Shun, j’ai appris certaines choses sur toi, ou plutôt le Kaguya (renié par son clan aujourd’hui) qui a brûlé l’orphelinat dont tu étais pensionnaire a craché ton nom au détour d’un interrogatoire. Son procès aura bientôt lieu à l’Enclave pour d’autres crimes mais il est toujours le bienvenue de faire venir toute sorte de gens aptes à parler de ses méfaits. Le procès aura lieu à la citadelle d’Hurlecendres, le 27 de ce mois-ci, si tu veux t’y présenter pour témoigner où être partie civil avec d’autres. Le clan Kisho est responsable du procès et arbitrera les débats. En espérant que cette lettre te parvienne au plus vite et dans les délais.
La super héroïne?
Un procès, c’est la justification de la violence du gouvernant sur ses gouvernés. La justice, ce n’est pas simplement une jolie construction sociale où l’on passe au crible chaque crime d’un homme pour décider si on va lui couper la tête ou juste le déchoir de ses honneurs et en faire un paria de la société, c’est aussi (et parfois en même temps) le sentiment d’équilibre des choses. Que les connards auront la monnaie de leur pièce et que les pieux se verront récompenser leur état d’esprit de bête docile. Mais bon, en réalité, c’est bien triste de devoir faire ça, aujourd’hui en ce 27ème jour du mois pour mettre à mort un criminel. A vrai dire, comme l’a dit Tetsuo plus tôt, le vrai pouvoir c’est de faire l’exception qui confirme la règle. En jugeant un renégat notoire, on essaie de se faire passer pour des gens biens même si dans le fond, ça ne change pas grand-chose au devenir de Kurusu ; il va mourir, devant une foule pleine de haine pour lui. On aurait pu lui couper la tête en toute discrétion quelque part dans le fond de la forêt et l’y laisser sans en parler à personne, mais il semblerait que ce ne soit pas les intentions du chef. Nous essayons d’être des gens bien, même si dans les caisses il y a de tout à la forteresse ; des plans pour envahir l’Enclave et renverser le Daimyo, des rapports sur comment endiguer une éventuelle invasion impériale, des archives sur l’existence possible des bijus, encore faudrait-il qu’ils existent. Non, définitivement Tetsuo essaie de faire un exemple et de se mettre la population dans la poche, un plan pour un projet dont il ne m’aurait pas parlé ? Qu’importe, ce n’est pas mon rôle aujourd’hui, mon rôle est d’être le bras sanguinaire de la justice en tant que magistrat chargée de l’inculper et de demander une peine pour lui. Pendant ce temps le chef se garde le beau rôle en étant le juge, préférant poser des questions et diriger les débats plutôt que d’y prendre part. Distribuer la parole, intimé au silence, définir si oui ou non un témoignage peut être considéré comme valide ou non, magnifique exemple de justice non ? Le chef de clan et son intendante qui ont le dernier mot, même si nous n’avons pas à juger un homme qui a fait des torts à notre clan.
« Silence dans la salle, silence sinon les débats ne commenceront jamais. » Tonne Tetsuo avec sa voix grincheuse et fatiguée, avant de lire sa petite feuille de notes. « Nous sommes réunis ici présent pour juger Nishijima Kurusu, accusé de meurtre sur des paysans, d’avoir incendier des bâtiments privés mais aussi des champs, rapt d’enfants, recel de biens, vol, racket, intimidation et de désertion. Toutefois, ne sera pas abordé ce dernier point pour des raisons évidentes de relations diplomatiques entre les Kisho et les Kaguya. »
Incroyable hein ? Qui aurait cru qu’on ne se mêlerait pas des affaires qui ne nous concernent pas ?
« Que plaidez-vous ? » Demande le vieux au renégat. « Non coupable. » Evidemment.
On lui offre une chance de ne pas finir avec un surin en plein cœur, il va saisir l’occasion, même si c’est une corde enduite d’huile et on ne peut plus glissante.
« Alors, nous allons commencer les débats. Je vais laisser Benkei faire une petite ouverture puis nous verrons qui souhaite prendre la parole. »
Je quitte ma place pour me placer devant l’assemblée. Par les kamis, le nombre de gens ici est effrayant ; une forge entière s’est arrêtée de tourner à la citadelle pour permettre aux gens de venir assister à ce procès. Un petit cordon de ninjas du clan empêche les plus zélés des spectateurs de venir lyncher sur place notre victime, beaucoup observent en silence. Alors que je suis au centre de la mascarade, je laisse traîner un peu mon regard ; derrière moi il y a Tetsuo, perché sur un gros tas de charbon comme un vieux corbeau et observe la scène, ma place juste à sa droite et à sa gauche l’archiviste du clan. Sur mon côté gauche, les douze jurés qui sont là pour constater les faits et décider finalement s’il est coupable ou pas ; deux samouraïs, sept paysans, un burakumin et deux marchands. En face de moi à gauche l’accusé qui se défend en compagnie d’une oratrice et à ma droite les très nombreuses personnes qui ont subi des torts à cause de lui. Un paquet ça je peux le dire.
« Je… » Shun est parmi eux. « Je suis Kisho Benkei, intendante du clan éponyme et kunoichi de profession. »
Les regards que je récolte dans la salle sont aussi variés qu’intenses ; les spectateurs me regardent avec une méfiance certaine qui laisse transpirer un certain soulagement de savoir qu’une ninja va essayer d’enfoncer l’un de ses compères. Sans doute doivent-ils se dire que je pourrais influencer les jurés en utilisant un tour de passe-passe. Ceux qui se sont constitués parties civils me zieutent comme ils consultent du regard un allié avant de passer à l’attaque. L’accusé regarde le vide, presque indifférent à ce qui se passe autour de lui et les jurés… Les jurés rassemblent toutes les émotions qu’on peut ressentir en voyant un ninja, haine, soulagement, inquiétude, compassion, le burakumin me regarde avec la fierté démente de ceux qui savent à quel point leur caste a pu former de ninjas. Nous sommes intouchables, eux parce qu’ils s’occupent des cadavres en étant tanneurs, bouchers ou croque morts, nous parce que nous sommes des tueurs, empoisonneurs et destructeurs.
« Il serait très ironique de ma part de pointer cet homme comme une abomination alors que nous sommes de la même profession. » Reste calme, humanise un peu ton espèce et touche les émotions des gens autour de toi. Soit Benkei l’amante dégoûtée parce qui est arrivée à son chéri. Nakai aurait les mots justes, dommage qu’il ne soit pas ici. « Avant d’interroger les témoins, d’appeler à la barre des ninjas qui ont accepté de fournir leurs expériences de vie, j’aimerais que vous vous remémoriez tous les instants de votre vie ou vous avez vu une injustice. Puis ensuite, ceux ou quelqu’un a fait quelque chose de bien pour vous. » Petit silence. « Dans cette salle, nous avons tous eu un chef à un moment donné, que ça soit un grand frère, un parent, un supérieur au travail, nous avons aussi tous eu l’occasion d’être le chef à un moment donné. Nous avons tous eu le pouvoir, nous nous en sommes servis pour faire le bien autour de nous ou faire du mal aux autres. L’Enclave a la réputation d’être un lieu difficile à vivre, les guerres ninjas qui ont fait vacillé le monde sont encore récentes, seuls les plus jeunes d’entre nous ne les ont pas connus, les ninjas ont été les artisans d’innombrables bains de sangs. Le pouvoir appelle le sang, l’homme que nous jugeons aujourd’hui a répondu à cet appel en prenant la vie de Kanroji Nanami, l’une des artisanes qui travaillent aux ferronneries de la citadelle dans laquelle nous sommes, mais aussi la vie de Yuripe et Koda, deux frères orphelins qui ont été tué de sa main il y a cinq ans. Aujourd’hui ils ne seraient pas ici s’ils étaient encore vivants, ils seraient des apprentis, peut-être dans l’atelier Kanroji, peut-être chez les batteurs d’armures du quartier Est. Mais à la place, nous avons leur sœur cadette, Izami, qui est ici pour témoigner de leur fin abrupte, une fin qui n’est nullement le fruit d’un dommage collatéral ou d’une nécessité vitale pour qui que ce soit. Non, ils ont été tués parce qu’un jour, l’homme que nous jugeons aujourd’hui a décidé qu’il pouvait tuer, simplement car il en avait le pouvoir, car nul n’aurait les moyens de l’arrêter. Il l’a fait car il voulait voir du sang. Aujourd’hui, nous sommes ici pour juger un homme qui s’est servi du pouvoir que lui conféraient ses pouvoirs de ninja pour mettre à feu et à sang les terres, plutôt que d’essayer d’œuvrer pour un bien commun. Pour ce genre d’homme, je demande à ce qu’on le pende haut et court. Certains diront qu’on peut pardonner un meurtre lorsque celui-ci est dûment motivé et accompli dans les règles d’un duel ou d’une vengeance, mais à aucune époque l’infanticide sans état d’âme n’a été toléré. Je vous remercie de votre attention. » Quelques spectateurs applaudissent.
Etait-ce vraiment à la hauteur ? Le chef semble être satisfait de ma prestation.
« Après cette mise en jambe un peu longue mais détaillée, je laisse la parole à l’accusé et sa représentante. »
Je raconterai bien ce qui se dit, mais… C’est un simulacre de procès, il y a trop de charges pour qu’il s’en sorte ou même qu’il se ménage un emprisonnement quelconque ou l’exil. Il n’est question que de donner l’occasion au petit peuple de voir que le clan peut être juste et droit quand ça l’arrange. L’oratrice se lève et est accueillie par quelques huées.
« Votre honneur, messieurs, mesdames, je vous remercie de m’accorder la parole et de m’écouter. » Elle se présente, caresse un peu dans le sens du poil l’auditoire puis se lance. « Comme l’a si bien dite l’intendante, il serait ironique qu’elle accable mon client de sa condition de ninja puisqu’elle-même en est une. Pourtant, j’aimerais poser quelques questions à la Kisho, si cela vous convient votre honneur. » Tetsuo hausse les épaules, il accepte sa doléance d’un geste vague. « Votre excellence, avez-vous déjà eu un chien ? -J’ai eu un molosse, il s’appelait Kamaru. » La pute, je sais déjà ce qu’elle va me sortir. « Comment l’avez-vous eu ? » C’est une histoire bien connue à l’Enclave, dans les villages environnants la forteresse. « Je l’ai recueilli après que son propriétaire précédent soit tombé d’une falaise. » Komodo était une ordure avec lui, toujours à la battre. « Cet ancien propriétaire, était-il brutal avec lui ? -Il l’était, il l’avait dressé à être violent. -Il avait donc été éduqué dans la violence et l’agression. » Conclut-elle. Kamaru était un bon compagnon. « A-t-il eu des comportements déplacés envers certaines personnes de votre entourage ? -C’était un chien qui était incapable d’accorder sa confiance à qui que ce soit d’autres que moi, je devais le rassurer quand quelqu’un voulait s’approcher de lui où il le mordait. » C’était une bête fidèle. « Si vous dites cela, c’est qu’il a déjà mordu quelqu’un alors. Comment est-il mort ? -Brûlé vif lors d’une mission. -Vous n’avez donc jamais tué Kamaru après qu’il ait mordu quelqu’un, comme cela est en général la coutume. » Oui. « Oui. -Mais alors, comment pourriez-vous blâmer un homme qui n’a grandi que dans la violence et la brutalité du clan Kaguya ? Un homme victime de son destin a qui personne n’a tendu la main ? Il est né dans le sang, a grandi dans le sang et s’est affirmé dans le sang, comme Kamaru. Pourquoi devrait-on le condamner à mort alors que vous n’avez pas jugé cela humain pour votre chien ? » Silence, murmures dans la salle. Tetsuo a un petit sourire devant la situation. Je me penche un peu en avant, comme pour clarifier la situation.
« Parce que mon chien n’a jamais mordu la main qui l’a nourri, contrairement à votre client qui est un déserteur et un tueur d’enfants. Le pire que Kamaru ait jamais fait a été de croquer la jambe d’un ninja peu précautionneux, votre client d’avoir semé la terreur et marquer à vies des gens qui n’arrivent plus à se lever le matin sans avoir leur conscience souillée par les horreurs auxquelles ils ont assisté. »
Les accusations de meurtres occupent toute la journée. Nous n’en n’avons fini que tard dans la soirée.
***
« Pas trop dur ? De le revoir ? » Je me sers une tasse de saké avant de remplir la coupe de Shun. Posée sur le rebord de la demeure de la maîtresse de la citadelle, les pieds dans l’eau à observer le fleuve s’écouler paisiblement loin de tout cela. Les poissons n’ont conscience de rien eux, ils sont heureux ces petits fous. Je vide ma coupe d’une traite, la lune est haute, j’ai en horreur tout cela, ces faux semblants quand on pourrait simplement trancher la gorge de ce type. « Je dois avouer que cette première journée a été éprouvante pour moi. »
HRP:
Je te laisse décider si pour le début Shun est dans les parties civils, les témoins qui seront appelés ou les spectateurs, selon ce qui t'arrange.
