Tenshi (Tadake) Kodokuna

C'est comme, voir éclore une fleur. Au début, se trouve la graine. Une simple idée frêle et capricieuse, n'offrant que peu de détail. Puis, doucement, à mesure de travail, mais surtout d'amour, le petit noyau dur se brise, laissant germer d'autres pensées, parfois abstraites, dont on ne sait pas vraiment si on va les garder ou non. Et à force de ténacité, surgit sur le canevas un ensemble de traits, donnant vie à un concept. Et comme la jeune pousse qui brave le monde, les lignes s'élancent, créant les prémices de cet ensemble qui manque pour le moment d'harmonie. Tout est brute, sans véritable profondeur, mais la plante sait qu'il ne faut pas qu'un printemps pour devenir un arbre.

Aussi elle continue à grandir, subissant les moments de doutes comme ceux de joies face à un instant d'inspiration. Ce qui n'était qu'une esquisse devient alors un croquis, tandis que le charbon commence à noircir les mains, salissant les vêtements et le visage. Mais qu'importe. Les collines qui n'étaient alors qu'une simple bosse se chargent de feuillage, tandis que l'eau du lac dans lequel barbotent leurs pieds prend en profondeur, se laissant aller à quelques reflets éparses alors qu'on devine aux ombres la présence du soleil. Paisiblement, prenant le temps de savourer chaque petites choses qui forment ce grand tout, la petite plante se laisse aller à quelques folies. Pourquoi pas des oiseaux volants dans ce ciel immaculé ? Ou faire jaillir de l'eau, un magnifique Tori ? Non, pas encore. Toute chose arrive à point nommé, comme le bourgeon qui doucement grossit avant de s'ouvrir à la nature, il faut procéder par étape.

Le fond est là, une étendue d'eau bordée de monticules arborés, le tout vivant sous la présence silencieuse d'une montagne à la pointe enneigée. C'est à cet instant, lorsque survient les dernières minutes juste avant que la fleur n'éclose, que le doute est le plus grand. Ses pétales seront-ils beaux ? De quelle couleur seront-ils ? Vivra-t-elle longtemps ? Son pistil attirera-t-il l'attention des âmes qui papillonnent dans le vacarme de leurs bruissements d'ailes ? Un moment de doute, où la tension est des plus palpables tandis que le fusain s'approche du papier. Que va-t-il donc se passer ? Une brise glaciale perturbe le bourgeon, laissant peser le doute sur sa survie. La fleur éclora-t-elle ? Tant d'incertitudes, qui pourtant, n'arrêteront pas les derniers mouvements du charbon.

Des coups de poignets déchirent l'espace, créant une ouverture, la corolle commence à jaillir alors que le doigt estompe les traits trop brutes. Un savant mélange d'ombres et de lumières, donnant naissance peu à peu à un magnifique bateau prenant le large. La frénésie reprends, tandis que les pétales prennent leurs places définitives, appuyant leurs traits dans cet ensemble qui les compose. Le labeur laisse sa place à la beauté, la beauté engendre l'admiration, alors que se pose sur mon épaule la douce main d'une jeune femme aux cheveux sombres. Elle me sourit, me complimente. Je reste muette. La fleur est appréciée, mais pourtant, tout me semble si fade soudainement...

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