Une brise fraîche passe contre ma peau humide de sueur, me faisant involontairement frissonner. Il est encore tôt. À peine huit heures si je me fie à l’angle du soleil. J’ai déjà terminé mon régime d’entrainement du matin et il est temps de rentrer au domaine Senju pour une interminable journée. Un soupir m’échappe alors que je me lève de ma position de méditation. Du revers de la main j’essuie la sueur résiduelle sur mon front, lorsqu’un jeunot, un petit genin, fort probablement, marche à ma rencontre.
«On m’a dit de venir vous chercher. Le Shodaïme Hokage voudrait vous parler.»
Deux questions me viennent à l’esprit. Qu’avais-je fait de mal ? Et quelle autre machination avait-il préparé ? Il ne faut pas se tromper, je respecte et admire sincèrement cet homme. Il a un bon fond et un grand cœur, mais il faut bien avouer que je n’apprécie pas nécessairement que mes rencontres avec lui mènent à de plus en plus de responsabilités et l’idée d’en avoir davantage m’horripile légèrement.
J’opine de la tête et me dirige immédiatement vers la tour du Hokage. Pourtant, je ne peux m’empêcher d’être inquiet. Rares sont les situations où l’on requiert ma présence de si bon matin.
Mon pas est un peu traînant, empli de ma réticence. Je dois avouer être un peu inquiet, ne sachant pas de quoi il est question. Je regrette immédiatement de ne pas avoir demandé au garçon s’il savait ce que le Hokage avait en réserve pour moi, mais je verrai bien. Il serait d’ailleurs surprenant que ce petiot sache de quoi il en retourne réellement.
Le village autour de moi est déjà bien actif, marchands à leur échoppe, enfants courant les rues, mères et pères au marché préparant la journée à venir. Le doux soleil du matin caresse ma nuque. Bien que je préfère la solitude des forêts, je dois avouer que j’apprécie également cette vision de paix. Tous ainsi unis ayant pour seul objectif commun la cohabitation et la paix.
Un sourire passe sur mon visage, alors que j’avance détaillant la scène du regard. J’ai la chance d’appartenir à la génération qui a vu cet endroit se mettre en place. J’ai participé à tant de missions pour assurer l’équilibre fragile d’un Konoha naissant, faisant ses premiers balbutiements dans un monde politique où la guerre régnait encore. Maintenant, nous avions atteint une ère de paix relative qui ne me déplaisait guère. Si je pouvais faire en sorte que les choses restent ainsi … pourquoi pas ?
J’arrive après une longue demi-heure de marche à la tour du Hokage, où, sans faire de cérémonie, j’entre et monte jusqu’à l’étage où se trouve le bureau d’Akimichi Cho. Je toque fermement à la porte, comme à mon habitude et j’attends la permission de mon Kage avant d’entrer.
Un grognement guttural informa le Senju qu'il pouvait entrer et un factotum ouvrit la porte. Chô était établé à son large bureau (don du clan Senju par ailleurs) qui croulait sous la paperasse. Normer les activités shinobi, administrer un Village Caché et devoir se livrer à divers jeux politiques pour satisfaire les clans de Konoha et le Daimyo du Pays du Feu semblait générer une quantité effroyable de papier et de soucis. Daiki n'enviait donc pas le poste de son estimé mentor.
Le Hokage, son ample fessier confortablement installé dans un profond fauteuil fit signe à son ancien élève de s'approcher et de prendre un siège. Du thé fumant et une boite ayant contenu quelques gâteaux (hélas déjà inconsciemment vidée par le gourmand maître de Konoha) l'attendait. Ça et le fait que les gardes ne s'étaient pas retiré confirma au Senju qu'il n'était pas convoqué pour une mission secrète de la plus haute importance ou pour subir des remontrances (Chô n'humiliait jamais ses ninjas en public, même si les engueulades de sa voix de stentor faisait résonner toute la tour du Hokage).
Du coup, cela ne laissait qu'une seule raison à la convocation de Daiki : plus de responsabilité. L'air vaguement gêné de Chô le confirma, alors qu'il étalait trois dossiers sur la table. "Ah, Daiki ! Merci d'être venu..." commença le dirigeant suprême de Konoha, déjà vaguement en sueur. Son ton amical virait presque au mielleux, signe pour son élève qu'il allait lui demander... Non, lui imposer un "service". "J'aurais besoin que tu me rendes un service..." poursuivit l'adipeux Hokahe, confirmant la prophétie intérieure du Senju. "En relisant ton dossier, j'ai remarqué que tu n'avais jamais formellement encadré d'équipe de genin... Et tu sais comme l'avenir de Konoha me tient à coeur. J'ai quelques éléments fort prometteurs qui aurait besoin de tes lumières et de ton expérience..." Et bien sûr, même s'il présentait comme un service, Chô n'accepterait pas un "non" comme réponse... D'ailleurs l'Akimihchi avait déjà ouvert les dossiers des futurs élèves du Senju.
