Mais quelle drôle de journée pour nos amis du cirque. Eux qui étaient pourtant habitués de longue date à voyager aux grès des vents dans les quatre coins du Sekai. Toujours invités, jamais vraiment accueilli. Nos amis avaient pourtant trouvé pour le jour le plus froid de l’hiver, repos, nourriture et confort, dans un charmant petit village du plateau d’Arakura.
Charmant était un euphémisme pour qualifier une bourgade aussi féérique. Ses bains chauds, sa forêt luxuriante et ses chaumières illuminées, éblouissaient nos porteurs de rêves. Comment étaient-ils parvenus à obtenir pareil asile ? La réponse était des plus sommaires. Kangei, chef du lieu, n’était autre qu’un vieil ami de l’Augure Gëraruto. Shinobi émérite, il avait accompagné l’homme aux tatouages ésotériques dans bon nombre de missions, qu’ils avaient d’ailleurs et avec un plaisir non dissimulé, comté jusqu’à la dernière anecdote aux parterres de festivaliers. Les voilà d’ailleurs qui s’éternisaient sur un point de détail. Passeur de mémoire, ils devaient s’imaginer comme deux vieilles branches qui espéraient, tremblant au gré du vent, faire tomber un gland qui donnerait un nouvel arbre.
Kangei se fit moqueur. Jugeant qu’un shinobi ne pouvait se décréter comme tel sans savoir marcher sur l’eau. Un peu honteux, mais rigolant de bons cœurs à la boutade visée, Gëraruto en accepta la sentence. La nuit tomba et se séparant pour retourner chacun dans leurs demeures, les membres du cirque, autour de la tablée, se rendirent compte de l’impensable. L’Augure était loin d’être le seul qui ne maitrisait pas cette technique pourtant sommaire ! Quelle honte pour le cirque ! Résolu, ils décidèrent conjointement qu’il fallait de toute urgence remédier à cette bévue.
Cœur d’or et détermination d’acier. L’enseignant fut tout désigné en la personne de Kangei. Aussi, aux premières lueurs du jour, danseurs, chanteurs et autres artistes se tenaient impatients devant la porte close du chef de village. Tout juste peut-il ouvrir la porte, qu’un poil pressant, Gëraruto présentait la demande.
"Alors comme ça vous ne maîtrisez pas les bases ? Bon… On peut commencer par la marche sur l’eau, je pense que c’est largement à votre portée, mais on pourrait aussi explorer deux, trois trucs. Je me sens d’humeur généreuse aujourd’hui ! Allez, rendez-vous aux bains d’ici quelques heures. Je dois encore terminer de me préparer !"
Une journée sous le signe du dépassement de soi s’annonçait donc.