Partir en fumée [ Mission de rang C - Kyoshiro Tadake & Uchiha Akira ]

Cela ne faisait que quelques semaines que le jeune homme était revenu de sa période de vacances, si on pouvait considérer sa convalescence ainsi, mais déjà ressentait-il l'appel du devoir avec une intensité renouvelée. Tel un lion en cage, il avait déjà commencé à tourner en rond, à bouillir d'impatience et ses entraînements n'aidèrent que très légèrement à canaliser cette énergie, pour un temps du moins, avant que celle-ci ne revienne au galop. Qu'y pouvait-il ? Il était un homme d'action et avait donc rapidement décidé de prendre le taureau par les cornes, en allant quérir une mission à même de l'occuper quelques minutes, quelques heures, quelques jours. Honnêtement, au point où il en était il aurait pris à peu près n'importe quelle mission pour peu que cela puisse l'empêcher de tourner en rond, mais cette fois-ci c'était légèrement différent.
Mettre le feu à du bois en toute discrétion n'avait rien de très compliqué en soi, surtout pour un shinobi expérimenté comme le jeune homme, avec ou sans son handicap, mais aujourd'hui il ne serait pas seul dans cette histoire et cela ferait toute la différence. Aujourd'hui il ne s'agissait pas juste de sa propre petite personne mais aussi de son élève qui l'accompagnerai, ou plus exactement de l'évaluation de ce dernier sur le terrain afin de mesurer ses réels progrès. Stressant ? Pas pour lui mais peut-être pour le jeune Uchiha, fort heureusement le Tadake savait toujours trouver les mots et avait déjà expliqué à Akira les détails de la mission. Après tout, ne fallait-il pas qu'il soit préparé, au mieux, pour éviter tout stress inutile ? Ils s'étaient donc rejoint non loin du lieu où leur présence était requise, là où ils devraient...

« Prêt à tout cramer ?  »

Eh bien quoi ? Il n'y avait pas soixante façons de le dire,  non ? Kyoshiro n'était guère un grand partisan de la langue de bois, aimant bien d'avantage aller directement à l'essentiel surtout quand il s'agissait de son devoir de guerrier de l'ombre. Affichant un sourire amusé en ayant pris soin de dissimuler son bandeau frontal, ne souhaitant pas qu'on puisse remonter jusqu'au corps militaire de Konoha, l'homme débuta sa marche en direction de la propriété du dénommé Fuyuki. Il ne s'attendait à aucune protection en particulier mais, avant toute chose, il tenait à savoir si on élève avait déjà réfléchi à la mission.
Sans tourner la tête, il commença donc à lui demander le plus simplement du monde.

« Tu as déjà réfléchi à la façon dont tu t'y prendrai ?   »

Faire prendre feu à du bois n'avait rien de bien sorcier, mais c'était surtout la capacité de réflexion du Uchiha qui intéressait son mentor, ce dernier étant curieux de voir les idées qui sortiraient de cette petite tête.

Cette petite mission leur ferait le plus grand bien, à tous les deux.

Clairement.

Tout ceci n'avait rien de bien compliqué, en théorie la mission était on ne peut plus simple et ne nécessitait pas la présence d'un shinobi de l’acabit de Kyoshiro, de cela au moins ce dernier en était sûr, mais peut-être avait-il simplement besoin de sortir des murs de Konoha sans se soucier du contenu de la mission. Oh oui d'habitude le devoir passait toujours en haut de la liste juste après sa famille, famille dont son jeune élève Uchiha faisait indéniablement partie, mais l'esprit de l'aveugle n'était pas au bon endroit depuis son retour de chez les Yamanakas. Pendant des jours, des semaines il avait eu l'esprit ailleurs, se demandant ce qu'il pouvait advenir de son aimée et, à force de se poser des questions dont il ne pourrait avoir la réponse, la frustration parvint à le gagner. Il n'en pouvait plus d'attendre, de rester les bras croisés à attendre des nouvelles qui ne viendraient pas, à attendre une évolution qui viendrait de lui car, quoi qu'il puisse en dire, s'il voulait un changement il devrait en être l'instrument.
Mais cela n'avait pas d'importance à présent, sa dulcinée était bien loin, dans un camp presque opposé au sien alors que lui, le jeune Tadake, était sur le terrain à s'occuper de son élève le plus prometteur et c'était bien là tout ce qui comptait. Il aurait tout le temps de se poser toutes ces questions plus tard, pour l'heure il devait se concentrer sur la mission quelle qu'elle puisse être, à commencer par écouter le plan concocté par son élève.

