Forcer la main de Cupidon ft. Affection «C'est quoi, les trois mots magiques, déjà..?»
Je l'ai vue faire tellement souvent. En secret, j'aurais voulu être comme elle pour ce genre de choses. Aventureuse, courageuse, frivole, captivante, un peu trop sensuelle. Bien que j'arrive à comprendre ce qu'elle fait, la femme en rose, je n'ai que trop peu été plongé dans cette mer charnelle, cette immanquable habileté clanique dans l'art de la séduction. Oui, j'ai déjà eu à accomplir certains devoirs, mais je ne suis jamais aussi loin que ma partenaire. Je me suis toujours demandé ce que ça faisait, même si au fond de moi, je le sais...
De nous deux, je suis l'expert en sentiments, mais au jeu des corps ce n'est pas ça. La confiance me manque trop pour que je puisse délaisser ma pudeur, accomplir le devoir licencieux qu'elle savait déjà faire d'elle-même. Si ce genre de justificatif peut sembler malsain, je l'accepte. Je suis malsain, et par manque d'estime je me suis réduit à apprendre comment charmer à tout coup. C'est dans mes cordes, même si je ne le dis pas au reste de la grande famille, par peur du jugement. Je sais pourtant qu'un jour, mes talents se révèleront utiles, et je veux être prêt.
Il était un peu tard, sans pour autant faire nuit. J'attends, patient dans mon bain chaud, que je puisse tomber sur un homme. J'avais besoin de me rassurer, de voir que toutes ces autres fois n'étaient pas construites en faussetés. Ce soir, je forcerai l'amour encore une fois. J'attends simplement une victime; un homme bronzé, avec un air désabusé et mystérieux.
Ou peut-être un grand blond?
Un intellectuel un peu capoté?
Un homme fort, presque bestial?
Ou même un vétéran avec de l'expérience?
Je me détends; je ne suis pas pressé. Il ne faut pas l'être, ça ne sert pas dans une situation comme ça. Le bain est chaud, entouré des lueurs feintes des lucioles et des lampions. J'ai fait l'effort un peu délirant de me parfumer; un avantage insoupsonné de mon clan, c'est sans doute sa facilité à marier les arômes. Une odeur délicate; si je devais la mettre en mots, je dirais jasmin, petits fruits et vanille. Un geste un peu hors contexte pour un bain publique, c'est vrai, mais je suis persuadé que le parfum aide à la réussite. On verra bien.
Finalement, quelqu'un finit par sortir des vestiaires pour venir profiter de l'eau chaude. Je regarde du coin de l'oeil, curieux en voyant la silhouette lentement fendre les vapeurs de la source. S'il embarque sobrement, il pourrait voir mon visage sans problème. S'il est timide et qu'il tend à s'éloigner avant de se mouiller, ça risque d'être difficile.
Ce que je remarque en premier, ce sont les cheveux; je m'abstiens de commentaires puisque je suis tout aussi pire, mais l'idée est là. La longueur de mes cheveux est maintenue attachée pour ne pas qu'ils soient mouillés, sans pour autant que ça soit un chignon. La peau de l'homme semble un peu foncée. Un gabarit solide. Je cesse de le toiser, pour "éviter qu'il se sente observé".
Grande inspiration. Je retiens mon souffle quelques secondes, puis je laisse tout sortir, dans un immense soupir. Enfin, je suis à l’extérieur du village, loin de toutes ses responsabilités, loin des Cavaliers, loin de l’équipe deux. J’ai réussi à obtenir quelques jours de pause – ça n’a pas été facile – et je compte en profiter.
Je désire m’éloigner des Senju, des équipes, des tâches de ninja, de la paperasse, de … tout quoi. J’ai donc opté pour une destination assez éloignée du village caché dans les feuilles. Je suis sorti du territoire du pays du feu, pour trouver refuge dans un petit pays voisin. Mon plan pour les prochains jours ? M’entraîner, trouver quelques imbéciles qui osent encore attaquer les plus faibles, faire ce que je fais de mieux, quoi, arracher la mauvaise herbe du Sekai.
Mon voyage est enfin terminé. J’ai réussi à atteindre ma destination sans encombre et je compte passer les quelques jours qu’il me reste ici. Plus tôt dans la journée, j’ai réservé une chambre dans une auberge, maintenant que mon entraînement quotidien est terminé, je souhaite profiter de ce que la Côtes Verdoyante des sources chaudes a à offrir, C’est-à-dire, les meilleures sources chaudes de tout le Sekai.