Une missive, une lettre lourde de sens. Une personne que je n'avais pas eue de nouvelle depuis un certain temps. Je m'étais demandé ce qu'elle était devenue. Finalement, elle semblait aller bien, mais surtout elle me disait qu'elle avait déniché la personne qui avait brûlé mon ancien orphelinat. Mon cœur venait de rater un ou deux battements, la perle de sueur venait d'apparaître le long de ma tempe. Le bourreau de ma famille, des enfants, des sœurs qui m'avaient élevé avait été finalement retrouvé par une personne de l'enclave et un jugement allait avoir lieu. Bizarrement, je ressentais une certaine appréhension, j'étais content en quelque sorte de voir la justice qui pouvait être rendue pour ma famille. Cependant, si cela ne faisait pas taire mes démons, ces hideux cauchemars qui s'amusaient à me terrifier le soir. Les mauvais rêves hantaient mes pensées, je me devais d'affronter la source phobique de tout cela. L'anxiété serrait mon cœur d'un étau de fer, mais je pris mon courage à deux mains. J'avançais dans ma maison l'air vaseux et hagard, rencontrant deux de mes anciens camarades. Agisa et Shitomi, les deux me regardaient d'un air surpris, mon visage était froid et prétentieux comme lorsque j'étais enfant. Il était rare de me voir de nouveau sous cette forme, j'avais mûri, j'avais grandi et j'avais appris à côtoyer les gens, même si pour certain ce côté-là était forcément présent surtout quand je n'aimais pas des gens comme avec Katsumi. Je relevais mes cheveux de mes deux mains afin de les nouer en queue-de-cheval, puis je parlais à mes deux camarades d'enfance :
« - J'ai reçu une missive, le coupable de l'incendie de la résidence de notre enfance fut retrouvé. Un membre du clan Kaguya, une sorte de jugement va se créer au niveau de l'enclave. Je compte m'y rendre. Souhaitez-vous m'accompagner ? »
Aucun son n'était sorti de leurs bouches à part peut-être le bruit de leurs salives qu'ils venaient d'avaler. La fille me regardait d'un air grave et les larmes commençaient à perler le long de ses joues. De nous trois, elle était celle qui avait le plus pleuré de la dévastation de notre ancienne maison, elle était douce et gentille, mais lors des missions de ninja, c'était la plus violente de nous tous. Une certaine dualité qui faisait froid dans le dos. Une incarnation de la Lune et du Soleil. Elle prenait un peu de temps avant d'incliner la tête pour dire qu'elle acceptait de se rendre avec moi. Le garçon paraissait étrangement plus souriant, il avait un immense sourire quelque chose de terrifiant d'un brin carnassier. J'avais l'impression que je lui avais dite qu'il allait découvrir sa nouvelle proie. En même temps, Agisa était un être d'une rare violence en tant que ninja. Il possédait une énorme épée à deux mains, alors que son corps était plutôt fin, cependant, il possédait une force digne des héros d'un ancien temps. Il pouvait porter cette épée pendant des heures et ses ninjutsus donnaient à son corps une allure de Berserker.
Nous partîmes tous les trois en direction de l'enclave, lieu où réside le clan Kisho. Je me demandais quel genre de lieu cela pouvait être. Il y avait de la route, nous trois fîmes la route de manière assez haletante. La fatigue et la douleur de notre corps avec la course et les haltes étaient fatigantes, mais nous devions arriver avant le procès. Il était hors de question que l'un de nous soit en retard pour ce procès. Cet homme, cet être qui venait du même clan que l'être bleuté que j'avais affronté jadis. J'en avais quasiment oublié la tête de cet homme qui m'avait asséné ma première défaite, cependant si j'avais su que c'était un membre de son clan qui avait détruit le sanctuaire de mon enfance, je ne sais pas comment j'aurai réagi, mais sûrement que je n'aurais pas forcément accepté de perdre si facilement. Je pensais même qu'une certaine haine s'était jointe à notre rencontre. Les pensées s'envolaient à mesure que notre route se terminait dans le décor de l'enclave, le lieu de vie de la grande Benkei. J'étais choqué, ce lieu faisait peur, mais portait une certaine finesse. La peur se faisait peut-être par cette appréhension que j'avais pour le procès. Comment ma psyché allait réagir, comment j'allais me sentir vis-à-vis du meurtrier de toutes les personnes en qui j'avais eu confiance dans ma vie.
Mes cheveux se détachaient par une brise de vent, un signe du destin. Je regardai mes deux compères, le sourire carnassier de l'un et le regard plein de compassion de l'autre. Nous étions tous les trois différents, mais nous avions tous la même envie de justice. Nous rentrâmes dans l'énorme bâtiment, le procès allait commencer. Nous nous plaçâmes sur les côtés de l'accusé. Dans la partie des victimes, la personne qui accusait l'ensemble des motifs retenues contre l'accusé était la femme qui était venue me voir et m'avait appris une technique très importante pour moi. Cet homme avait été accusé de plusieurs choses, parmi elle l'histoire d'incendier des endroits, mais également de rapt d'enfant. Mon visage se tordait d'une expression de douleur intense, l'image des orphelins qui avaient été capturés par cet homme. Les enfants qui pleuraient qui finissaient dans l'estomac de cet homme ou pire... Si cela se trouvait, ils étaient encore en vie quelque part utilisée comme esclave. J'avais une remontée horrible, la nausée tournoyait dans ma gorge et me donnait envie de rendre tout mon déjeuner. Puis vint l'image de mes parents, de ceux qui m'avaient élevé qui brûlaient. Mon visage avait envie de pleurer, mais bizarrement mon visage se renforçait, les traits se serraient et un sourire immense et démoniaque se creusait le long de mes joues. J'avais envie de voir cet homme brûlé devant moi, de le voir être réduit en poussière. Il se croyait non-coupable, il pensait n'avoir commis aucun crime.
Il était déserteur, il était quelqu'un qui avait déshonoré son clan, pourtant son clan possédait une réputation assez forte, une réputation de membre considéré comme des monstruosités. La kunoichi qui parlait avait fais un joli plaidoyer, elle avait de l'esprit de la jugeote et une certaine logique qui était plus qu'intéressante. Elle voulait le pendre, je le voulais brûler. Je n'acceptais pas de le voir pendu, la douleur était trop brève, il avait incendié des gens, il avait tué des enfants. Je voulais qu'il souffre, ma douleur était trop grande, trop compliquée à calmer. Mon cœur criait vengeance, mon esprit pleurait. L'étau de fer serrait tellement fort que chaque battement de cœur devenait douloureux. J'étais là circonspect, la défense plaignait le coupable d'avoir eu la chance d'avoir une famille. Je voulais parler, je me devais de parler. Je me levais d'un air décidé, mes deux comparses me regardaient étonner. Je n'étais pas habitué de parler devant des gens, mais étrangement l'adrénaline me permettait d'oublier ce spectacle et cette remontée d'agoraphobie qui aurait dû me tétaniser. Ma voix se faisait étrangement pleine de colère et d'assurance :
« - Votre honneur permettez-vous que je prenne la parole un instant ? »
Il acceptait par un simple mouvement de tête. Ma tirade allait être longue et succincte, une sorte d'oxymore qui allait se démontrer à l'oral :
« - Madame permettez-moi simplement de rebondir sur une chose qui me fait horreur. Vous parlez que c'est difficile d'avoir une famille ? Difficile de vivre auprès d'un clan au combien douloureux dans sa manière de transmettre son éducation. Pauvre être d'avoir une famille, d'être né dans un clan qui pourrait justifier des actes horribles. Quelle tristesse de tuer des gens dont il était jaloux de n'avoir aucune enfance, de n'avoir pas de parents. N'avez-vous simplement pas honte de justifier les actes de meurtres par une quelconque parenté à un clan, alors que ce même homme à tuer des personnes dont leur seule aspiration était de trouver une place dans ce monde ? Votre argumentaire est aussi nulle que le fait que cet homme puisse caresser l'espoir de demander que l'on croit qu'il soit non-coupable. »
Je m'asseyais après avoir fini ma tirade, mon sourire était toujours présent, j'avais envie de le voir mourir devant moi. Je n'avais jamais tué personne, mais cet homme, je voulais le voir périr devant ma vue.
Nous étions dorénavant dans une pièce annexe. Je la regardais, elle me demandait comment je m'en sortais. Ma voix se faisait beaucoup plus calme que précédemment dans la journée :
« - Ce fut bizarre, l'adrénaline fut tellement présente. Bizarrement, je me sens soulagé de mettre un visage sur le meurtrier de ma famille, mais également mon cœur cri à une vengeance plus grande que la pendaison. Je veux le voir subir la combustion. »
J'attrapais le verre de saké qu'elle m'avait servi. La lune avait drapé la citadelle d'une belle luminosité. La journée fut éprouvante pour les deux et je regardais un instant, la belle Lune et mon regard se paraît de la belle lumière de la Lune. Ma voix répondait un peu machinalement :
« - Il est vrai que mon corps ressent une certaine torpeur, le stress, le voyage, l'adrénaline. Mon corps souffre de plusieurs choses, mais en tout cas merci de m'avoir envoyé cette missive. Comment vas-tu depuis la dernière fois ? Tu étais partie si rapidement. »
-S'il vous plaît monsieur, tâchons de ne pas trop divaguer sur la responsabilité de l'oratrice sollicitée par l'accusé ; il est question de la culpabilité de cet homme, chacun est en droit de se faire son opinion sur la qualité des discours que nous avons entendu et allons entendre, mais évitons les vocalises dessus. Concentrons nous sur les faits, je vous prie. Sinon je serai obligé de suspendre la séance si tout le monde s'agite ou de faire sortir ceux qui ont leurs nerfs à fleur de peau. Le chef a regardé Shun droit dans les yeux, l'air un peu désolé pour lui. Chacun est libre de prendre un instant dehors pour se reprendre, sur une simple demande.
***
-Il est peut-être trop doux de le pendre, mais les Kaguya veulent son corps intact. Je regarde mes mains.
J'ai tué un homme avec ses mains, pas dans un quelconque sens figuratif, j'ai tué un homme en me servant des mains, mes doigts, mes ongles comme d'armes mortels. Je lui ai écrasé la gorge d'un coup de poing avant de me mettre à califourchon sur lui et de dégommer le visage avec mon coude, puis je lui ai volé mon regard avec ses pouces.
J'ai les mains froides, je me souviens de tout, de son précieux sang chaud qui me réchauffait alors que je lui volais ses derniers instants en hurlant comme une barbare, bouffée par la rage de vivre et dévorée par l'instinct de tueur propre à chaque humain. Puis plus rien, le silence et l'immense malaise qui m'a envahie en réalisant que j'avais assassiné un autre être humain. Pas seulement en l'empalant avec un gros cristal sorti du sol ou avec une arme, un meurtre tout ce qu'il y avait de plus personnel. Mais aujourd'hui, je ne serais plus intimidée par l'idée de recommencer. Un tabou s'est levé.
-Attention à ce que tu demandes Shun, tu ne sais pas où ce genre de souhait peut mener. A une époque j'étais une bergère qui avait du mal à achever un mouton blessé, maintenant je suis une kunoichi qui fait la guerre pour vivre. Toute action a une influence sur l'esprit. Je vais bien, j'ai dû partir à cause du devoir, l'administration du clan et tout le reste. Silence. Tu peux souhaiter ce que tu veux, mais fais attention à ne pas devenir ce que tu détestes. Je prends un peu de recul par rapport au rebord, les pieds trempés et dissimule mes mains dans les manches de mon kimono.
Je regarde l'horizon, puis la lune.
-Sinon tu vas finir comme moi, à tuer des gens que tu ne connais pas, pour de l'argent dont tu ignores la provenance, pour des gens que tu ne comprends pas. L'espace d'un instant, mon esprit me hurle que ce que je vais lui dire n'est pas la bonne chose, mais mon cœur se sent forcé de lui rappeler. Le kaguya, quand il t'as regardé durant ta tirade. J'ai vu ses yeux, il ne comprenait pas qui tu étais, puis il a compris que tu étais l'un d'eux. L'une de ses victimes qu'il a laissé dans son sillage. L'ironie dans ses yeux, c'est quelque chose qui m'arrivera aussi, peut-être à toi si tu deviens un ninja au sens bien connu du terme. Un jour, un jour un adolescent va débarquer devant moi un sabre à la main, en m'annonçant qu'il me cherchait depuis des lustres pour venger la mort de son père, un preux samouraï tombé face à mes hommes où cristallisé de ma main. J'hausse les épaules. A chaque fois que j'ai ce scénario en tête, j'essaie d'imaginer mes excuses, ou avoir un rire malveillant, mais ce qui me revient le plus naturellement du monde est le fameux "qui était ton père déjà?". Je me ressers un verre. Il ne devait même pas être au courant de ton existence avant ce procès.
