Le bruit de l'eau coulant de façon tonitruante résonne aux alentours, porté par le vent soufflant du Nord apportant encore plus de fraîcheur. Un petit papillon s'envole doucement d'une fleur après avoir butiné sa fleur, virevoltant tant bien que mal malgré les brises assez puissantes pour le faire dériver. Et puis subitement, un bec acéré vient pincer le papillon en plein vol, l'oiseau, fier de sa proie, l'avale tout rond après se poser sur une branche, chantant un merveilleux chant. Peut-être pour appeler une partenaire, en tout cas, le chant va vite couper court par une boule de feu qui passe par là, grillant les plumes de l'animal qui s'écrase sur le sol mais toujours vivant, juste sous le choc.
La flamme ne venait ni plus ni moins que du poing de Kalida, ce dernier revenant à sa place initiale, les deux mains plates l'une contre l'autre formant un bourgeon. Les jambes en position de Lotus, la rousse subit le courroux de la cascade sur ses épaules. Habillée d'une simple brassière et d'un short moulant sportif, le reste de ses affaires dans un coin à l'abri des regards et des potentiels chapardeurs.
Les cheveux trempés, devenant lisses par l'écoulement de l'eau, ses derniers couvrent son visage. Ses sens aux aguets, les yeux fermés, elle ne peut que se concentrer sur son fort intérieur et le froid ambiant. Chose qui s'avère assez compliquée en réalité pour Kalida, ne rien faire, juste... Réfléchir. Ce n'est pas dans ses habitudes, bien que ces derniers temps elle se force la main à s'exercer à la méditation, ça n'a jamais été bien probant, la seule fois ou ça l'a réellement aidé, c'est pour l'apprentissage de son Kenpo et la manipulation du chakra de cette technique.
Le froid, une autre chose que la combattante déteste parmi beaucoup de choses en dehors de ne rien faire, car ceci lui remémorant beaucoup trop cette nuit-là. Mais, selon certains parchemins, arriver à une forme de paix intérieure passe aussi par affronter ses remords et à les accepter. Peut-être que se mettre dans une condition rappelant ses tourments, tout en renforçant son corps par le flot incessant de la cascade est la meilleure solution. En tout cas, c'est ce qu'elle espère. Perdu au milieu de nulle part, en dehors de cet oiseau de malheur, il y a peu de chance qu'elle soit emmerdée.
Une sombre forêt de sapins se hérissait de part est d'autres de la route et de la froide rivière qui la bordait, le vent léger souffletait, renforçant le froid ambiant qui n'en devenait que plus perçant, pénétrant, de telle façon qu'il eut semblé atteindre les os eux-mêmes. Les arbres victimes des caprices du ciel s'inclinaient menaçant sur les rares passants qui s'aventuraient dans les régions si reculées de l'enclave. Ici les grands fleuves accueillants et calmes qui faisaient la fortune des commerçants locaux n'avaient pas lieu d'être, ici, c'était leurs affluents puissants, sauvages, bruyants et dangereux qui en maître régnaient, si impétueux qu'ils allaient jusqu'à faire fuir les hommes qui préféraient largement l'apaisement des grands fleuves et les fusions douces de leurs estuaires. Seuls les plus intrépides de la race humaine s'aventuraient ici, où ceux qui avaient quelque chose à se reprocher et ce au profit d'une faune prolifique, qui ne pouvait que pieusement remercier l'hostile de ces contrées qui les protégeaient encore des civilisations humaines.
Saigo profitait d'un retour de mission au nord des régions de l'enclave pour prendre un peu de repos, habitude que lui reprochait souvent ses supérieurs. Mais il n'en avait cure, contrairement à la plupart des hommes, qui par peur ou par faiblesse fuyaient ces régions sauvages, lui, il les appréciait, les portait au nu peut être, y voyant ce que la terre avait de plus primitif à offrir encore, le genre de région où l'on ne croisait guère de monde si ce n'est des ascètes ou des fous. Et Saigo, ici, se sentait bien.
