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De ficelles vêtues - Entrainement

Kamiko Raion
Kamiko Raion
Konoha no Chunin
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Fiche du Ninja
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Kamiko Raion


 
De ficelles vêtue
entrainements solo

 
C’est l’odeur, délicieuse, du petit déjeuner qui tire Raion d’un sommeil bien mérité. Encore courbaturée d’avoir passé de longues heures assise en lotus, la jeune femme s’étire, chassant les derniers morceaux de rêves qui hantaient encore son esprit endormi. Roulant dans la couverture, elle fait volteface pour enfoncer sa tête dans l’oreiller avant d’envisager, seulement, de quitter son lit. Depuis combien de temps n’avait-elle pas pu prendre un peu de temps pour elle ? Etouffant un bâillement dans son coussin, elle lève à peine les yeux lorsqu’elle entend la porte coulissante de sa chambre s’ouvrir en grand.
« MA PETITE CREVEEEEEETTE. »

La tête, familière, de l’homme qui dépassait de l’ouverture, rendait le surnom bien plus gênant. De ses soixante-ans environ, une barbe de trois jours agrémentant son sourire hilare et la lueur amusée qui brillait dans sa prunelle sombre, Kenta Kamiko venait de faire son apparition. Les cheveux encore libre et l’absence de son traditionnel cache-œil gauche lui donnait cet air de chien fou pour lequel il était si célèbre depuis la guerre. Pourtant, plié en deux comme il l’était dans l’embrasure de la porte, habillé de son éternel kimono d’un violet zinzolin flashy, il était loin, bien loin, de celui qu’on avait appelé l’araignée loup. Raion, elle n’avait jamais connu qu’un aspect bien plus simple de ce père héros de guerre, lorsqu’il n’était pas dévoré par la tristesse d’avoir perdu son épouse plus tôt que prévu.
« Arrête ça, tout le monde sait que tu le fais exprès.
- Le faire exprès ne rend pas l’expérience moins amusante, ma colombe. »

Grommelant, la jeune femme repousse ses draps et lui envoie son oreiller dans la figure, dans l’espoir vain qu’il cesse ses pitreries. Elle se relève lascivement, tandis que son envahisseur indésirable s’éclipse en riant à gorge déployée, satisfait de l’humour bancal dont il avait fait, depuis quelques temps, son nouveau sacerdoce. L’inoccupation dont il faisait preuve, maintenant qu’il embrassait la retraite, le rendait bien plus taquin qu’il ne l’avait jamais été au cours de toute sa vie mais la Kamiko avouait volontiers préférés qu’il lui court sur le haricot de la sorte, plutôt qu’il reste enfermé dans son cafard toute la journée. Alors qu’elle s’extirpe enfin de sa chambre, les vapeurs de cuisine s’empare de son odorat, avec bien plus de force qu’auparavant, faisant monter l’eau à la bouche de la jeune femme. Les pains à la viande qui l’attendaient sagement sur la table étaient, de très loin, ses préférés et elle fut agréablement surprise de constater la présence de la dernière théière en bon état à leurs côtés. Il s’était sans doute levé à l’aube, sans pouvoir réussir à fermer l’œil le connaissant mais il était rare qu’il se dédie à autre chose que trainer et dépenser ses ryos dans divers magasins de pâtisseries et autre salon de thé. Quelque chose devait sans doute le tracasser.
« Les cauchemars sont revenus ?
- Nope.
- Tu as été voir maman ce matin alors ?
- Non plus.
- Ne va pas me faire croire que tu as fait tout ça parce que tu avais envie de me faire plaisir.
- Il est possible que si. Et que ça n’ait même rien à voir avec le petit post-it que j’ai vu en rentrant à propos d’un entrainement en famille. Ca fait si longtemps que je n’ai pas passé de temps avec ma petite salamandre, autant fêter ça !
- Dit le père à l’origine de la fonte drastique de mon temps libre. »