A vrai dire, ça ne m'étonnerait pas qu'il n'ait même pas eu conscience de tout ce qu'il a fait, que ce procès est là pour lui rappeler. Les gens aiment oublier, ils aiment enfuir leurs secrets profondément dans leur esprit comme pour se justifier, se donner bonne conscience. Quitte à voir jusqu'où il est prêt à aller pour satisfaire sa vengeance.
-Tu veux être celui qui le garrottera s'il est jugé coupable et condamner à mort?
Il paraissait étrangement différent. Le juge avait ce regard de désolation, mais il ne pouvait pas non plus me parjurer la pauvre avocate qui faisait simplement son boulot. Elle se devait forcément de chercher des excuses à un être inexcusable. Le juge permit qu'on puisse prendre une petite pause pour que l'on puisse récupérer. Mon cœur avait cette étrange sensation de battements si rapide. Mon corps se délectait de cette douleur et mon cerveau me tiraillait de toute part. Ma camarade attrapait ma main pour me sommer de prendre une pause définitive pour aujourd'hui. J'acceptais étrangement de prendre une pause.
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Les Kaguyas demandaient le corps de leur frère impie. Ils demandaient quelque chose, ils n'avaient pas honte. Cet être avait tué tellement de gens, ils avaient brûlé tellement d'endroits, brûlés des enfants et des orphelins. Il avait peut-être fait des choses bien pire et on ne le savait même pas. Je refusais, mon corps criait l'injustice :
« - Impossible, je n'accepterai jamais qu'on puisse rendre le corps de ce monstre à un clan qui a fait de cet être l'abjecte forme de celui-ci. Son corps doit être rendu aux âmes qui ont perdu la vie par sa faute et je pense que le meilleur moyen reste le feu. »
La Lune était d'une rare splendeur. J'enlevais mes deux chaussures et trempais mes pieds à mon tour dans l'eau froide, la morsure légère et tendre de cette eau me permettait de rendre mes idées plus claires. J'avais honte en quelque sorte, j'avais perdu mon sang-froid. J'étais d'habitude si calme, mais en cet instant mon âme bouillonnait d'une soif de vengeance qui me terrifiait. Elle avait raison, les souhaits pouvait causer du tort, je n'avais jamais tué. Que se passerait-il, si je tuais quelqu'un maintenant ? Prendrais-je goût au sang qui tâcherais mes mains ? Mon cœur s'enhardissait d'une pénible et d'un poids qui était étrange :
« - Tu as sûrement raison, cependant, je ne pense pas que tuer un criminel est une chose si mauvaise en soi, mais il vrai que je ne souhaite pas devenir un être comme lui. Le fait qu'il ne sache même pas qui je suis, montre le fait qu'il n'a pas conscience de la déviance de ses actes. J'entends tes propos Benkei. Je veux simplement rendre le repos aux âmes de ceux que j'ai perdu et si par la suite, je dois ramener des comptes à ce clan, je le ferais. J'assumerai mes actes. »
L'oubli est une chose trop simple. Il n'était pas permis qu'il puisse oublier les nombreux morts qu'il avait commise. Un être abject, il était, mais je ne pouvais guère continuer à ne rien faire. Je me questionnais un instant et je posais mon regard dans celui de Benkei :
« - Je ne veux pas être l’exécuteur, je veux qu'il soit exécuté par la main de toutes les victimes. Je veux le regarder brûler et je veux simplement le contempler dans le feu des enfers, agonisant, criant et souffrant. »
J'étais déterminé à devenir l'être qui allait permettre à mes ancêtres de reposer en paix. Je disais une dernière chose :
« - Chaque brindille que chacun pourra déposer sera l'esprit même d'un mort et chaque fantôme viendra hanter cet être dans son tourment des enfers. »
-Silence dans la salle, l'audience va commencer pour déterminer aujourd'hui si oui ou non, l'accusé a commis des faits d'incendie volontaire sur des bâtiments privés, mais aussi des champs appartenant à des propriétaires privés. Comme hier, pour faciliter le déroulement des choses ; Benkei fera un discours d'ouverture puis chacun pourra prendre la parole ou appeler des témoins ou des gens compétents à la barre. Sur ce... La parole est à l'inculpation. Ça se dit ça?
J'imagine que oui si Tetsuo le dit, même si je reconnais aussi quelques regards impressionnés par son haut niveau de langage (facile quand on sait lire), alors, dans le doute, je ne dis rien et me contente de me lever et d'aller au centre comme la veille. Je laisse planer un petit silence, je laisse l'air envahir mes poumons alors que l'oratrice me regarde, curieuse et pressée de voir ce que je vais pouvoir dire pour enfoncer le Kaguya. Je pointe la foule d'une main vague.
-Ici, je vois beaucoup de personnes qui assistent à ce procès, peut-être des curieux, peut-être des proches de ceux qui souhaitent témoigner. Mais personne ne se tient à côté des braseros, pourtant je peux distinguer dans la foule des gens à qui j'ai acheté des grenades ou des shurikens, des forgerons qui malgré leur travail qui leur nécessite de rester à proximité des fours et du métal porté au rouge, craignent le feu. Même chez les ninjas le feu à la réputation d'être l'élément le plus destructeur, le fameux katon. Assassiner quelqu'un est odieux, mais quelque part un coup de sabre offre la clémence de l'histoire ; les gens se souviennent de vous, ils peuvent encore vous reconnaître malgré la blessure. Le feu détruit tout, ici nous avons un incendiaire qui a brûlé des habitations pour tenter de dissimuler ses odieux méfaits, les corps étaient si méconnaissables que même les plus occultes des shinobis n'ont pas réussi à reconnaître les corps au travers des arcanes du ninjutsu médical. Merci Nakai pour ton expertise sur le katon. Si aujourd'hui, Nanami ou encore Yuripe sont ceux listés comme morts, c'est parce que l'on a retrouvé parmi les corps calcinés des marques de lacérations, qu'ils étaient manquant à l'appel le lendemain. Ils n'ont pas été identifiés comme morts, ils ont été déduits, aujourd'hui encore certains prient pour qu'ils ne s'agissent pas d'eux, pour qu'ils soient considérés comme disparus. A cause d'un incendiaire, des familles n'arrivent toujours pas à faire leur deuil des années après le drame. Ces actes justifient à eux seuls, sans même évoquer les assassinats qu'ils ont servi à couvrir, le travail forcé dans les rizières. Les impériaux ont parfois raisons ; le meilleur moyen d'empêcher ce genre d'atrocités est d'empêcher les pyromanes de pouvoir approcher d'une étincelle. Je vous remercie. Quelques applaudissements.
L'oratrice demande la parole, Tetsuo le lui accorde sans faire de commentaire. Elle se lève pour aller à ma place précédente, je ne dis rien, me contente de regarder la scène qui va se dérouler sous mes yeux.
-Votre honneur, je souhaiterai appeler à barre l'une des victimes de ces incendies, pour lui poser quelques questions. -Faites donc. L'oratrice jette son dévolu sur la mère d'une des mortes, Sakura Kasugano.
Je ferais bien un commentaire sur ses traits tirés et émaciés par une vie de paysannerie, mais tout ce que je perçois aujourd'hui est une femme brisée par la mort de sa plus vieille fille, alors qu'elle était censée se marier. Aujourd'hui le cadet et le benjamin sont tout les deux mariés, mais sans la bénédiction de leur grande sœur chérie, un drame. Quel drame! Suis-je en train de faire de l'ironie ou au contraire de me lamenter sur leur sort? Moi même je ne saurai dire.
-Madame Kasugano, je sais que ce sont des faits fort douloureux et je m'excuse par avance de devoir être si précise dans mes questions, mais la lumière doit être faite. Sur les événements qui ont eu lieu. Pour le coup, elle a vraiment l'air de partagée la tristesse de la mère. La nuit du meurtre, quel temps faisait-il? La question surprend. -Il pleuvait averse, il y avait de l'orage. -Et où habitez-vous au moment des faits? -Au village. Près du ruisseau qui passe au travers. -Est-il juste que votre maison est la plus haute du village, située très en amont du dit ruisseau, près de sa source? -Oui.
La pute! Je sais parfaitement où elle va en venir, mais cette fois-ce je ne vais pas me laisser avoir par une simple gueuse qui ne sait même pas exécuter une permutation! Je suis une kunoichi, une yokai sous forme humaine, comme aiment dire les paysans, je me montrer digne des pouvoirs qui m'ont été enseigné, qu'importe le kami qui a décidé de me bénir, je sais que j'ai hérité de son esprit et compte bien en faire usage!
-Votre honneur, ce sont des questions qui ne sont pas pertinentes dans le contexte de l'affaire et sont de l'ordre personnelle. Elles ne servent à rien dans leur déroulement de ce procès... Tetsuo m'interrompt. -Vous avez raison Benkei. Il se tourne vers l'oratrice. Faites le lien madame, voulez-vous? Elle fait une petite courbette en hochant la tête avant de s'exécuter. -Lorsqu'il y a de l'orage, la foudre tombe toujours au point le plus haut. Hors, il n'y a pas d'arbre aux alentours du village de Tanegashima. Elle se retourne vers la Kasugano. Est-il possible que la foudre ait frappé votre maison. -Il est possible en effet mais... -Vous vous êtes réveillée... Le juge voit rouge. -Stop! Vous êtes en train de poser une question orientée, vous risquez d'influencer madame ici présente, veuillez reformuler votre question s'il vous plaît. Merci Tetsuo. -Comment vous êtes vous réveillée cette nuit-la, et comment avez-vous découvert le corps de votre fille? Les larmes montent aux yeux de la mère endeuillée. -Je me suis réveillée en sentant une odeur de brûlé, j'ai réveillé mon mari et quand je suis allé voir dans la chambre de ma fille, elle était morte. -Donc, la maison commençait déjà à brûler lorsque vous vous êtes réveillée? Hochement de tête. Vous n'avez donc pas pu voir si l'incendie était d'origine criminelle. Hochement de tête, dépité cette fois-ci. Ce sera tout, je vous remercie.
Des murmures constellent la salle, en un clin d’œil la mère endeuillée qui a dû rebâtir sa maison est devenue une hystérique qui ne sait plus ce qu'elle dit. Mais ma surprise est bien moindre en comparaison du moment où elle appelle une seconde personne.
-Hisao Nakai. Mon chéri. Les gens ont une profonde expression de dégoût en voyant les multiples bandages qui ceinturent son corps, pire qu'un lépreux, hélas. Il est en crise de nécronite, le mal du chakra comme certains l'appellent. Les bandages sont là pour masquer les tâches violettes qui se forment sur son corps lorsqu'il en fait, et elles deviennent de plus en plus fréquentes depuis son adolescence. Il est beau, sous ses kilomètres de bandages. En marge de votre profession de ninja, il est dit que vous avez pour loisir la menuiserie, est-ce vrai? -Oui. -Vous avez participé à la charpente de plusieurs maisons au sein du village de burakumin non? -En effet. -Pourriez-vous nous parler de l'imperméabilisant utilisé pour la charpente des toits? -De façon très générale de la poix. -Pourriez-vous nous parler de ce produit? -Eh bien, il est assez dense et visqueux, il est aussi très inflammable. Les gens l'utilisent parce que ça ne coûte pas bien cher. Plus de murmures.
Assez pour que le chef se sente obligé de rappeler à l'ordre la salle.
-Donc, un éclair pourrait avoir bouté le feu aux maisons du village? -C'est hélas, très fréquent. -Ce sera tout, je vous remercie. -Vous êtes une salope et une garce! Rugit un type dans l'assistance. Vous essayez de le faire passer pour un sain et nous des crétins qui ne savons pas ce que nous avons vu il y a des années. Il était là! L'hurluberlu se fait gentiment rasseoir par l'un des gardes alors qu'il essayait d'avancer, Vindic est un type très persuasif.
A vrai dire, je crois que tout est dit hélas. J'appelle quelques autres victimes pour tenter de faire mentir l'oratrice, mais le doute est déjà instillé dans les jurys. Soudain, Tetsuo prend la parole.
-Puisque tout le monde a dû ce qu'il voulait dire, je vais appeler l'accuser à la barre. Kaguya Kurusu, levez-vous. -Je ne suis plus un Kaguya depuis longtemps votre honneur. -Peut-être, mais jusqu'à preuve du contraire, il faut bien vous appeler par votre nom et prénom. Kurusu, ressentez-vous de la culpabilité pour ce que vous avez fait? Pour les incendies et les meurtres, si évidemment vous les avez commis. -Je croyais qu'avoir clamé non coupable aurait suffit. -Si vous aviez clamé coupable, vous auriez été de facto accusé de tout ces crimes et auriez été pendu. Mais vous avez clamé non coupable, d'où le jugement qui se tient aujourd'hui. Mais vous avez raison, je vais reformuler ; dans l'hypothèse où vous auriez commis ces incendies et ces meurtres, auriez-vous des remords, des regrets, ou une quelconque forme de culpabilité?