"Il s'agit de l'équipe n°2, constitué de Hyûga Yume, Uchiha Kaori et Aburame Hako. Des kunoichi très prometteuses..." décrivit le poussah derrière son bureau, avec un grand sourire enjoué. Comment en vouloir à quelqu'un avec une figure si bonhomme ? Chô le savait et en non ninja, en abusait. Le Hokage se racla la gorge.
"Elles sont très douées, mais..." Evidemment, il y avait un mais. Ce ne pouvait bien sûr pas être une requête facile, sinon le grassouillet Akimichi n'aurait pas fait appel à l'un de ses propres élèves. "... Tu as bien dû le remarquer. Il y a des répercussions politiques. Même si Hyûga-chan est de la branche secondaire, nous avons là des kunoichi des clans majeurs de Konoha. Elles seront donc scrutées, jalousées, surtout que j'ai décidé de te les confier à toi, un membre d'un clan fondateur de Konoha. Leurs clans respectifs attendent des résultats et les autres shinobi sans clan ou origine particulière guetteront le moindre signe de passe-droit ou de privilège. Je compte donc sur toi pour leur imposer un régime d'entrainement d'élite et sans le moindre compromit. Mais pas trop intense non plus, ce sont encore de toutes jeunes filles !"
Bien évidemment, le dirigeant suprême de Konoha était aussi passé maître en non-dit. Il jouait sur la réputation de procrastinateur du Daiki, qui ferait sans doute mieux passé la pilule d'ajouter un Senju à cette équipe regroupant des héritières de clan fameux. Le fait qu'il soit quelqu'un de posé et n'ayant jamais trempé dans quelque scandale (à l'inverse de certain Uchiha ou du stalker attitré du clan Senju, Fu) balayerai toute protestation sur le d'encadrer en équipe d'adolescentes. Et bien sûr, cela permettra au Senju de se faire la main sur le commandement d'une unité...
Chô lui tendit les dossiers de ces futures élèves, pour qu'il puisse les examiner. Bavard, l'amical Akimichi ne put s'empêcher de donner son avis personnels sur les petites kunoichi, en commençant par la jeune Hyûga. "Hyûga Yume est de la branche secondaire de son clan. C'est sans doute la plus réfléchie et posée du groupe. Elle a déjà longuement travaillé avec Aburame Hako, dont elle tempère à merveille le tempérament explosif. Son dojutsu mythique lui permet de remarquer les moindres détails, ce dont elle tire partie d'une étonnante manière en ne se limitant pas aux techniques traditionnelles des Hyûga. Elle est donc probablement souple d'esprit et plus adaptable qu'il n'y parait."
Il passa au dossier suivant, celui de la Uchiha, la plus jeune du trio. "Uchiha Kaori. A peine 11 onze ans et déjà une kunoichi accomplie. Génie et hyperactive. Elle a même brièvement été entraînée par le chef du clan Uchiha. L'ennui, c'est son immaturité : à trop pousser leurs jeunes recrus, les Uchiha risque de les briser. L'éveil du légendaire sharingan n'est apparemment pas chose aisé. Il faudra donc bien surveillé son état mental et palier à son inexpérience, malgré ses dons évident.."
Pour terminer, il ouvrit la fiche de l'Aburame. Immédiatement, son accoutrement hors-norme sur la photo sauta aux yeux du Senju. "Aburame Hako. Oui, je sais, on ne dirait pas qu'elle fait partie de ce clan habituellement sobre et mystérieux... Elle est une demi-sang, sa mère étant une Inuzuka renégate. Je te laisse imaginer son enfance à Konoha : elle a une envie brulante de prouver ce qu'elle vaut. Mais son ses airs fantasques et son comportement souvent impulsif, c’est une Aburame et elle obtient de très bon résultats, même si elle a échoué une fois à son examen Chuunin…"
La façon dont il insista sur le grade dans sa dernière phrase insinuait presque un ordre : Daiki, fais moi de ces donzelles des chuunin digne de Konoha. Voilà, le Senju avait sa mission. Chô lui avait encore filé de nouvelles responsabilités… Et bien évidemment, pas moyen de se défiler.
