Ce n'est pas la première fois que je me retrouve de nuit sur le terrain d'entraînement. Plus qu'une habitude, c'est devenu une nécessité avec le temps. Faut dire, les gens, les autres, c'est pas vraiment mon truc. Si pas mal des autres Genin aiment être regarder lorsqu'ils réussissent quelque chose, moi, je préfère être tranquille, surtout quand j'essaye quelque chose d'aussi... Bizarre. En vrai, ça ne l'est pas tellement mais... J'ai vu que chez les autres, ça ne fonctionne pas de la même manière, du moins, dans les faits, oui, mais dans l'esthétique, c'est tout autre chose...
Ca fait plusieurs heures que je suis face à ce mannequin d'entraînement, regardant avec une certaine lassitude le faux-visage que j'ai essayé de peindre sur sa tronche pour lui donner un aspect plus... vivant. Mais qu'importe ce que je fasse, ça reste du bois travaillé à la va-vite bon à prendre des coups. Ouais, je vois pas trop pourquoi je me prends la tête en vrai. Tout doit rester simple, surtout que si je commence à me prendre trop la tête, je sais que je vais abandonné pour quelque chose de plus... Normal ? J'aime pas la normalité, ça me saoule. Mais j'aime pas pour autant me mettre à l'avant de la scène. Ca c'est pour les autres. Moins on te regarde, moins les gens ont d'attentes. Et ça c'est bien. Ca évite d'être déçu de toi parce que tu les déçois.
Du coup, il est peut-être temps que je m'active ? Je commence simplement par m'échauffer. Je sais, mon maître disait souvent qu'un prédateur ne s'échauffe pas avant de bondir sur sa proie. Mais je suis pas comme les compagnons de Dame Yume, quoi que Caducée reste une grosse peluche quand on y pense. Mais je ne suis pas une peluche non plus. Bref, je divague... Vague.
Mon pied finit par atterrir sur le pantin. Le choc me semble assez peu violent pour un début. J'aimerai bien comprendre comment je peux frapper plus vite. Du coup, comme d'habitude, je ressors mes dessins. Toute la journée, je dessine les autres s'entraîner. Leurs postures, les mudras etc. Ca me permet d'intégrer plus facilement ce que je dois faire ou éviter pour apprendre toute seule. Puis j'aime bien, mon carnet ressemble à un manuel d'art martial, peut-être que je pourrais les revendre pour me faire quelques ryos ? Mais je digresse... Non je ne la ferais pas cette fois-ci.
Une nouvelle fois, je lève la jambe pour faire s'entrechoquer le plat de mon pied avec le bois. Le bruit est plus sourd et l'objet a bougé, mais très vite, je dois reprendre mon équilibre. C'est pas bon. Pas pour ce que je veux faire en tout cas. Je prend une grande inspiration, me concentre à nouveau. Il est temps de se concentrer ma vieille. Dame Yuriko ne te laissera pas l'occasion de rêvasser ! Et bizarrement, cette simple pensée suffit à ce que mon coup soit plus fort et plus rapide. Oui, il est bon de se rappeler pourquoi j'essaye de faire les choses différemment. Pas parce que c'est cool d'être un outsider, loin de là, mais parce que comme ça, je pourrais me faire remarquer par elle. Ca, ça serait vraiment cool.
Le bruit du mannequin commence à résonner dans le terrain vide alors que mes attaques sont de plus en plus violentes et beaucoup plus rapides. Je pense avoir trouver le point d'ancrage parfait pour mon bassin. Le secret n'est pas très compliqué, il suffit de garder un angle de quarante-cinq degrés, à quelque chose près. En vérité, c'est une posture classique de coup de pied haut, sauf que j'essaye de la garder plus longtemps. Quand je repense aux dessins, je me souviens que les bras aident à l'équilibre, et c'est assez logique quand on y pense. Du coup, j'essaye d'adopter une posture défensive qui me convient à moi. Naturellement, j'ai mon poing gauche qui vient se coller à ma tempe, tandis que l'autre se situe à l'arrière de ma fesse. C'est bizarre dit comme ça, mais lorsque je suis en position, tout fait sens.
Je passe plusieurs heures comme ça, à jouer avec ma jambe dans les airs. Pas besoin de grand coup de savate, pour l'heure, je ne cherche qu'a améliorer mon équilibre. J'ai vu cette attaque quand j'ai rencontré Himiko. C'est une belle fille. Mais du coup, j'ai pas su trop observer comment les coups sont donnés par la suite. Ce n'est pas bien grave, je vais improviser. J'aime bien faire ça d'ailleurs, peut-être mon côté artistique ? En tout cas, je ne suis pas prête d'aller me coucher. J'ai hâte de passer à l'autre technique de combat, même si je sais que je risque de faire plus de grabuge qu'autre chose...
