Le bar de style traditionnel vibrait d’une ambiance extatique, rempli d’un bon nombre de Konoha-Jin venus célébrer la fin de leurs missions et leur retour au bercail. Lieu prisé par la classe Shinobi, les serveuses toujours à la course accueillaient tous les soirs avec le plus grand soin et efficacité ces derniers. Mais parfois, ou peut-être même souvent, ces héros du village abusaient un peu trop des vices offerts par la maison.
Complètement ivre, une soucoupe de saké encore à la main, le jeune Shinobi aux cheveux ténébreux étaient assis à une table basse où les soucoupes et les bouteilles de saké de ses collègues désormais partis seyaient toujours. Le Ténébreux, habituellement solitaire, était sorti de sa morosité pour accompagner l’équipe qui avait agit en support à sa mission, sur un autre front. Ils avaient eu certes peu de contact, mais leurs efforts combinés avaient permis l’atteinte d’un objectif commun et un lien indéniable en découlait.
Le problème avec les buveurs occasionnels était cependant souvent le même. Si Nikkou supportait peu l’alcool, il y prenait pourtant goût. Et alors que ses collègues avaient insisté pour le ramener, il s’était opposé fortement, enlaçant sa bouteille de saké et laissant transparaitre une aura meurtrière face à quiconque tentait de la lui enlever.
En bon ivrogne, il avait promis qu’il prenait un dernier verre et on l’avait laissé filé. D’une part parce que tous savait que ce jeune Uchiha se refusait depuis trop longtemps les plaisirs de la vie, mais d’une autre part parce que tous l’avaient vu sur le champ de bataille et craignaient qu’il n’en vienne aux mains.
Alors seul à sa table désormais devenue bien silencieuse dans cet endroit bondé, Nikkou buvait une nouvelle bouteille de Saké en cherchant une nouvelle distraction pour la soirée. Mais dans ce bar prisé par les Shinobi, la majorité des tables étaient remplies par des équipes tissées serrées dans lesquelles il ne se voyait pas s’immiscer.
Enfin, son intérêt se porta sur une table où un autre Shinobi buvait avec comme seule compagne sa propre solitude, mais plus intéressant encore pour le jeune Uchiha : ce bandeau qui lui couvrait le visage. Intrigué, Nikkou le fixait avec une intensité décomplexée propre à ceux ayant abusé de la bouteille. Était-ce donc le fameux Jonin Aveugle de Konoha? Rien de plus intriguant pour un détenteur du légendaire Sharingan.
Sans même y penser, le membre du clan à l’éventail se leva et imposa sa présence à la table de l’inconnu, posant violemment sa bouteille de Saké pour signaler sa présence.
« Dis-moi donc, qu’est-ce que ça fait de ne rien voir? »
L’entrée en la matière était sans la moindre finesse, presqu’insultante, mais prononcée avec une telle légèreté et franchise qu’elle semblait inoffensive, voire pleine de bonne volonté. Au même moment, le Shinobi pu entendre le bruit famillier de l’alcool versé dans son verre et dans celui de son nouvel interlocuteur. Le jeune Chûnin semblait prêt à entâmer une conversation. Question légitime pour un Ninja misant sur ses prouesses visuelles.
Le jeune homme avait toujours eu une relation très particulière avec toute boisson alcoolisée et c'était sans doute pour cela qu'il les supportait si bien à présent, après tout le foie ne nécessitait-il pas un peu d'entraînement comme n'importe organe, pour devenir performant ? Kyoshiro était tombé dans l'alcool pour de très mauvaises raisons, pensant que la perte d'un ami pourrait être noyée dans plus d'alcool qu'il ne pouvait en supporter mais il s'était rapidement rendu compte que c'était peine perdue. En devenant ce qu'on pourrait véritablement qualifier d'alcoolique, malgré son très jeune âge à l'époque, l'aveugle avait perdu de nombreuses choses dans la bataille à commencer par son couple et son estime de soi, ce n'était donc pas difficile de comprendre que désormais, lorsque l'appel de la bouteille se faisait entendre, il y répondait avec plus de retenu et surtout avec un meilleur état d'esprit. Il avait fini par faire son deuil et ne buvait désormais plus que pour s'amuser, pour se détendre ou pour se récompenser après une rude mission ou une intense séance d'entraînement : après l'effort, le réconfort ! Est-ce que c'était cela qu'on appelait grandir, mûrir ? Peut-être bien ou peut-être était-il arrivé à court de choses à noyer dans l'alcool, il continuait donc à boire de façon plus joyeuse et son organisme avait fini par s'y habituer. Voilà pourquoi il restait maître de ses sens et de son corps tandis que bon nombre de clients autour de lui ne semblaient plus maîtriser grand chose, à commencer par leur équilibre, mais ce spectacle était toujours aussi amusant.
