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La visite du marchand de sable

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Parchemin de mission:






La visite du marchand de sable
ft. Solitude
« Je viens vous chanter une berçeuse... »




Mine de rien, suite aux élucubrations du vieux croûlant, mon humeur s’est vite retrouvée à terre. D’habitude, c’est moi qui traite les autres de Jashinistes, et j’avoue que me prendre ma propre boutade en pleine face, ça fait mal. Comme je ne voulais pas en entendre plus, j’ai foutu le camp aussitôt la requête du vieux entendue. Pas question de me faire cracher dessus une seconde de plus.

À ma propre demande, on avait accepté que je sois accompagné par des troupes locales. Je comptais bien avoir à me battre le moins possible. Selon les propos du chef, les ninjas sont sans âmes, monstrueux; je ne crois pas être si méchant que ça. Peut-être qu’au fond, ce n’est que sa peur qui parle.

Enfin, ce n’est pas la raison de ma venue. Je m’en fous, moi, de ce vieillard. Que Jashin lui rende visite, tiens.

Ma rêverie ne s’étire pas longtemps; je me fais coincer par le chef des autorités, qui me demande quelques questions. Il ne semble pas très coopératif, si je dois être honnête.

«Excusez-moi… Monsieur Ao, mais après discussion avec mes collègues, on en est venu à conclusion qu’il est impossible pour nous de se battre à vos côtés dans l’éventualité où les pilleurs en viendraient aux coups. J’espère que vous comprenez; on refuse de s’allier à ce que vous êtes… Aux ninjas, je veux dire.»

Premièrement, je suis UNE PRINCESSE. RESPECTE MON AUTORITÉ. Ça ne se passera pas comme ça; tu vas venir avec ta troupe de monsieurs à gros bâtons et tu vas m’aider à sauver ta virilité espèce d’incapable divinité.

Deuxièmement, «Je comprends, mais… Si vous voulez mon honnête opinion, je trouve assez rude le fait de nécessiter l’aide de "ce que je suis", mais de ne pas vous plier à l’aide que vous recevez.»

Il avait l’oeil incertain, et surtout la grimace de quelqu’un de déplu; donc, j’avais raison. «D’accord. Dans ce cas, je vous demande de me conduire à votre temple ce soir. Cette nuit, plutôt. Vous n’aurez pas à vous battre, je vous le garantis; j’aurai seulement besoin de quelqu’un pour procéder à des arrestations. Je n’imagine pas qu’ils soient très nombreux, mais je ne vais pas me casser un ongle pour si peu que de traîner un criminel jusqu’à son geôlier. Encore moins de suer comme un porc dans mon kimono tout neuf.»

Et c'est de cette façon que j'ai pu être escorté jusqu'au temple en question. L'homme semblait réticent, mais il finit par accepter, probablement puisqu'il savait qu'il pourrait protéger son honneur de mâle en évitant de se faire poignarder par une espèce de sauvage hors de sa propre contrée.

Je vous laisse le soin de choisir si je parle de l'un des pillards, ou de moi-même.


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La visite du marchand de sable
ft. Solitude
« Je viens vous chanter une berçeuse... »




Il était tard. On entendait le crépitement d'un feu au travers le bois dans lequel on me guidait. Avant même de pouvoir voir le temple en lui-même, je pouvais voir la feinte lueur des flammes que les occupants entretenaient pour se maintenir au chaud. Il faisait frais, voire un peu froid, à l’extérieur. Ça ne m’étonne pas; on se trouve dans les montages, après tout.

S’il y avait un feu, il y avait des hommes pour monter la garde; ça tombe sous le sens.