La remarque, cinglante, arrache un sourire affable à son géniteur. La rancune tenace de sa fille n’aurait guère dû le surprendre mais il avait espéré que son mauvais caractère resterait tempéré par l’heure matinale. Un plan visiblement foireux, au vue du résultat, alors que la brune s’empare d’une des brioches fourrées pour y faire disparaitre une partie de sa mine vexée. Peut-être aurait-il dû attendre encore, avant de lui passer le flambeau. Pourtant, maintenant qu’elle s’était emparée du poste d’intendante, Kenta n’avait jamais été aussi sûr et aussi fier de son choix. Non contente d’avoir lancée une nouvelle dynamique à l’intérieur de son propre clan, elle avait saisi, au nez et à la barbe des plus anciennes familles ninjas du village, l’un des rôles les plus importants. Un exploit dont les Kamiko se souviendront sans doute longtemps, même si Raion n’était pas encore en mesure de s’en rendre compte, et sans doute l’un des nombreux qu’elle allait accomplir au cours de sa vie. Il n’avait jamais eu l’occasion de le lui dire mais, à chaque fois que son regard se posait sur l’ombrageuse brune qu’était sa toute petite fille, la fierté qui l’étreignait manquait parfois de lui faire verser quelques larmes.

Saisissant la théière devant elle, la jeune lionne de Konoha ignore le regard indescriptible de son père et se sert une longue rasade du liquide sombre qu’il avait préparé ce matin. Elle hésite, une poignée de seconde, humant l’odeur de sa boisson avant de la vider d’un trait pour finir de faire passer la seconde brioche qu’elle venait d’avaler presque entière. Reposant le récipient sur la table, elle ne réprime plus sa grimace d’écœurement.
« De tous les bons thés qu’on possède, tu as préféré du maté trop infusé ?
- Vu le nombre drastique de nuit courte que tu fais en ce moment, je me suis dit que tu avais besoin d’un petit excitant. Quelque chose de suffisamment fort pour le corps et l’esprit.
- Fugu n’avait pas dit dans un de ces courts que ça aidait à réguler la digestion et les douleurs chroniques ?
- Mais c’est que ma toute petite écoute en classe en plus ? Quel bonheur de voir ma petite pimprenelle être aussi …
- Arrête ton pipeau un peu. Dis-moi juste à quel point tu veux faire de mon lendemain un cauchemar, pour justifier un médicament pour les rhumatismes et les maux de tête.
- Rien d’offensif pour aujourd’hui, c’est une technique de bouclier. »

Immédiatement, Raion cesse de s’empiffrer, reposant la quatrième brioche à la viande dans l’assiette où elle l’avait prise avant de se resservir du thé médicinal. Rien d’offensif pour elle, oui. Pour lui, ça allait être une autre histoire, pensa-t-elle en avisant du sabre fraichement entretenu de la matinée qui les attendait sagement, sur le pas de la porte qu’elle pouvait apercevoir de là où elle se trouvait. Voilà, la vraie raison de son réveil si matinal. Soudainement, la chef du clan Kamiko regretta son post-it nocturne. L’entrainement promettait d’être bien plus frustrant que le précédent.

*

Le repas le plus important de la journée conclue, père et fille s’éclipsèrent de la demeure familiale, aux faveurs des premières lueurs d’un soleil ravi d’illuminer cette matinée qui s’annonçait chaude. Les deux Kamiko se dirigèrent, sans un bruit, vers l’esplanade d’entrainement qu’ils connaissaient à merveille, l’un pour en avoir demandé la conception, l’autre pour y avoir user ses premiers shurikens dès lors que son entrainement de genin au village avait commencé. Bordée par les arbres fruitiers, l’endroit avait davantage l’air d’une aire de repos que d’un véritable lieu dédié à l’apprentissage du combat ninja. Pourtant, les quelques mannequins d’entrainements, éparpillés çà et là, portait les stigmates indélébiles des talents de chacun des Kamiko qui foulait chaque jour le sol meuble de l’esplanade. Raion elle-même se souvenait avec nostalgie des quelques leçons que lui avait donné son père ici, malgré le nombre impressionnant de bleu, coupures et autres menus dégâts que pouvaient occasionner un coup de fourreau sur des doigts maladroits. L’affable Kenta, une fois sorti de son domaine naturel et remis face à la réalité des assassins qu’ils étaient, devenait d’une sévérité sans pareil dans les messages qu’il pouvait faire passer à un élève en échec.

Plus vite. Tu es mort.

Vise mieux. Tu es mort

Anticipe. Tu es mort.


