Démonstration imprévue - PV Futatsu

Uchiha Shishio était, à l’accoutumée, un jeune homme qui préférait avant toute autre chose la compagnie du silence. Peu à l’aise en société, il s’efforçait la plupart du temps d’éviter les importants rassemblements qui pourraient le mener à devoir discuter avec d’autres personnes. Il y avait, pour lui, quelque chose de rassurant dans la solitude ; personne ne pouvait être un danger pour lui s’il n’y avait personne à proximité. C’est pourquoi il était rare de l’apercevoir flâner dans les rues de Konoha sans un but précis. À vrai dire, même lorsqu’il avait un travail à faire, il passait par les artères les moins peuplées et se dépêchait d’accomplir ses tâches, passant le moins de temps possible dans cette situation exposée qui lui déplaisait tant.

C’est pourquoi il s’était surpris lui-même en se rendant à l’Académie Ninja de Konoha ce jour-là. Il n’y avait aucune obligation et personne n’avait insisté pour qu’il y aille ; il lui était simplement venu à l’esprit que, au vu de sa récente mutation dans l’armée régulière du village en tant que genin, il serait intéressant de s’entretenir avec les Chuunin-enseignants qui l’avaient formé à l’époque de l’Académie. Après tout, en entrant au servir de Tadake Yurikô en tant qu’apprenti, il entrait aussi en plein territoire inconnu : il lui semblait à propos de demander conseil aux personnes les plus à-même de l’orienter sur le comportement qu’il devait adopter auprès de sa nouvelle supérieure et tutrice.

Il n’avait pas tardé à reconnaître le Chuunin qui était responsable de sa classe, quelques années plus tôt - un débonnaire représentant du clan Senju qui, s’il avait peu de talent en tant que ninja de terrain, avait toujours été doué pour enseigner à des enfants. Un candidat modèle pour servir de professeur à l’Académie, à vrai dire. Celui-ci avait manifestement hérité d’une nouvelle classe : debout au centre du terrain d’entraînement qui servait de cour à l’Académie, il faisait courir une troupe de bambins de huit ou neuf ans. Avec un petit rictus amusé, se souvenant des moult points de côté qu’il avait subis sur ce terrain, Shishio s’assit sur l’une des barrières de bois qui cerclait le terrain. Il observait l’entraînement des petits d’un air absent, attendant patiemment la fin de la classe pour s’entretenir avec son ancien professeur.

Du coin de l’oeil, il vit qu’un autre visage familier se trouvait dans le coin : observant le cours depuis l’ombre des arbres, il reconnut Inuwashi Futatsu, un ancien camarade de promotion. Il ne lui avait pas adressé la parole depuis la remise des diplômes - et pas plus qu’une poignée de fois avant cela - mais cette touffe de cheveux blancs et cette obsession à porter un masque étaient faciles à reconnaître. Shishio n’avait pas beaucoup changé non plus depuis l’Académie ; il était un peu plus grand et son visage un peu moins rond, mais la puberté n’avait pas terminé son travail sur l’adolescent. La tâche de vin pourpre qui marquait le côté gauche de son front n’aidait pas, le rendant particulièrement reconnaissable.

“Bien les enfants, ça suffit pour les tours de terrain, mettez-vous en rang !” Shishio redressa la tête, prêt à sauter de la barrière pour aller parler à son instructeur dès que celui-ci aurait renvoyé sa petite troupe en classe. Il ne réalisait cependant pas que, en attendant ainsi en terrain découvert, il s’était surtout assuré que le Chuunin le remarque sans soucis. “Deux de vos aînés sont venus nous rendre visite aujourd’hui. Puisqu’il nous reste un peu de temps libre avant que vous ne deviez retourner en classe, pourquoi ne pas leur demander une démonstration de ce qu’ils ont appris depuis l’Académie ?”

Le visage de Shishio se décomposa tandis que les deux douzaines d’enfants, surexcités, réclamaient à grands cris le combat de gladiateur que l’on venait de leur proposer. Le jeune Uchiha coula un regard vers son ancien camarade, espérant le voir faire demi-tour à toute vitesse, mais celui-ci ne bougea pas d’un pouce. Le regard insistant du Senju dans sa direction lui fit comprendre qu’il était fichu : celui-ci n’envisageait même pas une seule seconde qu’une telle demande puisse embarrasser le Genin.