J’imagine que c’est trop optimiste d’espérer débarquer là, comme une fleur, et demander gentiment que tout le monde se rende sans faire d’histoire. En toute sincérité, savoir que je devrai probablement risquer de me faire démonter pour soutenir la foi d’une ou deux centaines de paysans ne m’enchante pas. Aussi, c’est quoi cette connerie de "ne pas pouvoir faire couler de sang sur le territoire sacré”? Franchement, faites-moi croire que le jardin de chez moi a été désherbé en entier, mais n’essayez pas de me faire gober que si quelqu’un vous fout une lame sous la gorge, si vous avez l’option de lui botter le cul, vous ne le feriez pas. La foi ne mène à rien si on est mort, hein. Je dis ça comme ça.

«Attendez-moi ici, s’il vous plaît. Je vais faire ma besogne, puis je viendrai vous chercher pour qu’on puisse boucler le tout; quoiqu’il arrive, quoique vous entendiez, vous ne bougez pas d’ici avant que je ne vienne vous chercher. C’est bon?»

«C’est bon.»

***

Deux gardiens mal amanchés. C’était tout.

Ayant vu ça, je me dis que ça risque de ne pas être trop compliqué!

J’avais attaché mes cheveux pour en calmer leur apparence (car qu'on se le dise, ça rend vachement bien du bleu clair autouré de brun et de vert sali) avant de quitter mon groupe, laissant les membres de mon petit bataillon de lopettes musclées assez loin pour qu’ils ne soient pas repérés. J’étais caché dans la forêt sombre, dans un ramassis touffu de feuilles et de grandes branches. Je voyais bien les deux hommes occupés à déblatérer; ils auraient probablement pu se rendre compte de ma présence si ce n’était pas du fait qu’ils faisaient mal leur boulot, et qu’il ne regardaient pas au “loin”. Pourtant, je n’étais pas si loin.

L’un était costaud, l’autre un peu frêle. Donc, j’ai fait ce que toute bonne princesse savait faire; j’ai choisi que mon héros serait le colosse (évidemment), et je lui ai lancé l’une des techniques de ma famille dans le gosier, en restant bien hors de la vue directe des deux futurs ennemis jurés.

Je regardais la scène un moment; un match de catch défavorable pour le petit homme, mais une bagarre incompréhensible quand même. Ils se criaient dessus “arrête!”, “je comprends pas ce qui se passe!”... J’en ai profité pour contourner la scène et longer le mur jusqu’à l’intérieur une fois que les deux amoureux se retrouvaient sur le sol à se tirer les cheveux et à essayer de gagner la compétition de “qui fera perdre le plus de dents à l’autre”. Je vous le donne en mille; je suis une princesse. C’est mon champion qui gagne.

Je réussis donc sans accroc à me retrouver à l’intérieur du temple. Vive moi!


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La visite du marchand de sable
ft. Solitude
« Je viens vous chanter une berçeuse... »




...J’ai toujours été un peu trop optimiste. Encore une fois, je me suis fait avoir.

En même temps, c’est quoi l’idée d’essayer de marchander avec des pilleurs chassés par leur contrée? Des fois, si j’ai des éclairs de génie, c’est pour avoir une idée de con la seconde d’après; maintenant, c’était le cas. Ils me regardaient tous, une fois que j’étais entré. J’avais évité les présentations, en venant directement au but: «excusez-moi... Vous êtes chez moi. Je veux que vous sortiez maintenant. Si vous ne sortez pas de vous-mêmes, je vous préviens, il vous en cuira.»

Bien sûr qu’ils se sont mis à rigoler! Une tafiole qui se fait passer pour une divinité vengeresse, c’est évident que ça va mal se passer. Parce que bien sûr, j'ai cru que ça passerait, qu'on allait au moins m'écouter, mais soyons honnêtes... On me dit de foutre le camp. Je refuse.

Quelques instants plus tard, je me fais bombarder d’une trentaine de caillous, de bouteilles d’alcool vides; je vous le donne en mille, mon kimono est foutu, je suis décoiffé et mes jointures saignent (c’était ça où le visage, hein. Je connais mes priorités). Ils riaient.