« Deux kunais feront très bien l'affaire, pour quelques étincelles. Garde à l'esprit que la discrétion est notre meilleure alliée.   »

Kunai, notes explosives, pierre pierre pierre : autant d'idées qui pourraient fonctionner, afin d'embraser le lieu visé, mais ce fut l'idée d'utiliser les lampes à huiles qui resta le plus longtemps dans l'esprit du Tadake. Le temps d'en récupérer quelques une et de les lancer à différents emplacements, pas plus de quelques dizaines de secondes pour mettre le feu au bois : rapide, efficace, suffisant.

« Tu as parfaitement résumé le plan d'action, Akira. C'est très bien, maintenant il va falloir patienter le temps que le soleil ne se couche.   »

En un rien de temps ils arrivèrent sur une colline qui surplombait la vallée et là, à quelques centaines de mètres en contrebas, l'Uchiha pourrait repérer la propriété de cet homme d'affaire dont ils étaient venu détruire la richesse. Ils n'avaient désormais plus qu'à se cacher derrière les arbres, à attendre le moment opportun pour que la nuit prenne sa place et, enfin, dans son élément, Kyoshiro pourrait s'infiltrer et mettre le feu aux poudres...enfin au bois. Kyoshiro ne pouvait que sentir les bâtiments mais Akira pourrait les voir, trois bâtiment : la demeure, la scierie et l'énorme grande où était stock tout le bois accumulé avant de le revendre. La cible serait très simple à identifier et, après quelques secondes de silence, Kyoshiro vint s'asseoir tout contre un arbre, à l'abri des regards indiscret, avant d'ouvrir le dialogue/

« Comment vas-tu depuis ton retour de chez les Yamanakas ? Navré de ne pas avoir pris le temps de venir te parler. »

J'avais la tête ailleurs, aurait-il voulu dire mais ces derniers mots moururent au fond de sa gorge, car ils ne feraient aucune différence. Ce dont le jeune Uchiha avait besoin c'était d'un mentor et non pas des mots d'excuse pour palier à son absence, cela au moins l'aveugle l'avait compris. Certains pourraient penser que parler de ces choses-là en mission n'était pas approprié, pas sage également, mais Kyoshiro n'était pas de ceux-là. Se détendre était la clé pour ne pas se laisser écraser par la pression et, quand il s'agissait de rassurer ou détendre les gens, la présence solaire du Tadake était la clé.

La cible serait toujours là quand ils auraient fini de discuter.

Il y avait un temps pour tout et une mission n'était pas appropriée à ces discussions, le jeune aveugle ne le savait que trop bien mais qu'y pouvait-il ?  Il n'avait pas la langue de sa poche, surtout depuis qu'il s'était rendu compte que quelques uns de ses mots suffisaient à faire naître un sourire ou détendre les esprits. Avant quelques heures devant lui que pouvait-il de plus, à part rester ici à attendre silencieusement ? Plutôt que de plonger dans un ennui profond il préférait donc prendre des nouvelles de son élève, espérant apprendre si quelque chose d'autre le tourmentait ou s'il avait fait de réels progrès. Sa vie avait été mouvementée ces derniers temps, à n'en pas douter par son déménagement chez sa grande-mère, malgré cette sensation qui persistait toujours.
Être un étranger, ne pas être à sa place, ne pas être à la hauteur : combien de fois le Tadake avait-il déjà ressenti cette impression ? Il comprenait donc parfaitement ce que le Uchiha traversait, ce fut pour cette réponse qu'il rappela quelque chose qui, pour lui, semblait être d'une rare évidence.

« Tu sais que si tu as besoin, ma porte t'es toujours ouverte ? Aussi longtemps que tu en auras besoin. »

Sans qu'il ne sache trop comment en expliquer la raison, le jeune homme se voyait comme une figure paternelle, rassurante et protectrice dont le garçon avait de toute évidence besoin. Kyoshiro n'était pas du genre à revenir sur sa parole, voilà pourquoi il n'avait pas pensé à préciser quelque chose qui lui semblait noyer d'évidence. Vint ensuite le moment d'évoquer une mission avec des inconnus, une mission n'ayant pas rencontré le succès escompté, ce qui provoqua une réaction franche de l'aveugle.