Sentant déjà le poids de la défaite lui alourdir les épaules, Shishio s’approcha du terrain. Il était vêtu de ses atours Uchiha classiques - un haut noir dont le col large couvrait le bas de son visage, doté d’un large éventail bicolore dans le dos, et un short blanc qui lui descendait sous le genou. Tout en marchant vers l’instructeur, il ajusta les poches d’armes qu’il portait accrochées à sa cuisse, au bas de son dos, et le harnais en bandoulière qui retenait un fuma shuriken dans son dos.

Il soupira mais se tint à côté de son ancien professeur, attendant que son camarade de promotion les rejoigne. Dans la plus ancienne tradition de l’Académie, il était attendu qu’ils se fassent face, à seulement quelques pas de distance, pour lever deux doigts avant le début du combat.

Uchiha Shishio sentit un léger frisson d’appréhension lui traverser le corps tandis qu’il leva la main devant lui, dressant deux doigts en signe de salut. Il n’avait pas pratiqué cette exercice depuis ses lointains jours sur les bancs de l’académie et, déjà à l’époque, le combat singulier ne lui avait jamais réussi. Il avait été un élève médiocre et restait un ninja médiocre, bien indigne de son nom de famille malgré ses efforts. Si rien n’avait changé depuis l’époque de leurs classes en commun, il savait que ses seules chances étaient à distance. Il était, après tout, l’un des rares aspirants ninja à avoir choisi de se spécialiser dans le shurikenjutsu. Pour être précis, il avait passé autant de temps à s’entraîner à cet art car il s’était montré bien incapable d’utiliser quoique ce soit d’autre. Comme pour beaucoup de choses, c’était par manque de choix ; mais aujourd’hui, il voulait penser comme Yurikô-sensei. Il devait se dire que c’était une force, et non une nouvelle marque d’humiliation.

Bien sûr, Futatsu n’avait pas prévu de le laisser mariner sur ses chances de gagner pendant bien longtemps ; sautant d’un pas en arrière, il lança deux kunai sur Shishio, successivement. Il veut me tester en y allant doucement, supposa le jeune Uchiha, je n’ai pas ce luxe.
Plutôt que de chercher à contre les deux lames qui filaient vers lui, il se campa sur ses appuis et joignit ses mains en de multiples signes. Pliant les genoux pour baisser sa position, il se déplaça juste assez pour que les kunai l’éraflent sans le blesser profondément ; il grimaça de douleur quand ses manches furent déchirées par les armes, ouvrant de légères taillades dans ses bras, mais ne perdit pas sa concentration.

Sôshûjin ! Jaillissant des poches d’armes accrochées au bas de son dos, une dizaine de kunai se mit à léviter autour de lui, cinq de chaque côté de son corps. Il s’estima prêt à contre-attaquer ainsi, mais l’arrivée soudaine du familier Inuwashi le prit par surprise ; il eut à peine le temps de lever les bras devant son visage pour se protéger que les serres de l’aigle s’enfoncèrent dans sa chair, lui arrachant une exclamation de douleur.

Une part de lui avait déjà envie de laisser tomber ; s’il se rendait maintenant, la douleur s’arrêtait, et il avait juste l’air désespérément faible devant une classe d’enfants. Rien de bien neuf, si ? D’ordinaire, la honte lui aurait semblé être une issue acceptable : ce combat n’avait aucun enjeu, il n’avait aucune raison de continuer à encaisser pour servir de spectacle à une bande de sales gosses qui le dépasseraient tous d’ici quelques années.
Pourtant, cette fois-ci, il ne voulait pas perdre. Il était venu ici pour savoir comment se comporter en tant que ninja de Konoha, comment servir Tadake Yurikô de son mieux ; s’il était sûr d’une chose, c’est que cela impliquait de ne pas abandonner à la première difficulté. Il serra les dents jusqu’à s’en faire mal et, fixant l’oiseau, il projeta vers lui deux shuriken d’un mouvement de main avant d’unir à nouveau ses mains pour tracer d’autres signes. S’arrêtant sur celui du dragon, il prononça cette fois-ci sa technique à voix haute :

“Fuuton - Reppûshô !”

Claquant ses paumes l’une contre l’autre, il créa une bourrasque en direction de l’aigle tout en propulsant vers lui les kunai de son Sôshûjin, augmentant leur vitesse et leur puissance. Accessoirement, en attaquant avec son Fuuton une créature aérienne, il était peu probable que celle-ci puisse esquiver quoique ce soit : aucun appui sur le sol pour résister au vent, l’aigle était particulièrement vulnérable contre cette simple combinaison.

