Entraînement Infernal - PV Fuyugeshiki Toka

Si Uchiha Shishio avait été bien prévenu dès le départ qu’il rentrait sous les ordres de Tadake Yurikô, personne n’avait pensé à lui expliquer que la Jonin avait déjà deux jeunes ninjas sous ses ordres. Il n’était pas seulement placé sous la responsabilité d’une formatrice, il rentrait dans une équipe déjà existante de ninjas réguliers de Konoha.


Et cette perspective-là, elle était déjà nettement plus effrayante.

Son premier entretien avec Yurikô était, comme par miracle, parvenu à lui donner un peu d’espoir pour son avenir en tant que ninja de Konoha. Cependant, sitôt qu’il avait appris qu’il devait rencontrer et être accepté par deux autres ninjas, l’angoisse avait refait surface. Il ne faisait aucun doute que le jeune genin ferait pâle figure aux côtés de ses camarades, plus expérimentés et très probablement plus talentueux. En outre, en rencontrant plus de monde, il augmentait aussi ses chances de tomber sur l’un des nombreux villageois qui n’appréciaient pas le clan Uchiha et qui risquaient de le lui faire payer.

C’est donc la boule au ventre qu’il obéissait à la requête que Yuriikô lui avait confié quelques jours après leur première entrevue - il devait rendre visite à l’une de ses codisciples, Fuyugeshiki Toka, récemment sortie de convalescence. En l’envoyant lui, la Jonin leur offrait également un prétexte pour une première rencontre, tout en prenant des nouvelles de sa protégée.

Les yeux rivés sur l’adresse qu’elle lui avait donné, Shishio déambulait dans les quartiers résidentiels de Konoha. Son stress à l’idée de rencontrer la jeune fille le poussait à accélérer, raidissant son corps à un point qui frôlait le ridicule. Il ne lui fallut pas bien longtemps pour reconnaître la demeure Fuyugeshiki, sur la porte de laquelle il toqua à plusieurs reprises.

Puis une fois de plus.

Il ne s’attendait pas à ce que la porte s’ouvre à la volée à la seconde où il effleurait le bois, certes, mais il passa de longues minutes sur le seuil de la demeure sans aucun signe de réponse. Il soupira, puis envisagea de repasser un autre jour.

“Yurikô-sensei serait déçue, à n’en point douter…” marmonna-t-il pour lui-même.

Après avoir vérifié l’absence de passants dans la rue, il recula de quelques pas et observa les maisons alentours. L’une d’elle, juste voisine des Fuyugeshiki, possédait exactement ce qu’il recherchait : plusieurs arbres assez solides aux branches plutôt basses. Prenant son élan, il sauta vers la palissade qui bordait le jardin de la maison et, d’une impulsion de son pied, se hissa jusqu’aux branches de l’arbre. Grimpant assez facilement celui-ci, il obtint vite une vue imprenable sur le jardin des Fuyugeshiki : il ne comptait pas les espionner, juste s’assurer qu’il n’y avait effectivement personne dans la maison.

Il s’attendait à voir un adulte occuper à jardiner, à vrai dire. Certainement pas une gamine aux cheveux blancs s’agiter dans tous les sens, manifestement en train de s’entraîner - tout ce que la jeune Toka n’aurait pas dû être en train de faire, si tôt après sa convalescence. Shishio l’observa quelques instants, rassemblant le courage qui lui serait nécessaire pour aborder ainsi sa nouvelle coéquipière. Sautant prestement de la branche, il arriva directement sur la palissade qui entourait le jardin des Fuyugeshiki, accroupi en équilibre sur la barrière de bois.

Une entrée bien, bien trop ostentatoire pour lui, mais il n’avait pas mieux en stock.

“Fuyugeshiki Toka, je présume ? Je m’appelle Shishio, c’est Yurikô-sensei qui m’envoie.”

Il se forçait à afficher un sourire engageant, mais il lui était difficile de cacher entièrement son stress intérieur. Le jeune garçon s’était hâté de mentionner le nom de leur tutrice, un peu anxieux à l’idée d’effrayer sa codisciple avec une arrivée aussi soudaine.

“Je devais venir m’assurer que tu allais bien et que tu te reposais bien après ta convalescence, mais… Tu as l’air plus en forme que prévu. Tu ne ferais pas mieux de tenir le lit, plutôt que de te dépenser comme ça ?” Il avait arqué un sourcil, circonspect quant aux activités de la Genin.

De toute évidence, Shishio avait bien fait de mentionner aussi vite le nom de Tadake Yurikô. La jeune fille aux cheveux blancs était prête à lui ficher un kunai entre les deux par simple réflexe ; son arrivée avait-elle été si abrupte que cela ? Dans un élan de générosité sans doute, Toka se contenta donc de ficher son arme dans la planche de bois qui soutenait le poids du jeune Uchiha, ne laissant aucun doute quant à sa capacité à l’affronter en combat singulier s’il s’avérait que ses intentions étaient mauvaises. Elle était exactement comme leur tutrice l’avait décrite ; cette jeune fille avait très manifestement le sang chaud et n’hésiterait pas longtemps avant de l’attaquer s’il ne clarifiait pas les raisons sa présence rapidement.

