Nami roule par terre [terminé]

Sous le doux réchauffement de la terre, la brume s’élève au même rythme que les rayons de l’astre jaune caresse le sol. La faune s’éveille doucement, un cycle sans fin, comme si le temps reprenait son souffle après un long sommeil. La vie reprend son cours, avec douceur et légèreté, laissant le silence être maître des lieux. Si paisible, et malheureusement, cette sérénité n’allait pas rester intacte…

Au sein du clan, le calme règne. Personne ne semble s’être éveillé, pour l’instant… Ce n’est qu’une question de temps, avant que mes prunelles ne s’ouvrent, battant légèrement, après qu’un trait de lumière frôle mon visage pour me réveiller. Mon corps se redresse, laissant un bâillement s’échapper de ma bouche à m’en briser la mâchoire. Je ne perds pas de temps, et sors de mon lit, mettant rapidement mes vêtements et sortant du petit cagibi qui me servait de chambre. Je me contentais de peu et jamais je me suis plainte de ce cadre de vie et de ce manque de confort, j’ai un toit et de la nourriture, que demander de plus ?

Une fois à l’extérieur, je me faufile jusqu’à la cuisine avant que les servantes ne se réveillent pour piquer de quoi manger avant de filer sans réveiller personne en-dehors du clan. Contrairement aux membres de ma famille, je n’avais pas le droit de manger avec eux, j’étais soit dans ma chambre, soit avec les serviteurs, la encore, je ne faisais aucune polémique, passant les trois-quarts de mon temps à l’extérieur, ce n’était pas plus mal en un sens. Je n’avais pas mon mot à dire, faisant partie de ceux qu’on nomme impur, alors que je suis une personne comme une autre…

Vagabondant par-ci, par-là, tout en mangeant les quelques fruits que j’avais pris dans la cuisine, pour une fois, je n’avais pas fait de petites farces pour la vieille, celle que l’on doit absolument respecter, car elle transpire la tradition… Il faut savoir garder ses meilleures farces pour le moment opportunes.

J’avais rejoint un petit lac, qui était situé à plusieurs mètres du clan, un endroit que l’on peut qualifier de féerique… Cet endroit, je l’ai découvert il y a bien longtemps, durant une soirée pluvieuse alors que j’essayais de fuir la vieille dame qui me sert de grand-mère, pour échapper à sa douloureuse punition. Depuis cet événement, je venais souvent dans cet endroit, pour une raison que j’ignorais… Je m’y sentais bien, presque apaisé… Comme si j’étais en sécurité, qu’aucun mal ne pouvait venir me trouver…

Ce jour ne faisait pas exception à ma petite routine, celui de m’asseoir au bord du lac, tout en fermant les yeux pour écouter le chant de la nature, celui du vent s’engouffrant entre les feuilles, c’était un moment calme, reposant et remplis de magie à mon sens. Par moments, j’avais l’impression de m’encrer dans le sol, de ne faire qu’un avec la terre, et la flore. Avec le temps, quelques animaux se risquaient à sortir de leur cachette, venant simplement s’abreuver avant de disparaître sans laisser de traces.

Je pensais que ce jour serait un énième qui allait s’effacer sans rester vraiment graver dans mon esprit. Je ne m’attendais à rien, de la part de cette journée, simplement à ce qu’elle soit ordinaire… Mais destinée me fera comprendre le contraire bien plus tard…

Après avoir passé plusieurs minutes, voir peut-être même une belle heure à contempler ce que mère nature pouvait offrir à ce monde. Je me suis éloignée, pour aller voir un autre paysage, en découvrir un nouveau, et peut-être même voir des choses que je n’ai encore jamais vues jusqu’à présent. Partir à l’aventure, c’est ce qui me permet de m’évader, de rejoindre un monde qui est à moi et que personne ne peut contrôler, dans lequel réside mes propres règles.

Grimpant sur les rochers, désireux d’aller encore plus haut, d’explorer encore plus ce que je n’ai pas encore vus. J’avance, le sourire peint sur mes lèvres, je peux sentir le vent frôler mon visage, faisant volter mes cheveux. Encore un petit effort et me voilà arrivé sur un petit plateau creusé dans la montagne. Je me place au bord, écartant les bras, fermant les yeux, et à cet instant, je peux sentir l’air contre mon corps, me donnant l’impression de voler. Mon esprit était tellement focalisé par cette sensation, que je n’ai pas su ressentir le danger qui venait de derrière. C’est en entendant quelqu’un crier mon prénom, que j’ai rouvert les yeux, je n’ai pas eu le temps de voir le puma qui était prêt à bondir sur moi. Je me suis senti tombé, dans le vide, mais au lieu, que je me retrouve écrasé contre le sol, j’étais collée contre quelque chose de mou… Mon regard se figea, et mon corps se raidit en reconnaissant cette odeur particulière… Je ne comprenais pas la venue de cet être avec lequel j’avais peu d’attache en un sens. Les moments que nous avions passés au sein du clan avaient toujours été les plus diplomates qu’il pouvait y avoir, alors pourquoi était-il là ? Pourquoi savait-il où je me trouvais ? C’était bien trop étrange, il y avait trop de questions qui fusait dans mon esprit, c’était une véritable torture psychologique à cet instant…

Il me porta jusqu’à un endroit sûr, une plaine située juste derrière la petite montagne de roche qui possédait plusieurs fleurs, recouvrant pratiquement dans son intégralité, il était assez difficile de voir le sol, mais le mélange de ces senteurs était tout simplement envoûtant…

Une fois sur le sol, assise, sans même lever la tête pour croiser son regard. J’attendais qu’il s’en aille, mais il n’en fit rien… Qu’attendait-il de moi ? Je voulais lui demander, mais je ne parvenais pas à prononcer le moindre mot… Comme s’il avait compris ce qui se passait dans ma tête, il s’installa par terre, croisant les jambes tout en observant le ciel qui se teintait doucement d’orange. Il ne disait rien non plus, profitant simplement du silence qu’il y avait entre nous. Peu à peu, mon visage se tourna vers le sien, puis reprit sa position lorsque j’apercevais ses pupilles tourner dans ma direction. J’avais cru apercevoir un sourire naître sur son visage, et cela me fit légèrement rougir, et comme si cela était devenu un jeu, je recommençais une seconde fois, tout comme lui, jusqu’à ce que mon cœur accepte d’affronter son regard émeraude, identique au mien, c’était presque réconfortant. Il ne me regardait pas de haut, comme lorsque nous sommes à la maison, mais de manière plus douce. C’est la première fois que je perçois cette douceur, cet amour ? Ça m’intrigue beaucoup trop et j’aimerais demander pourquoi il est là, j’aimerais lui parler, mais la peur de briser ce silence est beaucoup trop fort… J’éprouve un sentiment que je ne pensais pas exister, celui de l’amour d’une fille pour son père… C’est une chose qui est en nous, une chose que l’on ne peut contrôler… Je ne l’ai jamais haï, ni même aimer, mais cette proximité, ce rapprochement soudain m’a fait éprouver quelque chose…

Aucun son ne sortit entre nous, les mots n’étaient pas nécessaires, et lentement, le soleil déclinait. Sans que nous n'échangions la moindre parole. On se souriait simplement, regardant l’autre de temps en temps, sans rien de plus, et je n’avais pas besoin de plus en réalité…

L’obscurité se dévoila finalement, voilà une heure que nous étions là, et il n’avait pas cherché à me brusquer, même si je mourrais d’envie de lui parler… Chaque chose en son temps, chaque chose en son temps… Peu à peu, les sons de la nuit firent leurs apparitions, le chant des insectes divers, celui des chouettes et d’autres mammifères. Mais ce n’était pas tout, sans même que je m’y attende, son corps pivota, et il m’attrapa par la taille pour me tirer vers lui. Une vague de peur submergea tout mon être, je ne comprenais pas ce changement soudain, j’étais prête à m’enfuir, mais le son de sa voix au creux de mon oreille, me fit relever la tête. Sous mon regard verdoyant, des lucioles commençaient à se déplacer dans les airs, éclairant la petite plaine. Elles dansaient tout autour de nous, je n’avais encore jamais vu ça et en un sens, j’étais heureuse de faire cette découverte avec celui qui m’avait donné un foyer…

Il me serra davantage dans ses bras, posant sa tête sur la mienne tout en contemplant ce spectacle naturel. Je me sentais bien et aimé pour une fois…

« Merci papa… »

C’était la première fois que je l’avais appelé ainsi, la toute première fois… Cela avait été un choc pour moi, comme pour lui… Je m’attendais à ce qu’il prenne la fuite, mais il n’en fit rien, il resta là, profitant de ce moment de complicité. Il avait quelque chose sur le cœur, quelque chose qu’il voulait sortir, je le sentais, son cœur battait si vite, comme s’il allait exploser, mais il garda le silence, m’offrant sa veste pour pas que j’attrape froid, puis déposa des fleurs dans mes cheveux.

Mon buste se retourna vers lui, après avoir cueilli à mon tour une fleur pour la mettre dans les cheveux de mon père. Un large sourire sur mon visage, un sourire montrant mon bonheur sur ce moment de complicité, cette découverte en un sens, car même sans avoir parlé, nous nous sommes rapprochés et je ne pouvais pas rêver meilleur cadeau de sa part…

Ce moment allait rester gravé dans ma mémoire à tout jamais…