J’arrive près du bassin et je m’immobilise. Une de mes mains passe dans mes cheveux, tentant vainement de les envoyer vers l’arrière, mais avec cette humidité, rien à faire. Mes yeux scannent le bassin. Étrangement, aujourd’hui, il n’y a qu’un autre baigneur … baigneuse ? Non, non, c’est bien un baigneur. Cheveux bleus, longs, teint clair, d’apparence frêle, on dirait une poupée de porcelaine.
J’entre finalement dans le bain, sans prendre le temps de m’éloigner. Aussitôt entré, je ferme les yeux. La chaleur de l’eau s’attaque immédiatement à mes muscles épuisés. Une sensation de confort s’installe dans mon être alors que je ferme les yeux pour savourer cet instant de repos. Bien sûr, mon entraînement est sacré, c’est ma façon d’honorer Amenko, le dieu de la santé, de la force et de la vie, mais, quelques instants de repos n’ont jamais tué qui que soit, n’est-ce pas ?
Forcer la main de Cupidon ft. Affection «C'est quoi, les trois mots magiques, déjà..?»
Ses yeux sont froids, ses cheveux sauvages. Un corps travaillé, un visage sec, aux traits rudes. Ça se voit tout de suite que lui et moi, nous ne sommes pas du même monde. Pourtant, au chakra qu'il dégage, c'est bel et bien un ninja. Quand même, je suis dans le déni si j'essaie de faire croire à quelqu'un que je suis dans la normalité. Je garde mes distances quand même, par inquiétude de passer pour un pervers...
... Un tout petit coup d'oeil ne fait de mal à personne.
C'est en l'observant plus ou moins subtilement que je manifeste mon intérêt; les joues rougissent, les lèvres s'étirent en sourire incertain, mais les yeux le disent bien. Mon regard essaie de croiser le tien, puis il se pose sur le bord du bassin, juste à côté de mon épaule. Même si je ne suis pas là pour faire de la subtilité et pour tergiverser, je me rends compte que ça serait plus facile. Surtout, que je serais plus à l'aise.
«...»
Ou je pourrais simplement me lancer, et voir ce que ça peut donner. Ce n'est pas compliqué, pourtant; un geste, une parole, le tour est joué. Je le sais, j'ai déjà essayé plusieurs fois. C'est comme le Genjutsu des mots, une parole suffit. La grande différence, c'est qu'au lieu de jouer sur les sens d'une personne, on joue directement sur ce qui n'est pas sensitif physique; le raisonnement, l'esprit en lui-même, presque spirituellement. Forcer l'affection ne se fait pas physiquement, et charmer quelqu'un se fait holistiquement. Corps. Cerveau. Coeur. Âme?
Ce n'est pas rien, c'est une méthode complexe dirigée par des actions simples. D'abord; amadouer. «E... Excusez-moi...» Je m'efforce d'avoir l'air plus timide que je ne le suis, j'essaie d'avoir son attention en lui adressant la parole. Mon chakra se relâche, je commence à ressentir sa chaleur sur ma peau, son effet engourdissant sur mes cordes vocales.
Je me résigne; je tends la main vers l'homme, pour qu'il veuille bien y ajouter la sienne. Je parle une fois de plus, qu'il me regarde ou non. C'est ce que je suis venu pour pratiquer, et on verra bien ce que ça sonne. «Monsieur? Venez un peu plus près?» Doucement, je fais signe que je veux qu'il me rejoigne, en bougeant pour lui faire un peu plus de place dans le creux du bord dans lequel je me suis posé. Ce que je veux, c'est qu'il s'approche en mettant sa main dans le creux de la mienne.
Grande inspiration. Je suis un ninja. Le regard de l’autre sur moi ne m’échappe guère. Il doit se méfier d’un nouveau visage dans les environs. Je fige quelques secondes, incertain. Devrais-je avancer et m’installer dans l’eau tout de même ? Il ne semble pas y avoir d’animosité dans son regard. Bien le contraire en fait. Il semble … C’est difficile à expliquer, mais il me fait penser à toute ses femmes qui me sont présentées sans arrêt. Je secoue la tête. Les vapeurs doivent me monter à l’esprit et faire dérailler mon cerveau.
Je reste quelques instants à observer le bain. L’endroit est d’une réelle beauté. Le son de l’eau qui coule plus loin, les lampions, les lucioles. L’endroit est féérique, littéralement. Je vais absolument devoir revenir ici.
