller un peu pendant une mission ou deux.

" Du coup, tu étudies quoi à l'académie? C'est quoi tes spécialités? "

C'était pas que ça m'intéressait fondamentalement mais cela piquait ma curiosité. C'était aussi ne manière de détourner ses pensées vers un autre sujet que son vieux disparu. Maladroit? Ouais peut-être. Tant que cela marchait, on en avait rien à cirer.