Ce soir-là le jeune homme avait décidé de s'arrêter ici pour vider quelques bouteilles tout en commandant quelques takoyakis par la même occasion, de quoi se remplir un peu l'estomac pour aider son organisme à traverser ce douloureux moment. Fort heureusement, comme il l'avait appris d'expérience, c'était dans les moments les plus inattendus que les plus belles surprises lui apparaissaient et cette soirée ne fit pas exception à la règle. Au beau milieu de cette foule d'ivrognes et d'hommes à la gueule bien trop grande, était apparue une serveuse ayant tapé dans l’œil du Tadake si une telle chose était vraiment possible. Tout charmeur et amusant qu'il était, le jeune homme s'était montré aussi chaleureux qu'il pouvait l'être et la connexion se fit instinctivement. Ils purent échanger quelques mots çà et là et, bien qu'il ne puisse pas vraiment le voir, Kyoshiro fut tout à fait capable de ressentir le sourire dans les paroles de la jeune demoiselle. Oui, c'était quelque chose qui s'entendait assez facilement pour peu qu'on y fasse attention.
« Tu finis à quelle heure, ma belle ? »
« Je...à minuit. »
« J'te dis à minuit dans ce cas...Emiko, c'est ça ? »
« C'est ça. À tout à l'heure, Kyoshiro-san.»
Elle était timide et il le savait, il en jouait même car c'était de bonne guerre, mais il espérait bien la libérer un peu plus. Après tout n'y avait-il pas mieux que lui comme compagnon de fête? Certainement pas sur cette Terre en tout cas ! L'aveugle rendit un dernier sourire à la demoiselle avant de la laisser retourner à son travail, certain qu'elle viendrait elle-même vers lui à la fin de son service car...eh bien...il était incapable de deviner quelle heure il était. Oui, en voilà une bonne raison. Pas la seule mais la plus évidente.
D'une traite le shinobi termina son verre de saké et, avant d'avoir pu l'avaler, fut interrompu par un homme à la question pour le moins surprenante. D'habitude les gens prenaient des pincettes avec lui à tel point que cela en devenait ennuyeux, c'était un fait, mais jamais encore n'avait-il été abordé avec autant de...d'absence de tact. La surprise le prit au dépourvu et il cracha tout le contenu de sa bouche devant lui au risque d'avaler de travers, prenant quelques secondes pour s'en remettre avant de s'écrier.
« Oh le con, j'ai failli m'étouffer ! T'en as d'autres comme ça, en stock ? »
La surprise initiale laissa sa place à un certain amusement lié à cette question brutalement incongrue. Même sa sœur ne lui avait jamais posé la question en ces termes mais, tout Kyoshiro qu'il était, faisant fi des convenances et des manières, il ne pouvait que sourire face à cette entrée en matière directe.
« J'sens que tu vas m'plaire, toi ! Allez, tais-toi et bois ! Et bouffe ! »
Avec toute la précision dont il était pourvu, l'aveugle remplit son verre et celui de son interlocuteur du jour avant de vider sa soucoupe d'une traite comme à son habitude. À combien en était-il ? Il avait perdu le compte mais il se débrouillait plutôt bien pour le moment, assez pour draguer la serveuse sans être lourd en tout cas.
« Pour répondre à ta question, c'est cool. Ça me permet au moins d'pas voir ta sale tête ! »
Souriant face à cette petite pique de bonne guerre, le jeune homme leva sa bouteille vide bien en évidence afin qu'on vienne leur en fournir une autre, pleine, ce qui ne devrait pas tarder. Il ne savait pas qui était cet homme, pas plus qu'il ne connaissait son nom mais le Tadake appréciait son côté direct probablement lié à l'alcool ingurgité ce soir. Probablement.
La question posée en toute bonhommie, mais foncièrement maladroite, n’avait pas repoussé son interlocuteur, confortant Nikkou qu’il était tout à fait à l’aise dans ses interactions sociales, malgré son état. Ceux qui l’avaient quitté en lui conseillant de retourner chez lui vu son état ne savaient certainement donc pas de quoi il en était. Bien au contraire, à même de parler avec un étranger, Nikkou pouvait certainement se permettre de prendre un autre verre.
Sans se faire prier, le Chûnin vida la soucoupe d’une seule traite, exprimant à son tour un doux d’extase en sentant le liquide des dieux couler dans sa gorge, ravivant d’autant plus la douce chaleur qui enivrait son être. Était-ce donc ça la Volonté du Feu dont il avait entendu parlé à quelques reprises dans les dernières années depuis la fondation du Village? Bref.