Chô me signe de prendre place, chose que je fais sans attendre. Je souris un peu en remarquant la boîte de petits gâteaux déjà vidée. Assis le dos droit, je remarque que les gardes restent là, ce n’est donc ni une mission top secrète, ni une engueulade. J’en déduis, avant même qu’il ouvre la bouche qu’il sera question de quelque chose d’une autre nature. Une nouvelle responsabilité comme je l’avais craint.
Un service … Ce n’est pas vraiment un service lorsque c’est imposé, mais je ne relève pas ce fait écoutant le Hokage avec attention.
« Que puis-je faire pour vous ? demande-je tentant de réprimer le découragement d’infiltrer ma voix »
Il veut me confier une équipe de genin. Je reste un peu pantois devant cette déclaration, car il faut bien avouer que je ne croyais pas voir ce jour arriver. Je ne suis pas vraiment de la trempe d’un enseignant. Mais, il a raison sur ce point, je n’ai jamais encadré d’équipe de genin avant, à mon grand bonheur. Incertain, j’écoute le résumé qu’il me fait des trois kunoichi qu’il désire me confier.
Je prends la tasse de thé ayant été préparée pour moi. Je ne peux m’empêcher de sourire discrètement alors que le liquide chaud entre en contact avec mes papilles. J’ai toujours aimé le thé.
Je ne dis rien, gardant mon attention sur Chô-sama alors qu’il me sourit. Ce genre de sourire auquel on ne peut en vouloir, même avec une volonté d’acier, même si on le voudrait de toute son âme. Je n’ai toujours pas déterminé s’il le fait délibérément ou non. D’ailleurs, je crois que c’est mieux si je ne le sais pas.
À l’entendre, il est évident qu’elles ont du potentiel, mais suis-je vraiment le choix le plus approprié pour ces petites ? Après tout je ne suis pas vraiment le plus assidu des ninjas. Il me donne sont avis sur chacune d’elle me tendant leur dossier à tour de rôle, dossier que je survole écoutant mon mentor. L’Hyuga me semblait être quelqu’un sur qui je pourrais me fier pour mieux m’intégrer dans cette équipe. La jeune Uchiha, si elle était un tant soit peu comme Masaru-san, je n’aurai aucun problème avec elle, mais ça ne s’annonce pas ainsi considérant que Chô-sama la réfère comme étant hyperactive … La dernière, la petite Aburame me semblait une autre paire de manches. Il me faudrait les rencontrer avant de les juger, mais je comprends immédiatement pourquoi il leur assigne un nouveau jounin.
Est-il possible de rebrousser chemin et de ne prétendre n’avoir jamais rien entendu de cette discussion ?
À voir l’expression de Chô, sa décision est déjà prise et rien ne le fera retourner sur celle-ci, c’est davantage une mission qu’un service. Ces gamines appartiennent à des clans majeurs, qu’importe leur position dans lesdits clans. Une équipe ainsi formée attire l’attention à coup sûr. Une Hyuga, une Aburame et une Uchiha … On dirait que l’on prépare la nouvelle génération des Cavaliers. La simple idée me fait frissonner d’appréhension.
J’espère simplement que ces gamines ne sont aussi particulières que mes équipiers, car à coup sûr, cette équipe causera ma perte. Je n’ai pas le temps ni l’envie de gérer deux fois les cavaliers. J’espère qu’elles seront plus faciles côté caractère …
« Je suppose qu’il y a une raison pour laquelle elles ont besoin d’un nouveau sensei … Enfin. Y a-t-il quelque chose d’autre que je dois savoir avant de les rencontrer ? »
À ce point-ci, je m’attends à tout et à rien. Elles peuvent être tout et n’importe quoi en même temps.
A sa question, son vieux mentor se contente d'un grand sourire taquin qui illumine son visage puoupin et d'un simple geste vers les dossiers signifiant "tous est là". Chô avait toujours été un peu marche ou crève avec ses élèves (et ses ninjas). S'il ne rechignait pas à donner des conseils et à encourager, il aimait que ses troupes pensent et agissent par elles-mêmes.
"Une raison ? Outre qu'il faut quelqu'un d'un peu détaché et avec la tête sur les épaules pour gérer les évidentes joyeusetés politiques d'une telle équipe constituée de gamines des clans fondateurs ?" ricana le dirigeant suprême de Konoha. Une étincelle de malice brilla dans ses yeux. "Mais saches que Kagami n'a pas bien tenue longtemps avant de me demander d'être transférer à des tâches plus utiles et dignes de son rang." L'imitation grossière (Chô n'était pas doué à ça, c'est pour ça qu'il n'avait jamais excellé dans les missions d'infiltrations les plus subtiles) et exagérée du chef du clan Uchiha révélait un nouveau sous-entendu de la part du Hokage. Il laissait entendre qu'il ne fallait pas sous-estimer cette assignation. Et qu'il préférait la confier au Senju qu'à un chef de clan autoritaire, craint et respecté. Chô avait toujours eut la vision de l'avenir de Konoha, le désir de faire germer de nouveau talent, de protéger une jeune génération qui dépasserait ses aînés et assureraient une paix durant dans le monde.