Shishio soupira, gêné par la tension immédiate que cette première rencontre avait placée entre eux. Il n’était pas le genre de garçons qui s’entendaient facilement avec les autres et il espérait que tous ses coéquipiers aient été à l’image de Yurikô : gentils et chaleureux au-delà de toute espérance. Une telle tornade de bienveillance l’aurait mis aussi mal à l’aise qu’un poisson en dehors de l’eau, mais au moins il aurait fini par se sentir apprécié dans un tel environnement. Toka, elle… Ressemblait plus aux jeunes apprentis ninjas avec qui il avait grandi, la méchanceté gratuite en moins. Il se gratta l’arrière du crâne pour tenter de détourner sa gêne avec des gestes, puis se redressa doucement, se tenant debout sur la palissade pour répondre à la jeune fille.

“Comme je te l’ai dit, je m’appelle Shishio. J’ai été affecté à l’équipe 4 de Konoha il y a quelques jours… C’est justement pour cette raison que Yurikô-sensei m’envoie : je pense qu’elle veut que nous fassions connaissance au plus vite. Et je ne t’ai pas cherchée, elle m’a simplement donné ton adresse.”

Il s’apprêtait à en rajouter, supposant qu’il relevait de sa responsabilité vis-à-vis de sa tutrice de pousser Toka à se reposer, quand un craquement sinistre le fit frissonner. Il eut juste le temps de baisser la tête ; fragilisée par le kunai planté sous lui, la palissade ne tenait plus son poids et, avant qu’il ne puisse sauter de cet appui vacillant, tout un pan de la barrière de bois s’écroula et lui avec.

Les dégâts pour l’enceinte étaient minimes ; il n’avait cassé qu’une seule planche, qui serait facile à remplacer. En revanche, le garçon s’était écrasé tête la première dans le magnifique parterre de fleurs des Fuyugeshiki, provoquant la mort tragique de sa dignité et de splendides végétaux. La tête pleine de terre, il se releva avec hâte, enlevant maladroitement les saletés sur son visage et ses vêtements en toute hâte. Perdant tout le semblant d’assurance qu’il avait feint jusqu’ici, il s’inclina bas devant Toka.

“T-toutes mes excuses pour cette maladresse ! Je remplacerai la planche et les fleurs au plus vite !”

S’il avait tenté de se faire passer pour un Genin plus âgé et sûr de lui devant sa cadette, c’était raté. Le Shishio raide et peu assuré avait refait surface, s’inclinant frénétiquement en signe d’excuse.

La raison de sa présence ici lui revint cependant bien vite en tête et il traversa le parterre, s’assurant de ne pas écraser plus de fleurs, pour rejoindre Toka. Il avait sans doute l’air plus ridicule que jamais - sans qu’il ne s’en soit rendue compte, une très jolie fleur violette s’était fichée dans ses cheveux sombres, lui donnant l’air de ces petites filles qui veulent jouer aux princesses végétales.

Il était plus grand et plus âgé que la jeune fille, mais des deux, c’était assurément elle qui avait l’air le plus ninja.

“Je ne la connais pas encore très bien, mais de ce que j’ai vu… Je pense que Yurikô-sensei attend de toi que tu te reposes autant que possible pour revenir au mieux de ta forme au plus vite,” lui dit-il avec un sourire qui se voulait chaleureux. Malgré son malaise au contact d’une inconnue - surtout après la bourde qu’il venait de commettre - il faisait de son mieux pour émuler les expressions faciales généreuses de Yurikô ; sur lui, les sourires avaient cependant juste l’air forcé, trahissant son anxiété constante. Jetant un oeil sur le galet qu’elle tenait en main, il haussa un sourcil. “Tu pratiques l’art des sceaux ? C’est pas… Un peu avancé pour une Genin ?”

Qu’est-ce que t’espérais ? demanda une voix au fond de Shishio. Bien sûr que tu seras le moins talentueux des trois élèves, crétin. Elle sort à peine de l’Académie et t’es déjà largué, quel exemple tu fais !

En tentant maladroitement d’exprimer une certaine forme d’admiration pour le travail acharné de la jeune fille, Shishio avait de toute évidence tiré sur une corde sensible. Avant qu’il n’ait le temps de dire “sceau”, elle plaqua ses mains au sol. Il eut un mouvement de recul en comprenant qu’elle allait employé une technique, mais c’était déjà bien trop tard pour esquiver ; des pieux de cristal sortirent du sol, formant une prison aiguisée et mortelle tout autour de lui. Piégé dans un équilibre dangereux, Shishio n’avait pas le luxe de se casser la figure de nouveau : il était entouré de pointes effilées comme des rasoirs. Une chute se solderait, au mieux, par de graves blessures. Sur la pointe de pieds, tâchant d’ignorer la douleur que lui infligeait la construction cristalline en piquant contre ses côtes, il observa Toka approcher, kunai en main. Elle l’avait réduit au silence complet avec ce simple geste ; pétrifié par la peur, le jeune Uchiha aurait été bien incapable d’émettre le moindre son tandis que son cerveau carburait à toute allure, cherchant désespérément un moyen de se sortir de ce mauvais pas avant que cette psychopathe miniature ne se décide à l’égorger. Elle dirigea la pointe de son kunai vers la main du garçon, éclaircissant légèrement l’ampleur de la menace - Shishio n’allait pas mourir aujourd’hui, a priori. Mais il allait le sentir passer s’il prononçait à nouveau un mot de travers.