Chaque ordre venait bien vite avec son châtiment, pour ponctuer l’affirmation qui la suivait. Comme un charpentier perfectionniste, l’ancien chef du clan et de la branche terrain façonnait ces quelques disciples à la force de ses mains et de ses leçons parfois bien trop punitive, motivé par le seul espoir de les faire survivre en terrain hostile. Un enseignement rigoureux qui contrastait avec son air quotidien de chapelier extravagant et qui, l’intendante devait bien l’avouer, lui avait sauvé la vie à de nombreuse reprise en situation critique, qu’elle en réprouve la méthode ou non.  
« Alors ? Quelle est la technique d’aujourd’hui ? »

Le grand gaillard dévisage sa fille, plantée devant lui, l’air nonchalant malgré sa posture clairement intéressée. L’image de l’adulte qu’elle était, butée et boudeuse, lui arrache un sourire attendrit alors qu’elle hausse un sourcil devant son enthousiasme. Aussi, plutôt que de devoir justifier ce brusque changement dans son attitude, Kenta décide de montrer à son petit poussin ce pourquoi ils étaient précisément là. Sans même que ses mains ne semblent bouger, les bobines de fils qu’ils portaient à la ceinture se dévident et, dans un ballet complexe, entame un enroulage progressif mais minutieux de leur manipulateur. En l’espace de quelques secondes, le joli kimono zinzolin se retrouve décoré d’une armure de liens épaisses, dont la nature solide ne semble faire aucun doute à la seule observatrice de l’esplanade.
Cette dernière, délaissant l’envie impérieuse d‘asticoter son père, lui tourne autour en avisant pensivement de son ouvrage. Si pas un seul instant la chef de clan ne doutait du bien-fondé de la technique, la raison pour laquelle son père l’avait choisie, elle et pas une autre, lui échappait totalement. A quoi avait-il pu bien pensé en entretenant la lame de Kireru à l’aube ? La réponse, encore une fois, lui échappait, faute de réussir à se détacher de ce qu’elle avait sous les yeux. Le jutsu lui rappelait certaines techniques de tissage utilisée pour produire la flanelle, mais n’était, en définitive, qu’un enchevêtrement de fils serré destiné à servir … de bouclier ? Passant la main sur le tissu, Raion se demande quelle épaisseur est nécessaire et, surtout, si la nature du fils utilisé influence la solidité mais la texture, familière, de la soie la fait douter. Reculant de quelques pas après avoir satisfait sa curiosité, elle replonge son regard dans celui, patient, de son père, avant de croiser les bras sous sa poitrine. Kenta lui adresse un drôle de sourire et, sans bouger, l’enjoint à se mettre en position de tissage.
« On commence par la reproduction statique, après on passe à la mise en situation réelle. »

Une nouvelle splendide qui ne manque pas de faire lever les yeux de Raion vers le ciel, consciente que la « situation réelle » impliquait un nombre incalculable de coup de pommeau et de bleu douloureux à venir. Encore une fois, pourquoi diable avait-elle demandé de l’aide à son paternel déjà ?
*
« Je t’ai déjà dit que le secret n’était pas dans le fil, jeune fille. »

La lame d’air fuse, implacable, massacrant l’ouvrage inachevée d’une Raion qui tentait tant bien que mal de se dépêtrer de ses fils en acier. Elle avait bien compris, au bout de la cinquantième tentative de la journée, que la nature de ce dernier n’avait rien à voir avec sa réussite, mais quel était la bonne réponse à l’insoluble problème qu’il lui soumettait dans ce cas ? Peut-importe la matière première, le kenjutsu de son père coupait dans l’armure comme dans du beurre, ne lui laissant rien d’autre que la réalisation, frustrante, d’un nouvel échec et de la reprise prochaine de l’exercice. D’un geste rageur, la grande brune jette à terre ses bobines et se laisse tomber au sol sous le regard hilare de son géniteur qui l’observe, toujours en position de iaido, non loin de là.
« C’est ça, moque toi. » Lancé d’un air boudeur, la phrase finit d’achever l’air amusé de Kenta qui se met à hâbler sans plus de retenue. « Cette technique n’a pas d’intérêt, de toute façon. Pas avec ça. Je ne vois même pas pourquoi je t’écout…
- C’est là que tu te trompes ma petite tortue. »