Le poussah s'inclina en arrière sur son imposant fauteuil, pour regarder au dehors, contemplant Konoha. Il hésita un bref instant avant de poursuivre. "Daiki, je pense aussi que ce sera bon pour toi." conclut-il d'un ton paternaliste (mais il le faisait avec tout le monde). "Je sais bien qu'encadrer des gens et prendre des responsabilités ne sont pas particulièrement ta tasse de thé. Mais je préfère justement confier notre avenir à des gens qui ne recherche pas trop le pouvoir ou la puissance..." Il ricana comme un porcelet. "Je ne les cherchais pas particulièrement non plus ! Et regarde où ça m'a mené... C'est pour ça que j'ai besoin de quelqu'un de terre à terre et en qui j'ai pleinement confiance pour encadrer ces fillettes." Fichu Hokage ! Comment refuser après ce genre de discours ?
Ses yeux pétillèrent à nouveau de malice. "Et puis, dans le monde ninja, il ne faut jamais stagner. Et crois moi, avec ces gamines, tu devras te surpasser et t'attendre à l'imprévisible ! Je suis sûr que tu en tireras de merveilleuses expériences qui te seront utiles pour le futur..." Comprendre : si il réussissait à gérer cette bande de genin disparates, avec des génies précoces, des hyperactives (deux pour le prix d'une !), des hydrides bizarres ou des gens engoncé dans les rets des traditions de leur clan, il devrait ensuite pouvoir gérer ses collègues les plus puissants et bizarres de l’équipe informelles des Cavaliers de Konoha.
Un piège politique. Les yeux de Konoha tout entier seront tournés sur elles, mais également sur moi et sur mes talents d’instructeur et chef d’équipe. C'est inévitable, vu la position de chacune d'elles.
L’imitation que fait Chô du chef du clan Uchiha m’arrache un sourire et un souffle à plus bruyant que ma respiration au repos, un rire sous cape. Je prends une autre gorgée de thé pour camoufler mon air amusé.
Je crois pas qu’il cherchait à insulter le chef Uchiha, mais suite à cette imitation, je dois avouer être heureux qu’il ne soit pas dans le bureau de Chô à cet instant précis.
« Je suppose que c’est trop d’énergie à investir pour quelqu’un qui doit en plus gérer son clan en entier. »
Lorsque son regard se porte vers l’extérieur de son bureau, vers Konoha, mes yeux font de même et se pose sur les différentes maisons, sur ces foyers constituant tout ce que nous travaillons à protéger, ce que nous chérissons le plus, ce qui nous unis, cette idée même de paix qui est à l’origine du village.
Le changement de ton dans sa voix, le sérieux des paroles qu’il vient tout juste de prononcer, me ramène à l’ordre et mon regard se pose sur le visage de l’Hokage. Son ton paternaliste a toujours tendance à faire fondre la plupart de mes réticences, bien malgré moi. Par contre à la comparaison qu’il fait avec lui-même et son manque d’ambition avant d’être Hokage, je fronce légèrement les sourcils. Où veut-il en venir avec cette remarque ? Prépare-t-il quelque chose ? Probablement. Chô reste Chô quoiqu’il arrive. Il sait tirer avantage de n’importe quelle situation. Il sait également comment prendre quelqu’un par les sentiments. Il veut confier ces filles à quelqu’un en qui il a pleinement confiance … Et c’est moi qu’il choisit. C’est flatteur, même pour quelqu’un comme moi. Alors que j'écoute, j'en profite pour terminer la tasse de thé.
Sa dernière phrase, sa dernière insinuation ne me laisse pas de marbre. Je sais qu’il parle des Cavaliers et de la dynamique d’équipe. Ces gamines sont un test, mais elles sont également un exercice préparatoire. Elles seront un défi et, bien que je n’aime pas l’admettre, il dit vrai, elles seront une occasion de grandir.
Je soupire avant de prendre parole.
« Je vois. Je vais devoir m’y mettre de ce pas alors. Si tout est dans les dossiers, je ne tarderai pas pour les convoquer. Je veux voir de quel bois elles sont faites avant de les emmener en mission. »
Je me lève et m’incline respectueusement devant mon mentor.
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