Une goutte de sueur coulant de sa tempe sur sa joue, il déglutit difficilement, ses yeux noirs fixés sur le regard intensément rouge de Toka. S’il ne l’avait pas prise au sérieux, il n’en avait plus le moindre doute ; cette jeune fille était complètement folle. Elle n’hésiterait pas une seule seconde à le transpercer d’un de ses cristaux s’il ne se comportait pas comme il le fallait. Aux antipodes de Yurikô, qui avait continué à le marteler de sa douceur alors même qu’il tentait de la repousser ; s’il avait fait la même chose avec Toka, sans doute se serait-elle contenté de lui dire d’aller mourir - et peut-être même l’y aurait-elle aidé. Il eut l’impression que la Genin le fustigeait pendant une éternité ; son coeur battait à tout rompre, se demandant si elle rappellerait ses cristaux avant que les muscles de ses jambes ne le lâchent, l’abandonnant vers de sérieuses blessures. Ne pouvant se permettre de gonfler trop sa cage thoracique sans presser contre les pointes brillantes, il n’avait même pas le luxe de respirer convenablement.

Acceptant d’un rapide signe de tête le marché que lui proposait Toka - à savoir, l’aider dans son entraînement s’il voulait garder son sang dans son corps - il put finalement se relâcher quand elle recula et fit disparaître ses cristaux. Il se laissa enfin aller à la chute qu’il avait retenue si longtemps, posant un genou sur le sol pour se réceptionner, haletant pour compenser le souffle oppressé qu’il avait dompté pendant ces longues secondes. Il enregistrait les informations que lui donnait Toka d’un air absent, clairement choqué par ce qu’elle venait de lui faire vivre ; il avait du mal à avaler qu’il était sur le point d’aider la jeune kunoichi à s’entraîner plutôt que prendre ses jambes à son cou, sachant ce qu’elle pouvait lui faire s’il ne se comportait pas de la même façon. C’est une autre élève de Yurikô-sensei, se dit-il sur un ton de reproche, c’est à toi de faire des efforts dans sa direction. Il aurait préféré que les efforts n’impliquent pas de voir sa vie menacée sans rien pouvoir y faire, mais de toutes façons, il ne pouvait pas y faire grand chose ; il était assez évident que même s’il tentait d’attaquer Toka par surprise, elle n’aurait aucun mal à se débarrasser de lui.

Il se releva lorsqu’elle s’annonça prête et jeta un oeil au galet marqué derrière lui, puis se retourna vers elle. Tout en sortant un shuriken d’une de ses poches, il soupira, mal à l’aise à l’idée de lancer une arme sur une camarade - quand bien même celle-ci l’avait attaqué avec une telle véhémence quelques instants plus tôt.

“Je vais viser ton pied gauche. Si ton expérience ne fonctionne pas… Tu devrais avoir le temps de le retirer sans être blessée, d’accord ?” réalisant que c’était en voulant la ménager qu’il l’avait mise en colère la première fois, il se hâta d'ajouter : “N’y vois aucune insulte, bien sûr ! Je veux juste… Eh bien, je doute que Yurikô-sensei me pardonne si je blesse le jour où elle m’a envoyé m’assurer de ta santé, tu comprends ?”

Il ne pouvait qu’espérer que le nom de leur tutrice suffise à la garder calme. Levant son shuriken entre deux doigts, il articula “trois, deux, un…” sans émettre le moindre son avant de le lancer légèrement au-dessus la jointure entre son pied et sa jambe. Si jamais elle n’avait pas le temps de bouger… Ce ne serait qu’une blessure mineure que même lui pouvait arranger, avec un peu de désinfectant et un bandage. Il n’avait pas mis assez de force dans le lancer pour la blesser sérieusement, après tout.

Shishio ressentit une soudaine vague de panique monter en lui quand il vit son shuriken s’enfoncer dans la jambe de Toka. En la fraction de seconde qui eut lieu avant que le nuage de fumée n’engouffre la jeune fille, révélant la technique de substitution, il eut le temps d’imaginer pas moins de trois douzaines de manières qu’aurait Tadake Yurikô de lui faire payer sa négligence en blessant ainsi sa plus jeune élève. Mortifié, il avait ouvert la bouche, prêt à exclamer son inquiétude pour Toka, quand le Kawarimi se déclencha. Voyant la planche brisée tomber au sol en un fracas dramatique, il eut un long soupir de soulagement, plaçant sa main contre sa cage thoracique pour calmer son coeur affolé. Après s’être assuré d’un coup d’oeil que sa coéquipière allait bien, il fit quelques pas en avant, se penchant pour extraire son arme de la planche, la rangeant à sa place.

Il ne savait trop quoi dire à Toka ; après tout, s’il était habitué aux échecs, personne n’avait jamais pris la peine de le consoler. Chez lui, une tentative ratée se soldait soit par un silence froid et morbide, soit par un simple et classique passage à tabac. Il était gêné, à vrai dire, en se retournant vers la petite genin aux cheveux blancs : il n’avait pas pour habitude d’être témoin des échecs des autres. Il avait l’impression qu’elle était presque vulnérable devant lui, s’asseyant à même le sol avec un air dépité, et l’inconnu de la situation le mettait profondément mal à l’aise. Ça le changeait de ses habitudes, certes, et Toka était paradoxalement bien plus agréable envers lui maintenant que quelques secondes auparavant, quand elle n’avait pas hésité une seule seconde à menacer sa vie, mais tout de même…

D’un geste de la main, elle invita Shishio à s’asseoir auprès d’elle. Quelque peu embarrassé par la proximité à laquelle elle l’invitait, il s’assit ostensiblement plus loin qu’elle ne le suggérait, gardant un mètre de “sécurité” entre les deux adolescents. Que ce soit parce qu’il avait peur qu’elle ne le frappe à nouveau ou simplement parce qu’il n’avait aucune idée de comment se comporter avec un enfant de son âge ou presque, lui-même avait du mal à mettre le doigt sur la vérité.

Assis en tailleur, il plaça son coude sur son genou, reposant sa joue sur son poing, pour se tourner vers elle et mieux l’écouter. À son grand dam, il avait raison ; du fait de son échec, elle était manifestement plus vulnérable et s’ouvrait facilement. Tentait-elle de se faire pardonner pour son agressivité précédente ? Cela ne changeait pas grand chose pour le garçon, bien incapable de lui tenir rigueur de son acte. En revanche, il était difficile de construire une situation plus gênante pour Shishio ; il était évident qu’elle avait besoin d’encouragements et de réconfort, comme Yurikô en avait donné si généreusement à Shishio quelques jours plus tôt, mais il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il pourrait bien dire pour lui remonter le moral. D’autant plus qu’une phrase qu’il pensait innocente avait failli lui valoir des pointes cristallines dans les poumons…

Il prit une longue inspiration, fouillant son esprit à la recherche de phrases qu’il pouvait imaginer dans la bouche de leur sensei : après tout, il cherchait à émuler la ravissante jeune femme, et à s’adresser à Toka comme Yurikô se serait adressée à elle à sa place. Tournant sept fois la langue dans sa bouche, il finit par lui répondre ; son hésitation constante le faisait parler lentement, avec une voix douce. Plus qu’une réelle aisance à se montrer rassurant, il prenait juste tout son temps pour choisir ses mots avec autant de précaution qu’il le pouvait.

“Écoute… Je… Je ne sais pas comment un entraînement est supposé fonctionner pour les gens talentueux, mais tu ne peux pas t’attendre à tout réussir du premier coup. C’est déjà assez exceptionnel que tu sois capable de faire avancer un art aussi complexe à ton âge ; tu es bien plus avancée que ceux qui peuvent cracher trois boules de feu, ils ne s’en rendent juste pas compte parce qu’ils sont plus ostentatoires. Nous sommes censés être des soldats de l’ombre, et certains se la ramènent simplement parce qu’ils sont les abrutis les plus repérables du coin...”

C’était un début, mais il ne pouvait pas s’arrêter là ; quelque chose au fond de lui disait que cette tentative d’être gentil avec sa cadette restait très superficielle, quand bien même il ne connaissait pas grand chose en la matière. Il se releva donc, épousseta son pantalon et s’approcha doucement d’elle, reproduisant maladroitement un geste que Yurikô avait eu envers lui - plaçant délicatement sa main sur sa tête, les doigts autour de son front, il tenta de lui ébouriffer doucement les cheveux comme la jonin l’avait fait pour les siens ; au final, cela ressemblait plus au geste qu’aurait quelqu’un caressant un animal.

Vite, dis un truc avant qu’elle le prenne mal et que t’y laisses la peau.

“E… Enfin bon, si tu veux réessayer… J’ai rien de mieux à faire, hein…”

Le malaise de Shishio fut encore exacerbé quand ses tentatives de réconfort se heurtèrent à un mur. Avec une certaine pointe de mécontentement, il constata que la jeune fille ne l’écoutait tout simplement pas. Le regard droit devant elle, mâchonnant l’ongle de son pouce, elle était complètement perdue dans ses pensées, à des kilomètres de la voix de Shishio. Le jeune Uchiha soupira, les yeux fermés, plus blasé qu’agacé ; après tout, c’était bien la première fois qu’il tentait de rassurer quelqu’un en situation d’échec. Il ne pouvait pas s’attendre à une réussite immédiate. Combien de grands discours Yurikô avait-elle tenus avant de pouvoir remonter le moral d’un garçon désespéré comme elle l’avait fait pour lui ? Sans doute des dizaines - ou alors c’était naturel pour elle et pas pour lui. Il raya cette pensée de son esprit ; il aurait tout le temps d’évaluer sa capacité à réconforter les gens plus tard. Pour l’instant, Toka restait au centre de ses préoccupations.