Comblant la distance, l’intraitable entraineur vient se poser à côté de son élève récalcitrante, déposant une main paternelle sur son épaule tatouée pour la faire basculer contre lui. Sans même y songer, il laisse sa tête descendre pour humer la chevelure de cette petite tornade sur patte qu’était sa fille, lâcher un soupir de satisfaction quelques peu étrange dans la situation.
« Je ne vais pas t’apprendre à toi, comment exploiter notre Kekkai Genkai. » Saisissant une mèche rebelle, il entreprend de la plaquer derrière l’oreille de Raion, concentré sur l’exercice. Son ton, jusque-là paternel, laisse bien vite place à celui, impérieux, qu’on connaissait tant pour l’avoir entendu à mainte reprise sortir de la bouche de la jeune femme posé à côté de lui. « En quoi sont fait les fils, Kamiko ?
- De la terre ils s’élèvent, cultivés, naissant des mains de ceux qui savent les tisser. De l’eau, seuls les plus vifs sauront en tirer sésame. De l’air pourtant, point ne pourrait en être filé.
- Je dois donc, à toi, te rappeler que pour une petite maligne que tu es, une armure de fils empoisonnée est une aubaine ? »

Le sourire dans la voix de Kenta achève de vexer la jeune femme qui le repousse comme une enfant voulant se débarrasser d’un parent un peu trop collant devant ses petits camarades. Elle se redresse alors, sautant sur ses pieds et ramassant ses fuseaux dans le même mouvement, comme si elle avait le diable aux trousses, avant de se remettre en position, prête à en découdre. Cette fois-ci, ce serait la bonne.
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Assez. S’en était assez pour Raion qui, au lieu de continuer à se dissimuler dans le bois le temps de réussir à se dépêtrer de sa technique, décide de sortir à découvert, face à la lame de son paternel. Trop lent, pas assez solide. C’était maintenant son éternel réprimande à chaque tentative, juste avant de lui laisser l’occasion d’esquiver l’estocade destiner à foutre en l’air son travail inachevé. Il était plus que temps d’opter pour une autre stratégie. Composant les mudras, yeux dans les yeux avec un Kenta le sabre au clair, la jeune femme se met à tisser comme si sa vie en dépendait. Elle n’esquiverait pas, cette fois-ci, elle n’en aurait pas le temps, de toute façon. Si elle arrivait à tisser des pièces de mariage en moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, il était tout bonnement hors de question qu’elles ne parviennent pas à réaliser une simple armure. Impensable, insensé, impardonnable. Alors que ses deux mains s’immobilisent dans l’ultime mudra de la technique, elles se séparent aussi sec et se meuvent, élevant des fils soudainement parcouru de chakra pour les faire poursuivre les mouvements secs des poignets de la Kamiko. Un tour.
« Osé, mais ça ne marchera pas sur moi, ma petite pipistrelle. A gauche. »

Cinq tours. Plus vite. La sensation d’échec imminente lui collait à la peau comme un vieux chewing-gum, agaçant la brune bien plus que l’énième surnom ridicule que lui donnait son géniteur. Elle y arriverait, que ça l’emmène à l’hôpital ou non. Tout ce dont elle avait besoin, c’était d’un petit coup de pouce, offert par une surdose d’adrénaline bien sentie. Le sabre brille une courte seconde, signe que le coup se rapprochait, mais l’hésitation qu’elle lit dans le regard de son père lui tire un demi-sourire.
« N’ose même pas y aller gentiment, père. »

La provocation, gratuite, le fait tressahir et froncer les sourcils. Il déteste ce surnom, bien plus que les fleuris qu’elle lui donne d’habitude, une lueur de douleur passagère illuminant son regard incertain avant qu’il ne referme solidement sa poigne sur le manche du katana. Tu l’as demandé, ne le regrette pas. Raion pouvait le lire, jusque dans le moindre des traits de son visage crispé et anxieux. Il avait peur, chose qui horripilait la jeune femme. Jamais, au grand jamais, il ne l’avait épargnée au cours de ses longues années et, brutalement, depuis qu’il lui avait passé le flambeau, il hésitait ? Il doutait d’elle ? L’insulte, involontaire, la frappe de plein fouet. Dix-sept tour. Pas assez solide. D’agacée, le visage de la brune s’illumine d’une rage nourrie par l’émotion, ses mains jusque-là encore trop lente retrouvant une nouvelle énergie pour augmenter la cadence déjà folle de tissage.

Kenta, sincèrement en proie à un conflit interne, peine presque à réunir son chakra dans sa lame. Ainsi exposée, il ne voyait pas par quel miracle éviter de lui trancher quelque chose et, pourtant, sa fille tenait bon, lui jetant un regard aussi sombre qu’une tempête. Un spectacle familier, qu’il connaissait pour l’avoir vécu des milliers de fois, dans toute sorte de situation. Tori. Un instant, son dilemme se retrouve suspendu dans l’image, éphémère, de sa femme perdue, lui serrant un peu plus le cœur qu’il ne l’était déjà. Fulminante et bien décidée en découdre, elle avait cet air menaçant et pourtant si radieux qu’il aimait tant. Il voulait lui donner satisfaction et, pourtant, ne pouvait s’empêcher de souhaiter figer le moment, déchiré par le regret de ne pouvoir offrir cette vision à son épouse défunte. Qu’aurait dit Tori, si elle avait pu voir la splendide petite furie qu’elle avait mise au monde ?

