Trois Liens Précieux | Kirai | MISSION RANG B

C'est la chasse aux vieux 

  J’avais écouté avec attention chacune des informations que l’intendant du domaine débita, pour essayer de comprendre qui seraient les trois cibles que nous devions tuer et comment cela était possible de triompher sans pertes civiles ou sans devoir foncer dans le tas. Cela me rappelait la mission que nous avions eue avec tout le clan pour nous débarrasser de la quasi-mafia de trappeur dans l’isthme. Je préférais ne pas m’en souvenir tant le sang avait coulé, rien que le souvenir de toute cette souffrance et violence me fit frissonner, ça avait été un carnage absolu et pas possible. Ainsi, j’espérais bien triompher ici sans devoir fouler du pied la moitié de la population de la région.

Dans l’absolu, aucune des deux premières cibles ne me faisaient peur, la première serait sûrement même la plus simple à abattre, à faire le malin dans les tournois, il serait probable qu’un malencontreux accident puisse arriver. De plus un vieil homme comme ça ne devait pas être le principal problème, autant en forme qu’il pouvait l’être, il ne restait qu’un vieil homme sans connaissance du chakra, qui se battait pour l’esthétique. Le second avec sa santé fragile ne représentait aussi aucun danger, la seule difficulté consistait à s’introduire chez lui sans se faire repérer puis le tuer. Non, plus j’y pensais, plus les deux premiers ne m’apparaissaient pas comme un danger mortel, ni une grosse épreuve. Le dernier cependant créait plus d’appréhension en moi. Pour avoir côtoyé des chasseurs, ils savaient être dangereux, avoir l’avantage du terrain était terrible et était un danger suffisant pour qu’on s’y prépare. C’était d’autant plus dangereux s’il avait la réputation de pouvoir tuer des shinobi et de l’avoir déjà fait. Cela méritait d’être prudent et de ne pas faire n’importe quoi. Il représentait un danger évident et même si ce n’était là que de l’ordre de la réputation, je préférais m’inquiéter plutôt qu’être surprise. J’essayais de ne pas faire n’importe quoi, de m’améliorer de jour en jour pour être la plus digne possible du rôle qu’était le mien.

Je devais avouer que maintenant que j’avais toutes les cartes en main, devoir assassiner des vieillards nobliaux pour le compte d’un autre nobliau qui souhaitait les terres ne m’emballait pas, mais cela ne m’emballait pas dès le début et malgré le mépris puissant que j’avais pour ces nobles, tous autant qu’ils étaient, je devais mener cette mission à bien, je n’avais pas le choix. Mais quelque chose persistait, ma caste et moi restions des armes et des mercenaires qui étaient brandis selon le besoin par des personnes dont le seul méritait était d’hériter. Cela me dégoûtait. Je me rassurais au moins le nombre de petit noble diminuera, c’était ce qu’on pouvait voir comme une victoire. En tout cas, Shiroite Kuromo, notre patron devait être pressé de mettre la main sur toutes ces terres, car après avoir payé notre voyage intégralement, alors même que je ne venais pas de la région d’à côté, il nous avait reçus rapidement. Ou tout du moins, son intendant nous avait reçu, le noble ne s’acoquinait pas avec les armes que nous étions, il laissait ses serviteurs le faire à sa place, comme pour ne pas salir ses mains du sang futur qui allait couler par sa faute. Tout cela me faisait dire, que c’était quelque chose qui devait lui peser, que de ne pas avoir le contrôle absolu et complet sur ces terres. Il devait mourir d’envie de récupérer tout cela pour le garder pour lui… je le méprisais, lui comme toute sa caste.