Bien malgré lui, il commençait à s’inquiéter pour la jeune fille. Elle sortait à peine de l’hôpital et se lançait déjà dans un nouvel entraînement trop dangereux pour elle. En tant qu’aîné, n’était-ce pas sa responsabilité que de l’empêcher de se livrer à de telles activités ? Bien sûr, elle pouvait le mettre hors jeu dès qu’elle le souhaitait, il s’en était bien rendu compte. Devait-il pour autant rester silencieux devant sa témérité ? Yurikô comptait sur lui pour jeter un oeil protecteur sur Toka à sa place. Il hocha la tête, pour lui-même, pendant que la jeune fille ne regardait pas : il ne pouvait pas entièrement lui refuser son aide, mais s’il ne faisait rien pour qu’elle se repose, alors il aurait échoué en tant que subalterne de sa tutrice. Lorsqu’elle se releva, il se remit en position, levant un doigt devant lui avant de préparer son arme, en signe d’avertissement.

“C’est ton deuxième et dernier essai de la journée. Tu dois t’économiser. Si tu échoues encore, on arrête là, et je reviendrai demain pour continuer l’entraînement.” Il savait bien que si ses paroles la mettaient en colère, il n’aurait qu’à peine le temps de les regretter, aussi se mit-il rapidement en position de lancer pour ramener son attention sur l’apprentissage de la technique. “Et si tu comptes me lacérer pour ça, je te laisserai expliquer à Yurikô-sensei pour quel motif je suis revenu de chez toi couvert de sang. Je ne suis pas ici pour me battre contre toi, Toka. Maintenant, tiens-toi prête, on commence tout de suite.”

Très courageux de ta part, Shishio, de te cacher derrière le nom de ta tutrice comme ça. Le garçon se doutait qu’il ne ferait qu’agacer Toka encore plus en lui rappelant ainsi que, si elle le blessait, elle devrait s’expliquer directement devant leur supérieure commune ; mais au moins, ça devrait la rappeler suffisamment à l’ordre pour qu’elle n’essaie pas de l’étriper… Dans l’immédiat en tout cas.

Lentement, d’un geste mesuré, il sortit un kunai de la poche attachée à sa cuisse, le faisant tournoyer autour de son doigt avant de le saisir dans sa main proprement, son aisance avec l’arme trahissant sa maîtrise de celle-ci. La main droite prise, il leva la gauche, levant trois doigts - l’annulaire, le majeur et l’index - pour faire office de compte à rebours. Les repliant lentement un à un, il lança le kunai en direction de l’épaule de Toka aussitôt que son index s’était placé sous son pouce, signifiant le “zéro”.

Les yeux plissés, les dents serrées, il restait fixé sur la trajectoire de l’arme, entièrement concentré sur la jeune genin. Y arriverait-elle cette fois-ci ? Il voulait croire que oui ; autrement, lui enlever ce kunai de l’épaule droite serait un moment particulièrement gênant.

C’était confiant en la capacité de Toka à réussir sa technique que Shishio avait lancé un kunai sur elle, mais en ne la voyant pas disparaître, une vague d’inquiétude l’envahit à grande vitesse. Une grimace inquiète couvrit son visage et il eut à peine le temps de crier un “Attention !” avant que l’arme n’atteigne sa cible. Fort heureusement pour la jeune fille aux cheveux blancs, son échec n’en était qu’à moitié un ; si elle n’était pas parvenue à se déplacer, le galet, lui, avait fait la moitié du chemin. Le kunai s’était planté au milieu du sceau et, alors que le galet tombait naturellement aux pieds de Toka, l’arme métallique suivit, confirmant que la coéquipière de Shishio était indemne. Celui-ci eut le temps de soupirer de soulagement avant qu’un tout nouveau type de… Menace ne se manifeste.

Un homme de grande taille, manifestement le père de Toka, avait déboulé dans le jardin comme une furie, interpellant Shishio avec colère. Celui-ci, surpris par les rugissements de l’adulte, n’eut pas le temps de réagir avec sang froid, ce qui lui aurait sans doute permis de s’échapper du jardin bien avant que le père de Toka ne l’atteigne ; mais en l’état, il ne dut son salut qu’à la jeune fille qui se précipita devant lui, le poussant en arrière et recevant une bruyante gifle à sa place. Quelque chose dans le bruit du coup résonna étrangement entre les oreilles de Shishio ; il sentit tout son visage se contracter. Comme s’il était extérieur à son propre corps, il se sentit bouger plus qu’il ne décida vraiment de le faire ; jusqu’à ce que la voix de Toka ne l’arrête, il avait déplacé sa main jusqu’à l’une de ses poches arrières, se refermant sur le manche d’un kunai et, le visage déformé par une colère dont il ne connaissait pas la source, avait commencé à s’avancer vers l’homme enragé.