Après quelques minutes de transe face à la beauté de l’endroit, je m’assoie les pieds dans l’eau. Je n’entre immédiatement. Je laisse la chaleur entrer lentement dans mes mollets. La douleur provoquée par une faux mouvement que j’ai fait plus tôt s’estompe lentement. Je soupire d’aise. Ça m’apprendra à repousser mes limites alors que je suis épuisé par le voyage.
Une voix interrompt mes pensées. Je relève la tête que j’avais penchée vers l’arrière pour savourer la sensation de l’eau chaude contre mon muscle endoloris. Mes yeux croisent les siens. D’un magnifique bleu que je n’avais jamais vu avant. Il semble mal à l’aise. Je le regarde confus. Ai-je fait quelque chose de déplacer ? Je sais que je ne suis pas un homme empreint d’étiquette et de politesse, mais je suis certain que je me suis bien tenu …
«Monsieur? Venez un peu plus près?»
Sa voix. Sa est si agréable à entendre, c’est surprenant. Une mélodie à mes oreilles. Mais à quoi je pense, moi ? J’hoche la tête, déglutissant. Il lève la main et le tient tendue dans ma direction. Son geste suffit à me captiver entièrement. Je me fais glisser jusqu’à ce que ma main se pose dans la sienne.
Je … Je ne comprends pas, mais je ne suis pas affolé, loin de là. En paix. Je me sens en paix. Et pourquoi est-ce que je m’inquièterais ? Cet homme ne semble pas être dangereux. Il ne ressemble même pas à un ninja. Il semble délicat, fragile.
C’est la première que je ressens quelque chose du genre. Est-ce ce qu’on appelle le « coup de foudre » ? Dans ce cas … On arrête tout maintenant. C’est n’est pas important.
Je reporte mon attention sur cet inconnu qui a su me retirer les mots de la bouches en ne prononçant qu’une seule phrase.
Forcer la main de Cupidon ft. Affection «C'est quoi, les trois mots magiques, déjà..?»
Les traits se mettent à fondre, sa main calleuse finit par rejoindre la mienne, un peu plus petite et visiblement moins habile à la tâche de manipuler des armes. S'il n'est pas alerte, je peux au moins voir dans son visage qu'il est un peu étonné, que la situation semble un peu floue pour lui.
À croire que mes mots sont assez aiguisés.
Ça semble fonctionner; j'ai appris de mes erreurs. Les dernières semaines étaient épuisantes. Si je suis un ninja, il n'en reste pas moins que je suis un ninja taillé pour infiltrer, négocier, argumenter. Si Sayuri peut abattre plus de travail (et de cibles) que moi, c'est parce que ses talents s'y prêtent bien. Moi, pourtant, je ne suis pas un assassin. Mes méthodes ne sont pas radicales, et c'est bien là mon problème. Sans pour autant me rougir les mains, moi aussi je veux pouvoir me rendre utile. J'avais pensé à développer un peu plus ma manipulation des illusions, en jouant avec le Genjutsu des mots, pour en faire une variante alléchante, captivante et un peu plus glamour, mais je n'ai jamais réussi; elle n'offre pas ce genre de pouvoir.
C'est là que j'ai compris que je devais basculer de territoire; un charme n'est pas fait pour jouer sur les sens primaires, ni sur leur perception. On tombe dans le contrôle de l'esprit; aucune nécessité de masquer la réalité comme l'illusion sait le faire. C'est plus complexe, c'est vrai, mais pas irréalisable; la méthode reste fondamentalement la même.
C'est de la projection. Dans mon cas, je suis surtout du type "projection par la voix", c'est ce que je maîtrise le mieux. Au lieu d'utiliser mon chakra pour affecter une cible dans son environnement, j'affecte la cible plus directement, dans son système moteur, dans sa cognition; d'où l'effet de charme et d'hypnose. J'affaiblis le sens du danger, la peur, j'empèche la méfiance. Ensuite, j'affecte la partie affective, je rends l'autre extrèmement sensible et réceptif à ma voix et à mes gestes. Je suis une vilaine princesse.
Je pose mon autre main sur la sienne pour le tirer à moi, pour qu'il s'asseoit dans l'eau avec moi. Je plonge sans vergogne dans ses yeux; si je l'évite ça ne m'avance à rien. «Tu ne viens pas d'ici, toi. Comment tu t'appelles?» Lorsqu'il finit par s'asseoir, je récupère une main, l'autre reste occupée à maintenir la sienne pour l'instant. Souriant, je tente ma chance à la devinette, mais pas sans hasard. «Daisuke..?» Je ris finement, poussant encore un peu plus loin la minauderie.