Une fois son petit laïus terminé, s’en alla rapidement, fébrile, sans un regard en arrière, l’air pressé de quitter la pièce. Durant tout l’échange, il ne m’avait pas regardé une seule fois dans les yeux, je le mettais mal à l’aise, mon nom, l’histoire et les légendes sur l’appétence pour le sang avaient fait leurs chemins. Mais je n’étais pas la seule à l’avoir mis mal à l’aise, car mon camarade dans cette mission semblait l’avoir lui aussi fait éprouver un mal être, chose que je comprenais cependant. Je continuais à n’être que peu habituée à devoir travailler avec des étrangers au clan. Encore plus quand l’individu n’avait un sourire qui ne me disait rien, il me donnait la chaire de poule et j’avouais ne pas être particulièrement à l’aise avec lui. Cela était dit, j’étais peut-être demeurée, mais sûrement pas stupide et je ne disais pas non à la moindre aide possible, aussi étrange qu’elle l’était. Bon gré, mal gré, me voilà embarquée et obligé de faire alliance avec un autre mercenaire opportuniste sur qui je ne savais rien. Je n’avais pas trop le choix sur ce coup-là, j’allais devoir faire avec ce que j’avais. Désormais seule avec lui, me voilà à devoir partager mes intuitions et la façon dont je voulais traiter cette mission. Il fallait avancer et régler cela rapidement, ce n’était pas nécessaire de traîner, déjà que je ne prendrai aucun plaisir pour cette mission, autant ne pas la faire durer. Je me lançais donc, faisant fi de ma mauvaise impression, peut-être qu’il était plus normal que je le pensais, après tout, j’étais plus grande que lui, couturée de cicatrices, les yeux cernés de noirs à cause de mes problèmes d’anémies. Je n’avais pas l’air mieux, je pouvais bien la fermer sur le physique. Je me lançais alors, sûre de moi :

« L’chevalier et l’céramiste ne m’font pas peur, l’premier pourrait mourir d’un accident. L’second sera facile à tuer si on arrive à s’infiltrer chez lui… L’troisième m’inquiète un peu plus, mais j’pense pas que ce soit si dangereux que cela… »

J’haussais les épaules puis repris :

« J’pense donc aller les tuer dans cet ordre-là, le chevalier, le céramiste, le trappeur. Ça m’parait plus simple comme cela. Faudrait voir s’il y a bientôt des duels de joutes d’ici quelques jours, l’histoire qu’on ne mette pas la puce à toute la région qu’on assassine tout l’monde. Ça t’va ? »

Cela me paraissait la chose la plus intelligente à faire et la plus pertinente encore fallait-il voir si l’autre acceptait. Collaborer même si la mission n’avait pas l’air extrêmement difficile me semblait être la meilleure chose à faire, je voulais triompher avec gloire et avec propreté pour une fois pour réussir à prouver au clan que j’étais forte et capable de les guider :

« Au fait, j'suis Hitagi et toi ? »

Maintenant que j’étais présentée, il fallait voir ou cette collaboration allait nous emmener et ce qu’il était possible de faire pour triompher sans passer au fil de l’épée l’intégralité de la population.



   

C'est la chasse aux vieux 

  
Les deux shinobi, trois si on prenait en compte la jeune femme qui semblait suivre Kirai et qu’Hitagi n’avait pas remarqué dès le début et qu’elle ne savait pas être une marionnette du déserteur de Suna, s’étaient mis en route. Le mal être de la jeune ne s’était pas atténuée en présence de son coéquipier (ses coéquipiers ?) pour cette aventure qui avait pour elle tout l’air d’être un simplet qui n’était à vue de nez pas un shinobi, mais un simplet aux allures lugubres et à l’énergie qui déplaisait la jeune femme. Elle garda cependant un grand sourire crispé et forcé, déclarant même, tentant de soigner son élocution au mieux, néanmoins galvanisée et effarouchée par les responsabilités que cela faisait miroiter sur elle :

« Je vais essayer de faire de mon mieux pour aiguiller au mieux ta sœur comme toi pour que tout se passe bien en fonction de vos capacités ! »


La vérité, la flatterie marchait bien sur elle, en sachant qu’avoir la responsabilité de la mission qui pesait sur ses épaules comme le ciel sur Atlas lui plaisait. C’était pour elle un baptême du feu qui lui permettrait de voir ce qu’elle valait en dirigeante de groupe avant d’emmener ses Chinoike, sa famille en mission. Mais au-delà de ça, le Petit Dragon ne pouvait pas ignorer qu’elle était fâchée de savoir que le dénommé Kirai n’était pas un shinobi et qu’il serait probablement bon à rien dans cette mission. Tant et si bien que cela l'obligeait à tout faire. Une fois son coéquipier retourné, elle fronça les sourcils, tentant de réfléchir au mieux à ce qu’il serait possible de faire seule pour triompher de cette mission.