« Ah. L'art de la coordination demande malheureusement du temps. »

Dans ce domaine le jeune homme avait une longueur d'avance vis à vis de sa coordination avec sa jumelle, une connexion qui trouvait ses origines dans leur sang, dans leur premier cri poussé en même temps lors de leur arrivée dans ce monde. Mais cela importait peu pour le moment, le Tadake fut intrigué par la sensation de mal-être qui persistait chez le garçon, réagissant donc par une question qui se voulait simple :

« Cette impression tourne autour d'une sensation ou d'un événement en particulier ?   »

La réponse était évidente mais le shinobi avait besoin de l'entendre dans la bouche du concerné. En attendant la réponse de son élève, ce fut à son tour de répondre quant à sa propre situation, depuis son retour. Que pouvait-il dire que son élève puisse comprendre ? La sensation de déchirement ? Les milliers de questions ? Les incertitudes ? Les frustrations que des missions comme celle-ci arrivaient à peine à contenir ? Non, il se devait un minimum d'opacité et se contenta de répondre :

« Plus ou moins, comme tu t'en doutes. Mais on va dire que ça ne pourra qu'aller mieux. À ce propos, je vais...  »

Eh mais...oh ? Eh oh ? Avait-il vraiment été sur le point d'annoncer la fameuse nouvelle à son élève, comme s'il demandait le sel au milieu d'un repas ? Et puis était-ce vraiment le bon moment pour en parler, alors que leurs deux esprits devaient être focalisés sur la mission ? Non, Kyoshiro ne cachait rien à son élève mais ne voulait pas lui mettre la pression de cette nouvelle sur ses épaules, il l'apprendrait en temps voulu.

« Non. On verra ça, une prochaine fois.  »

Kyoshiro se mura dans un silence alors que ses pensées se tournaient vers cette naissance à venir, vers les questions qui allaient avec, vers les doutes quant à son avenir et cette tempête dura pendant un long moment. Enfin, sorti de sa torpeur, senteur la fraîcheur du soir sur sa peau, l'aveugle se tourna vers son élève et, sans aucune gêne, pointa du doigt son handicap en demandant :

« Tu me confirmes qu'il fait suffisamment sombre ? Si c'est bon, alors on va pouvoir avancer. »

La première étape dans la résolution d'un problème était d'admettre son existence. Cette étape, Kyoshiro l'avait passé depuis aussi longtemps qu'il avait été en âge de penser. Il ne voyait plus ce handicap comme une faiblesse mais une différence, tout simplement.

Pendant trop longtemps le jeune Uchiha s'était drapé dans une illusion d'agressivité et d'arrogance pour masquer son inconfort, pour masquer sa faiblesse à ses congénères et, si son mentor avait eu une approche différente lorsqu'il avait le même âge, il comprenait le besoin de sauver les apparences. Son élève pensait-il que cet aveugle, ce Tadake avait toujours été souriant ? Ce n'était qu'un acte au départ, une performance, une façon de masquer son mal-être et, si le shinobi en était arrivé à surpasser ces faux-semblants, son cher élève avait encore cette fâcheuse habitude de se renfermer sur lui-même. Kyoshiro pouvait-il lui en vouloir ? Pas le moins du monde, voilà pourquoi il ne rebondit pas sur la première réplique de l'Uchiha et se concentration sur la raison de sa perturbation, le souvenir de la vie fauchée et de l'innocence envolée.
Tous étaient ou allaient passer par là à un moment donné, il ne pouvait en être autrement pour ceux qui empruntaient la voie du sang et du carnage, à n'en pas douter, mais Akira était encore dans cette phase de digestion que tous devaient passer, seuls. Une petite tape sur l'épaule aurait été de rigueur mais infantiliser le garçon ne l'aiderait pas dans cette situation, raison pour laquelle Kyoshiro tua cette idée dans l'oeuf en se contentant de dire :

« C'est une étape importante dans la vie d'un shinobi. Tu as fait ce qu'il fallait. Je ne serai peut-être plus là, si tu ne l'avais pas fait. Mais cela ne t'aide pas davantage, hein ? »

Savoir qu'il avait sauvé une vie serait sans doute une bien piètre consolation en contrepartie de la vie fauchée, le fêtard en avait fait plusieurs fois l'expérience mais savait que son élève finirait pas relever la tête. Il le devait, il ne pouvait en être autrement et, fort heureusement, le duo ne s'étendit pas davantage en mièvreries pour préférer se concentration sur la mission. Quelques lampes, quelques habitants ou gardes ? En un rien de temps, le jeune homme joignit ses mains devant lui, avant d'étendre la compréhension de son environnement jusqu'à la cible visée. En quelques secondes il nota la présence des personnes indiquées par son élève, avant de conclure par un :

« C'est bon, je les vois. »

Bien sûr il ne les voyait pas vraiment, pas au sens propre du terme mais pour le jeune aveugle cela revenait strictement au même, c'était sa façon à lui de percevoir son environnement. Chaque présence était là dans un coin de sa tête, pulsant à chaque mouvement, avant que le jeune shinobi décide de faire cesser sa technique. Silencieusement, il suivit son élève au travers de son illusion et, lorsque les deux furent au plus près de leur cible, l'homme se tourna vers son poulain pour lui demander :

« Tu te sens de maintenir l'illusion, le temps que j'aille faire cramer tout ça ? »

Question simple, réponse simple. Si la réponse était oui alors le jeune homme s'enfouirait dans la terre pour réapparaître dans l'entrepôt, à l'abri des regards indiscrets, mais si la réponse était non alors ils opéreraient une infiltration à l'ancienne.