D’abord, je change son piaf en porc-épic. Ensuite, je m’occupe de Futatsu. Je… Je peux le faire !

 

Récapitulatif combat:

Comme Shishio l’avait prévu, l’aigle Kuro fut bien désemparé une fois confronté à un coup de vent inhabituel. Sans appui sur le sol, privé de sa capacité à naviguer dans le ciel comme il le souhaitait, il fut bien incapable d’esquiver la dizaine de kunai et les deux shuriken que Shishio avait lancés sur lui en combinant ses mains et son chakra, le blessant sérieusement - dans une joute amicale comme celle-ci, cela serait suffisant pour le garder hors combat, semblait-il : le but n’était après tout pas de mettre fin aux jours du compagnon animal d’un des ninjas de Konoha, il était donc plus sage que l’oiseau s’arrête là pour l’exercice du jour. À la grande surprise du jeune Uchiha, son enchaînement de techniques lui valut l’engouement du public : la succession rapide des mouvements des deux genin avait fini par enthousiasmer la classe d’apprentis de l’Académie, et ils étaient désormais tout autant investis dans ce combat que Futatsu et Shishio eux-même.

Les soudains cris enfantins manquèrent de peu de lui faire perdre conscience du combat et, lorsqu’il réalisa que Futatsu était sorti de son champ de vision, celui-ci n’était déjà plus qu’à quelques mètres derrière lui, lame en avant. Vite ! Unissant ses mains devant lui, il eut à peine le temps d’enchaîner les signes et de malaxer son chakra avant que la lame ne s’enfonce dans son dos. La petite troupe retint bruyamment son souffle, se demandant si l’un des deux combattants venait véritablement de se faire transpercer par une attaque surprise, mais le corps meurtri de Shishio disparut bien vite dans un nuage de fumée blanche, laissant apparaître à sa place une bûche de bois mort, qui gisait quelques secondes auparavant au bord de la forêt.

Le demi-sang, lui, se trouvait à une dizaine de mètres de là, une goutte de sueur passant lentement de son front à son menton. J’ai eu chaud… Je peux plus me permettre de le perdre des yeux ! Il jeta un rapide regard en coin à l’instructeur de l’Académie. Le Chuunin était visiblement plus attentif qu’au début de la joute ; si un coup comme celui-ci avait porté, il était probable qu’il aurait envisagé de mettre fin au combat. Après tout, s’il se réjouissait que ses élèves soient enfin attentifs à quelque chose, il ne pouvait pas se permettre d’être responsable des blessures de deux genin actifs… Surtout que les sensei de ces deux-là - son chef de clan et l’une des Jounin les plus protectrices envers ses élèves du village - ne se priveraient pas pour lui passer un savon légendaire. Shishio eut un rictus tendu en se reconcentrant sur Futatsu, pendant cette courte seconde qui aurait pu durer une éternité, au cours de laquelle les deux shinobi, en garde, se jaugeaient du regard. Futatsu tenait son tanto devant lui, près à toute attaque, se tenant bien droit, tandis que Shishio avait les genoux fléchis, une main au sol et l’autre plongée dans la poche d’armes qu’il portait dans le bas du dos. Pour un peu, un virevoltant aurait pu passer entre eux ; il n’aurait rien enlevé à l’ambiance.

Sans un mot, ce fut de nouveau Shishio qui rompit cette maigre trêve, dégainant les armes qu’il avait choisies : quatre shuriken piégés entre les doigts de sa main gauche et un kunai dans la droite. Après avoir lancé ce dernier, il projeta les autres d’une volée uniforme. Un oeil attentif, en observant bien ceux-ci, pouvait apercevoir deux fils métalliques reliant les deux shuriken du milieu à la main de Shishio, permettant à l’Uchiha de les rediriger en plein vol si jamais il venait à l’esprit de Futatsu d’esquiver. Ayant lancé le kunai un peu en avance, Shishio prenait ainsi en compte l’utilisation d’un Kawarimi : s’il s’avérait que le genin avait réagi comme lui quelques instants auparavant, il aurait juste le temps de changer la trajectoire de ces deux shuriken pour les ramener vers la nouvelle position de l’Inuwashi. Les dents serrées, les yeux grand ouverts, il attendait le moindre signe de réaction de la part de son adversaire.

 

Récapitulatif combat: