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[Flashback] Dare Devil

Kamiko Raion
Kamiko Raion
Konoha no Chunin
Messages : 221
Date d'inscription : 16/10/2019

Fiche du Ninja
Grade & Rang: Chûnin - rang A
Ryos: 2300
Expérience:
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[Flashback] Dare Devil Lun 1 Nov - 7:56
Kamiko Raion


 
Dare Devil
Feat no one

 
Devant elle, gravé sur le bois, le sceau luisait sur tous le pourtour de son encre fraiche, faiblement illuminé par la lueur d’une bougie presque entièrement consumée. La petite fille, silencieuse, observait l’ouvrage depuis un certain temps, plongée dans une réflexion intense, connue d’elle seule.

« Ça ne marche pas. »

C’était le mantra qui perturbait, sans arrêt, l’étrange chemin de ses pensées, son regard d’acier vissé à la planche de bois de son exercice raté d’aujourd’hui. Les mots, prononcés sans aucun ton vraiment perceptible, lui faisait l’effet d’un électrochoc, d’autant plus désagréables qu’ils sortaient de la bouche de quelqu’un dont l’avis lui importait atrocement.

« Ça ne marche pas. »

Son cousin la dévisage, la moue déçue, son regard alternant entre elle et la lame avec une lenteur insupportable. La gamine sent ses joues s’échauffer sous le coup d’une honte profonde, associé à un échec cuisant qu’elle déteste presque aussitôt avec une force viscérale. Le jeune albinos, lui, hausse les épaules avant de récupérer son tantô, pour le ranger à sa ceinture.

« T’en fais pas, c’est pas grave Ra’. Toute façon, t’as pas le droit d’en utiliser, alors à quoi ça pourrait bien te servir au fond… »

Le regard métallique de la fillette tombe sur le katana qu’elle avait dérobé à son géniteur. L’arme, rengainée, reflétait le halo dansant de la bougie qu’elle avait posé devant elle, entre les deux objets qui lui était nécessaire. Ajustant ses cheveux, la shinobi ferme les yeux et inspire profondément, appelant à elle tous les souvenirs à sa disposition qui viendrait l’aider dans son ouvrage. Un sceau. Elle voulait un sceau. Pas un qui mettait un handicap, pas un qui protégeait son porteur. Un sceau un peu comme Funyu, mais que pour les arsenals. Plus précisément encore, un sceau juste pour les katanas. La forme, familère, retrace le schéma qu’elle tenait en vue depuis peut-être une heure maintenant, sans réellement comprendre ce qu’elle attendait elle-même pour se mettre à l’ouvrage. T’as pas le droit d’en utiliser, alors à quoi ça pourrait te…

L’enfant fronce les sourcils, sauvagement, déformant les traits harmonieux de son visage, laissant échapper un claquement de langue contrarié alors que la chaleur désagréable retrouve le chemin de ses pommettes. Il était bête, Kensai. Bien sûr qu’elle en avait besoin, comment il allait faire sinon, sans son sabre, pendant les infiltrations ? La Kamiko était parfaitement convaincue qu’il n’avait absolument pas pensé à cette utilité, tête en l’air qu’il était. Elle avait donc vraiment besoin de cette technique, à tout prix. Rouvrant les yeux, la petite fille considère, un instant, le kit de couture qu’elle avait posé un peu plus en retrait de son modèle. Elle avait déjà vu sa tante à l’œuvre et le souvenir de la douleur de son patient était encore marqué au fer rouge de son cri strident dans la mémoire de l’aspirante ninja. Peindre ne marchait pas, à son plus grand désespoir. Pas pour elle, se corrige-t-elle en repensant aux deux ou trois visages triomphant de ses autres cousins. Elle devait trouver autre chose, pour faire vecteur et, aussi loin qu’elle avait pu retourner le problème pendant sa corvée d’épluchage de légume, elle n’avait trouvé que cette solution-ci.

Sans y penser, Raion tend ses mains vers la petite boite en bois, extirpant de celle-ci le matériel dont elle allait avoir besoin. L’aiguille brille, une courte seconde, à la lumière de sa chandelle, accompagnée d’une bobine de fil rose. La couleur, n’avait, en soit, que peu d’importance mais la fillette n’avait pas pu s’empêcher de choisir celle-ci parmi toutes les autres. Rose, c’était joyeux, réconfortant. Et c’était ce qu’elle avait de plus proche de la teinte de sa peau, aussi. Son outil en main, la petite s’égare dans un nouveau moment de cogitation extrême, chassant la difficile constatation de la douleur qui découlerait à coup sûr du processus. Devait-elle faire ça sur son bras ou sur sa jambe ? Elle avait renoncé à reproduire à l’identique l’emplacement de son professeur, bien trop consciente qu’elle n’était pas assez habile pour se coudre le motif sur le torse. Mais quel endroit serait plus pratique que ça ?

Le regard de la gamine se pose sur sa peau nue et propre, sa bouche déformée dans un rictus mi-craintif mi-résolu. Elle devait le faire, c’était important. Elle n’avait pas d’autre moyen, mais elle ne voulait pas avoir mal. Pire, même, elle répudiait quelque peu à sacrifier la « jolie peau délicate de sa maman », comme répétait tant son père. Il le faut, se raisonne-t-elle autant que possible. De sa main libre, elle remonte tour à tour la jambe de son pantalon, puis sa manche, dans une répétition aussi butée que la chute systématique d’un tissu déterminé à recouvrir la chair qu’il gardait encore au chaud une poignée de seconde plus tôt. Une cuisse, c’est accessible. Un avant-bras aussi. Mais l’avant-bras, c’était plus proche de ses mains, donc plus facile à saisir, dans le feu de l’action. Délaissant son pantalon, l’attention de la Kamiko se concentre sur le derme nu et doux de l’intérieur de son bras, alors qu’elle déglutit. Ce serait donc là, qu’elle tenterait son plan un peu fou, mais pourtant parfaitement logique d’un point de vue théorique.

Les doigts de la petite se mettent en action, glissant le fil de chanvre teint dans le chas d’une aiguille qu’elle rapproche prudemment de sa source de lumière. Elle avait vu Fugu le faire des dizaines, si ce n’est des centaines de fois et, même si elle était extrêmement mauvaise en cours médical, elle savait que c’était nécessaire pour éviter de corrompre les tissus qu’elle allait percer dans son ouvrage. Alors, seulement, après avoir attendu de voir la pointe rougie par la chaleur refroidir, Raion approche, lentement mais surement, l’objet de sa peau. A mesure qu’elle comble le vide entre les deux, la bouche de la petite fille s’assèche. Tendue, elle déglutit à nouveau, pleine d’appréhension pour ce qu’elle s’apprêtait, préférant fourrer dans sa bouche un sous vêtement roulé en boule. Bien que seule dans la maisonnée, la brune ne voulait alerter personne, de peur qu’on l’empêche d’exécuter sa théorie jusqu’au bout. A nouveau, l’aiguille s’approche inexorablement de la peau, la main, jusqu’à présent sûre, qui tenait la pointe se mettant graduellement à trembler. Une larme perle le long de la joue de la petite, dont la mâchoire se referme solidement sur son bâillon improvisé pour combattre la répulsion naturelle qui accompagnait l’appréhension de la douleur. Un clignement de paupière chasse une nouvelle perle d’eau salée, éclaircissant son regard bien trop trouble pour qu’elle réussisse son entreprise. Inspirant profondément par ses narines pour chasser la bouffée de chaleur et de stress qui monte en elle, Raion dépose enfin l’aiguille contre son avant-bras, un peu en dessous du poignet.

« T’en fais pas, c’est pas grave Ra’. Toute façon, t’as pas le droit d’en utiliser, alors à quoi ça pourrait bien te servir au fond… »

Elle sert les dents et, dopée par la culpabilité que réveillait le souvenir cuisant de son échec, la Kamiko franchit le pas. Lorsque l’outil de couture pénètre la peau, elle cligne des yeux, surprise par l’élan de souffrance pure qui remonte jusqu’à son cerveau déjà sous tension. Elle étouffe un couinement et laisse échapper des larmes qui dévalent son petit visage rond et enfantin, traversant sa peau de part en part pour y dresser le premier point de sa triste œuvre. La pointe ressort alors, créant une nouvelle fulgurance qui manque de la faire tourner de l’œil. Elle n’allait jamais y arriver, c’était une idée débile, stupide, irraisonnable. Pourtant la petite silhouette achève son mouvement puis prend une pause pour affoler son cœur qui bat la chamade. Pause qu’elle regrette aussitôt, lorsqu’elle reprend le point de croix qu’elle avait entamé. Cette fois, l’appréhension était pire et la peur de la douleur, elle, presque insurmontable. Et en même temps, la culpabilité venait l’étreindre à nouveau, accompagnée par cette honte chaude et dure qui ne venait que renforcer la crainte étrange d’être rejetée par son plus proche confident si elle n’allait pas jusqu’au bout. L’image de son visage de bambin déçue la glace, une courte seconde, avant qu’elle se décide à percer, à nouveau. Elle voulait hurler, mais encore une fois, elle étouffe son cri dans le tissu roulé en boule dans sa bouche. Les larmes, elles, coulent à flot, autant à cause de la souffrance que du déchainement émotionnel terrible qu’elle ne parvenait pas à gérer. Son cerveau, lui, traitait étrangement cette situation surréaliste, acceptant la douleur volontairement causée et décroissant dangereusement sa priorité au profit de l’affront anecdotique qu’il avait subi.

Raion était trop fière. Trop fière pour admettre que son idée était particulièrement mauvaise. Trop fière pour admettre qu’elle pouvait se tromper et, surtout, bien pire que tout le reste, trop fière pour abandonner sa bêtise maintenant qu’elle avait commencé. Les minutes s’égrènent, devenant bien vite des heures, jusqu’à voir naitre l’aube par la fenêtre de sa petite chambre, alors que sa bougie mourrait d’avoir trop servi. Elle ne comptait pas les cris qu’elle avait avorté, mais comprenait maintenant pourquoi les patients hurlaient, sous la houlette minutieuse de sa tante. La douleur, si pendant un long moment elle l’avait crainte, finit par devenir une étrange amie, dont les affres passent de larmes à relaxation, à mesure que les endorphines envahissent le cerveau de la petite fille. Bientôt, les trois points sont dix, puis vingt, puis trente. Le nombre augmente difficilement d’abord, puis rapidement, sous l’impulsion de l’urgence de se débarrasser de ce travail ingrat et incommode.

Elle sursaute, lorsque la porte d’entrée de la petite maison qu’elle partage avec son père s’ouvre. Elle manque même presque de hurler puisque, dans son mouvement imprévu, elle venait de tirer plus fort qu’il ne le fallait, resserrant violemment sa peau meurtrie. Elle ne pouvait pas, pas maintenant. Sans un mot, elle attend, dans l’aube qui se transforme en matinée, que son père avance. Elle scrute ses pas, l’esprit alerte, l’adrénaline chassant la quiétude brumeuse de son analgésique naturel. Kenta traine des pieds, faisant craquer sous son poids l’une des lattes du plancher rossignol. Cette dernière, dont le chant légèrement dissonant déforme le silence matinal, tire un sourire coupable à la fillette, alors qu’une autre porte s’ouvre, puis se ferme derrière le passage de l’homme. Il avait travaillé toute la nuit, sans doute et, matraqué par la fatigue, il n’avait pas pris le temps de vérifier qu’elle dormait. Une aubaine pour elle, mais aussi une condamnation : elle n’avait maintenant même plus le luxe d’hurler dans ce bâillon si pratique. Cette fois-ci, l’exercice douloureux se transforme en véritable torture dont elle doit conserver le secret, coute que coute. Inspirant profondément, elle reprend, accélérant et pleurant à mesure qu’elle progresse dans la broderie du motif.

*

Deux heures. C’est sans doute ce qu’il a fallu à Kenta pour émerger, réveillé par l’urgence d’un bruit mat et lourd heurtant le plancher de la pièce adjacente à la sienne. Immédiatement, sa main se tend vers son sabre, posé dans le coin de sa chambre, attendant sagement qu’il daigne s’en emparer. Pourtant aujourd’hui, sa paume se referme sur le vide, causant un froncement de sourcil inquiet au chef du clan Kamiko. Il avait dû l’oublier. L’avait-il seulement emmené, d’ailleurs ? Il ignorait la réponse à sa propre question, bien trop abruti par le manque de sommeil pour se permettre d’y réfléchir plus posément. Dans un mouvement vif, il compose les mudras de sa première technique, rassemblant son chakra dans ses jambes avant de bondir comme un guépard vers la fenêtre. Le son venait de la chambre de Raion. Elle devait sans doute s’être réveillée à son retour ou peut-être plus tard, à cause d’un cauchemar. L’idée le fait sourire, chassant bien malgré lui la tension et les réflexes de shinobi acclimaté à la guerre qu’il était. Il aimait voir la petite bouille mi-boudeuse mi-éplorée de ce mini-lui franchir sa porte en trainant sa peluche de lionceau derrière elle, pour venir exiger qu’il la prenne dans ses bras.

Dans un mouvement rodé par l’habitude, il franchit le montant de sa fenêtre ouverte et se saisit de la branche d’arbre à sa portée pour s’y suspendre. Il s’y balance, une fraction de seconde, avant de mobiliser son bassin. Gainant ses muscles, Kenta regarde son prochain perchoir puis s’y propulse avec aisance, avant de décrire un demi-tour contrôlé pour pouvoir jeter un œil à travers l’ouverture qui menait à la chambre de sa fille unique. Il s’attendait à bien des choses, bien des surprises, mais certainement pas au spectacle qui se trouvait sous son regard. Le sang quitte son visage, rendant son air fatigué presque zombifique alors que ses yeux s’écarquillent dans un mélange de panique, d’incompréhension et d’urgence. Une poignée de seconde, le temps de reprendre ses esprits, il reste coi et immobile, avant de se jeter à l’intérieur de la bâtisse.

Le corps de Raion l’attendait sagement, recroquevillé devant une chandelle à bout de souffle, une plaque en bois avec le motif d’un Fuin qu’il reconnaissait vaguement pour l’avoir vu utilisé parfois par ses compagnons d’armes et, surtout, un kit de couture ouvert sans autre explication. La petite fille dormait à même le sol, la tête posée sur sa pauvre peluche un peu usée qui lui servait d’oreiller, un tableau qui aurait être terriblement attendrissant, si on excluait le sang. Rouge et parfois marron par endroit, il avait envahi la petite chambre, massacrant le tatami de son ombre de mauvaise augure.

Le père se précipite, terrifié, perdu, saisissant bien plus brutalement que prévu le col du pyjama de la prunelle de ses yeux pour la soulever. Il cherchait l’origine de cette hémoglobine qui le faisait trembler, maintenant qu’il était parfaitement réveillé sous l’effet brutal de l’adrénaline. La fillette, elle, reste inerte et, bien plus inquiétant encore, froide. Un éclair de réalisation traverse Kenta qui entame un mouvement de protection pour le pauvre petit corps, jusqu’à ce que quelque chose teinte sur le sol. Un cling. Cling connu. Cling qui le fait vriller, alors que ses yeux sombres se pose sur l’origine du bruit. L’arme du crime l’attend là, sagement, brillant dans le soleil levant comme si elle se gaussait de la situation. Avant même de réussir à aligner les pièces du puzzle, la Kamiko sert sa fille contre lui et s’évade à nouveau par la fenêtre, laissant sur son passage, la double emprunte brulée de des pieds nus sur le tatami souillé. Il avait oublié de doser son chakra dans son élan, et tous les arbres qui séparaient sa demeure de celle de sa plus jeune sœur s’en souviendront.

*

Lorsque Raion rouvre les yeux, elle ne reconnait pas le plafond de sa chambre. Pire encore, son bras la démange affreusement et, quand elle essaie de se redresser, sa tête tourne. Son corps tout entier, lui, hurle au supplice, la priant de bien volontiers vouloir se débarrasser de son repas de la veille dans les plus bref délais. La petite fille n’était plus sûre de savoir où elle avait suspendu son ouvrage. Avait-elle réussit ? Avait-elle échoué ? Le souvenir flou, lui donnait la sensation agaçante de rater quelque chose mais elle était trop mal en point pour y réfléchir. Alors qu’elle cligne des yeux, sa bouche s’ouvre, tentant d’articuler faiblement quelques mots.
« D…eau. »

A côté d’elle, un bruissement. Elle n’était pas seule. Etait-elle partie dormir avec son père, sans y penser ? La sensation de son avant-bras se renforce et, aussitôt, un éclair de réalisation la traverse. Le plafond, ce n’est pas celui de chez elle. L’odeur qui lui monte aux narines sent l’antiseptique et l’onguent de plante fraiche, un combo qui n’existait qu’à un seul endroit, dans le minuscule domaine du clan indépendant. Sa tante. Elle était chez sa tante. Raion tourne la tête, tant bien que mal, trop faible pour tenter raisonnablement de se redresser dans son lit d’hôpital. Son regard tombe alors sur une bille sombre, insondable, dont l’œil est décoré de cernes gigantesque jusqu’à presque lui manger entièrement la joue. L’autre, elle, est rouge, gonflée mais cela ne semble guère préoccuper son père qui la dévisage, irradiant d’une colère difficilement contenue malgré la lueur de soulagement qui flotte au fond de sa prunelle noire et unique. Sans rien dire, il l’attrape par la nuque, la redressant aussi délicatement que possible dans son état de fureur avancé, avant de lui porter un gobelet aux lèvres.

L’enfant reconnait la sensation, agréable, bénéfique, de l’eau qu’on vient de lui offrir et l’avale goulument. Elle prend conscience de sa gorge sèche et, surtout, de chacun de ses muscles qui la tiraille, la rappelant douloureusement à l’ordre. Aïe. Une fois le verre vide, la Kamiko pose enfin un regard neuf sur la situation, maintenant qu’elle peut apercevoir le reste de son corps meurtri. Son bras droit, bandé, ne laisse aucune hésitation sur la nature de ce qu’on a voulu y traiter et les traces de sang frais, elles, ne laisse aucun doute sur la réussite ou l’échec de la bêtise qu’elle avait faite. Elle se souvenait, maintenant. Elle était allée jusqu’au bout, au mépris de toute réflexion logique. Elle avait réussi. Mais où était le katana de son père ?
« As-tu la moindre idée de la connerie que tu viens de faire, pipistrelle ? »

Raion tressaille. Son père n’était que rarement neutre et calme, lorsqu’il s’exprimait. Il aimait se balancer, bouger, s’esclaffer, tout, tant que ça se rapprochait de quelque chose de vivant, selon sa propre définition du mot. Cette fois-ci, il était parfaitement immobile. Il n’y avait pas une once de rictus, ni de soulèvement de lèvre ou encore d’écartement discret de ses narines, lorsqu’il respirait. Raion frissonne. Elle a froid mais, présentement, elle ignore si c’est de son fait ou de celui, terrifiant, de savoir Kenta Kamiko suffisamment en pétard pour abandonner son besoin inné de courir partout. Le pipistrelle, s’il était à l’origine bien destiné à lui montrer qu’il était plus inquiet qu’en colère, ne faisait que rendre la situation un peu plus surréaliste et inconfortable pour l’enfant en faute qu’elle était. La brune n’ose pas répondre, mais elle sent nettement son père poser son regard désapprobateur sur sa blessure. Elle ne moufte pas, quand il attrape sa main et qu’il commence à défaire le bandage qui recouvrait le sceau, les yeux fixés dans l’attente interminable de constater si son travail tenait plus du prodige que de l’atrocité. Elle ne grimace pas de douleur, lorsque la gaze se décolle de sa peau mutilée, s’interdisant cette faiblesse de peur de se faire réprimander.

Badigeonné d’une mixture d’un vert sombre, le Fuin luisait comme il le faisait encore sur la planche, quelques heures plus tôt. Le rose du fil jurait avec la peau diaphane et pâle de sa porteuse, mais dessinait aussi fidèlement que possible les détails de la technique qu’elle avait essayé de maitriser lors de son entrainement nocturne. Mieux encore, la couleur du chanvre n’avait pas été altérée par la chlorophylle et irradiait même légèrement lorsqu’on le regardait sous certain angle. Une curiosité qui réussit à faire lever la main fatiguée de Raion, dont le doigt se pose sur sa bêtise. L’électrochoc de la douleur la fait sursauter, puis trembler. Son haut-le-cœur, jusque-là discret, revient à la charge alors qu’elle jette un regard empli de panique à son géniteur. Ce dernier l’observe, de marbre, mais elle reconnait la tension de son front pour l’avoir déjà vu auparavant. Il n’était pas vraiment de marbre mais il s’y forçait. Pourquoi ? Luttant contre l’anémie, la petite fille tente à nouveau de toucher son œuvre, puisant dans ses réserves pour appeler le chakra qu’elle y avait renfermé. L’expérience était désagréable. Douloureuse. Inquiétante. Fascinante. Aussi, la Kamiko persiste malgré les étoiles qui dansent dans son champ de vision.

Le sceau, lui, réagit. Il chauffe, réveillant la peau meurtrie dans un soubresaut de souffrance, puis se met à luire plus fort, jusqu’à finalement vibrer. L’énergie forme d’abord un trait net, qui s’élargit doucement, difficilement, péniblement. Cette fois Raion pleure. Elle gémit, sans quitter des yeux ce qu’elle fait malgré son envie de plus en plus envahissante de s’évanouir, purement et simplement. Kenta lui ne bouge pas d’un iota, son seul poing serré sur le bandage usagé jusqu’à s’en faire blanchir les jointures. Il sait ce qu’il se passe, mais la perspective de cette technique autrefois sans danger devenue un véritable moyen de torture lui donne une furieuse envie de hurler. Il se force pourtant à cette immobilité attentive, ne quittant pas des yeux le phénomène qui était en train de se produire. Sa fille, ou plutôt, son abrutie de fille avait réussi son pari stupide, il le voyait à mesure que les doigts tremblant de l’anémiée disparaissaient dans l’espace de stockage pour en extirper la garde de Kireru. Sa Kireru, qu’il n’avait pas trouvé ni chez lui, ni à l’auberge.

L’effort prend de longues minutes, mais ne parvient pas à son apothéose. Epuisée par le manque de sang et la douleur que lui causait la tentative d’extraire le katana de son sceau, Raion s’effondre dans un sommeil sans rêve sous le regard interdit de son père. Il ne pouvait pas ne pas se répéter que c’était sa faute, tourmenté par l’image de son épouse décédée dans cette même pièce, des années plus tôt. Il aurait dû plus la protéger, plus s’occuper d’elle, plus … Plus. Et en même temps, il ne pouvait réprimer cette pointe de fierté absurde. Sa petite fille, diamant de sa chair, prunelle de ses yeux, était une pionnière. Personne n’avait osé avant elle, aller jusque-là et, lui-même, ignorait s’il en aurait été capable à son âge.

La convalescence dévore une bonne semaine à la petite Kamiko, dont les efforts répétés de récupérer l’objet qu’elle avait emprunté rende la récupération presque nulle. Kenta, lui, ne quitte plus sa fille, assistant à chacune de ses tentatives, l’empêchant d’aggraver son état autant que possible jusqu’à ce que, finalement, le jour de la délivrance vienne. Kireru retrouve alors son propriétaire, inaltérée si ce n’est un peu de sang égaré sur son fourreau qui n’avait pas séché durant sa stase. Raion retrouve un semblant d’autonomie, même si son corps reste affaibli. La dispute, délayée à l’extrême, éclate bientôt dans la petite chambre de patientèle, forçant Fugu à quitter une opération en cours pour baffer son frère ainé bien trop prompte à hurler avant de disparaitre à nouveau, en courant d’air. Le père et la fille se boudent, se réconcilient et la petite promet de ne plus rien tenter de la sorte.

Mais l’un comme l’autre ignorait que, une dizaine d’année plus tard, elle recommencerait sa folie et créerait un art fantastique mais dont les conséquences le rendraient tabou.

Technique apprise:
Lutèce Factory, Copyright
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