« Hahaha! Ouais, mais en même temps t’as pas la chance de voir le joli minois de la serveuse. C’est un bien pour un mal! »
S’esclaffa-t-il en détournant son regard ténébreux vers la serveuse à laquelle son interlocuteur avait fait de « l’œil ». Et de cette bonhommie qui lui revenait seulement lorsqu’il oubliait son rôle de Ninja et s’adonnait aux vices, Nikkou décocha un sourire à la serveuse qui s’empressa de venir les voir. Comme tant d’autres avant elle, la jolie serveuse au kimono tombait sous le charme ténébreux des Uchiha, bellâtre aux cheveux d’ébène et au visage taillé à la serpe. Être l’élue méritant un sourire de la part de l’un des membres de ce Clan taciturne était vu par plusieurs comme une occassion qui ne se présentait qu’une seule fois dans une vie.
« Nous allons avoir besoin de quelque chose de plus fort! Et peut-être même de compagnie si jamais tu es capable de laisser les autres ivrognes cuver leur Saké… »
Le sourire plein de charme et d’innocence suffit pour que la serveuse laisse échapper quelques gloussements avant de s’empresser à aller chercher une liqueur plus fine, cherchant dans les moindres recoins un alcool méritant les attentions de l’un des célèbres Ninja du Clan à l’Éventail.
« On aura pas de la piquette, foi de Uchiha! Au fait, moi c’est Nikkou. Et toi? »
Loin des manières usuelles du clan distingué, Nikkou agissait déjà comme s’il discutait avec un pair, l’alcool le ramenant à sa chaleur passée et à son entre-gens depuis longtemps effacé.
Oh ce qu'ils pouvaient être marrants tous ces jeunes qui découvraient les joies de l'alcool, qui pensaient découvrir un monde rempli de toutes nouvelles saveur au fond d'une bouteille et, sans s'en rendre compte, oubliaient rapidement toute notion de tempérance et de modération. Ils perdaient rapidement tout contrôle, toute maîtrise de soi et se laissaient empoter parce cette danse enivrante jusqu'à presque tout oublier le lendemain matin. Ils se réveillaient donc avec des trous dans la tête et une sensation merveilleuse que les habitués appelaient affectueusement la gueule de bois. La sainte gueule de bois, l'amie de tous les pochtrons. Voyons le jeune Uchiha qui avait abordé l'aveugle par exemple, de loin on pourrait croire qu'il était en parfaite maîtrise de ses mouvements, mais il suffisamment simplement de s'approcher pour sentir son haleine à faire tomber un cheval à la renverse : la marque de ceux corrompus par ce délicieux breuvage.
Le jeune Uchiha avait de l'humour, à n'en pas douter, mais son état d'ébriété devait y être pour beaucoup. Il mettait en avant l'importance de pouvoir juger de la beauté d'une personne d'un simple regard, fait incontestable auquel l'aveugle apporta sa propre réponse.
« Pas besoin de le voir, ça se sent ces choses-là. Et puis le côté aveugle ça fait mystérieux, elles adorent ça. »
Ce jeunot voulait-il vraiment faire un concours de boisson avec le Tadake ? Ne savait-il vraiment pas à qui il avait à faire ? Apparemment non et cette délicieuse surprise n'en était que plus amusante, plus dure serait la chute lorsqu'il serait au pied du mur. Souriant face à cette provocation puérile qu'il ne pouvait repousser, le jeune homme se redressa tout en répondant au garçon.
« Saké ? Si tu veux quelque chose de fort, tu t'es trompé de poison. »
En quelques pas il fut juste devant la serveuse et, si la demoiselle semblait gênée par cette proximité, elle ne put refuser au jeune homme la faveur demandée : aller chercher une bonne bouteille de whisky. Son breuvage favori, une vraie boisson à vous retourner l'estomac des plus sensibles. Quelques secondes plus tard le shinobi revint au côté de son camarade de boisson, armé de cette boisson ambré et de deux verres qu'il remplit jusqu'à plus de la moitié, avec la précision incertaine qui le caractérisait.
« Tiens, ça c'est une boisson d'hommes. Goûte-moi ça, p'tit Uchiha. Moi c'est Kyoshiro. »
Pas besoin de nom de famille, pas ici, la boisson avait ce don de rapprocher les gens d'horizons très différents le temps d'une couverte soirée. Tendant un verre au dénommé Nikkou, l'infirme attrapa le sien et le tendit, invitant à un toast.
« Allez, kanpai ! »
Oh oui, au vu de soon amitié avec ce fort breuvage il viderait le verre d'une traite, à n'en pas douter, mais fort heureusement la bouteille était assez grande pour qu'il n'ait pas à s'inquiéter. Cela ne faisait que commencer.