Il convenait cependant de réagir calmement et de faire les choses dans les règles, il fut alors décidé que la première destination de ce groupe hétéroclite fut alors la forteresse d’Obujin, le lieu de vie du clan aristocratique Kiadan. Et à mesure qu’ils avançaient au sein de la forêt d’Emeraude et qu’ils en apprenaient plus sur celui qui était nommé l’ancêtre d’acier, ce qui n’était pour Hitagi qu’un abruti de nobliau en manque de sensation forte, une stratégie se dessina dans la tête de la jeune cheffe. Comme elle l’avait pressenti, un tournoi était en préparation et fidèle à sa réputation, Eru était annoncé participer aux festivités. C’était une chance pour Hitagi qui était conforté dans ses possibilités pour réaliser la mission.

Par acquis de conscience, et parce qu’elle souhaitait savoir à quoi elle devait s’attendre avec Kirai, elle lui demanda ce qu’il savait faire concrètement, parce que mine de rien, à cause de ce contrat, sa vie était plus ou moins dans les mains du lugubre duo de frères et sœurs. Elle murmura alors :

« Une fois arrivée en ville, je vais aller m’inscrire au tournoi et j’espère pouvoir affronter et tuer l’vieux. Saurais-tu à tout hasard manier une arme assez bien pour retirer la vie d’un homme ? »

Elle avait besoin de savoir, tant elle devait prévoir chaque possibilité, elle réfléchissait si bien qu’elle finit par avoir mal à la tête et regretta de ne pas avoir Etsu avec elle pour l’aider à réfléchir pour qu’aucune erreur ne soit commise. Surtout que quelque chose n’arrivait pas à rentrer dans sa tête et son plan, c’était la présence du céramiste, Takemi Erurondo présent sur les lieux lui aussi. Il fallait trouver lui aussi un moyen de l’exécuter fissa pour qu’il ne reste rapidement qu’une cible. Après une nouvelle période à réfléchir, se doutant qu’elle devait déléguer et qu’elle ne pouvait pas tout faire, elle se retourna vers le duo et déclara :

« Je pense que vous s’rez plus utile à chercher Takemi Erurondo, essayez de faire de votre mieux pour que sa santé fragile cause sa fin ! Nous aurions meilleur temps de nous séparer avant de rentrer en ville. »

Hitagi n’avait pas mieux que de s’en remettre à Kirai qui se jouait d’elle, ce qu’elle ne savait pas. Toujours persuadée qu’elle avait la majorité du contrôle sur cette mission, la jeune cheffe lui ordonna de rejoindre la ville seulement après elle pour ne pas attirer l’attention, car chacun était remarquable dans son apparence. Une fois la stratégie mise au point, Hitagi vida ses poumons et se dirigea lentement vers la ville, songeant à une couverture. Elle décida de se faire passer pour une rônin ayant perdu son daimyo à la recherche de tournois pour survivre des prix de ces derniers. Le fait qu’elle connaissait le monde des samouraïs l’avantageait et  elle se fit la réflexion qu’elle devrait remercier une fois de plus Inazo, car le fait qu’elle pouvait en seulement quelques instants se mettre dans la peau d’un samouraï l’aidait toujours, quel que soit la situation.

En arrivant, à l’entrée du village, elle se présenta alors :

« Bonjour, je suis Noriko, je viens participer au tournoi ! Savez-vous où je dois m’inscrire ? »

Avec son bon mètre quatre-vingt-cinq, ses muscles saillants, son corps couturé de cicatrice et le nodachi qui pendait à sa ceinture, le Petit Dragon avait clairement la tête de l'emploi de guerrière, cela ne faisait aucun doute.

Une fois rentrée dans la ville, la jeune femme s’attela à chercher le moyen et le lieu pour s’inscrire au tournoi, c’était la pierre angulaire sur laquelle reposait son plan, si cela échouait, elle n’avait plus de plan et cela lui causera assurément du tort. Son plan ne pouvait pas échouer, si ? Elle avait encore un peu de temps, l’heure n’était pas encore arrivée, le tournoi n’avait pas encore commencé, tout n’était pas encore perdu, Hitagi devait croire en elle. 


   

C'est la chasse aux vieux 

  
 
Pendant qu’Hitagi commençait à griffonner sur le papier d’inscription, elle ne put s’empêcher de grogner et de maugréer dans sa (non) barbe devant l’incompétence manifeste de son coéquipier. Ce n’était aux yeux de la jeune femme qu’un bonhomme précieux bien sapé à la morale trop importante pour faire le travail qu’on lui demandait. Cela agaçait au plus haut point la cheffe des Chinoike qui ne comprenait pas la présence d’un incapable comme cela.
 
Elle tâcha de ne plus y penser, persuadée qu’elle devrait gérer seule et que Kirai n’était qu’un boulet qu’elle ne voulait plus se tirer seule. Se reconcentrant sur le papier, elle lut alors qu’en signant la paperasse, la ville se déchargeait de toute responsabilité en cas de mort, blessures, amputation, traumatisme, etc. La liste s’étendait encore sur plusieurs pages et Hitagi fit la moue, le type à l’entrée n’avait pas menti, ils se dédouanaient de tout.
 
C’était une chance pour la jeune femme qui comptait plaider l’accident lorsqu’elle crèvera sa première cible.
 
Mais il restait un problème, il fallait un cheval. Hitagi n’avait pas de cheval à elle, qu’est-ce qu’elle foutrait avec un cheval ? Mais elle n’avait pas le choix, vu que le futur allait participer aux joutes donc elle devait elle aussi participer aux joutes. La Tigresse de l’isthme se creusa la tête, avant de se résigner, elle devait acheter un cheval. Or, elle n’avait pas d’argent pour tous les purs-sangs aux muscles puissants qui valaient un prix en or exorbitant même pour une mercenaire comme la jeune cheffe. Puis, elle ne voulait pas mettre l’argent du clan dans une bête comme cela.
 
Elle se hâta donc de rejoindre la ville pour trouver ce qui serait dans cette situation ou rien n’allait, son meilleur allié. Avec ses moyens, elle n’aurait sûrement que le moyen de s’acheter une carne de canasson vieux et rabougris, mais elle n’avait pas le choix, c’était ça ou échouer la mission. Et Hitagi comptait bien faire couler le sang de son lot de nobliau aujourd’hui, au moins pour gérer la frustration de ne pas être entouré de personnes compétentes.
 
Finalement, elle croisa un fermier qui traînait derrière lui un cheval qui renâclait, secouant la tête et la bride. C’était un cheval de trait puissant à la robe noire, mais sa tête était recouverte d’un lange blanc tâché. La bête avait un œil crevé. Immédiatement, Hitagi eut le coup de foudre et attrapant le vieux fermier, lui hurla à moitié dessus combien il voulait pour la bête. Elle était tellement excitée par ce cheval qui lui apparaissait comme tout à fait parfait pour juste la tâche qui lui incombait. Le vieux fermier surpris sursauta avant de réfléchir et de donner un chiffre que lui trouvait exorbitant, mais Hitagi pouvait se le permettre. En quelques secondes, elle était devenue la propriétaire d’un cheval et elle n’écouta même pas les paroles du vieux qui voulait donner le nom de l’animal, mais voilà qu’elle repartait déjà. La bête s’appelait déjà Tsumi en son for intérieur.
 
C’était dans les meilleurs moments qu’Hitagi croisait un borgne. Si Tsumi l’avait sauvée une fois, il avait ses chances de se faire sauver par ce cheval. La jeune femme louvoya à droite à gauche jusqu’à trouver un maréchal-ferrant qu’elle arrosa pour qu’il lui change les fers du cheval. Elle en profita pour acheter une selle qu’elle se débrouilla pour que le type l’installe et la voilà déjà de retour près de l’arène ou allait se dérouler le tournoi. Il n'avait pas encore commencé, elle était dans le temps. Elle soufflas durant les quelques instants  de répis qu'elle avait.
 
Elle avait son cheval, Tsumi II, qu’elle ne savait pas s’il allait être obéissant ou même avancer droit parce qu’il lui manquait un œil, mais Hitagi avait déjà monté quelques fois à cheval, tout mercenaire devait savoir faire cela. Surement qu’en cachant la vue périphérique du cheval, il serait possible de le faire avancer à peu près droit. Elle ne songeait plus à l’autre incompétent, ne faisant qu’attendre le début du tournoi, elle était si excitée à l’idée de se battre et de voir si tout allait bien marcher.
 
Son plan n’avait à ses yeux aucune faille et elle avait fait de son mieux pour avoir le maximum de chance de marcher, elle devait désormais croiser les doigts.