Ramené sur la terre ferme par les excuses soudaines de Toka, il s’invectiva mentalement en se dépêchant de sortir sa main de ses poches en y laissant l’arme qu’il avait saisie. Qu’est-ce que tu fous, Shishio ? Visiblement perturbé, il recula un petit peu tandis que Toka s’efforçait de calmer ses parents, et s’inclina bien bas aussitôt qu’elle se fut tue.

“Je vous présente mes plus humbles excuses pour le dérangement… Et la casse. J’en suis le seul responsable, je vous prie de ne pas blâmer votre fille pour ma maladresse.” Les yeux fixés sur le sol, il poursuivit, désireux de lever une partie du châtiment qui semblait inévitable pour sa partenaire. “Je me nomme Uchiha Shishio, je suis nouveau au sein de l’équipe de Tadake Yurikô. J’étais initialement venu me présenter formellement à ma nouvelle coéquipière et j’ai choisi de l’aider à s’entraîner.”

Ne levant qu’à peine un oeil vers Toka, il ajouta également :

“Il est sans doute plus approprié que je rentre pour ce soir. Si tu le souhaites, Toka, nous poursuivrons l’entraînement demain. Je vous rembourserai la palissade et les fleurs au plus vite, je vous le promet !”

Envahi par l’embarras en devant mentionner ainsi la maladresse avec laquelle il était entré dans le jardin, provoquant bien plus de casse qu’il n’était convenable pour un ninja d’en entraîner, Shishio était complètement revenu à la normale : peu assuré, une expression faciale indiquant qu’il ne se sentait absolument pas à sa place, et un désir à peine dissimulé de s’enfuir et d’être ailleurs plutôt que de faire face aux gens qui l’entouraient. Se redressant après ses excuses, il fit quelques pas en arrière, se rapprochant de la palissade, sous-entendant qu’il était prêt à prendre congé aussitôt que les Fuyugeshiki lui confirmeraient qu’il n’était pas le bienvenu chez eux et qu’il était gr and temps qu’il disparaisse de ce jardin.

Dans son emportement, il avait prononcer le nom d’Uchiha, qu’il avait évité d’annoncer à Toka ; il savait que de nombreux villageois n’appréciaient que très peu son clan et, s’il avait voulu éviter ce genre d’a priori avec sa coéquipière, il avait tout à gagner ici à ce que les Fuyugeshiki lui reprochent la situation - il ne savait que trop bien ce que cela faisait, de ne pas pouvoir se sentir en sécurité dans sa propre maison. Regardant le père de Toka droit dans les yeux, avec des yeux remplis d’excuses sincères, il attendait le verdict du maître de maison.

En prenant sur lui la responsabilité des dégâts subis par le jardin et les efforts trop importants réalisés par Toka, Shishio avait espéré être congédié sans autre forme de procès ; il aurait été légitime que le père Fuyugeshiki refuse d’accueillir plus longtemps un jeune shinobi téméraire qui avait mis sa fille en danger et endommagé sa propriété. Cela aurait encore endommagé la réputation de son clan auprès du village, mais cela lui importait peu : ce n’était qu’un maigre prix à payer pour échapper au malaise qu’il ressentait en restant dans la demeure des Fuyugeshiki, honteux des dégâts qu’il avait causés et de la soudaine pulsion de violence qui l’avait traversé quand Toka avait été frappée par son père. Mais si l’homme insistait pour qu’il reste, il n’avait pas d’autre choix que d’obtempérer ; ce serait simplement grossier que d’agir ainsi, et il ne pouvait pas se le permettre.

Shishio suivit donc Toka à l’intérieur de la maison en traînant un peu les pieds, sentant que la liste des causes de son embarras ne ferait que s’agrandir au cours de la soirée. Trop concentré sur ses propres problèmes, il ne vit absolument pas la jeune fille se retourner avec inquiétude pendant qu’il entrait dans la petite demeure. L’esprit ailleurs, il ne réalisa pas qu’il avait pris plus d’avance sur elle qu’il n’aurait dû et, sans le moindre soupçon, il la suivit à l’intérieur. C’était très visiblement plus petit que chez lui, mais Shishio n’y accorda pas la moindre attention ; il savait que le clan Uchiha bénéficiait d’une fortune plus élevée que la plupart des villageois, et le grade important de son père dans la police militaire plaçait sa petite famille dans la moyenne haute du clan à l’éventail. Il n’y avait rien de surprenant à ce que les demeures du village soient moins grandes ou moins luxueuses que les siennes ; il était bien placé pour savoir qu’une belle maison ne signifiait pas forcément une belle vie. Si la gifle du père de Toka lui avait donné un très mauvais a priori sur les parents de celle-ci, il s’efforça de garder en tête qu’il était un peu trop tôt pour émettre un jugement sur un couple qu’il ne connaissait pas le moins du monde.

Acceptant d’un hochement de tête la proposition de Toka, il se rendit dans la salle de bain. Il n’avait pas réellement besoin de se laver - l’entraînement était après tout plus éprouvant pour elle que pour lui - mais il était loin de refuser la moindre opportunité de s’isoler, même  brièvement, pour calmer son anxiété constante. Se penchant au-dessus du lavabo, il fixa ses yeux sur le miroir en face de lui. À mi-voix, impossible à entendre de l’extérieur à moins que l’on ne colle une oreille attentive contre le battant de la porte, il se réprimanda de nouveau.

“T’as craqué, Shishio ? T’allais faire quoi avec ce kunai, hein ? Lui trancher la gorge, devant sa femme et sa fille ? T’en as reçu des centaines, de claques, ça t’a jamais tué… Faut pas te mettre dans des états pareils pour une gamine…”

Ouvrant le robinet à plein débit, il se rinça abondamment le visage, cherchant à évacuer la sensation déplaisante de chaleur sous sa peau. Il se lava également les mains pour enlever la poussière qui s’y était accumulée entre sa chute et l’entraînement, puis ressortit de la salle de bain. À son grand dam, il se retrouva seul dans le couloir, face à la porte fermée de Toka. Il posa la main sur la poignée, prêt à l’ouvrir sans plus de cérémonie, avant de s’arrêter au milieu de son mouvement. Je peux vraiment entrer comme ça ? C’est tout de même la chambre d’une fille, ça ne se fait pas… Je crois ? Sentant de nouveau ses joues se rosir, il finit par lever une main hésitante pour toquer de l’index sur la porte - juste au cas où.

“Erm, Toka ? C’est moi.”

Super intro, Shishio. Y a pas à dire, t’es le roi de l’éloquence. Le genin soupira tout en tentant de chasser les pensées négatives de son esprit ; il n’avait pas besoin que son propre cerveau s’y mette, toute cette situation le gênait déjà bien assez.

Considérablement gêné, Shishio entra lentement dans la chambre de Toka suite à l’invitation de la jeune fille. Il n’avait pas la moindre idée de ce qu’il faisait là et il lui était difficile d’ignorer son désir écrasant de faire demi-tour et de prendre la poudre d’escampette sans demander son reste. Malheureusement pour le jeune Uchiha, les convenances l’enfermaient chez les Fuyugeshiki : ficher le camp maintenant, cela revenait à compromettre sa bonne entente avec Toka sur le long, long terme. Et maintenant qu’ils étaient coéquipiers… Eh bien, il allait devoir faire un effort pour maintenir une bonne relation avec elle, tout simplement. Il ne pouvait pas se permettre de mettre en danger leur travail d’équipe futur pour une raison aussi futile qu’échapper à une situation qui le mettait mal à l’aise.

Dès qu’il poussa la porte, il fut perturbé par la vision des innombrables parchemins qui recouvraient les murs. Il avait l’impression d’être entré dans une prison de fuinjutsu bien trop élaborée pour être compréhensible et, l’espace d’une seconde, il se demanda sérieusement si c’était là ce qu’un humain scellé dans un parchemin pouvait voir depuis “l’intérieur du sceau”. Laissant ses yeux traîner sur les diverses notes accrochées au mur, il fut convaincu de sa première impression - Toka n’était pas seulement têtue, elle était obsessive et sans doute monomaniaque. Que quelqu’un travaille son art avec intensité, il pouvait le comprendre, mais c’était bien la première fois qu’il rencontrait quelqu’un qui baignait à ce point dans son travail. En un sens, cela avait quelque chose d’inquiétant ; si la jeune fille ne s’accordait jamais la moindre pause, la moindre respiration, il ne donnait pas cher de sa santé mentale. En un sens, cela expliquait sans doute son attaque soudaine de toute à l’heure.

Inconscient du fait que, pendant qu’il scrutait les murs, Toka le scrutait lui, Shishio fit un rapide tour autour de la pièce, faisant tomber son regard sur les parchemins un à un. Au moins, il n’y avait pas que des techniques de scellement dans ce fouillis incompréhensible : il y voyait également des maximes dépourvues de contexte - ça reste une fille de 13 ans, en tout cas - et ce qu’il supposa être des astuces pour un jeu ou un autre. En remarquant un plateau de shōgi gisant sur le bureau de l’adolescente, à côté de son armement, il confirma son hypothèse. De toute évidence, il n’y a pas que pour les sceaux qu’elle est aussi enthousiaste… Il soupira intérieurement - fréquenter Toka, ça ne devait pas être de tout repos. Et il était engagé dans cette galère jusqu’au cou sans possibilité de retour en arrière.