Silence de mort dans la salle, je ne sais même pas si c'est Tetsuo qui utilise ses pouvoirs pour que tout le monde la boucle ou si la question a par sa simple apparition figé tout le monde. Kurusu répond un peu las.
-C'est le clan Kaguya, on a des tâches à accomplir et le clan n'est pas connu pour sa clémence où son acceptation de l'échec. A supposer qu'on m'ordonne une mission, ça aurait été leur vie où la mienne. Je n'apprécie pas particulièrement les meurtres d'enfants. -Serait-ce de la culpabilité? Haussement d'épaule de l'intéressé. -Je ne sais pas, si on en éprouve on tient pas longtemps. Je suis soulagé d'être en vie aujourd'hui, compte tenu de la violence du clan, c'est pour ça que je l'ai quitté après tout. Est-ce que je regrette ce dont on m'accuse? Il hausse les épaules. C'était pas très très propre, mais bon, votre honneur, vous savez ce que c'est puisque vous même vous êtes ninja ; quand il y a des témoins, c'est très délicat pour tout le monde. -J'imagine que si témoins il y avait, mission il y avait. Il a un rictus, il en a trop dit. Je me permets de lever la main. -Ces meurtres, auraient-ils été exécutés dans le cadre d'une mission ou durant une errance sans but? Il me regarde, un peu gêné. -Sauf votre respect votre honneur, je souhaite ne pas répondre. -Ce qui est très compréhensible puisqu'il s'agit de détails liés au clan Kaguya lui seul, pour ne pas aggraver votre devenir lorsque l'on vous restituera au clan, s'il s'avère que vous êtes lavé de tout soupçons, cette question ne sera pas abordée sans votre accord. Continuons...
Le reste n'est que palabres inutiles.
***
Le souper est relativement discret ce soir ; du riz, du poisson, quelques légumes pour agrémenter le tout et la plupart des claniques et gens importants qui ont fait le déplacement sont logés gracieusement par la maîtresse de la cité. Avec moi Shun, Nakai, ma cousine Nobushi et ma soeur Kanade.
-Certains sont plus dispensables que d'autres. L'annonce glace le sang de Nakai, et de Nobushi qui elle, en a déjà fait les frais. -C'est lamentable, mais c'est la politique qui veut ça. Mon chéri commence à se lancer dans une tirade dont lui seul a le secret. C'est quelque chose qui peut arriver à n'importe lequel d'entre nous ici, par exemple Shun d'Uzushio. Imaginons qu'il y ait une guerre secrète entre Konoha et Uzushio, qu'il soit obligé d'éliminer un konohajin, qu'est-ce qui nous dit qu'il ne risque pas d'être vendu par Uzushio quelques années plus tard pour qu'il soit jugé à Konoha? Pour apaiser les tensions et avoir un bouc émissaire? C'est exactement ce qui arrive à ce type ; si ça se trouve il était en mission et après il a lâché le clan, alors les Kaguya ne râlent pas et ne disent quasiment rien à son sujet si ce n'est qu'ils veulent récupérer son corps après le procès parce que ça permet de divertir l'attention sur lui. -Tu insinues qu'il serait coupable, mais qu'il serait juste un exécutant? Mon chéri hoche la tête, puis profite de la proximité pour me voler un baiser. -Nous sommes tous dispensables d'une certaine manière, et nous pourrions tous êtres jugés à sa place, une mission de rang B c'est quasiment toujours le carnage assuré. Combien de gens viendraient en parties civiles à nos procès? Nobushi prend la parole en premier. -Moi? Quelques uns, s'ils arrivent à identifier les corps après mon bakuton. -Ma soeur, tu me connais aussi bien que moi, si on me juge, mon seul espoir est que tu fasses irruption avec un commando pour me sauver. -Si on me jugeait, j'aurais sans doutes autant de gens pour témoigner en ma faveur qu'en ma défaveur. -Si on me jugeait? Je me permets une petite pointe du cynisme. Qui me jugerait? Les orphelins que j'ai fabriqué avec mes hommes durant les batailles? Ou alors les orphelins que j'ai fabriqué parce que des hommes m'ont suivi en espérant s'attirer la gloire et la richesse pour au final crever la gueule ouverte dans le fossé? C'est à Shun de boucler la question. Et toi? Si on te jugeait pour tout ce que tu as fais en tant que ninja, combien se bousculeraient pour les torts que tu as causé?
Mon cœur était enhardi d'une peine incommensurable. La nuit avait été compliquée et l'éclat de la Lune n'avait pas forcément été d'une grande aide afin de dormir. Je me sentais tiraillé dans mon lit, mon corps n'arrêtait pas de tourner dans tous les sens, mes cheveux s'étalaient le long de mon corps. Dans la chambre à côté, il y avait mes deux compagnons, j'avais envie de leur parler, mais rien ne sortait. Je ne pouvais pas parler de mes sentiments, je n'y arrivais pas. Je n'arrivais pas à parler à ces personnes qui devaient avoir les mêmes souffrances que moi-même. La seule personne avec qui je trouvais moyen de parler, c'était Benkei, c'était sûrement la chose la plus étrange, car je la connaissais moins mais peut-être qu'il était simplement plus aisé de pouvoir parler avec une personne étrangère à ma vie passé. Je n'étais plus le même, j'avais avancé, j'avais grandi ma psyché s'était développé afin de devenir plus mature, plus responsable, moins arrogant. Cependant, dans cette histoire j'avais l'impression de perdre pied, mes yeux se perdirent dans le reflet lunaire, mon esprit divaguait à chaque fois que je fermais les yeux, le visage de ce Kaguya n'arrêtait pas de me revenir en mémoire. Puis, je voyais constamment le visage de ceux qui avaient péri dans l'incendie, je ne pleurais plus, mais cette rage constante persévérait dans mon esprit. Mon regard, n'était plus triste, il était furieux. La nuit fut brève et courte, les pensées furibondes et vagabondes, mais le fantôme de mon passé allait être mon ardeur du lendemain.
Le deuxième jour du tribunal, la deuxième journée du procès. Tout allait changer, enfin, je l'espérais. Je faisais étrangement confiance à cette femme pour réussir à trouver un moyen que les péchés de cet abominable être puisse être expié. Le procès allait commencer, je me retrouvais à côté de mes deux comparses. Shitomi posait ma main sur mes joues et me regardait d'un air doux :
« - Tu n'as pas dormi, n'est-ce pas ? - En effet, mais tu n'as pas l'air très bien non plus. - C'est plus dure que je le pensais. »
Même le troisième larron qui d'habitude était plutôt froid et joyeux me paraissait étrangement triste et silencieux. Il était semblable à un loup triste qui dormait dans son coin attendant le bon moment pour surgir sur sa proie.
Le plaidoyer de la kunoichi était partie le juge avait lancé les hostilités et son monologue avait commencé sur le statut de shinobi. Certains avaient disparu comme les enfants de mon orphelinat, certains étaient carbonisés, je ne savais même pas lequel je plaignais le plus. Quelle personne était le plus à plaindre. Les morts ou les perdus. Mon regard avait perdu cette lueur de rage, elle était plus fade, plus consternée. Au rythme du procès, mon regard perdait toute lueur d'espoir, je devenais de plus en plus froid. Les victimes parlaient, l'avocate du diable, c'était la meilleure façon de la définir, un être qui jouait avec le feu de l'enfer était quelque chose qui rappelait le diable. Elle accusait carrément le Dieu Raijin. Benkei se défendait bien et utilisait des us et coutumes précis lorsqu'il était question d'un procès, un langage, un dialecte qui m'était inconnu, mais il semblait que le débat se retrouvât dans un certain équilibre parfait. La balance de la justice ne flanchait pas, elle ne pouvait décider quel côté était dans le juste.
Un homme, une des personnes s'énervait contre l'avocate, car il trouvait qu'elle allait trop loin, mais finalement, il fut vite calmé. Il avait raison, l'avocate allait trop loin, mais en même temps elle gagnait par cette intervention, elle gagnait en poids. Je me sentais con, d'avoir tenté d'induire des choses hier. Puis, le juge se remit à parler et cette fois-ci, elle interrogeait le présumé coupable. Il s'expliquait par des potentielles missions ou bien même de son affiliation à son clan. Comme si le fait d'appartenir à un clan permettait de trouver une excuse à des meurtres, d'accord, la vie de ninja pouvait amener ce genre de choses, mais je ne pouvais guère comprendre comment détruire mon orphelinat pouvait être une mission. Benkei avait fini de l’interroger, je me levais à mon tour, mais cette fois-ci je donnais un simple désolé du regard au juge. Ma voix se mit à résonner pacifiquement :
« - Votre honneur, j'aimerais juste demander une chose au présumé coupable. »
Il m'adressait d'un signe de la tête de poser ma question :
« - Je suis le descendant d'un ancien orphelinat à côté d'Uzushiogakure. J'aimerais savoir très cher homme, quel genre de mission pouvait engendrer un massacre d'un orphelinat qui n'avait aucun appui politique ou militaire ? Est-ce qu'il me manquerait une information ? »
Le Kaguya comprenait d'un coup de quel orphelinat, je parlais son regard devint démoniaque et satisfait. Il comprenait de quoi je parlais et d'un mot, il répondit :
« - Je ne peux guère te répondre. »
Ma frustration fut totale, le fait d'appartenir à ce clan permettait à cet homme d'éviter de répondre à ma question. Je retournais m'asseoir, l'air abattu.
Le souper du soir était différent, l'ambiance était morose. Chaque participant du repas était étrange et je ne me sentais pas forcément à ma place. Surtout que je n'aimais pas forcément être en contact de gens que je ne connaissais pas forcément et surtout que le sujet du repas se concentrait sur le procès de la journée et de trouver des excuses au présumé coupable. J'écoutais les visions de chacun, je restais coi. Chacun avait un point de vue particulier, qui avait tué des gens ? Qui serait coupable finalement ? Uzushio, se servait-il de moi comme une marionnette ? La question de Benkei résonnait en moi et je le regardais d'un aplomb étrange :
« - Benkei, au risque de te décevoir. Mes mains sont tâchées pour le moment que du sang de crabe géant. Je n'ai jamais tué quelqu'un, j'ai toujours évité de tuer pour rien. J'ai toujours mis hors d'état un adversaire, mais jamais plus. Suis-je faible selon vous ? Suis-je le seul à juger les ignominies de cet homme ? Et si un jour, je devrai tuer quelqu'un, j'accepterai le jugement qu'on m'imposera pour le meurtre de quelqu'un. »
Mon regard était dur et froid, car j'étais persuadé de ce que je disais.
-Zen Shun, je ne suis pas une Uchiha, je ne vais pas te traiter de faible parce que tu n'as jamais assassiné quelqu'un, quelque part c'est très bien que tu n'ais pas encore tuer à ton âge. Même si j'ignore combien de printemps tu as pu voir. Ils ont tous cette tendance à s'énerver dès qu'on pose ce genre de question. Même si, à la décharge Shun, c'est normal qu'il monte sur ses grands chevaux vu qui est cet homme pour lui, pour moi?
J'aimerais bien me vautrer dans un grand discours hypocrite, en disant que je suis une femme qui ne juge pas et qui ne s'emporte jamais. Mais la vérité est que je serais bien pire que Shun dans ma colère si j'étais à sa place, à vrai dire je pense que j'aurais déjà tenté de l'assassiner, le Kaguya, pour ce qu'il a fait. Mais ça ne transparaît pas ici, parce que en monstre d'hypocrisie qu'une intendante comme moi peut être, ce n'est pas le sang de mon clan qui a coulé, c'est du sang loin de chez moi, ce sont des vies étrangères qui ont disparues, à partir de la, est-ce vraiment difficile de ne pas se sentir révolté par les horreurs qu'il a commis? Pire encore, ai-je personnellement fait déjà pire que lui? J'ai bien vengé la famille de l'homme qui compte le plus à mes yeux, pour simplement lui prouver que je l'aime, alors décimer des innocents pour... La mission, les intérêts politiques du clan Kisho, est-ce que j'en serais capable? Probablement. Tout est tabou jusqu'à ce qu'on l'ait fait, vu ce que j'ai pu faire, j'imagine que je n'ai plus grande limite si ce n'est peut-être l'inimaginable? Je me rends tout juste compte du blanc gênant autour du repas. Heureusement, ma sœur se décide à rattraper le coup.