Étrangement, je choisis de lancer un nom qui ressemble à une séquence de mots assez affectueux, presque intimes. Pas si étrange que ça, puisque c'était voulu. Je veux le pousser à réagir, pour voir jusqu'où je peux aller. J'expérimente, je tente des choses. Mon autre main passe dans ma nuque, je la masse distraitement; une tentative de plus, pour voir. «Ah, je suis encore tendu...»
Il pose son autre main sur la mienne. Elle chaude, un pâle et un peu rougie par la chaleur de l’eau. Je la fixe hésitant. Je sais bien que cette situation n’a rien de normale, mais mes instincts ne me crient pas de me méfier, et j’ai drôle de sensation dans le fond de mon estomac que je ne comprends pas.
Je ne veux pas que cet instant prenne fin. Je suis bien. Dans mon esprit, il n’y a que cette personne assise devant moi, m’attirant à elle, m’attirant dans l’eau. Je ne résiste pas, me glissant dans l’eau à ses côtés. C’est beaucoup plus confortable, de toute façon.
Il me demande mon nom, mais tente de le deviner d’abord. Il n’est pas loin. Lorsqu’il vient mon tour de répondre, j’hésite. Est-ce que je mentionne mon clan ? Je ne veux pas que mon clan me donne un mérite que je n’aie pas, mais d’un autre côté de le garder sous silence me donne l’impression de mentir.
« S … Senju Daiki. »
Ses yeux dans les miens, tout comme s’ils sondent mon âme. Je reste immobile, incertains des actions à prendre ou à faire. Je n’arrive pas à déterminer ce que je veux, alors comment déterminer ce que je vais faire ?
Il dit être tendu, se massant le cou d’une main. Sans réfléchir, agissant sur l’instinct plutôt que l’esprit, je lui réponds immédiatement.
« Si tu veux, je peux masser ton cou … en échange de ton nom. »
Mes paroles avaient été plus rapide que ma pensé et lorsque je réalise ce que j’ai dit, je sens l’embarras me monter au visage, m’envahir tout entier. Non mais à quoi pensais-je ? À rien. Voilà, je ne pensais à rien et je vais en payer le prix.
« Je … Désolé, je ne voulais pas être déplacé … »
J’essaie de limiter les dégâts du mieux que je peux, mais je ne sais pas ce qui pourrait rattraper une telle situation … Mais qu’est-ce que je viens faire ?
Forcer la main de Cupidon ft. Affection «C'est quoi, les trois mots magiques, déjà..?»
La réalisation frappe fort, d'un seul coup. La réussite est grande, impressionnante, elle contraste délicieusement avec toutes ces tentatives ratées, tous ces hommes sur lesquels j'ai échoué. Je pourrais rester là pendant des heures, à baigner dans mon petit morceau de rêve. Ça a marché.
***
Il était tombé en essayant de quitter son siège. Mes baguettes sont tombées d'entre mes doigts, les bouts de bois se sont perdus dans mes nouilles. J'ai essayé, encore une fois, de tirer l'amour vers moi, mais j'ai fait l'erreur de croire que de belles images pouvaient suffir à me rendre abordable.
Et encore, de belles images...
J'ai utiliser un genjutsu simple, comme j'en ai l'habitude, en y apportant pourtant quelques variantes. Une chimère cloîtrée entre le genjutsu des mots et l'illusion de mort, pour essayer de lui faire voir quelqu'un qu'il aime particulièrement, et amortir son envie de fuir.
Je lui ai souri. Lui aussi, il m'a souri. Un parfait inconnu. J'ai mis ma main sur la sienne. Tout est tombé en morceaux, son coeur s'est déchiré, en lambeaux devant mes yeux. J'ai vu l'horreur dans son regard, puis il est tombé avant que je puisse tout arrêter. «Éloignez-vous de moi! Ne me regardez pas comme ça!»
... Une autre tentative ratée. J'aurais pourtant dû comprendre que ça ne fonctionne pas, comme ça. En rentrant chez moi, j'ai commencé à penser comment je pouvais réussir. J'avais encore des idées, mais une trop grosse peur de les mettre en branle...
***
Je souris au Senju, les yeux pleins d'étoiles. Ma paume, certaine, force un mouvement très clair; masse-moi. Ses doigts se font glisser à mon cou une fois ma silhouette retournée pour exhiber mon dos et mes épaules. «Tu veux bien m'aider, Daiki? C'est gentil... Mon nom, c'est...» Je n'étais pas loin, c'est décevant, mais le nom de famille me fait tiquer. Un Senju, de Konoha, chez nous. Je l'incite un peu plus en appuyant sa main contre ma peau; si mes gestes sont claires, c'est bien parce que j'ai vu qu'il semblait un peu incertain lui-même.
... Et aussi parce que je voulais bien profiter d'un bon massage, ne sachant pas encore tout à fait combien de temps ma nouvelle fourberie peut bien durer. Je devrai probablement pratiquer un peu pour m'habituer et la maintenir plus efficacement.
Je cherche quoi lui répondre, quel nom je dois prendre. Si Sayuri était ici, elle me dirait sans doute que donner mon vrai nom est un problème. Je serais d'accord; admettre mon appartenance au clan Yamanaka pourrait être un problème. Peut-être pas dans l'immédiat, mais...
«...Aoko Amazake. Tu me dois un massage maintenant, pas vrai?» Je glousse une fois de plus, toujours aussi doucement. Pour l'instant, je ne peux pas me risquer à lui donner mon vrai nom, ça serait trop dangereux. Si un jour je vais à Konoha, si un jour je dois le rencontrer à nouveau, peut-être que je pourrai admettre à mon identité. J'adorerais, mais je ne sais pas comment il réagira quand mon tour de magie sera fini. Il ne devrait pas y avoir de souci, autre que de l'inconfort et beaucoup de gêne; j'adapterai, mais je prie pour qu'il soit assez tombé en ma faveur pour ne pas essayer de me buter.
Si je devais le comparer à la nature, je dirais qu’il est comme un nuage. Libre, sans soucis, doux, délicat … Je ne trouve rien d’autre à dire. Il est nuage, haut dans le ciel. Je me sens comme une montagne qui ne tente que de le toucher du bout des doigts. Je ne comprends pas. Ce n’est pas grave. Il me dit son nom et je souris.
Il a raison, maintenant, je lui dois un massage. Je ris sans retenue. Ce nuage, il a de l’audace. Rapidement, mes mains se posent sur ses épaules et je commence à m’atteler à la tâche. Maladroitement d’abord, incertain de la force que je dois appliquer. J’ai peur de le briser en deux. Mes mains calleuses glissent sur sa peau, l’effleurant.
Je me laisse guider par ses commentaires, appliquant la force selon ses indications. Les muscles de mon dos sont crispés. Je n’arrive pas à me calmer. Sa peau est douce, plus que je ne l’aurais crue. Il doit être une sorte de jeune noble ou quelque chose du genre. Il ne vit pas la même vie que moi, c’est certain. Il n’est pas non plus un paysan, il n’aurait pas la peau aussi claire et aussi douce.
« Aoko-san, est-ce que la force vous va ? Où êtes-vous le plus tendu ? Je me concentrerai à cet endroit. »
Les vapeurs du bain dansent dans l’air, les lucioles scintillent, le son de l’eau qui coule. Petit à petit, je me sens me détendre. La tension disparait lentement de mes muscles, alors que je sens la confiance me gagner. Grâce à ses réponses, j’arrive à ajuster mes gestes et donc à laisser aller le doute qui m’a pris.
Je regarde son cou alors que je le masse. J’ai l’impression que je pourrais faire ça toute ma vie. Je me sens en paix, comme flottant dans un espace intemporel.
Forcer la main de Cupidon ft. Affection «C'est quoi, les trois mots magiques, déjà..?»
Encore un échec! Une connerie de plus qui ne mène à rien! La transposition était une idée de con, j'aurais dû m'en douter. J'en suis un expert, j'aurais dû m'attendre à ce que ça ne fonctionne pas comme je l'aurais imaginé; on ne peut pas diviser sa conscience et son âme en deux pour hypnotiser quelqu'un, je suis bête!
Mon corps est au sol; je vais le prendre avec les bras de l'homme que j'ai bombardé, pour l'éloigner et éviter qu'il ne soit à vue. J'éloigne l'homme avant de relâcher mon emprise sur lui et de revenir à moi. Un échec retentissant. Pas aussi humiliant que la fois où j'ai pensé à utiliser la grande confusion et que le gars s'est mis à se foutre des baffes en me disant d'arrêter de le frapper, mais quand même. Visiblement, ce que je tente de créer n'est pas à ma portée avec une combinaison de techniques secrètes du clan...