Toute sa vie durant un shinobi passait ses jours, des mois voire des années à affûter ses talents dans le but d'accomplir son devoir et, dans des cas bien trop nombreux, cette longue course se finissait par le sacrifice ultime que peu semblaient prêts à a faire. Comment leur en vouloir ? La vie était sans doute la chose la plus précieuse sur cette planète et sacrifier la sienne n'était pas une décision aisée, elle était la marque de la plus grande dévotion et la plus grande abnégation qui soit. Si le jeune Tadake avait accepté ce constat depuis de nombreuses années, ayant depuis toujours été prêt à se sacrifier si cela permettrait à sa sœur de vivre un jour de plus, ce sacrifice n'était pas selon lui l'était la plus importante et difficile qu'un shinobi avait à travers.  
Cette étape, cet obstacle ultime, son élève juste à côté de lui l'avait accompli pour la plus noble des raisons. Vous devinez de quelle étape je parle ? Celle de faire couler le sang, d'infliger de la souffrance à autrui et, ultimement, d'ôter une vie sans aucune chance de pouvoir un jour changer cela. Le jeune Uchiha venait de passer cette étape, bien plus tôt que son maître ne l'aurait voulu, mais venait maintenant le temps d'accepter cette décision et d'aller de l'avant car d'autres morts viendraient se mettre sur sa route. Peut-être qu'Akira était trop jeune pour passer cette étape toute seule, peut-être pas, mais au final le jeune garçon devait savoir que son maître n'était pas près de le laisser tomber. Pas maintenant, surtout pas maintenant qu'il avait fait le plus dur.

Silencieusement il écouta la réponse de son élève sur son illusion, sans plus s'inquiéter que cela car évoluer dans les ombres avait été son quotidien depuis son tout premier souffle dans ce monde. Hochant la tête, l'homme s'écarta et posa une main sur le sol avant d'y déverser son chakra, disparaissant derrière le couvert de ces arbres fictifs avant de creuser un chemin jusqu'à sa cible. Par deux fois le jeune homme se mordit les lèvres pour réprimer un son lorsque sa tête se cogna contre sa paroi, maudissant l'espace d'une seconde sa cécité avant de continuer son chakra pendant plusieurs secondes.
S'il entendit des bruits de pas au-dessus de lui, le shinobi poursuivit son avancée à un rythme plus lent jusqu'à arriver à l'endroit où devait être l'entrepôt. Lentement il remonta et tendit l'oreille, restant immobile pendant plusieurs dizaines de secondes jusqu'à ce que le silence soit sa seule réponse. Enfin, lentement, avec un doigté né de l'expérience, l'homme creusa un trou dans un coin de l'entrepôt et, lorsqu'il sortit la tête, réalisa qu'il venait d'apparaître entre deux amoncellements de bois : il n'aurait pas pu mieux choisir.

Lumière, lumière...hum, comment la trouver ? S'il décida de raser les murs à pas de loups, comme il savait si bien le faire, bientôt sa peau capta la chaleur d'une lanterne non loin de lui. Quelques dizaines de secondes de plus, un tour d'entrepôt plus tard et il repéra les trois autres lanternes : toutes positionnées dans les coins de cette large battisse.  En d'autres circonstances il aurait créé des clones ou créé une diversion mais ici rien de tout cela n'était nécessaire, le nombre de gardes était minime et aucun ne s'attendait à ce que quelqu'un ne débarque de sous la terre : cela ne rendrait sa tâche qu'autrement plus facile. Prenant une courte inspiration, l'homme attrapa la première lanterne et se contenta d'un simple et discret :

« Que la lumière soit. »

En un mouvement la lanterne vint s'écraser sur une pile de bois et, alors que Kyoshiro sentant déjà naître le brasier, il répéta ce même geste par trois fois pour faire bonne mesure. Assurément l'entrepôt n'y résisterait pas et, devant cet évident constat, l'aveugle décida de plonger de nouveau dans son trou autant pour se replier que pour se mettre à l'abri des flammes. Il n'était pas un pyromane en puissance, il y avait des limites à ce que son corps était capable de supporter et, devant cette chaleur étouffante, il décida bientôt de retourner sur ses pas et retrouver son élève.

Ils ne tarderaient sans doute pas à dissiper cette illusion et se replier un peu plus loin, avant d'attendre pour vérifier le résultat de leur action. Une simple formalité.