Malgré tout, si ses envies de médiations et d'abandon de l'homme lui avaient pris en chemin et l'avaient conduit dans ces contrées reculées, il ne supportait guère le froid qui y régnait. Les grandes neiges d'hiver pourtant, celles qui semblent figer le temps en une pluie glacée et silencieuse, saisissant l'instant en une éternité inexplicable et glaçante allant jusqu'à immobiliser la surface des torrents les plus violents, ces grandes neiges-là n'avaient même pas commencé.
Et comme il ne supportait pas ce froid, il s’était habillé de moult couches de vêtements qui l’auraient presque rendu ridicule. Le jeune shinobi était chaudement vêtu de vêtements rembourrés, remplumés et d’une longue cape de tissus. Emmitouflé de la sorte, il avait froid tout de même et trottinait pour ne pas se protéger. Se faisant, il aperçut, non loin de là, une éclaircie lumineuse qui se fit visible et qui ne semblait guère naturelle. Cela put être celle d’un feu de forêt, mais elle s’était faite si vivace, si éphémère, qu’elle semblait d’une autre nature, l’action d’un homme sûrement, d’un shinobi peut-être. Mû par la curiosité et par la crainte qu'un être mal intentionné n'altère la magnificence de la contrée, Saigo, accélérant la cadence, se rendit vers la source de chaleur. Quittant le chemin principal qui visiblement menait en d'autres lieux que celui qu'il recherchait, il bondit sur un arbre et de branche en branche accéléra le pas, atteignant une vitesse de course effrénée, faisant fuir les bêtes qui avaient pris refuge dans cette forêt et dans ces arbres, demeures séculaires et majestueuses. Seuls les singes d'hiver, paresseux et qui se contentaient pour tout chauffage des graisses accumulées tout au long de l'automne demeuraient impassibles au passage de Saigo. Les flammes au loin n'apparaissaient plus, mais le jeune shinobi n'avait pas perdu de vue la destination.
Saigo finit par arriver près de la source incandescente précédemment repérée. Là, la dense étendue de sapin s'arrêtait, faisant place aux roches sèches et cendrées des montagnes froides. Le bruit des courants et des cascades en contrebas couvrait le silence de la forêt, mais aucune flamme nouvelle ne se manifestait à l'horizon.
Le shinobi s'en alla en quête de trace de feu. L'intervention par la flemme ne semblait pas si hostile à l'environnement naturel de la région en fin de compte étant donné qu'elle avait cessé, mais il s'encouragea à continuer, histoire de s'assurer ses impressions premières. Se promenant dans le coin, il finit par tomber sur une petite cascade au pied de laquelle quelqu'un semblait assis, bain prenant, action folle aux yeux de Saigo qui détestait le froid. Il lui sembla d'ailleurs que l'exercice était mal pratiqué, il ne ressentait pas la magnificence qu'il voyait parfois chez ceux qui entrait dans une plénitude totale. Un arbre nu à mi-chemin entre lui et la cascade semblait avoir les branches légèrement calcinées, sans doute venait-il de trouver l'endroit exact d'où était venue la flamme. Quelques oisillons, cependant étaient restés sur les branches épargnées. Discrètement, il avança vers l'arbre, mais une brise légère vint soulever les plumes d'un oiseau gisant au sol qui s'en vint chatouiller le nez -déjà irrité par la froid- du curieux qui en un éternuement rauque et bruyant effraya les oiseaux.
Le discret de l’approche venait d’être réduit à néant, indignité du ninja, allant remettre en question tout ce qu’il estimait le plus dans ses compétences. La silhouette réagit également au bruit retentissant, sortant ainsi de sa torpeur méditante. Ainsi interrompu dans son action, il eut été stupéfiant que la personne réagisse positivement et Saigo craignait une mauvaise réaction. Il leva les bras comme pour montrer l’absence de toute intention mauvaise et, malgré tout restait sur ses gardes, prêt à décocher kunai et shuriken en guise de défense potentielle. Comme la silhouette se rapprocha, il commença à en distinguer les traits, rapidement, il eut une vision plus précise de la jeune femme. Il inclina légèrement la tête en guise d’excuse.
« Je suis navré, je ne voulais pas vous déranger, je m’étais mis en quête de flammes que j’ai aperçu tout à l’heure, je craignais un feu de forêt ou quelque chose du genre … Dans le doute j’ai fait le déplacement » dit-il avait le respect qu’il devait à un aîné -car il lui sembla que la jeune femme était plus âgée que lui-.