J'ai aucune idée de l'heure qu'il est, mais je commence à voir de sérieux progrès. Enfin, voir, c'est surtout le ressenti qui est là. De plus en plus, j'arrive à me déplacer dans cette position. Appuie sur le pied gauche, jambe droite levé, j'essaie de donner des petits coups dans les airs pour tourner à droite ou à gauche. Bon, je dois bien l'avouer, c'est pas forcément la position la plus glamour du monde, mais moi j'aime bien. Je sais que c'est juste un début, les premiers pas d'un style de combat qui n'appartient presque qu'à moi. Et j'en serais fière. C'est le principal.
Il est maintenant temps que je passe aux choses sérieuses. Lever la patte comme un chien qui pisse c'est bien beau, mais maintenant faut y mettre de l'impact. Après avoir bu un coup d'eau, je me remet en position, reprenant mon souffle et ma concentration dans de grandes inspirations. Il est temps de se lancer. Je sais que je peux y arriver, il suffit d'y mettre assez de conviction et de force pour que ça le fasse.
Presque mécaniquement, mon pied se lève, je suis vraiment à l'aise dorénavant et rien que ça, me procure une certaine satisfaction. Manque de bol, ça me déconcentre aussi, et le premier choc vient tout bonnement me faire perdre mon précieux équilibre. Je suis vraiment cruche. Le cul par terre, je regarde le mannequin en voulant me frapper. Si seulement il pouvait me répondre, juste pour marquer mon imbécillité. Mais bon, c'est pas grave, ce n'est qu'en faisant des erreurs qu'on apprend. Aussi, je me relève et me repositionne. Il est temps de donner un congés définitif à ce pantin. Mes sourcils se froncent, mon regard reste focalisé sur ma cible. Pas plus bas que la tête. Mon pied se lève, les muscles se crispent un instant, je sens la force parcourir ma jambe alors que d'un seul coup rapide, je déchaîne mon attaque, faisant voltiger la tête du pauvre sans-visage à plusieurs mètres de là. Je suis contente, je gère toujours aussi bien le « Aku »... Mais c'est pas ça que je veux.
Je me replace face au bout de bois sans ganache. Mon dernier essai semble raté, pourtant, ça me permet de voir qu'en me concentrant sur un point précis, j'arrive à l'atteindre. Peut-être qu'en me concentrant sur plusieurs, ça fait la même chose ? En toute franchise, j'en doute, mais c'est pas grave. J'inspire, expire, encore une fois, puis une autre. Il est temps de se lancer.
Ma jambe se lève et le coup part, vif et puissant, comme le précédent. Mais au lieu d'un arc de cercle, cette fois-ci, je garde la position, repliant la jambe pour toucher un autre point. L'épaule droite, puis la gauche, puis le plexus, la hanche droite et gauche et je tombe. Essoufflée, je regarde à nouveau mon adversaire de nuit avec un petit sourire. Certes, on est loin du résultat, mais c'est déjà pas mal. Je sais par contre que j'ai eu une perte de puissance sur la fin et ça, il faut pas. Malheureusement, je sais que rien ne vient s'il n'y a pas d'entraînement. Alors je m'y remet, il le faut. Cette fois-ci, j'arrive à garder mon équilibre plus longtemps et à ne pas chuter, mais je sens que ma force baisse au fur et à mesure. Peut-être en m'aidant du chakra ? Non. Le Chakra c'est pour les faibles. Je ne suis pas faible.
La Lune continu sa course sans que je ne la vois bouger. La seule chose qui rythme ma nuit, c'est les instants où je bois de l'eau ou finit le cul par terre. C'est assez éreintant, mais je perçois une certaine avancée. Mais avec le recul, c'est peut-être un peu orgueilleux de penser que je peux y arriver aussi vite. M'enfin, j'ai prévu de ruiner ma nuit à l'entraînement, c'est pas pour me reposer maintenant. Du coup, je continue, encore et encore. Ce n'est que le début, d'accord... d'accord...
L'air commence à devenir plus frais et humide. Ca sent la fin de la nuit. Et c'est emmerdant, car j'ai pas encore finalisée mon entraînement. Pourtant, j'ai tout fait exactement comme j'ai pu le dessiner. La position, l'équilibre, la force de frappe, la vitesse aussi ! Tout y est et pourtant, ça veut pas faire comme avec l'autre Genin. Je dois manquer quelque chose. Je suis sûre que c'est un truc tout con en plus, mais j'arrive pas à mettre le doigt dessus. Puis en plus, je vois le ciel changer de couleur, bordel ! Le jour se lève ! Il faut vraiment que je me dépêche mais pourtant, j'arrive pas à comprendre ce qui fait tout foirer.