-Ignominie ou pas, ce procès est l'occasion de démêler le vrai du faux, de savoir qui pourra être confirmé comme la victime de ce tueur et qui sera encore sa présumée victime. Ça peut sembler bureaucratique et administratif au possible, mais pour l'instant il est à peu près accusé de tout les maux du Sekai, d'Uzushio jusqu'ici. En particulier d'ici vu qu'il a été choppé par un ninja indépendant de l'Enclave, mais passons, qu'est-ce qui te dit qu'il a vraiment fait tout ce que les paysans lui ont mis sur le dos? S'il s'était déclaré coupable, tout aurait été beaucoup plus vite et surtout, il aurait eu de meilleures chances d'avoir une fin digne ; en passant à table et en avouant tout ce qu'il sait sur les Kaguya et ses méfaits ainsi que les leurs, qui sait, il aurait peut-être été exécuté à huis clos ou même juste rendu à son clan d'origine. -Tu parles beaucoup Kanade. -Il est du devoir d'une conseillère que d'assister sa générale, même si la générale se borne à se croire la plus intelligente, l'avis d'une idiote vaut toujours plus que pas d'avis du tout. Et maintenant je vais passer pour une petite despote. Pour ma part, je préfère que la justice soit faite et que tout soit passé au peigne fin que pas de justice du tout et un mort arbitraire. Qui te dit que parmi tout les gens qu'il aurait assassiné, il n'y aurait pas un deuxième tueur qui a profité du chaos? -C'est peut-être vrai, mais n'oublions pas que c'est son procès, nous sommes ici pour déterminer s'il est coupable des crimes dont il est accusé et le cas échéant, quel sanction mérite-t-il. A la fin, nous déterminerons si des vieilles enquêtes doivent êtres menées, si des criminels ont tenté de faire porter le chapeau à un autre. Un procès n'est pas seulement l'occasion de s'auto congratuler, c'est aussi le moment de s'assurer que tout a pu être prouvé et confirmé, que le père est bien le père et la mère est bien la mère. -En parlant de ça, où est notre oratrice à la défense?
Elle?
-J'imagine qu'elle doit se terrer dans sa chambre d'auberge. Je ne serais pas sereine à sa place, même si j'avais mes pouvoirs. C'est un rôle impopulaire qu'elle assume. -Justement Benkei, en parlant de ça. Vindic apparaît derrière moi après un Shunshin parfait exécuté et s'agenouille, l'attention se reporte sur lui. Je prépare un cristal avant de comprendre son arrivée. On a un problème avec la meuf. Venez vite.
J'abandonne mon repas et me prépare au pire, quand Vindic vient m'interrompre c'est toujours important. Il est trop pudique et trop psychotique, mais aussi trop sensible au respect de sa vie privée pour faire irruption dans celle des autres, surtout de la mienne vu que je ne dis rien sur ses horaires décalés par rapport aux autres du clan. Shun et moi le suivons, Hisao traîne un peu derrière le temps de régler les petits détails, Nobushi et Kanade restent sur place. C'est là que je déteste Hurlecendres, la citadelle est noire de monde même à la nuit tombée et si la plupart des badauds s'écartent en voyant trois ninjas passer en vitesse, il y a toujours des fumeurs d'opium à même le sol et des mendiants. Evidemment quand on arrive à l'auberge où elle séjournait, le pire nous attend. L'oratrice, en train de barbotée dans son sang, sauvagement massacrée aux outils agricoles si je me fie à sa carcasse sans vie.
-Justice? Suis-je en train de me questionner ?
Honnêtement, je ne pense pas qu'elle méritait cela, mais ça en dit long sur l'acharnement de certains dans cette affaire.
-Je crois que certains sont plus radicaux que toi Shun.
Elle parlait des Uchihua, je ne comprenais pas réellement pourquoi elle disait cela. Je n'étais pas plus énervé que ça, j'étais juste déterminé. Je lui répondais simplement un petit : « - 25 printemps, j'ai eu 25 printemps. » J'étais froid, mais en même temps, je comprenais ce que me disait la demoiselle qui était l'avocat des victimes. Je m’arrêtais et le silence s'imposait dans le lieu, soudain une des filles de la table se mit à parler. Ma main se porta au niveau de mes yeux, ma vision se noircissait. Je ne comprenais rien, j'étais simplement perdu. Mes cheveux encadraient, le long de mon visage, mes mains cachaient mes yeux. Mon visage se sentait embourbé, mes yeux pleuraient sans même que je ne m'en rende compte. arrête de pleurer putain, arrête de pleurer. Fichu passé, fichu présent, fiche futur. Que quelqu'un arrête le temps, que le temps se stoppe. Je veux que le monde s'arrête un instant. Je veux que le monde arrête de se battre, que le sang arrête de couler. Je ne veux plus être un instrument de souffrance, je ne souhaite plus que mon cœur pleure. Le rouge vif du sang ne doit plus peindre aucun autre tableau.
Je relevai mon visage doucement, mes mains s'enlevaient légèrement, lentement et mes yeux brillaient d'une lueur théâtrale. Je regardais la scène qui avait lieu devant moi, un instant, j'avais oublié les propos des personnes autour de moi. Un instant, j'avais simplement oublié d'exister. Je m'étais arrêté de vivre, mais il fallait que j'avance. La réalité qui m'avait de nouveau frappé de pleine face. L'homme qui s'était approché de Benkei me rappelait l'homme qui avait arrêter l'une des victime vindicative, cet homme l'avait arrêter d'une manière si simple. Cet homme avait une musculature très forte et il était charismatique, même s'il semblait se délecter de l'ombre. Il disait qu'il y avait un problème en rapport avec l'avocate de l'accusée, mon corps se levait dans un spasme incontrôlé. Je suivais ma camarade dans la citadelle. Devant moi, se trouvait une foule, mon corps par réflexe devant cette foule fit un pas de recul. J'avais peur, j'étais terrifiée de ce qui allait se montrer à mes yeux. Ma main, se plaçait devant ma bouche, mon corps se plongeait dans un sanglot violent, tout ce sang. Mon corps se recroquevillait sur lui, j'avais détesté cette femme qui avait simplement joué le rôle qu'on lui avait confié. Mon âme hurlait de douleur, encore du Sang toujours plus de Sang. Le corps de cette femme qui baignait dans une immense flaque de sang, mon cœur battait de plus en plus fort. Si c'était ça la justice, si c'était ça le côté radical des choses, je hurlais d'une force immonde, un cri d'effroi d'un homme qui devenait de plus en plus fou.
Je me relevais le regard inerte, mon corps se mouvait vers la demoiselle qui était morte, les larmes coulaient de plus en plus. Je regardais Benkei et mon sourire se dessinait d'une manière démoniaque :
« -Benkei, je veux qu'on condamne les meurtriers de cette femme, la justice ce n'est pas ça. Ceci est de l'art, l'art d'un tableau éphémère. Ce rouge vif, ce liquide visqueux. Je veux une véritable justice, je veux un véritable jugement et une véritable mort pour cet homme, mais je ne veux pas me transformer en un monstre de cette ampleur. »
J'attrapais un pinceau et me mis à dessiner avec le sang cette scène. Je me demandais ce que cette femme avait pu ressentir en mourant. Son visage était triste, mais froid également. Je ne comprenais pas, elle était simplement l'instrument d'une défense. Elle ne méritait pas de mourir :
« - Promet-moi Benkei qu'on va découvrir qui a tué cette femme. Elle ne méritait pas de mourir. »
Mon regard s'était endurci, je ne pleurai plus. La scène s'accoutumait à ma vision, je donnais ma feuille à la jeune femme :
« - J'ai tout reproduit si ça peut aider à trouver le coupable. »
J'ai promis. J'ai promis de retrouver des coupables.
-Benkei? J'ai promis que justice soit faite, et justice sera faite.
J'ai envoyé des gens enquêter sur ce meurtre, trouver le coupable sera aisé sans doutes ; les crimes passionnels ne sont pas du genre discrets, on retrouve toujours des traces, des indices, des petites choses qui n'échappent à l’œil expert d'un ninja. Nous sommes des gens de l'ombre, même si nous certains préfèrent se battre en pleine lumière nous restons des assassins rompus à des arts obscurs, les gens nous craignent à très juste titre.
-Madame la procurer! Tonne le chef. -Je suis la. -Votre réquisitoire contre les rapts d'enfants. -Mh.
Je me lève, l'accusé et son nouveau défenseur me regardent un peu sceptiques ; j'ai honnêtement du mal à croire qu'il ait pu être esclavagiste à ses heures perdues. Les preuves sont quasiment intangibles sur ce crime ; ça aurait pu être n'importe qui, les paysans l'ont accusé de ça pour enfoncer le clou, pour justifier les disparitions mais... Les disparitions, c'est fréquent ; entre ceux qui se cassent sans rien dire pour vivre ailleurs, ceux qui fuient leurs problèmes, les gens qui meurent et dont on ne retrouve jamais le corps et ceux qui ont réellement été happés par d'autres... Je ne suis pas vraiment fière de ce que je vais faire aujourd'hui, mais il faut que justice soit faite, parfois ça veut dire orienter les jurés où le public.
-Après mon petit discours, si cela convient à votre honneur, je solliciterai un témoignage. Tetsuo hoche la tête royalement. L'esclavagisme, c'est quand les jeunes et les forts sont trompés par les vieillards et les amers pour faire des choses qu'ils détestent, pour qu'ils aillent contre leur conscience dans l'espoir d'un jour avoir une vie meilleure. C'est embrigader de force des gens dans des projets auxquels ils n'auraient jamais pris part si on leur avait laissé le choix. Si le meurtre est la fin prématurée d'une vie, l'esclavagisme est le travestissement de force de celle-ci à des fins lamentables. Parmi tout les gens qui ont été victime de cette homme, je ne plains pas ceux qui sont morts, parce que leurs souffrances se sont arrêtées, je pleure celles dont le calvaire ne s'est pas encore interrompu, parce qu'on ne sait pas où elles sont ni ce qu'elles sont devenues. Je demande la potence pour un tel crime. -Fort sympathique, qui souhaitez-vous appeler? -Shizuka, Yashimoto Shizuka.
Personne ne se lève. Evidemment, j'appelle une sourde à la barre, pourquoi pas demander à un aveugle de répondre à un signe de main tant qu'on y est. L'un des gardes va chercher dans le public Shizuka avant de lui tapoter l'épaule pour lui faire signe de me rejoindre. La petite blonde se pose à côté du juge qui lui communiquera par écrit mes questions, et lira à voix haute ses réponses.
-Peux tu nous montrer ton cou? Au bout de quelques instants, Shizuka s'exécute pour révéler un sceau de mutisme sur sa gorge. A quel âge te l'a-t-on imposé? Trois ans. Regardez-tous, c'est ça l'esclavage, ce ne pas seulement servir le thé où travailler dans une rizière jusqu'à être trop vieux pour planter du riz, c'est se faire arracher la langue ou réduit à l'aphonie par du fuinjustsu, même les sourds y ont le droit. Parce que les victimes de telles pratiques sont réduites au silence, la plupart des gens préfèrent les oublier que de se battre pour leur destin, pour leur droit à choisir leur vie, à l'exception de quelques familles ici, personne ne préfère parler des esclaves de l'autre côté du fleuve, à l'Empire. Où même plus proche de chez nous, parce qu'il y a assez de problèmes comme ça pour vouloir se préoccuper d'une poignées de gens que nous ne connaissons pas et qu'ils n'ont pas le droit de dire non. Mais quelle valeur a un oui quand on a pas le droit de dire non? Tetsuo se racle la gorge. -Il est fort courtois de votre part de rappeler ce qu'est l'esclavage, mais inutile de verser dans le pathos tragique. Si vous n'avez plus de témoins à appeler, je suggère que vous et Shizuka alliez vous rasseoir.
Le rouge me monte au joue, je retourne à ma place. La défense sollicite la parole, on lui accorde. Au centre, ce n'est plus oratrice, ou un orateur, c'est un ninja. C'est un Hoshigaki qui va défendre un Kaguya, le pirate des mers qui va défendre le voleur de grand chemin, ironique ? Peut-être, mais j'attends de voir ce qu'il va dire.
-Je suis Hada Hoshigaki, mais tout le monde m'appelle triple H ou Hada, votre honneur je vous laisse le choix de l’appellation. -Pirate? Sourire bienveillant et un peu taquin du vieux. -Seulement si je peux vous appeler porte-sabre. Quelques gloussements dans l'assemblée. -Nous en resterons à votre honneur et Hada si cela vous va. -Parfaitement. Le semi-requin jauge un peu l'assemblée du regard. Je défends Kurusu parce que c'est un ami de longue date et que je suis un ninja, donc je ne risque pas de me faire attaquer en toute impunité. Il a un sourire. Moi aussi j'ai une témoins à appeler, l'une de ces soi-disant victime de rapt, elle s'appelle Kiri midori.