Il afficha un sourire poli quand Toka lui présenta ses excuses, agitant ses mains devant lui, l’air de dire “ce n’est rien”. Il nota cependant dans un coin de sa tête qu’il pensait surtout qu’elle s’était vexée à cause de son commentaire sur le fuinjutsu ; il attribuait plus son attaque à une colère soudaine qu’à une peur quelconque. Cela dit, maintenant qu’elle faisait un pas vers lui, il serait déplacé et idiot de la repousser avec ce genre de commentaires. Aussi se contenta-t-il de répondre avec une légère inclinaison de la tête :

“Ne t’en fais pas, c’est oublié ! Je t’ai prise par surprise sans le vouloir et tu as réagi par instinct, ce n’est rien de plus qu’une déformation professionnelle. Au moins, tu seras réactive sur le terrain !” Il lui offrit un grand sourire, riant doucement. Il ne pouvait pas dire qu’il avait apprécié l’attaque surprise, mais au moins il pouvait être rassuré en constatant que sa nouvelle coéquipière ne manquait pas de capacités - c’était toujours ça de pris, non ? Relevant la tête vers les multiples ornements des murs, il ajouta doucement : “En tout cas, tu as l’air de prendre ton entraînement encore plus au sérieux que ce que je croyais. Ça fait combien d’années que tu recouvres progressivement tes murs avec ces sceaux ?”

À vue de nez, elle devait avoir commencé à travailler cet art à l’académie, peut-être même avant - tandis que lui, à cet âge-là, il devait déjà tout donner pour rester dans la moyenne. Cela avait quelque chose de décourageant, d’être ainsi placé à côté de quelqu’un qui avait déjà tant d’avance sur lui.

“Et cette technique d’esquive, tu es sur le coup depuis longtemps ?”

Shishio avait les traits tirés par la fatigue quand il se rendit au cinquième terrain d’entraînement de Konoha le lendemain matin. Conformément au rendez-vous que lui avait donné Toka, il s’était présenté sur le large terrain vague orné de trois piliers de bois aux aurores, manquant manifestement de repos. La pression et le malaise intense de la veille lui avaient interdit de rapidement trouver le sommeil, hanté par les questions incessantes du père de Toka, qui avait presque essayé de lui refourguer sa fille comme si elle n’était qu’une simple mule habillée pour la kermesse. En y repensant, il porta les doigts à ses tempes, les massant douloureusement en espérant évacuer la migraine que lui avait valu cette courte nuit. Il avait bafouillé à maintes reprises en tentant de convaincre le père Fuyugeshiki que non, il n’avait pas une bonne situation malgré son prestigieux nom de famille, que non, il ne souhaitait pas épouser Toka et que non, il ne venait pas non plus flirter avec elle. Il était d’ailleurs légèrement inquiet à l’idée que l’homme, qui n’avait vu Shishio que lorsqu'il lançait un shuriken sur sa fille, ait interprété ce geste comme du flirt.
La vie de Toka ne devait pas être facile tous les jours avec un père comme celui-là. Mais au moins, elle, on lui parle. Il poussa un long soupir, tentant tant bien que mal d’évacuer cette pensée négative en même temps que l’air de ses poumons, puis fit quelques pas dans le terrain.

Toka était déjà là, comme il pouvait s’y attendre. La demoiselle était bien trop obsédée par ses techniques et ses progrès pour laisser quelque chose d’aussi immanent que le sommeil la retenir dans son entraînement. Le jeune Uchiha se demanda un temps ce que dirait Tadake Yurikô si elle le voyait laisser son élève prendre ainsi le risque de s’épuiser à la tâche, mais là encore, il ne put se répondre que par un nouveau soupir : même s’il l’avait voulu, il lui aurait été impossible de reconduire Toka jusqu’à son lit et de l’inviter à se reposer. Le meilleur service qu’il pouvait lui rendre, c’était de l’aider de son mieux pour qu’elle maîtrise sa nouvelle technique au plus vite, et qu’elle retourne se coucher ensuite.

“Yo, Toka,” la salua-t-il dans un bâillement, avant de reprendre. “J’espère que la nuit a fait son office et t’a porté conseil ?” Il eut une pensée pour tous les traités et épais volumes couvrant divers aspects du Fuinjutsu qui ornaient la chambre de la genin. Si elle avait passé quelques temps à les consulter une fois de plus après son départ, sans doute y aurait-elle trouvé quelque chose qui pourrait l'aider aujourd’hui. Évidemment, une bonne nuit de sommeil aurait été meilleure pour sa santé… Mais Shishio ne se faisait plus d’illusion à ce sujet. Toka était de ces personnes qui considéraient leur progression plus importante que leur état physique.

“Bon, vu les ratés d’hier, j’ai préféré ne pas prendre de risques,” fit-il avec un air amusé, sortant de sa poche trois fléchettes rouge vif ornées d’une ventouse à la place de la pointe. “Je vais viser ton front avec ces fléchettes. La ventouse s’enlève assez facilement, mais tu ne te débarrasseras pas de la marque de succion avant quelques jours.”

Il eut un sourire espiègle, assez fier de son idée. “Je me suis dit que la peur du ridicule était une force de motivation comme une autre. Tu n’as pas envie de te montrer devant Yurikô-sensei avec, littéralement, tes échecs gravés sur ton front, n’est-ce pas Toka ?”