L’esprit embrumé d’allégresse, aussi peu fidèle au personnage qu’il ne puisse l’être, le Uchiha continuait à arborer un sourire béant plein d’une naïveté qu’il avait dû arboré dans sa jeunesse. Les démons étouffés et les responsabilités oubliées, il se laissait aller à cette facette de sa personnalité qui avait existé en marge de sa carrière Ninja, mais qui n’avait pas su survivre en parallèle à celle-ci.
Épris par ses problèmes et ses complexes depuis l’âge adulte, Nikkou n’avait pas pu s’habituer aux délices de l’alcool et apprenait en ce jour le salut apporté par le liquide vertueux. Échappatoire dangereux pour les Shinobi qui tentaient d’oublier la noirceur de leur vie pour retrouver la légèreté des jours heureux, mais finissaient par se noyer dans ce sentiment inconnu.
Se prenant au jeu des charmes et de l’ivresse, Nikkou appréciait les dires de son compagnon de boisson, riant à gorge déployée de cette bonhomie qui transpirait de leur conversation. L’image solennel et militaire des Ninja laissés au placard pour s’offrir un moment familier pour discuter de femmes et de boissons, sans autre considération qu’une saine compétition entre deux hommes à l’égo certainement amplifié par l’alcool.
Le sourire toujours aux lèvres, le Ténébreux Dragon remercia de tout son charme la serveuse qui vint leur apporter un saké aux notes plus fines, douce liqueur laiteuse qui enrobait leur palais d’une douceur comparable seulement au corps d’une femme. Et Nikkou de savourer cette délectation avec un appétit encore insatisfait, néophyte toujours en quête de plus de sensation, jusqu’à l’écoeurement.
« Tu as raison Kyo!! Le Saké ce n’était que pour compenser. Buvons pour vrai maintenant » s’empressa-t-il de rajouter aux commentaires de son interlocuteur, l’encourageant évidemment à prendre une direction qu’il avait jusqu’alors évité, encore trop jeune pour se prévaloir de telles expériences qui forgent la sagesse.
C’est sans appréhension qu’il leva son verre plein de ce liquide ambré inconnu. Cette « boisson d’homme » comme lui avait indiqué le Jonin à ses côtés. Le goût amer lui brûla la gorge et c’est sans surprise qu’il écarta le verre de ses lèvres, étonné par cette boisson qui réveillait le feu ardent des Uchiha qu’il avait l’habitude de cracher lors de ses combats.
Dubitatif, Nikkou questionna du regard l’expert en la matière pour constater qu’il avait vider d’une traite le nouveau verre. Peut-être était-ce la solution à ce goût âpre qui lui arrachait la bouche. Alors, en bon élève, il reprit son verre encore plein et le vida d’une seule traite. L’effet fut alors immédiat. La douce chaleur qui l’emplissait s’embrassa dans un torrent de sensations qu’il avait peine à retenir. Un instant, il fut tenter d’ouvrir la bouche pour relâcher la boule de feu qui s’était formé dans son estomac par l’appel de cet alcool inconnu, mais bien heureusement, il se retint au dernier moment, réalisant que le bar ne résisterait sûrement pas au terrible jet d’un Dragon Uchiha (peu importe la nature…).
La tête lourde, il la laissa tomber vers l’arrière dans un effort conscient pour retrouver le calme…laissant peu à peu cette lourdeur le corrompre et envahir jusqu’à son esprit déjà embrumé. Les appels de son ami d’un soir pour prendre un nouveau verre lui semblaient désormais bien loin, entre rêve et réalité pour son esprit entre deux chaises, son corps chancelant proche de basculer à son tour, mais heureusement rattrapée au dernier moment par une main fine qui se posa en appui sur sa nuque.
« Kyoshiro-san, je pense que votre ami n’est pas dans un bon état. Vous savez bien que ce n’est pas tout le monde qui peut suivre votre débit…je vais le raccompagner chez lui…pour m’assurer de sa sécurité bien sûr. » La jeune serveuse désormais dépourvue de son accoutrement de travail et ayant pris le soin de se maquiller avant de retourner voir les deux hommes était désormais accroupie auprès du jeune Uchiha. D’un sourire entre la gêne et la bieneillance, elle aida le jeune Uchiha à se relever, le supportant de son corps frêle pour le mener vers l’extérieur.
« Ohh...Domo arigato gozaimasu! Je vais avoir besoin d'aide pour rentrer. Ce n'est que partie remise Kyoshiro-san! La prochaine fois j'aurai le secret pour supporter ce... » Dans un bref moment de conscience, Nikkou se réveilla pour saluer son interlocuteur, lui offrant un profond salut en se penchant vers l'avant, pour s'endormir au dernier moment sur l'épaule de la serveuse qui peinait à obtenir de lui son adresse, mais sachant pertinemment où les demeures du princes ténébreux du Clan Uchiha étaient situées.