Décharge de connaissances [Feat Raiton users]

Dans les couloirs de l'académie, on pouvait suivre Sanada à la trace, il suffisait d'écarter les narines pour sentir l'odeur âpre de son calumet. Au milieu des groupes plus ou moins populaires et des couples qui se formaient, le jeune homme avançait d'un pas décidé. Il lui semblait que des siècles avaient passé depuis le temps où lui-même était entré pour la première fois dans cette enceinte.

S'il n'avait jamais fait partie des stars de l'académie, il avait su éviter la plupart des bizutages que faisaient subir les gros bras. Aujourd'hui, c'est lui donnait des cours. Une sensation pour le moins étrange. Bien entendu, il n'était qu'un petit professeur de remplacement pour les débutants, mais le changement était tout de même radical.
Si la situation l'avait flatté en théorie, la pratique était moins glorifiante et cela prenait dorénavant une bonne partie de son temps libre. Alors, quand il reçut un petit mot de l'administration lui demandant de faire un cours sur le ninjutsu raiton pour remplacer un professeur en mission, il n'eut aucune envie de se laisser faire.

- Quel connard ne peut pas faire son cours encore ?

- Sanada-san, surveillez votre langage.

- J'ai pas le temps moi de montrer des techniques à tout le village ! Comment voulez-vous que je m'entraîne ? Et que je parte en mission ?

- Justement, vous n'êtes pas en mission. Jusqu'à nouvel ordre, vous donnerez les cours de suiton et de raiton.

- Bordel ! Cria Sanada avant de rebrousser chemin d'un air furieux.

Depuis les événements dans les égouts de la cité, la mort de Mahina et la confrontation avec Gendo et le Kage, Sanada n'avait eu aucune mission. Bien entendu, il avait essayé de se servir sur le panneau, mais chaque fois, on lui inventait une excuse pour qu'il ne parte pas. S'il savait qu'il était surveillé, les choses avaient pris une tournure plus sérieuse dernièrement et il se demandait même si le Kage et son frère ne testaient pas sa fidélité en le forçant à enseigner ses secrets aux jeunes pousses du village.

Contraint et forcé, il prit la direction du terrain d'entraînement où étaient rassemblés les élèves.
L'académie était entourée d'arènes de différentes tailles et décors. Les artisans du village avaient fait des merveilles pour reproduire le sol friable des montagnes ou l'eau plate d'un lac sur la plaine. Parmi tous ces mini-décors presque théâtraux, les plus vastes étaient réservés au cours pratique de l'académie.

C'est dans une de ces larges arènes que pénétra Sanada, quelques minutes en retard.
L’atmosphère reproduisait la jungle environnante de l'île avec son humidité et ses feuillages si denses qu'ils paraissaient imperméables. Au milieu de cette jungle artificiel, un cercle parfait était tracé. Ainsi, on pouvait jouer sur le décor tout en offrant un espace pour l'affrontement à découvert. C'est dans ce cercle de terre que les élèves attendaient. Sanada s'approcha et salua brièvement l'assemblée en s'inclinant un moment. Puis, sans prendre la peine de se présenter, il enleva sa besace, sa cape et rangea son calumet.

- L'un d'entre vous veut bien m'affronter en attendant le professeur ?

Devant lui, la grande majorité de l'assemblée était restée assise. Ils ne voulaient sûrement pas gâcher leur chakra avant le début de la leçon. Pourtant, la leçon avait bel et bien commencée.

- Ceux qui sont restés assis, vous pouvez rentrer chez vous. On peut se battre tout en économisant son énergie. Je n'ai pas le temps pour des soldats qui ne veulent pas s'améliorer.

D'abord, les élèves semblèrent goguenards, prenant sans doute cela pour une mauvaise blague. Mais le soldat des Cinq retourna à ses affaires pour s'asseoir, allumer son calumet, et attendre.
Quand l'assemblée se rendit compte qu'il ne bluffait pas, une dizaine d'élèves s'en allèrent en rouspétant, d'autres jurèrent des représailles de l'administration.

Sanada n'en avait que faire. Que pouvaient-ils bien faire ? Lui retirer des cours qu'il n'avait pas envie de donner ? La belle affaire !

Enfin seul avec les deux genins, le soldat des Cinq daigna poser le regard sur eux. Il y avait d'abord Isasu. Le jeune genin semblait suivre Sanada à la trace. Pas étonnant quand on savait qu'ils étaient les seuls manipulateurs d'orage du village. Toujours déterminé, l'adolescent semblait prêt à tout pour s'améliorer, une chose que respectait profondément Sanada. L'autre était un grand gaillard avec des cheveux courts et hérissés qu'il avait déjà aperçu de nombreuses fois dans les rues du village ou à l'académie. Aussi grand et bien plus musclé que le soldat des Cinq, il aurait aisément pu passer pour le professeur du jour.

Le retard du jeune homme sur le cursus de ninja ne le choquait pas outre-mesure. Après tout, il y a quelques années de cela, lui-même ne connaissait absolument rien au chakra. Avec de l'entraînement et des larmes, sous l'aile de la Sorcière, il avait peu à peu gravi les échelons de la puissance. La route était encore longue pour accomplir la vengeance divine, mais il était la preuve vivante qu'un nom de clan ne faisait pas tout.

Sanada s'inclina avant de se mettre en position de combat.

- Bien. Vous allez tous deux m'attaquer. Vous n'avez le droit qu'à des attaques raiton, et j'insiste sur ce point. L'autre règle est simple, vous ne pouvez jamais faire deux fois la même chose. Si vous me touchez, on pourra passer à la leçon. Bonne chance, et n'oubliez pas de travailler en équipe. Maintenant, serrez-vous la main pour sceller votre entraide.

Profitant de son ordre qui ne servait que de diversion, Sanada jeta une boule aveuglante entre les deux genins distraits et la fit exploser.

- Il fait tout noir, et c'est vide ? C'est normal, c'est à ça que ressemble votre esprit de l'intérieur ! Dit-il en préparant des mudras.

HRP:

Alors que les deux genins étaient aveuglés, Sanada se déplaça rapidement vers le dénommé Keibo afin de l'éloigner.

- Désolé, j'ai quelque chose à régler avec mon élève. Dit le soldat des Cinq. Tu peux rester ou partir. C'est ton choix.

Il lâcha le jeune homme au moment même où un éclair le frappait dans le dos.

Se retournant, Sanada constata qu' Isasu avait invoqué un clone, espérant que celui-ci allait l'aider. Une bonne idée, mais inefficace.

Le chuunin observa le jeune homme tenter de combattre, même aveuglé. Ce petit avait du cran et une confiance en lui digne des plus grands combattants. Mais il était aussi violent et n'hésitait pas à utiliser ses pouvoirs pour nuire aux autres. Ainsi, à la suite du rapport de Zang sur une mission échouée par un trio de gamins dont il faisait partie, le soldat des Cinq avait reçu l'ordre de recadrer les gens de son équipe. Si la désobéissance n'était pas un vice selon le jeune homme, au contraire, il ne pouvait le soutenir dans son délire mégalomane qui pouvait attirer sa perte. À se croire tout-puissant, ou en tout cas à agir comme s'il l'était, le garçon allait au-devant de gros ennuis. Si ce n'est la mort.

Dans le monde du Sekai, malgré son don pour l'orage et ses prédispositions qui faisaient de lui un ninja bien plus avancé que ne l'était Sanada à son âge, Isasu n'était rien. Un enfant sachant un peu se battre tout au plus.

Il devait donc lui donner une leçon.

Une de celles dont on se souvient toute sa vie.

Il n'était pas le seul à pouvoir attaquer à son bon vouloir qui il voulait, quand il voulait, il fallait qu'il le comprenne. Mais, dans un village shinobi, il y avait des règles. Et les petits combats fratricides pour l'honneur en pleine mission n'en faisaient pas partie.

Alors qu'Isasu était encore aveuglé, Sanada lança des senbons de foudre en direction de son clone pour le faire disparaître. Rien de bien compliqué pour des projectiles aussi véloces face à une projection de chakra partiellement dans le noir complet.

Ensuite, il se concentra plus durement pour sculpter, à l'aide de son chakra ranton, une magnifique murène d'orage. Presque aussi grande en longueur que son créateur, l'animal chakratique tourna autour de lui, attendant son signal pour se repaître du corps d'un être vivant.

- Donne-lui la leçon qu'il mérite ma belle. Dit Sanada en Osmétien, le doigt pointé vers le génin.

La murène s'élança, laissant une traînée vaporeuse parsemée de fins éclairs derrière elle.
Alors que la bête de ranton filait vers sa cible, Sanada reprit la parole.

- Vouloir combattre à chaque occasion est l'apanage des meilleurs guerriers du monde. Et même eux, te diront que le combat n'est pas toujours la meilleure solution. Voyons donc si tu as le même comportement quand tu es de l'autre côté de la barrière. Je vais devoir détruire tes rêves pour que tu puisses survivre. Le réel, c'est quand on se cogne me dit toujours ma mère, et bien, tu vas y goûter maintenant.

Techniques utilisées:

Alors que la murène d'orage dévorait le bras du jeune chuunin, celui-ci tenta de se justifier. Encore et toujours.

- Je me fous de connaître les circonstances. Trouves-tu que cette décharge de violence est juste ? Et pourtant, c'est pour te donner une “leçon”, exactement ta méthode. Maintenant, est-ce que tu trouves que ça marche ? Dit le jeune homme en envoyant un éclair puissant sur le torse du genin. Je ne fais qu'appliquer ta méthode, et voilà que tu pleurniches parce que je te frappe.

Sanada attrapa son calumet qu'il bourra de son herbe sacrée avant de l'allumer. Puis, il s'assit, laissant le jeune homme se débattre contre une murène contre laquelle il ne pouvait rien.
Il la laisse disparaître peu à peu, laissant le membre fumant de son élève dévoiler une peau roussi par la brûlure des éclairs.

- Si tu combats, cela doit être pour ta survie ou ton objectif. Le combat est toujours un dernier recours. Ce n'est pas une leçon que l'on sert pour servir une morale. C'est la meilleure façon de perdre et surtout, de ne pas s'améliorer. Que ressens-tu en toi en ce moment ? De la haine contre ton sensei ? À ses mots, il jeta un deux senbons dans le bras déjà endolori du jeune homme. Tu ressens la flamme de l'injustice qui te brûle les entrailles ? Ou alors ce sentiment désemparant d'être incompris de tous ?

Sanada se rapprocha du jeune homme jusqu'à presque toucher son visage avec le nez.
Il l'huma lentement, comme s'il cherchait une odeur autour de lui.

- Si tu laisses ces sentiments t'envahir, ce seront bientôt la peur et l'angoisse qui entreront aussi dans ton esprit quand tu combats. Ce que tu crois être une force est ta plus grande faiblesse. Tu peux tenter d'être aussi impétueux que les orages que tu invoques, tu n'aurais jamais leur puissance ni leur immortalité. Cesse de croire que l'œil de l'univers est braqué sur ta petite personne, la mouche elle aussi voit en elle voler le centre du monde.

Il recula afin de laisser le jeune garçon se relever.

- Pour le Sekaï, tu n'es rien. Personne n'a besoin de tes leçons de morale. Tu es entraîné pour combattre sous l'autorité du Kage et de tes supérieurs. Si un de tes partenaires fait une faute, tu as ton rapport de mission pour le signaler.

Sanada était parfaitement conscient de son hypocrisie, lui qui fomentait une vengeance depuis déjà presque un an contre la majeure partie du clan Omura. La haine et la rancœur l'animaient pour continuer son enquête en catimini. Pourtant, dans son esprit de croyant, les dieux eux-mêmes lui avaient confié la mort d'Omura Gendo, pour le grand bien du Sekaï. Plus il creusait, plus il trouvait des tas de cadavres derrière le numéro deux du clan Omura et ses lieutenants, et plus son objectif devenait clair. La vendetta divine. Pourtant, au moment de combattre, il était calme et dénué de haine ou d'amour. L'héritage de l'enseignement de la plus grande scientifique du Sekai : Omura Mifuyu.

"Ni rire, ni pleurer, ni haïr, mais comprendre."

Mais pour le garçon, il était encore trop tôt, et la raison futile de son énervement était d'ors et déjà un frein à son évolution.

- Le combat est une science. Tu ne parviendras à rien si tu laisses tes émotions prendre le dessus. Nous ne sommes pas dans un roman pour adolescents. Une erreur, une seule, et le grand Isasu n’est plus...Ou plus le même. Dit-il en agitant l’appendice que Mifuyu lui avait greffé pour lui sauver la vie. Prépare-toi, tu vas apprendre à créer la petite sœur de l’incarnation chakratique que tu viens de rencontrer.

Sanada composa lentement les mudras et redessina de ses mains une forme longiligne. Cette fois-ci, elle était beaucoup plus petite avec une gueule moins imposante.

- Je te présente l’anguille de l’orage. Il faut un certain temps avant de s’adapter, mais tu verras, ce sera une leçon particulièrement à propos. Tente-donc de te faire respecter à coups de kunai avec elle, et elle se retournera contre toi. Le chakra n’a pas de morale. Comment tisser un lien avec celui-ci pour le laisser s’incarner dans une chose presque vivante ? Par la pleurniche ? Par la violence ? Ou par la maîtrise d’un processus qui n’a rien à voir avec tes sentiments de petit génie incompris ? À toi de trouver. J’ai tout mon temps. Dit le jeune homme en sortant une bouteille de jus de fruit alors que l’anguille orageuse tournait toujours autour de lui.

Technique à enseigner:

Terré au fond de sa capuche, caché derrière un nuage de fumée aussi blanche qu’opaque, Sanada observait les essais d’Isasu. Il ne répondit pas aux remarques du jeune homme qui le firent sourire. Non, il ne détestait pas Isasu. Il ne faisait que reproduire l’apprentissage qu’il avait eu. Un apprentissage sans ménagement ni compassion. Un apprentissage par la douleur, la blessure, et parfois le meurtre. Un apprentissage qui avait fait de lui, jeune genin sans clan ni formation, un ninja aujourd’hui plus accompli.

Isasu possédait pourtant un don inné, une aisance naturelle avec les éléments qui en faisait un ninja potentiellement bien plus puissant que Sanada. Encore enfant, il maîtrisait déjà les nuages et un chakra hybride réputé comme l’un des plus compliqués à appréhender de par son champ d’action important.

Étrangement et certainement de manière tout à fait inconsciente. Sanada appliquait le même entraînement qu'il avait subi, mais ne voulait pas aboutir à la même finalité. Mifuyu avait ponctué ses entraînements de moments plus intimes, d'embrigadement aussi. Le soldat des Cinq en avait parfaitement conscience. Pourtant, rien ne pouvait altérer sa fidélité pour la Sorcière. Une fidélité qui l’avait mené dans l'abysse de la vendetta. Un destin qu’il savait par avance tragique et incompatible avec la vie d'Uzujin.

Après le meurtre de Gendo et de Leiko, il allait devoir s’exiler. S’il n’avait aucune rancœur, laissant reposer la responsabilité de la sorcière sur ce qu’il nommait le destin, il ne souhaitait en aucun cas que cette relation toxique de maître à élève se reproduise avec le jeune garçon.
Alors, il allait lui enseigner tous ses secrets, sans jamais lui donner l’espoir de pouvoir rester sous son ombre.

Dans le même temps, Sanada décelait en Isasu une âme bien plus entreprenante que la sienne. Si lui, c’était contenté d’être un suiveur toute sa vie, suivant la croyance maternelle puis les préceptes de son sensei jusqu'à changer littéralement de nature, Isasu semblait forgé du bois de la Sorcière et paraissait s’émanciper du pouvoir des mortels pour créer le sien.

Isasu pouvait devenir un ninja respecté d’une puissance incomparable. Mais il pouvait aussi devenir un nukenin impossible à arrêter. Et si Sanada savait que son destin était de trahir le village qui lui avait tout appris pour pouvoir assouvir sa vengeance, il ne voulait pas que cette tradition se transmette de génération en génération, avec la Sorcière pour source de corruption.

Quand l’anguille fit enfin un mouvement qui semblait contrôler, Sanada se leva.

S’approchant tranquillement d'Isasu, il parla sans même prendre en compte les paroles de son élève durant ses essais.

- Les incarnations chakratiques forment la parfaite fusion et la preuve vivante que le chakra possède une essence en dehors de sa manipulation par les ninjas. Si tu cherches à soumettre la nature, c’est elle qui te soumettra. Le ranton, comme presque tous godais à ma connaissance sauf le shoton, sont profondément liés à la nature. Fubuki ne pourra pas user de son Hyoton dans la fournaise d’un volcan. Sous terre, ou en intérieur, tu ne pourras pas faire appel aux nuages. Mais si tu possèdes un lien particulier avec l’orage, tu pourras invoquer cette anguille.

S'éloignant de quelques pas, Sanada enleva sa cape et se prépara.

- Maintenant, tu vas tenter de m’attaquer avec cette anguille. Si ses mouvements sont indépendants, n’oublie pas qu’elle ne choisira de combattre à tes côtés que si tu la considères pour ce qu’elle est. Une émanation vivante du chakra.

Technique à enseigner:

- Si la mienne est plus vivace, c’est parce qu’elle est parfaitement équilibrée. Être aussi fougueux et brûlant que l’éclair, aussi souple et inarrêtable que le fleuve, aussi insaisissable et massif que le nuage, voilà la quintessence du ranton. Malgré tes jérémiades, tu es encore loin de maîtriser ne seraient-ce que les rudiments de ton don. Et je doute que tu y arrives un jour.

D’un mouvement, Sanada se recula de quelques pas. Avec des gestes purs, il concentra du chakra électrique dans le creux de sa main puis le façonna comme il avait façonné l'orage. La forme de la bête, cependant, était différente. Si la murène du soldat des Cinq était tout en longueur, presque gracieuse dans sa construction, l'électricité sculptait un ensemble de muscles saillants, des dents moins nombreuses mais bien plus imposantes.

Enfin, une panthère de foudre entière émergea du chaos des éclairs. Lentement, elle fit les cent pas autour de Sanada, fixant avec une avidité non camouflée le petit genin dont elle aurait aimé se repaître.

- Le chakra peut t’offrir plus d’incarnations que tu ne peux en imaginer. Certaines ont été perfectionnées avec le temps. Si les apôtres de ton école esclavagiste te diront que c’est notre maîtrise du chakra qui a augmenté, je pencherais pour ma part plutôt sur une meilleure communication entre la Nature et les shinobis. Cette panthère pourrait m’attaquer sans mal. Sa morsure est aussi douloureuse que sa rapidité est redoutable. Elle est puissante, car elle n’est pas enchaînée. Si tu cherches à enfermer le vent, assécher les océans, éteindre les flammes qui dévorent les continents, ou briser la terre qui te porte au-dessus du monde des £egoks, ta vie sera une frustration perpétuelle. Recommence. Maintenant.

Le soldat des Cinq laissa son élève exécuter les mudras avec minutie sans le déranger. Pourtant, à peine avait-il formé une murène encore un peu plus vivace, signe qu’il écoutait les conseils de son ainé ou développait une nouvelle méthode, que la panthère de foudre se précipita sur Isasu. Les pas du félin chakratique étaient si vifs et puissants qu’ils laissaient une traînée noirâtre sur la terre. Bondissant de manière imprévisible, le quadrupède prit appui sur le sol pour sauter et attrapa la murène en vol. Celle-ci se débattit, mais finit par disparaître dans un flash lumineux qui surprit le félin.

- Ta murène semblait moins apathique, et elle a eu le réflexe qu’elle devrait avoir en mourant de la sorte, aveuglé par son assaillant. C’est un allié précieux qui m’a sorti de nombreuses situations délicates. Tant que tu considères tes techniques comme des objets inanimés, un instrument que tu peux construire comme un construit un temple, tu resteras un piètre manipulateur de ninjutsu. Tant que tu n’auras pas saisi ta place au sein des éléments, la foudre que j’invoque aura toujours plus de puissance que la tienne. Recommence. Dit Sanada en enfonçant ses pieds dans la terre battue tandis que la panthère de foudre continuait sa valse devant l’enfant, à l'affût de la prochaine proie qu’il allait libérer.

Technique utilisée:

Technique à enseigner:

- Où sont les limites ? En mission, je devrais me plier aux états d'âmes de la nature ? Et si elle me trahit en ne me donnant pas ses faveurs ? Si la murène s'envole ou que la panthère disparait avant d'attaquer, quelle est la bonne réponse ?

Sanada eut un sourire sincère. Les questions du jeune homme étaient assez représentatives de l’école de ninjutsu adverse. Sans nul doute ce jeune garçon allait devenir un homme influent dans le milieu des invocateurs des forces naturelles.

- Tu parles encore comme un esclavagiste peu content du travail de ses esclaves. Tu es atrocement terre-à-terre. Plus encore, ton esprit semble enfermé dans ton corps ce qui le rend étriqué. Tente de ne pas voir le monde qu'à travers ton regard. Tu n’es pas le centre de l’univers Isasu. La nature ne “trahit” pas. La trahison est un concept humain. Un loup qui t’attaque dans ton sommeil ne fait pas preuve de chevalerie. Vas-tu donc le condamner pour cela ? Le plus grand des samouraïs se traînera dans la boue pour son daimyo. La nature n’a pas de chef. Tu peux bien vouloir prendre le dessus, ton suiton ne dépassera jamais la colère d’un Shinsei qui s’incarne dans une tempête. Le lien que tu tisses avec la nature doit être exactement le même que celui que tu tisses avec les hommes. On ne demande pas de l’aide à un individu en lui ordonnant des choses. Je ferai n’importe quoi pour sauver Gintaro, crois-tu que c’est parce qu’il me l’a ordonné ? Non ! Il a gagné ce privilège par son respect et son envie désintéressée de collaborer. Il ne s’agit pas de croire. Il s’agit de comprendre. Maintenant, recommence !

Le jeune garçon semblait toujours aussi fermé. Ses sourcils froncés, sa mine renfrognée, tout indiquait qu’il ordonnait plus qu’il ne tentait de pactiser avec les forces qui le dépassaient. Pourtant, sans que Sanada ne puisse l’expliquer, le comportement du jeune homme changea quelque peu. Il sembla se détendre, accepter le contrat qu’il devait passer avec le cosmos pour attirer une infime partie de l'énergie qu’il voulait bien accorder aux mortels.
Les essais se firent plus concluants. Jusqu'à la délivrance pour Isasu.

Derrière son nuage de fumée, le soldat des Cinq observait son élève. Le visage n’était plus tendu, le regard était fixe et déterminé. Le genin ferma les yeux en expirant profondément. Les mudras furent parfait, l’exécution pour sculpter l’anguille rapide et sans tremblement.

Du nuage sombre jaillit soudain un animal fin et longiligne. Nageant dans l’air comme elle volait dans l’eau, l’anguille esquiva le premier croc de la panthère d’un virage serré tout en prenant de la hauteur. Malgré tout. Le félin était plus rapide et vivace et parvint à griffer sa cible de justesse.
L'anguille se recroquevilla en une seconde et explosa, laissant un flash lumineux aveugler non seulement la bête, mais aussi Sanada pendant un court instant.

J’ai…réussi ? Dit Isasu en ouvrant les yeux, aussi étonné que la panthère.

- Oui, tu as fait une anguille qui aurait pu te servir en combat. C’est une bonne chose. Mais ce n’est pourtant que le début.

Sanada attrapa ses affaires et repartit sans un regard vers son élève. Enfin, alors qu’il s'apprêtait à sortir de l’enclos d'entraînement, il s'arrêta. Sans même se retourner, comme s'il s’adressait à la barrière, il parla enfin.

- Reviens me voir quand tu penses maîtriser parfaitement l’anguille de l’orage. On travaillera sur sa grande sœur, la murène. En attendant, tente de lancer cette anguille dans les situations les plus complexes et impromptues. Tu constateras par toi-même que comme toute incarnation du vivant dans ce monde, elle est unique. Apprends à la connaître. Alors seulement, elle deviendra une arme plus fiable encore que les armes forgées par le clan Fuma.

Le soldat des Cinq disparut, ne laissant qu’un nuage de fumée couvrir l'entrée de l’arène et le jeune garçon.