Hein? Ce n'était pas prévu ça, tout le monde tourne la tête vers la porte. Puis rien.
-Ah! Mademoiselle Midori n'existe pas, elle n'a jamais existé, pourtant tout les jurés et même le juge et l'inculpation ont tourné la tête. Si ce n'est pas un manque de conviction ça, les gens connaissent tellement bien l'affaire qu'ils réagissent à des fantômes. -Votre ami n'a pas tourné la tête lui par contre. -Peut-être, mais vous, vous vous êtes dévissée la nuque pour chercher quelqu'un qui n'existe pas. Il fait quelques pas au centre de la salle. Kurusu est peut-être un assassin, mais même les Kaguya ont une éthique, quel clan ici se livrerait à du trafic d'être humain? Le sekai est composé de gens détestables, d'ordures, mais d'enflures honnêtes. De toute façon qui aurait besoin d'esclaves ici? Ce n'est pas un commerce très développé hors de l'Empire, vous voyez mon client faire du porte à porte avec des gens attachés derrière lui à demander aux gens s'ils veulent une ménagère ou un jardinier? Les éclats de rire dans l'assemblée ne présagent rien de bon. L'Hoshigaki fait la grimace. On est entre paysans et ninjas, on aime pas l'Empire, est-ce qu'on va vraiment vendre des choses à des gens qui veulent juste nous foutre les pieds dans une rizière froide à se faire engueuler par des samouraïs? Vous iriez rendre service à votre pire ennemi? Moi non, je pense que Kurusu, même s'il est attardé, a assez les pieds sur terre pour ne pas faire la seule chose tabou parmi les ninjas. Petit silence, les murmures parcourent la salle. Enfin, quand on est pas un Omura évidemment. -C'est qui les Omura? Se risque un spectateur.
Le Hoshigaki se penche un peu en avant en souriant comme beaucoup d'autres parmi nous.
-Oh le con, il sait pas ce que c'est un Omura. Il est bête. Surjoue-t-il, au grand dam du type qui renfonce la tête dans les épaules sous l'hilarité d'une paire. En vérité c'est normal de ne pas connaître le nom d'un clan situé à des lieux d'ici. Je connais pas le nom du clan voisin à l'île de mon clan après tout, je vais pas vous reprocher de pas savoir c'est quoi un Omura. Pour vous donner une idée, les Omura sont les ninjas d'Uzushio qui ont découvert qu'en y mettant assez d'énergie et en y croyant assez fort, on pouvait greffer un membre animal à un humain. J'imagine que se déguiser en chien c'était pas assez pour certains de ces hurluberlus. Eux y ont besoin d'esclaves, parce que même s'ils font pas exprès de tuer les gens qui viennent les voir, ils arriveraient à faire rougir les Kaguya où les Kaigans en matière de sang versé. Le pirate redevient sérieux. Je ne peux pas vous dire si Kurusu a réellement tuer tout ses gens où s'il a fait tout ce dont on l'accuse, mais je peux vous certifier que ce n'est pas le genre de personne à kidnapper des enfants. Il y a une différence entre être une terreur et être un monstre, tuer un enfant qui vous a vu en mission, c'est ne reculer devant rien pour la mission. Kidnapper des enfants pour les vendre, c'est faire le mal pour faire la mal, c'est quelque chose qui doit dégoûter chacun d'entre nous ici. Je vous remercie votre honneur.
***
-Hey, on a choppé notre tueur de femme, on en fait quoi? Je frappe gentiment dans le dos de Shun pour l'inviter à faire un pas en avant alors que je fais le contraire et prends du recul.
Les deux Kishos qui me font face, tout vêtus de noir et le visage drapé dans de la soie obscure, la fine bande de chair dévoilant les yeux repeinte avec du camouflage pour l'occasion tiennent notre assassin chacun par un bras. Il est sévèrement amoché, mais je le reconnais ; le père de famille qui s'était levé pour objecter et traiter de salope l'oratrice. C'est lui qui l'a assassiné alors? C'était tellement prévisible, mais en même temps impensable. Dans cette petite ruelle un peu à l'écart de tout, les gens disparaissent vite. Surtout ceux qui ne sont pas roués au ninjutsu.
-Je ne m'attendais pas à ça lorsque j'ai proposé cette petite marche nocturne mais... Un avis quelconque? Tu semblais si sûr de toi quand tu prenais la parole au tribunal, toujours certains de la chose à faire maintenant? Je n'attends pas sa réponse pour distribuer les ordres. Foutez le au trou, on laissera la justice de la citadelle s'occuper de ce meurtre.
La fin de journée avait été éprouvante, la nuit avait encore été mouvementée. Je ne pouvais m'empêcher de revoir le visage de cette femme, la scène repassait sans cesse dans ma tête comme un fantôme qui me rappelait que je n'avais pas rêvé. Étrangement, j'aurais sûrement préféré rêver de cet instant, cette pauvre femme n'avait rien demandé, c'était injuste qu'elle soit morte parce qu'elle avait simplement fait ce que son boulot lui demandait de faire. Nous étions ninjas et on faisait simplement ce que notre travail nous quémandait de faire, mais pour un simple individu, il était parfois difficile de comprendre cet ensemble qu'était la vie de Shinobi. Les cernes commençaient à apparaître de plus en plus présentes sous mes yeux, une allure de tête de panda qui devenait un masque qui me paraissait de plus en plus commun. Mon sommeil était tellement difficile que j'avais abandonné de dormir cette nuit, je m'étais recouvert du drap et m'étais posé sur le rebord de la fenêtre afin de regarder la lune. Des larmes s'étaient mis à coulés le long de mes joues, je ne savais pas pourquoi je pleurais, mais ces larmes étaient rouges, des larmes rouge de sang. La surprise de ce sang n'était pas forcément si étonnante, car le sommeil qui me manquait le fait que je pleurai sans cesse comme une femmelette, ma psyché totalement détruite par cet ensemble.
La troisième journée du procès allait commencer. Elle allait être de nouveau très éprouvante, je ne ressemblais plus qu'à un simple zombie qui manquait de sommeil. Mes deux comparses étaient là à prendre soin de moi, mais je n'arrivais même plus à distinguer leurs réelles formes, ma vue s'était troublé à cause d'avoir pleuré du sang sûrement, mais également mon corps réclamait de dormir. Le réquisitoire d'aujourd'hui était puissant, mais j'avais dû mal à comprendre l'ensemble de tout ce qui était dis, mon cerveau était au ralenti. Une femme s'était levée, une femme qui était sourde et qui avait un sceau sur la nuque l'empêchant de parler. C'était le problème de l'esclavagisme. Mon visage se tordait de douleur et si les enfants qui avaient été dans l'orphelinat avaient terminé comme ça. Mon visage peignait une rage profonde, mon regard devenait sanguinaire et sombre. NON, NON... Cela ne pouvait pas être le cas, cela ne pouvait pas terminer comme ça. COMMENT LA NATURE HUMAINE pouvait faire ça ? Comment on pouvait faire d'enfants des petits esclaves ? BORDEL BORDEL, je suis si impuissant. Comment je peux aider les orphelins à affronter ce monde tellement horrible ? Je suis faible... Je ne veux plus être faible. Soudain, le terme Omura me rappelait à la réalité. Le nouvel avocat utilisait le fait que les Omura kidnappaient des enfants pour les vendre, mon regard devient sombre et violent. Je me levais d'un bond :
« - Souhaitez-vous déclarez la guerre à Uzu en proliférant de telles accusations sur un clan. Avez-vous des preuves de ce que vous dites ? »
Pourquoi j'avais réagi aussi férocement, j'avais simplement pensé à Hatsumomo, elle n'était pas comme ça. Mes mains tremblaient, je voulais crier ma rage, je voulais qu'on arrête de trouver des excuses à des crimes qui ne devraient même pas être humain. Cette femme devrait pouvoir parler, cette femme n'aurait jamais dû ressentir cette souffrance, c'était injuste. La vie était injuste, mais pourquoi l'être humain pouvait être aussi abject ?
La journée n'était ne semblerait pas terminée, quelqu'un avait attrapé le meurtrier de l'avocate. C'était celui dont une des premières journées s'était levée et avait été arrêter par Vindic. Benkei me fit un geste qui m'avançait vers le coupable, mon regard incrédule se posait dans le regard de cet homme. Que devrions-nous faire ? Il était avant tout une victime de la société, il avait simplement eu peur que la justice ne soit pas au rendez-vous. Je pouvais comprendre cette urgence, mais je ne pouvais tolérer le meurtre d'une personne pour cela. Le trou, Benkei avait choisi le trou. Mon cœur se mit à crier tout comme ma voix :
« - ATTEND ! »
Mon regard se portait dans les yeux de cet homme :
« - Pourquoi ? Elle n'était qu'une simple victime, victime de la société dont elle n'était qu'un instrument. Elle faisait simplement ce que le monde lui dictait. Pourquoi avoir fait ce que tu reprochais à ce Kaguya ? Pourquoi tu es devenu un criminel, c'est tellement dommage. »
Je ne pouvais pas comprendre, je n'arrivais pas à comprendre :
« - Répond-moi. Explique moi. Je t'en conjure, explique toi. J'ai perdu des êtres également, mais je ne peux vouloir tuer un avocat. »
Le trou était difficile, mais sûrement qu'il était nécessaire qu'il y parte. Je regardais mes mains, mes ongles avaient pénétré dans la chair de ma paume, car j'avais serré tellement fort celle-ci pour soulager ma hargne et ma colère.
Pas de pitié pour Shun, pas de la part du Hoshigaki.
-Molo gamin. Je n'ai jamais accusé les Omura d'être des esclavagistes, j'ai juste dit qu'ils étaient pas doués pour garder en vie leurs sujets d'expérience. Quant aux preuves, c'est de notoriété publique, c'est juste qu'on en parle pas, c'est comme ma sœur, elle est là mais on en parle pas parce que ça évite les bastons. Rire gras. De toute façon, je dis ce que je veux je suis un Hoshigaki, c'est pas comme si tout le monde nous détestait dans le sekai.
***
-Celui qui consent à défendre l'indéfendable devrait crever, c'est le genre de salope qui défendra les samouraïs de l'Empire lorsqu'ils nous envahiront. Rien à foutre d'être un criminel, ça me rendra pas mes enfants, si ça peut envoyer cet enculé à la potence, ça valait le coup. Crachat sanglant qui atterrit sur ma joue.
Inutile de préciser que je lui écrase la gueule d'un coup de poing. Ce qui ne manque pas de l'assommer sur le coup.
-Je n'ai plus assez de patience pour soutenir un débat, foutez le au trou, exécution. Et l'expression dure et neutre que j'arbore en permanence vole en éclat à la seconde même où ils ont quitté ma vue.
Je me laisse aller à une soirée de faiblesse alors que j'essuie d'un revers de manche ma joue, avec trop d'attention pour laisser prétendre à un certain désintérêt. Je n'aime pas avoir du sang sur moi, je n'aime pas être sale en générale, j'ai l'habitude et j'ai appris à ignorer ça, mais il n'en reste pas moins que la simple vue d'un bain chaud après suffit à me faire frémir d'intérêt. Je renifle et me rend compte que malgré l'obscurité, Shun est vraiment une sale loque avec ses yeux rouges et ses mains entaillées.
-Viens, tu commences à devenir indécent. Même si... J'ai un petit rire nerveux. Être une personne décente durant des temps indécents, c'est une citation qui nous décrit assez bien. Shun me suit un peu mollasson comparé à d'ordinaire mais à sa décharge, moi aussi je suis plus molle que d'habitude. Pourtant on aboutit plus vite que je ne l'aurais penché aux quartiers temporaires du clan. Je suis quand même censée administrer un peu mes troupes, je ne vais pas tout déléguer à mon deuteragoniste favori et amant parfait ; Nakai. Surtout que prendre le thé avec la mairesse ça va deux ou trois jours. Y a des bains, de l'alcool, des kunoichi un peu trop curieuses. Lave toi, fait panser tes blessures et amuse toi un peu. J'ai entendu dire que tu restais avec des gens que tu connaissais et vu ton état ça te réussis pas. J'ouvre la porte des quartiers ; c'est le quartier chaud (et ironiquement le plus froid en température dû à l'absence de forges dans les environs) de la citadelle. Des putes, des maisons de bains, des ninjas et des yakuzas. Je vais aller rejoindre mon chéri, de ton côté décompresse un peu.
C'est ce que je vais faire, grâce à l'intervention providentielle du malade chronique le plus chaud du clan.