Ils n’allaient pas se moquer bien longtemps.

J’ai constaté la taille du petit bataillon devant moi, et j’ai décidé d’appuyer sur le bouton “je gagne, allez chier”. J’exécute rapidement mon mudra, regardant la petit foule en colère qui, en voyant le symbole de mes mains, s’est rué sur moi. Eux aussi ils ont peur des ninja? J’allais leur montrer que c’était bel et bien mon temple, et pas le leur. Temple du Nirvana.

Il pleuvait doucement dans le temple, à ce moment là. Il pleut à verse dans le temple, à ce moment-ci. Un vrai déluge de plumes blanches aux éclats dorés. Rapidement, la petite couche du sol devient une crue; la crue qui allait leur faire perdre leur refuge.

J’observe la meute qui se rue sur moi; je me délecte à les voir tomber sous le poids de morphée. C’est qu’elle est très lourde, mais elle fait bien son travail. Je m’avance, je glisse entre les petits qui font la sieste, en regardant un peu aux alentours. C’est un bel endroit, si on enlève l’odeur de décrépit et de lendemain de veille mémorable. Comment il faut le dire, déjà...? Ah, oui.

Je gagne. Allez chier.

J'entends un homme derrière moi. J'ai le réflèxe de me jeter sur le côté; qui dit coup par derrière dit grosse épée qui fait mal, voyons. Attention; JE SUIS TOUCHÉ! On peut voir mon épaule nue, mon kimono ayant été taillé par le coup. Enfin, quand je dis on voit mon épaule, je veux dire le sang qui coule de mon épaule. Ça fait un mal de chien, si bien que je me retrouve à terre, la main sur l'épaule. Je regarde l'homme au dessus de moi; avec une face démolie comme celle-là, c'est définitivement le chef. Son visage laisse lire qu'il est éffrayé, désorienté (je n'apprendrai que plus tard, après son arrestation et suite à son interrogatoire, que mes illusions l'ont frappé assez fort pour le marquer à vif), et, justement, il fait peur. Des trous, des plis, des cicatrices, des marques, des brûlures... Pas question que je finisse comme lui!

Il allait se donner un élan pour un bon coup de lame, et j'ai vu là le seul moment où je pouvais me sortir de ce pétrin. Je lui ai crié dessus, comme je savais le faire;

«QUE JASHIN T'EMPORTE!»

C'est ce qu'il voulait, le vieux? Du Jashin puissance mille? Bien voilà!

Je ne sais pas si les gardes à l'extérieur ont pu m'entendre crier, mais je suis certain que mon groupe n'a rien entendu. Heureusement. J'en aurais entendu plus d'un à mon retour m'expliquer tout sur "le salut de mon âme", j'en suis convaincu.

Enfin, cette parole retentissante n'avait rien d'ordinaire; c'était un autre des tours de magie dont j'avais le secret. Je barbare s'est vite immobilisé, sa lame finit par tomber derrière lui, et ses bras sont restés en l'air pendant un moment. Il est perdu pendant un bon moment, et ça me donne largement le temps d'aller chercher mon équipe pour procéder à l'arrestation de tout ce beau monde. J'arrache une manche de mon kimono pour me faire une compresse et ainsi maintenir mon sang à l'intérieur de mon propre corps (j'ai entendu dire qu'avoir le sang à l'intérieur de soi aide à ne pas être mort. En même temps, je ne sais pas si c'est vrai, mais rendu au point où j'en suis...)

Ce n'est qu'avant de m'extirper de ce bourbier que j'ai entendu leur chef glisser un mot en déglutissant. «La... la déesse nous a maudit...» Je n'avais pas bien entendu, mais j'avais autre chose à piffer que d'écouter des babillages. Je veux aller me changer; je pue, je suis couvert de poussière et de sang, j'ai froid, j'suis fatigué, j'ai mal aux pieds, j'ai faim, j'me fais chier, j'suis une princesse.


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