***
Ce à quoi je n'avais pas pensé, après chaque échec, est que peut-être qu'au fond, l'idée n'était pas de forcer mon chakra sur quelqu'un pour le faire agir. Non, c'est bien plus subtil que ça; l'Enjôlement vient de moi. De ce que je dégage. Ce que je représente. Utiliser mon chakra non pas pour tromper l'ennemi, mais pour changer sa façon d'expérimenter ma présence; l'énergie que je dégage, il peut la ressentir dans tous ses os. Daiki peut me ressentir pénétrer la peau de ses mains, s'abreuver à l'odeur de mon parfum, entendre ma voix au travers son coeur, qui lui répète mes demandes, sans jamais s'arrêter.
Aime-moi. Désire-moi. Regarde-moi. Ne regarde que moi.
Puis, tout ce qu'il me reste à faire, c'est d'initier le contact par moi-même, d'une parole ou d'une caresse doucereuse, pour rendre ma cible sensible à ma présence, que de tout son corps et de toute son âme, il se rende compte que je suis là.
Et que ce qu'il veut, c'est moi.
«C'est bon, comme ça... un peu plus haut... aaaah, la nuque, juste un peu plus haut...»
Je profite de l'attention que j'obtiens, pour une fois, et je récolte le fruit de mon dur labeur. Ma tête penche un peu par l'avant, pour lui laisser le champ libre. Encore quelques minutes et mon petit tour de passe-passe devrait se défaire, et s'il est déjà un peu perdu, je crois qu'il ne pourra pas comprendre ce qu'il est en train de faire. Il ne devrait pas paniquer trop vite, les relents de chakra que je dégage devraient s'estomper lentement.
Ça manque un peu de pratique, mais la prochaine fois, je vais m'appliquer un peu plus et pousser mon petit moment de sérénité à être un peu moins petit. Parce que définitivement, il y aura une prochaine fois. «...» Avant qu'il ne soit complètement libéré de mon emprise, je me recroqueville pour éviter une potentielle crise, un brin effrayé par sa réaction, mais particulièrement intrigué.
Mes mains se baladent sur sa nuque appliquant la force nécessaire, avec lenteur. Je savoure l’instant autant que lui, je dois avouer. La plénitude, voilà ce que je ressens. Je me sens tellement bien, comme si je flotte, j’ai l’impression que cet instant pourrait être figé dans le temps et que ça ne me dérangerait en rien, en fait, j’en serais ravi.
Ses épaules sont petites, peu musclées, enfin, ça, c’est si elles si le sont. Je n’arrive pas à détacher mon regard de sa peau pâle. Je n’ai pas l’impression d’être maître de moi-même, mais pour une raison qui m’échappe, je ne me sens aucunement menacé ou inquiet de cette situation. J’ai l’impression d’avoir rempli un vide dont l’existence, avant ce soir, m’était inconnue.
Mes mains glissent sur ses épaules, contournent ses omoplates, passent de chaque côté de sa colonne vertébrale. Mon massage est consciencieux, je m’applique à chacun des mouvements à chacune des pressions.
Puis, sans préavis, cette sensation d’être dans une bulle, d’être bien, d’être en paix disparait aussi brusquement qu’elle est apparue. Mes mains s’éloignent de son dos, mes yeux trouvent un soudain intérêt au dallage du bain. Mon visage s’empourpre. Je réalise tout ce qui ne faisait pas de sens dans cette situation.
Je reste immobile quelques instants, incapable de faire sens de ce que je ressens. J’ai beau chercher en moi, mais tout ce que j’ai ressenti quelques instants plus tôt a disparu. Je me relève rapidement. Mon regard se pose sur tout sauf cet homme aux cheveux bleus. Mon esprit comme mon corps ne sait donner de sens à tout ce qui vient d’arriver.
Fuir.
Je veux fuir. Je n’ai jamais voulu fuir avant. Me relever en protestation, engager le combat, tenir tête, mais jamais je n’ai ressenti un tel désir de disparaître. Les mots que j’ai dits, les gestes que j’ai posés … Rien de tout ça n’est acceptable. Je secoue la tête. Quelque chose. N’importe quoi. Maintenant.
« Il … Hum … Je n’avais pas remarqué qu’il était si tard. Je dois y aller. J’ai un long voyage demain. »
Sans attendre de réponse, sans demande de reste, ou plus d’attention de sa part, je quitte le bain sans même détourner le regard du plancher sur mon chemin. Dans ma tête, rien de tout ce qui vient d’arriver ne fait de sens. Je n’ai rien compris. Je ne crois pas que je comprendrai un jour. Ce n’est pas important. Pas ce soir.
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