La journée se terminait si l'ancienne avocate me paraissait juste, le nouveau était un simple enculé fini et mon langage fleuri était qu'une petite bribe de tout le dégoût que je pouvais ressentir pour cet homme, mais si nous devions garder un seul bon point c'est que cet homme serait plus difficile à tuer que la défunte prédécesseur. Les propos du meurtrier de cette femme qui s'était retrouvé dans un tableau teinté de sang. Le crachat verbal qu'il me lançait au visage, mon poing se teintait d'une folle envie de lui coller dans la figure, mais vu ma puissance de faible, les dégâts ne seront pas à la hauteur de ma rage et de ma frustration. Coup de poing qui bizarrement Benkei avait dû ressentir la même chose que moi lorsque je vis son poing arriver sur la face de cet énergumène et un râle de soulagement sorti de ma bouche. Il tombait dans les pommes suite à ce choc et il finissait au trou.
Le trou était finalement une chose qui semblait plutôt adéquate pour ce personnage. Mon corps était différent avec ses poches sous les yeux et mes mains étaient scarifiées de mille et une peur. L'avocate semblait également très fatiguée, elle m'emmenait dans un endroit que je ne connaissais pas. Un endroit, le palais du vice, le palais des tentations beaucoup de noms pouvaient décrire cet endroit, mais peu de chose pouvaient permettre de réellement définir cet endroit. Mon regard devient crédule puis éteint alors que je fixais la kunoichi :
« - Si tu penses que cela peut me faire du bien. Je vais te faire confiance ! »
J'avais écouté tous les propos et l'allusion aux castors me semblait étrangement bizarre dans ma tête. J'avançais dans ce lieu de bordel. Je regardais tout autour de moi, personne ne semblait sortir du lot mon corps se tripatouillait dans un espace assez restreint et je me dirigeais vers les bains. Mon corps endolori qui fut nu rentrait dans l'eau d'une manière assez directe. Le soulagement de l'eau sur ma peau recouverte d'ecchymoses fut tellement fort que je hurlais presque de plaisir qu'on aurait pu croire à une jouissance rapide. Soudain, un homme puis une femme apparaissaient. Je me demandais ce que je faisais clairement ici, je n'avais même pas la tête à draguer une personne. Les deux personnes s'approchaient de moi, mon regard perdu devait attirer la curiosité. La femme se retrouvait devant moi et sans même que je puisse réagir, elle se jetait sur moi.
Benkei avait raison avec son histoire de castor. Je me sentais étrangement frais et détendu, après ce fou moment, je sortais du bain m'essuyait et je m'habillais rapidement avant d'adresser un simple mouvement de main envers les deux personnes qui étaient déjà occupées à faire autre chose. Je me retrouvais dans ma chambre assez rapidement, cette fois-ci mon corps se posait dans mon lit et pour la première fois depuis longtemps, je m'endormais rapidement. Une nuit de douceur, enfin la douceur était éphémère le doux rêve n'avait été au final qu'un cauchemar dans lequel l'avocat se retrouvait dans une mare de sang devant ma main qui tenait un kunai couvert de sang. Je me réveillais en criant :
Je détaillerai bien les faits de racket, vol, intimidation, mais... Quel intérêt y aurait-il à parler de vent, à brasser du vent? Autant décrire le vide, le silence. Les discours d'ouvertures de mon adversaire, du juge et de moi-même tentent tant bien que mal de masquer le preuve criant de preuve, l'Hoshigaki ne se cache même pas du fait qu'il est difficile de défendre un homme quand on l'accuse de quelque chose sans preuves ni indices, j'essaie d'enfoncer l'accusé en déblatérant sur la violence qu'est le vol et le racket, mais c'est un peu difficile quand précédemment je dépeignais déjà le meurtre et les incendies comme les pires crimes possibles. Même le juge sous entend à demi mot que la journée va être courte et peu intéressante. Puis finalement, au bout du compte, la fin du procès, les jurés qui vont délibérer. Chacun est invité à prendre un thé, à se poser dans un coin en attendant les délibérations qui peuvent prendre un très long moment. Alors, je vais me poser avec le chef et les autres pour discuter un peu des débats, des délibérations, du très probable futur assez sombre de notre victime, Shun nous rejoint assez vite, j'en profite pour faire part de mon opinion.
-Coupable de meurtre et d'incendie à coup sûr. Innocent du reste. Ça lui vaudra toujours la potence, mais pas d'une manière aussi infamante que s'il avait été l'auteur confirmé de toutes ces choses. -Oui, peut-être, mais est-il vraiment coupable? En marge de toute anticipation du jugement des jurés. -Honnêtement, c'est surtout qu'il s'est fait prendre. Il paie l'addition pour tout les ninjas de la région, mais il m'est avis qu'il y a deux ou trois shinobis du coin qui ont dû avoir un soupir de soulagement en voyant que les conneries qu'ils avaient faites ont été probablement reportées sur le dos du Kaguya. Je jette un regard à Shun. Pendaison par chute courte, longue ou longue foirée? Suffocation, coup du lapin ou décapitation?
La dernière journée avait été compliquée, mais étonnamment différente de ce que je pensais, j'avais imaginé cette journée comme une délivrance ou bien l'apothéose d'une histoire qui allait boucler la boucle qu'était ma vie, cependant elle semblait bizarrement éteinte. Peut-être était-ce moi qui était éteint, enfin mort de l'intérieur ou bien encore mon esprit était resté avec la soirée d'ivresse que j'avais pu passer hier soir. L'alcool, le sexe, je n'avais pas vraiment joué à de jeux d'argent, mais on pourrait parier sur la culpabilité de cet inconnu. Nous nous retrouvâmes comme à chaque fois dans un coin en attendant que cette fois-ci le juge délibère sur la situation. Je me retrouvais en compagnie de la famille de Benkei, enfin les amis en tout cas, mes deux camarades de l'orphelinat n'étaient pas forcément des gens très sociables et étaient restés dans leurs coins et bizarrement cette situation nous avait donné envie de prendre un peu de recul sur notre passé commun.
Le débat était sur la culpabilité de cet homme. Ils pensaient qu'il était coupable sûrement des crimes des Kaguya, mais qu'il n'était pas forcément le bourreau ou l'instigateur de ces crimes. Mon corps se révulsa dans un spasme musculaire, mon corps se tendit comme une flèche et ma fougue verbale fut forte :
« - Attendez une minute. Alors d'un côté, vous parlez qu'il n'est peut-être pas coupable, mais qu'il va sûrement être exécuté. En quoi cette justice serait équitable et si ce n'est pas lui qui a détruit mon orphelinat, c'est qui ? Vous voulez me dire qu'après tout ça ma famille défunte ne trouvera pas le repos ? Je veux simplement la justice. »
Mes mains se posaient au niveau de mes tempes et ma tête se mit à me faire mal comme un énorme ultrason. Non, ce n'était pas possible tout ça pour qu'on me dise qu'il n'était pas forcément le coupable. Je me mettais à rire d'une manière folle :
« - Risible, cette situation était d'un comique. Je souhaite qu'il meure pour ce qu'il a commis, mais dont il meurt comme un martyre envers son clan m'énerve fortement. Je veux qu'il souffre, mais que son clan souffre également. Croyez-moi, je ne trouverai la paix que quand le sang de tous les Kaguya coulera le long de mes mains et avec ce sang, je peignerai le tableau de la chute d'un clan barbare et ce sera mon plus grand chef-d’œuvre. Qu'on le pende lentement et qu'il souffre. »
Mon cœur battait la chamade, j'avais ce son strident dans la tête qui tambourinait tellement fortement.
-Il y a TOUJOURS une part d'inconnue. Il est coupable de certaines choses c'est sûr, mais pas de tout. Ce sont des faits qui datent pour certains, vingt ans c'est long et c'est loin, la justice arrive en retard et je confirme que c'est très long. Puis Shun nous fait sa petite crise d'adolescent sombre. Faut arrêter les rires diaboliques, c'est un excellent moyen de se faire tuer ça. Va falloir se contenter de ce qu'on peut avoir Shun, c'est triste pour ta famille c'est sûr, mais abattre le clan Kaguya est une entreprise longue et périlleuse.
J'hésite une demi seconde sur la suite de la phrase, puis finalement je me rends compte que ce n'est qu'une simple proposition. De toute façon si les villages accordaient de l'importance à la moindre menace de mort qu'un villageois proférait à l'encontre d'un ninja, nous aurions finis comme les impériaux ; fous et à oppresser les petites gens. Ce qui en soit n'est pas un mal quand on voit à quel point les gens peuvent êtres idiots, un bon coup de kunaï sous la gorge ou une décapitation au sabre, quelle différence dans le fond? Dans tout les cas, les gens meurent à la fin et les survivants apprennent à tenir leur langue face aux gens de pouvoir. Si les impériaux étaient ouverts au ninjutsu, je me demande si je n'aurais pas déjà entamé les démarches pour rejoindre l'Empire maintenant que j'y pense. Après tout, ils sont biens organisés et puissants.
-Au pire, quand tu seras assez fort, tu iras te venger. Ce jour là, si l'on estime la cause juste et qu'il y a du bénéfice à faire, compte sur nous pour venir à ton aide, mais en attendant, ne te fait pas tuer. Plus important encore, ne deviens pas ce que tu détestes, ça me chagrinerait qu'un jour cette scène se reproduise avec un décalage dans les rôles. Même si c'est lancé avec une certaine légèreté nonchalante, je suis sérieuse.
Puis les minutes passent, deviennent des heures et à la fin des délibérations, le soleil est en train de se coucher. Le chef des jurés vient remettre la décision de ses pairs et lui-même au juge, le petit bout de papier se retrouve entre mes mains assez vite après que Tetsuo ait pu en avoir connaissance, la fin est là. Le résultat me surprend, mais qu'importe, ce n'est pas à moi de remettre en cause la décision des jurés (et surtout, comment ils y sont parvenus) tant qu'elle m'arrange. Les ninjas ont le dernier mot mais ils n'ont pas toujours besoin d'en faire usage pour que les choses tournent en leur faveur, aujourd'hui le confirme, comme tant d'autres jours sans guerres ni affrontement. Je prends une grande inspiration.
Nishijima Kurusu, alias Kaguya Kurusu, le jurés populaire de l'Enclave vous a reconnu coupable de meurtre et incendie, vous avez été acquitté des accusations d'enlèvement d'enfant, recel, intimidation et racket. Cela vous épargne donc la mort par ébouillantage ou tout autre supplice barbare, mais vous rend toujours susceptible du châtiment le plus définitif de la justice ; la potence. Vous serez exécuté demain à l'aube et serez en cellule jusque là. Profitez bien de votre dernier repas.
La foule explose de joie. Moi non. Mon travail n'est pas terminé, il est de coutume dans le clan d'assumer ses choix jusqu'au bout, je souhaitais sa mort, ça va être à moi de le pendre. Mes dernières paroles avant d'aller me préparer à la tâche vont à Shun.
-Je serais du côté des geôles si tu me cherches.
Evidemment, plus tard je le recroise alors que je m'attelle à une tâche éminemment administrative et pratique, mais peu glamour ; les calculs de force pour la pendaison à venir. Histoire d'éviter qu'il ne reste conscient trop longtemps et fasse une exécution sale, il faut lui lester les pieds de plomb, mais si on le rend trop lourd, il y a des risques qu'on lui brise la nuque. Alors, il faut se livrer à quelques calculs pour éviter un accident ; personne ne veut voir une décapitation quand on a monté un échafaud exprès pour un criminel après tout. Shun débarque pile au moment où j'ai terminé mes équations. Je m'apprêtais à quitter le bureau qu'on m'avait prêté pour aller voir le condamné quand il arrive.
-Je ne peux que dénoter une fascination morbide pour toutes ces choses si tu es la. La mort sans haine, ni cris. Loin des fracas du champ de bataille. Quelque part, je préfère encore le champ d'honneur pour voir la mort ; le bourdonnement des combats masque le bruit de la vie qui s'envole pour le nirvana. Ca va être l'heure du dernier repas pour notre convive.
Le temps de se traîner dans les couloirs mal éclairés de la prison, j'essaie un peu de faire la conversation au gamin. Je sais qu'il a depuis longtemps dépassé les vingt ans, mais ça reste plus fort que moi ; j'ai toujours envie de le serrer dans mes bras en lui disant que ça va aller, même si c'est un type qui baise sans doutes plus que moi, se bât et a sa vie bien en ordre. Je le trouve mignon, un peu comme un chaton en fait. J'ai l'impression que sans moi il va se briser.
-Quelque part je dois m'avouer soulagée que la fin de cette histoire commence à devenir discernable, sale temps pour être ninja.
On arrive devant le cachot, les deux gardes de mon clan me saluent bien bas et gardent leurs armes bien serrées contre eux.
-Capitaine, on lui donne son dernier repas? -Il faut bien, je vais le faire. Il a demandé quoi? -Du riz au vinaigre, du poisson séché et un œuf dur. Une bouteille de saké aussi. -Pas assez pour se saouler. Glisse l'autre l'air de rien. Vous auriez pris quoi vous deux? -Un poulet, un tartare de viande et une bouteille de vin. -Vous avez pas peur de vous chier dessus le jour de votre exécution. -On survie assez longtemps pour garder le contrôle de son cul face à la mort, où on meurt con. Je laisse Shun répondre à la questions alors que je passe le petit plateau à notre invité de marque.