Souhaitant détendre un peu l’atmosphère, il continua de parler, dans un ton amusé mais pouvant laisser transparaître une pointe d’arrogance.
« Vous savez, si vous voulez entrer dans une méditation profonde, c’est pas comme ça qu’il faut vous y prendre, surtout, vous savez, en balançant des flammes … », conclut-il, présumant qu’il s’agissait là du coupable.
Le mouvement de branche fait immédiatement ouvrir les yeux de la kunoichi qui tente vainement de méditer. Levant les yeux au ciel de dépit et la colère montant à petit feu, la rousse se lève malgré la puissance des flots qui se déverse sur elle pour rejoindre l'emplacement du bruit.
Elle remarque ainsi la présence d'un jeune homme assez petit étant donné la dizaine de centimètres de différence si ce n'est pas plus. Un trappeur ou quelque chose du genre ? Pas vraiment discret dans ce cas, et il lui manque une arme à distance comme un arc et des flèches. Le jeune homme aux cheveux anormalement blancs s'excuse donc platement en donnant les raisons de sa venue.
Il est vrai que faire des flammes pour faire taire les oiseaux n'est pas la solution la plus discrète. Pour le coup, si elle a pu attirer d'autres personnes que cet adolescent, Kalida peut potentiellement s'attirer des ennuis. Soupirant sur la tentative d'humour, la demoiselle se fait craquer le cou en gardant sa main droite dessus avant de rétorquer :
- Tutoie-moi, je suis pas assez vieille pour ces conneries, sachant que je vais en faire de même. La flamme était pour faire terre un oiseau qui me déranger, il chantait tellement fort que même sous la cascade je l'entendais. Mais dis-moi, que fait un jeune homme comme toi, seul en plus, dans un endroit comme celui-ci ? Tu ne m'as pas l'air d'être d'ici.
Posant ses mains sur les hanches, visiblement, le froid ne semble pas plus que ça la déranger pour le moment. Elle qui est en short moulant avec une brassière, intérieurement elle est en train de hurler pour pouvoir s'habiller en claquant des dents mais elle tient à son image et encaisse le froid.
- Pour revenir sur comment méditer, je doute que tu puisses me donner de réels conseils. Le froid renforce le corps et l'esprit et arriver à se concentrer malgré le climat reste un véritable défi.
Le jeune garçon détestait qu’on le tutoie. Il avait été élevé de telle sorte qu’il ne dérogeait que très rarement aux rites de politesses. Et bien qu’il les trouvât stupide, il ne faisait jamais d’écart, espérant toujours en secret, que ses interlocuteurs n’oseraient passer le cap du tu. Malheureusement et du fait de son jeune âge, cela n’arrivait que rarement, pour ainsi dire jamais. Au son du « tu » il soupira intérieurement, cachotier, s’imaginant avec plaisir et envie le jour ou il serait un vieillard respecté auquel on adresserait de « Vous » et des regards pleins de respect.
Il accepta néanmoins son sort et ne souleva rien. Rassuré en outre de l'absence d'intention belliqueuse de son interlocutrice -sans doute dû au fait de sa jeunesse- et se relâcha un peu. Pas totalement toutefois, car il en était sûr, il avait à faire une shinobi, l'utilisation du Katon et le corps svelte et taillé pour le combat qui se dessinait sous cette tenue moulante et légère en disait long. Saigo d'ailleurs fut impressionné par la résistance au froid de la demoiselle, lui qui ne résiste guère aux affres de ces fraiches montagnes. Puis il regarda son visage plus attentivement et ses taches de rousseurs qui s'agitaient au gré de ses mouvements et de son craquage de nuque. Geste qu'il assimila à une confiance démonstrative de celle qui semblait vouloir montrer de son absence de peur et d'une assurance certaine en ses capacités. Saigo avait affaire là à une admirable shinobi, suffisamment puissante et courageuse pour ne point douter. Mais il savait également qu'en excès la confiance se retournait souvent contre soi. Il avait lui-même souvent eu l'outrecuidance d'une estime bien trop haute de lui-même, comportement déplacé qu'il commettait encore fréquemment, n'apprenant guère de cette erreur. Souhaitant s'amuser de cette rencontre montagnarde, d'ailleurs, peut-être entrait-il encore dans cet écueil de fatuité qui lui était fréquent.