Je finis par m'asseoir par terre, essoufflée et à bout de nerf. Je pensais vraiment pouvoir y arriver, mais non. Je suis là comme une pauvre merde à me poser tout un tas de questions alors que la rosée matinale se pose sur mes épaules et me procure un frisson. Qu'est-ce que je déteste ça. Je vais choper mal à force avec ces conneries. Du coup, je me demande si ça vaut la peine de continuer, après tout, les gens vont commencer à affluer et je vais passer pour une incapable. Pas que j'en ai quelque chose à faire, mais en tant que prétendante au Clan Tadake, Faut vraiment que je gère la chose. Rah, ça m'énerve !
J'aime pas être comme ça, bloquer par quelque chose ! J'ai l'impression d'être nulle et du coup, ça m'énerve ! Et de m'énerver pour ça, ça m'agace encore plus ! Alors que tout se passait bien ! Et ce putain de pantin là ! Pas foutu de m'aider lui non plus ! Non mais j'suis sérieuse ? Je me plains vraiment à un bout de bois ? Je suis vraiment naze ! Qu'est ce que je peux m'énerver ! Allez ! Ca me saoule, j'me casse ! Non ! Tu restes là ma fille et tu réussis cette satané technique ! Mais de toute manière je vais pas y arriver... Mais si ! T'es une battante ! Allez, un peu de nerf ma vieille ! Mais les autres vont bientôt se pointer là... Rien à foutre ! J'avais dis jusqu'à ce que le soleil se lève et il est pas encore vraiment présent, j'ai encore un peu de temps ! Mouais, mais pas assez pour...
« RAHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHHH !»
Je me relève de rage et un coup de pied part violemment dans le buste du mannequin. D'habitude, c'est assez marrant, ça fait un gros bruit bien sourd et ça calme mes nerfs un moment. Mais là, y'a quelque chose qui cloche. Je sais pas si c'est l'énervement ou quoi, mais je sens une force m'envahir et prendre possession de ma jambe. À titre de comparaison, je dirais que ma jambe me semble... En feu ? C'est étrange comme sensation, mais lorsque le choque finit par arriver, je me rends compte que j'ai peut-être abusé. Pas parce que j'ai agis comme une grosse gamine, ou que j'ai des sérieux problèmes de dédoublement de personnalité quand quelque chose m'agace. Mais parce que lorsque le coup a fait mouche, ce n'est pas qu'un simple choc qu'il y a eut. C'est une véritable explosion de flammes bleus qui ravagent le mannequin et le terrain d'entraînement sur plusieurs mètres.
Face à ce déchaînement de puissance, je me sens un peu conne tout à coup. J'y suis vraiment aller trop fort, mais en même temps, j'ai pas vraiment prévu que ça fasse ça. En regardant mon pied, je vois que mon bas de pantalon est encore en feu, du coup je le secoue pour éteindre les flammes et bizarrement ça marche. Mon regard se porte alors à nouveau vers le carnage que j'ai fais. Pour sûr je vais me faire défoncer si on apprend que c'est moi. Vaut mieux que je me tire, ouais, je vais faire ça. Et au pas de course !
La journée fut longue, mais me voilà de retour sur le terrain d'entraînement. C'est assez étrange de voir que tout semble comme neuf. Les adultes ont dû nettoyer toutes mes bêtises de ce matin. Les pauvres, quand j'y pense, ils ont pas du comprendre de voir le carnage que j'ai fais. Du moins, personne n'est venu me voir, ça doit vouloir dire que j'ai réussi à être discrète malgré tout. Enfin, je l'espère fortement en tout cas. Bon. C'est pas le tout, mais il est temps de se remettre au travail. Très vite, je me remet face au nouveau mannequin d'entraînement tout beau tout neuf. Et une fois encore, je lui dessine un petit visage. J'ai vraiment du mal à frapper quelque chose qui n'a pas d'expression. Est-ce que cela fait de moi une psychopathe ? Bref, retournons à nos lions, il est temps de se remettre en position.
Calmement, je m'étire à nouveau, tentant d'éviter un claquage inutile qui pourrait foirer ma nuit de pratique. Réalisant quelques exercices basiques, je me remet en position, m'amusant une fois de plus avec mon équilibre, jouant du pied dans les airs, frappant doucement des points stratégiques. La gorge vient en premier, puis les côtes flottantes, s'en vient les genoux, puis la tempe. Je répète les mêmes gestes, encore et encore, augmentant la vitesse de plus en plus. C'est grisant, j'ai la sensation de pouvoir faire encore mieux et plus rapide. Mais comment ? La solution est simple, je la connais, mais je m'y refuse.