Quelque part, j'ai de la compassion pour lui. Parce que si on omet que c'est un sac à merde, ce qui lui est arrivé pourrait arriver à n'importe qui. Une fois au rang B, les missions consistent principalement à faire des bains de sang, que ce soit directement ou par l'intermédiaire d'une mission d'escorte. Les ninjas ne sont pas du genre à faire de prisonniers (sauf pour les torturer) et les samouraïs nous haïssent, ce qui laissent peu de place à la possibilité d'une réussite sans une goutte de sang versée.
-Pas de couteau pour vous ce soir. Il ne faudrait pas que vous tentiez de nous arracher le travail des mains. -Ça ne risque pas. Le bonze était étonné que je sois aussi calme. -C'est rare de voir des gens aussi attachés à donner une bonne impression si près de la fin. -A défaut de bien vivre, on peut bien mourir.
On meurt quoiqu'il arrive, mais on peut rater sa mort. J'imagine que ça ferait une bonne histoire.
-Dites, je pourrai parler au gosse? J'hausse les épaules. Je m'écarte de la porte et m'adosse à côté pour leur laisser le loisir de discuter. Pourtant je peux voir son visage, celui de Kurusu, une sorte de honte sourde mélangée à de la culpabilité, le tout enrobé d'une dignité que je ne saurais située sur l'échiquier de la morale. Navré si je t'ais fais du mal. Il n'a aucun souvenir de lui. Je me souviens de chaque personne que j'ai croisé dans ma vie, et pourtant je me souviens pas de toi. Ça commence à devenir gênant, je crois que tout le monde en est conscient.
Elle me jugeait, elle avait le toupet de me juger. Je voulais simplement la vengeance, ce rire sardonique n'était que le reflet d'un trouble intérieur, je ne lui en voulais pas, mais c'était vrai que ce rire n'était que le reflet d'un certain désarroi. Je me doutais bien que la vengeance sur un clan entier fût une chasse particulièrement fastidieuse. Ma main se posait sur mon visage et je respirais d'une énorme bouffée d'air avant de répondre à sa tirade :
« -Je me doute bien, désolé mon corps s'est laissé embarquer par une folie passagère, tu as sûrement raison. »
Ma tête commençait à s'apaiser. Mon corps reprenait une teinte normale et perdait son rouge flamboyant de mes joues. Elle m'expliquait qu'elle pourrait m'accompagner dans ma quête vengeresse si les bénéfices et la cause était juste. Je ne sais pas si la cause était juste, car je devais me salir les mains, mais je trouvais que laisser un clan qui fonctionnait de la sorte était un crime. Je levais la tête et plongeais mon regard dans le sien :
« - Tu as sûrement raison. Je trouve juste que ce foutu clan ne devrait pas exister. Être ninja c'est accepté des sales besognes certes, mais ne pouvons nous pas garder une certaine éthique et ne pas devenir l'outil ou l'arme de trop de gens ? Il est possible que je sois qu'un utopiste. »
Nous retournâmes dans la salle de délibération où le juge allait rendre son verdict. Sans grande surprise, il allait finir sous le joug de la potence. Pauvre âme en peine qui finira dans les tourments de l'enfer. Je ne souhaitais la mort à personne, mais bizarrement, je ressentais une quelconque satisfaction de cette réponse. Benkei me disait qu'elle serait proche des geôles, je me posais un instant sur la rambarde le temps de réfléchir un instant. Est-ce que je souhaitais le voir avant qu'il meurt. Je pensais que la réponse était oui, mon corps se mit à se mouvoir par lui-même pour me diriger vers les geôles.
Je me retrouvais à aller vers les prisons quand je retrouvais Benkei, une fascination morbide disait-elle. Je me retrouvais à sourire à cette phrase, je n'avais aucune fascination pour ce genre d'ineptie, je souhaitais simplement savoir pourquoi il avait fait toutes ces choses. Rien de plus, rien de moins. Je voulais essayer de le comprendre un minimum. Je regardais mon interlocutrice et ma voix se porta d'un air un peu distrait :
« - Hum... Fascination peut-être pas, curiosité qui sait. Je suis du même avis, le fait que cette histoire se termine me laisse à la fois perplexe et content. Ce n'est pas forcément la fin dont je rêvais, mais je pense qu'elle sera suffisante en quelque sorte.»
J'écoutais les diverses phrases sur ce que chacun aurait pris pour son dernier repas. Je me demandais bien ce qui m'aurait plut, je riais et dis d'un simple coup :
« - Je pense qu'une bonne tasse de thé, un peu d'encens et du saumon avec un peu de riz. »
Je me demandais ce que ça faisait de manger un dernier repas. Je me demandais ce que j'allais faire. En même temps, la personne du clan Kisho n'avait pas tort sur une chose, le métier de ninja amenait ce genre de chose. Il souhaitait une belle mort, mine de rien même dans la tourmente cet homme gardait une certaine prestance, il avait du charisme le bougre. Il demandait à me parler, à moi ?! Je me demandais bien ce qu'il avait envie de me dire. J'écoutais ses propos qui me rendaient un peu confus. Mon regard se perdait et je lui répondais d'un ton un peu perdu :
« - Je ne crois pas que tu m'as déjà vu. Tu ne te souviens pas d'avoir brûlé un orphelinat près d'Uzu ? J'ai l'impression que tu es sincère. »
-La pègre m'avait payé une fortune pour faire ça. Avoue-t-il.
Il ne ment pas, du moins, quel intérêt y aurait-il à mentir si près de la fin? Ce n'est certainement pas la réponse qu'attendait Shun, pas dans ce sens la j'imagine ; c'est toujours très particulier de se venger sur ce qui n'a été qu'un outil. Après tout, combien de gens veulent ma peau pour des choses que j'ai faite en échange d'une grosse somme d'argent? Le silence gênant qui envahit la pièce me met un peu mal à l'aise, voire trop compte tenu de ce que je vais faire demain, ne souhaitant pas m'attarder outre mesure en me rendant compte de ce que tout cette conversation peut impliquer au niveau mental, je prends la décision de m'éclipser ici. Mes calculs sont finis, les derniers respects qu'on peut offrir à un condamné à mort sont faits, plus besoin de rester et j'ai l'impression que Shun veut un peu de solitude? Ou du moins, pas de ma présence ; c'est toujours plus simple de se faire juger par de parfaits inconnus que par des gens qu'on connait de plus ou moins longue date. Même si ça fait moins d'un an que nous nous connaissons, que dire si ce n'est que la vie d'un ninja peut-être très courte et qu'un an, ça peut faire beaucoup.
-Je vais y aller, je vais aller dormir. Gardez le au frais. Il doit être présentable pour demain.
Evidemment, Nakai est toujours un aussi bon amant, si on excepte les crises de fatigue qui peuvent l'accabler de temps en temps. Enfin, la nuit est plus longue que je ne l'aurais souhaitée, hélas. C'est peut être ce qui me déprime le plus avec lui ; à une époque il foutait le feu à une forêt, enchaînait sur un marathon pour aller rejoindre le groupe de mission le plus proche pour terminer sur une chevauchée de deux jours avec moi sur les traces de déserteurs sans sortir de sa zone de confort. Maintenant en fonction des périodes il réitère ce genre d'exploits où alors il est tout juste capable de tenir mon train de vie nocturne. Ensuite? Je me lève, mange quelque chose avec mon chéri avant de m'habiller correctement, on m'inspecte et après que j'ai reçu la confirmation que je ferais une bonne bourreau, du moins dans le style, je m'en vais à mon travail. Ils m'attendent tous à la prison ; les gardes, le détenu.
-Une clope avant de passer à l'échafaud? -Non merci c'est mauvais pour la santé. Je ricane.
Le pire c'est qu'il a raison, à la cadence ou Nobushi fume et où Tetsuo boit, ces deux là n'auront pas à attendre la vieillesse pour mourir. Ni même un ninja ennemi.
-En route. Je drape mon visage d'un voile noir, conformément aux très vieilles traditions ninjas.
A la lointaine époque où les shinobis et les samouraïs étaient indiscernables les uns des autres. Quand il suffisait qu'un soldat du seigneur se drape d'étoffes obscurs, se grime le visage avec du charbon et escalade les murailles du château adverse pour se prétendre ninja. Maintenant c'est un peu coton de définir ce qui est un ninja, ce qui est un samouraï (parce que oui, on peut avoir une armure, savoir se battre au sabre et avoir un seigneur mais ne pas être un samouraï) et être un énergumène. La foule hue le criminel en chemin, mais la présence de trois ninjas suffit à ce que les gens s'écartent naturellement de notre passage jusqu'à l’échafaud. J'abaisse mon masque lorsque je suis à côté de la corde avec notre invité qui est préparé à l'exécution.
-Nous sommes ici pour nous souvenir que la justice, même si elle est parfois lente, vient toujours à ceux qui l'attendent. Que le meurtrier et le destructeur doivent avoir des comptes à rendre, personne n'échappe à la justice, car elle ne connait ni l'oublie ni le repos. Les criminels doivent êtres châtiés, aujourd'hui est un jour à garder en mémoire car c'est un rappel de ce qui arrivera inéluctablement à tout ceux qui tentent de dévier du droit chemin. Le reste du discours est assez, classique.
Les mauvaises graines, les criminels qui sont méchants, les balivernes habituelles. J'évite de mentionner la vermine ninja car j'en suis une, autant ne pas cracher sur la maison. Puis juste après, vient très logiquement l'instant où on lui resserre la corde autour du coup.
-Ne bougez pas, quand la trappe s'ouvrira vous tomberez et la corde vous brisera la nuque, ensuite, votre dépouille sera rendue aux Kaguyas. Vos anciens camarades attendent en ville. J'hésite sur quoi lui dire. Je suis quand même la dernière femme à laquelle il parle avant de mourir, même plus, le dernier humain. Qu'importe ce qu'il y a de l'autre côté du voile, bonne chance. C'est un voyage que je n'attends pas. Je m'éloigne, sa respiration s'accélère.
La pègre lui avait payé une fortune. Pourquoi ? Je ne comprenais pas. En quoi la pègre pouvait avoir besoin de tuer un orphelinat ? Je ne comprenais pas, je ne comprenais pas les raisons ou les torts et les aboutissements. Pourquoi, ils n'avaient rien fait... Ou alors le père avait une dette ou quelque chose que je ne connaissais pas, il était vrai que cela faisait longtemps que je ne les avais pas vu et peut-être que quelque chose, c'était passé et que j'avais oublié que l'orphelinat avait des problèmes ou autre, mais dans un sens, j'aurais espéré que le père m'aurait envoyé une missive ou autre pour que je lui donne un peu d'argent, je ne roulais pas sur l'or, mais en tant que ninja, j'avais un salaire et de l'argent et j'aurai pu enchaîner plusieurs missions de manière à faire en sorte de pouvoir les aider. Ma voix se perdait dans ma gorge :
« - Je vois... Je ne comprends pas pourquoi, mais je vois... Tu n'es au final qu'un instrument. Tu n'es pas le fautif. »
L'homme me regardait de ses yeux imperturbables. Je ne comprenais guère, mais je ne pensais plus qu'il était réellement coupable. Cependant, je me devais de faire un truc, un seul truc pour qu'il puisse partir dans un endroit où il pourrait trouver la paix, il était finalement qu'une marionnette dans les mains d'un habile marionnettiste. Je haïssais ce concept, je m'approchais de lui. Un simple mot, une simple phrase :
« - Je te pardonne part en paix, tu n'es pas celui que je hais. Part en enfer, je te rejoindrai bientôt ! »
Mon visage s'était vidé de tout sens, de tout espoir. Je pensais rencontrer l'instigateur de la mort de mon ancienne famille. J'ai juste rencontré un pauvre homme qui se retrouvait à être la victime de son propre métier. Je partais la larme coulait le long de ma joue qu'un homme se retrouvait à mourir, car il avait simplement effectué sa mission en tant que Ninja.
Le Lendemain arrivait plus vite que je ne l'avais pensé, la nuit fut courte. Ma première exécution, mais je n'avais pas voulu regarder la mort de cet homme. J'avais dit au revoir la veille. J'étais venu voir mes camarades et j'avais simplement dit que j'avais besoin de me retrouver seul et j'étais parti dans un bar. L’exécution allait se faire, mes amis partiraient après cette exécution, je les rejoindrai plus tard.
Je déposais une lettre à l'intention de Benkei :
« - Je ne pouvais pas voir la mort d'une personne qui pour moi, finalement, n'est rien qu'un pion. Si tu me cherches, je suis au bar. Merci pour tout. Shun »