« Je m'appelle Saigo, je suis commerçant, j'étais de voyage dans les régions au nord de l'enclave et je rentre chez moi, dans le sud. » répondit-il en un mensonge grossier qu'il était facile de contredire et de détruire avant d'ajouter « Et vous ? », comme pour couper court à toutes questions potentielles avant de se reprendre devant l'œil réprobateur de la demoiselle « Et toi ? »
C'est qu'il n'avait pas l'intention de dévoiler sa véritable identité, il n'était pas du genre, contrairement à la jeune femme à faire montre de ses jutsus ou de sa nature de shinobi si facilement. Même au cours de ses missions, il usait de son art du combat en dernier recours uniquement. Ici, c'est à moitié par devoir et à moitié par jeu qu'il s'amusait à cela, curieux de savoir si la kunoichi lui chercherait des noises.
Puis écoutant la kunoichi parler de l'art de la méditation, il ne put s'empêcher de la rectifier, non pas cette fois-ci pour se jouer d'elle, mais bel et bien pour lui donner un conseil, conseil qu'encore une fois, il donna sur un ton dans lequel on pouvait distinguer une pointe d'arrogance.
« Tu n’as pas tort, mais il y a des étapes, inutile de se précipiter dans le grand froid des cascades gelés quand on ne peut pas supporter le chant d’un petit oiseau » dit-il en pointant du doigt l’oisillon qui luttait pour sa survie.
Disant cela, il se rendit compte que bien quelquefois, il avait eu affaire à des gens qui pensaient que la méditation était un art à la portée de tous et qui frapperait dans sa grande miséricorde et dans le plus grand aléa les âmes qui s'ouvraient à lui. En réalité, rien n'était plus complexe que cet apprentissage qui demandait des années et des années d'entraînements et si les plus aguerris étaient capables de méditer sous les plus froides cascades ou encore au cœur des marchés pullulant et bruyant, c'était à ce prix-là uniquement.
Kalida sourit un peu aux paroles du jeune homme en face d'elle, les mains sur les hanches, elle se met à rigoler à pleine gorge sur les dires du dénommé Saigo qui semble vouloir lui donner la leçon :
- Saigo ? Juste Saigo ? Et tu veux me faire croire qu'un commerçant, aussi jeune, sans marchandise, se promène dans ces lieux aussi paumés ? Tu vas me donner l'excuse ensuite que tu as laissé tes affaires sur la route ?
Elle rit de nouveau de bon cœur en s'approchant, le poing fermé, elle tape doucement l'épaule du garçon de manière amical :
- Ok Saigo, je veux bien te croire sur parole. Mais tu devrais sincèrement améliorer tes mensonges. Un commerçant qui me donne des conseils sur la médiation, c'est pas tous les jours qu'on peut voir ça !
Tournant le dos à l'homme, prouvant soit une certaine confiance en soit ou justement le fait qu'elle a confiance en lui pour ne pas être agressif. La demoiselle roule des épaules avant de prendre un bon bol d'air frais et soupirer de la fumée en masse :
- Comme je te l'ai dit, Saigo.
Elle lève son bras droit pour forcer sur le biceps tel un culturiste et pose sa main gauche dessus. Kalida tourne suffisamment la tête pour le regarder du coin de l'oeil :
- Ce n'est pas qu'une histoire de sauter les étapes, je renforce mon corps au passage. Quant à l'oiseau, t'en fais pas, il va bien. Juste un peu sonné c'est tout. Je n'ai pas mis toute la puissance non plus, il faut pas déconner, c'est qu'un piaf.
D'ailleurs, l'oiseau se redresse rapidement pour s'envoler très loin sans demander son reste tandis que la rousse reprend une pose plus classique. Les bras croisés sous sa poitrine comprimée par le tissu tout en observant la cascade :
- S'abandonner au monde, tu parles bizarrement gamin.
Le ton du gamin est évidemment plus affectueux que hautain ou méprisant, loin de là même. Une manière à elle qu'elle apprécie un minimum la compagnie des plus jeunes qu'elle.