Pas encore du moins. Je préfère me laisser aller à l'épuisement, utiliser mes forces pour gagner en vélocité et en force brute. Les coups répétés cognent et font craquer de plus en plus le pantin de bois qui commence à danser dans tous les sens. C'est amusant de le voir ainsi gesticuler, mais je dois rester focus. Malencontreusement, je perçois que quelque chose commence à clocher. Comme ce matin, mon pied commence à fumer. Très vite je m'arrête. Il est pas question que je fasse cramer le terrain avec mes conneries. Il est peut-être temps que je fasse une pause ? Ouais. Je vais faire ça.
Les fesses retrouvant le plancher des vaches, j'en profite pour boire un peu d'eau et regarder mon pied. Pourquoi cet enfoiré s'enflamme comme ça ? C'est pas la première fois que ça m'arrive, mais à chaque fois ce n'est pas voulu. En plus, au lieu qu'elles soient rouges, les miennes sont bleus. Je parle des flammes que je produis. Je sais pas pourquoi j'ai ça, mais ça me rend différente, du moins, un peu plus que d'habitude. Pas que ça me dérange, mais les gens focalisent sur moi quand ils les voient. J'aime pas le regard des gens, j'ai l'impression d'étouffer et ça me bloque.
Je frappe soudainement mes cuisses. Il est temps de se remettre au travail. Pendant des heures encore, je continu mon petit manège, cherchant à aller toujours plus vite, toujours plus fort, toujours plus précisément. Je ne veux pas que ça soit une simple salve de coup de pied aléatoire, je veux que si un gars ou une fille se le prenne, qu'il ou elle ait super mal ! C'est vers les coups des deux heures du matin que je sens que j'atteins mes limites actuelles. C'est grisant, mais je reste assez fière de moi. Il ne reste plus qu'une dernière étape pour être sur du résultat final et ça passe comme toujours par le chakra.
Le Chakra, c'est ce truc bizarre qui se trouve en nous tous. Selon Senseï, il permet la vie, mais aussi de contrôler la matière et les éléments, ainsi que pleins d'autres choses. C'est comme ça que Hako la terreur arrive à contrôler ses insectes ! Ou que Yume-chan peut invoquer ses lions, ou voir super loin ! Pour Yuriko-san, ça lui permet de sauver des vies ou de frapper super fort ! Je l'ai vu faire une fois, le sol s'est craquelé sous l'impacte de son coup ! C'était quelque chose à voir. Mais du coup, je veux pouvoir faire pareille, ou du moins, dans mon style à moi. Mais pour ça, faut que j'arrive à utiliser cette énergie. En vrai, ce n'est pas si difficile et j'aurais pu commencer par ça directement mais... Chaque fois que je me focalise trop dessus, j'ai tendance à tout cramer. Du coup, je fais en sorte de m'entraîner sans, en amont, puis, de l'utiliser qu'en dernier recourt. C'est chiant, mais en même temps, ça me permet de pas me reposer sur ça uniquement et c'est plutôt cool quand on y pense !
Mais il est l'heure d'arrêter le blabla et de se mettre au boulot. Le sourire aux lèvres, je m'approche de mon compagnon nocturne. Doucement, je me met en position de combat alors que ma jambe se lève, de plus en plus haut et que dans mon esprit, je pousse le flux énergétique à se concentrer dans mon pied, mon mollet et tous les muscles de ma cuisse. Le résultat met du temps à venir, mais très vite, les coups se multiplient à une vitesse folle, alors que le mannequin semble vraiment prendre super cher ! Cependant, je ne m'arrête pas si bon train et continu à frapper, encore, encore et encore ! Toujours plus rapide, toujours plus fort ! Je dois multiplier les coups, qu'ils deviennent presque impossible de les percevoir ! C'est mon but et je passe tout le reste de la nuit à m'entraîner jusqu'à l'épuisement totale.
Pour être tout à fait franche, je suis assez contente de moi. Pour une fois, j'ai réussi à contrôler mon énergie pour ne pas tout faire cramer, même si j'ai bien senti sur la fin que ça commençait à déraper... Après, faudra que j'essaie ce coup en situation réelle pour voir si ça marche vraiment ou pas. Je devrais peut-être demander à Kotaro ? Il a toujours été un bon compagnon d'entraînement... Bon, allez, une dernière fois et je m'en vais. Le soleil va bientôt se lever en plus.
Une ultime tentative, où tout se passe bien, du moins au début. Peut-être est-ce le fait que je sois trop emballée par ma réussite ? Ou les frissons de la rosée matinale qui ont produit cet effet ? Mais une fois de plus, alors que tout se déroule parfaitement, je ne vois pas ma jambe commencer à fumer. Je n'ai qu'au dernier instant que je perçois les flammes qui jaillissent et le pauvre pantin subir une explosion de tous les diables. Complètement dégoûtée, je commence à courir vers mon sac pour tout remballer et me tirer. Sauf que ce coup-ci quelqu'un ma vu.
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