Arrête. Je sais que tu y vas avec le dos de la lame.

Le souvenir l’étreint, brutalement, alors que le visage de son épouse se superpose à celui de Raion. Dans un soupir, elle est là, forte de sa petite taille et de son petit minois de renard, ses longs cheveux sombres s’unissant en deux tresses entrelacées sur son torse. Son kimono sombre donnait à sa peau clair une allure presque fantomatique mais l’étincelle de colère, qu’il lisait sur son visage si expressif, ne laissait aucun doute sur l’avis qu’elle avait à propos de son affirmation. Elle le haïssait sincèrement pour ça mais comment aurait-il jamais pu faire autrement, avec l’heureuse nouvelle qu’elle gardait en son sein ?

Et je te jure, Kenta Kamiko, sur les trois mois de cette foutue grossesse que si tu ne fais pas un effort pour me prendre au sérieux, je ferais de ta vie un enfer.

A cette époque, il s’était permis un sourire confiant, nullement inquiété par la menace vague et irréalisable, tant elle emplissait sa vie de lumière à chaque instant. Aujourd’hui, il repensait à cet échange, la douleur chevillée au corps de savoir que Tori avait réussi, sans le vouloir, à tenir sa promesse. Un sourire amer déchire le visage de l’épéiste qui, refoulant cette mémoire envahissante, achève enfin de réunir assez de concentration pour condenser l’électricité dans sa lame. Kireru vibre, l’air cahotant en écho aux sons du crépitement de l’énergie qui entoure l’arme comme un manteau. Il avait failli, ce jour-là, en refusant d’accorder son vœu à son épouse et pourtant, il ne pouvait que le regretter sans avoir l’absolu certitude que cela aurait pu retarder l’inévitable.

Quatre-vingt-sept tours. Saucissonnée comme elle l’était, Raion doutait de pouvoir bouger assez vite pour esquiver ce qui arrivait sur elle mais elle refuse malgré tout de bouger. J’y arriverais, martèle-t-elle s’en relâche dans son esprit, continuant inlassablement à faire danser les fils autour d’elle comme de véritables serpents. L’épaisseur de l’armure lui paraissait bonne mais, forte de ses précédentes expériences, elle refuse de s’arrêter là. Il lui en faut plus, toujours plus. Elle ne peut pas s’arrêter en si bon chemin, quitte à y cramer un surplus de chakra inutile, quitte à en subir les contrecoups dans les prochains jours, pour peu qu’elle arrive enfin. Alors que le centième tour achève de se déposer sur sa peau, la Kamiko sent brutalement un changement dans l’air, la forçant à reconcentrer son attention sur son père, jusque-là immobile pour une raison connue de lui seul.

Cette fois-ci, la vapeur autour de l’arme prend une allure menaçante, presque de mauvaise augure, la faisant immédiatement regretter sa pique précédente en remarquant l’éclat de souffrance de son regard qu’il tentait maladroitement de dissimuler. Avait-elle été trop loin pour lui ? Lui était-ce, à ce point, insupportable de ne serait-ce que tenter de la blesser ? La confiance de Raion tremble, mais ses mains tiennent bon, épaississant autant que possible l’armure contre le prochain coup qui s’annonce redoutable. Qu’allait-il choisir cette fois ? Un estoc au bras ? Une botte pour viser le torse ? L’angoisse étreint la jeune femme, une courte seconde, soudainement consciente que la seule chose qui la séparerait du tranchant résiderait dans une fine armure tissée à la va vite par ses soins. Si les fils d’acier n’étaient pas la clé de sa réussite, les fils de soies suffiraient-ils seulement à arrêter Kenta ?

L’air autour du père de Raion s’épaissit, la laissant observer le malaxage du chakra bref qui précédait son assaut. Il était trop tard pour douter, trop tard pour rajouter un énième tour de sécurité. Le grand méchant loup était sur le point de partir à l’attaque et elle n’avait plus le temps de parfaire son tissage. En un battement de cil, le vieil épéiste franchit les cinq bons mètres que le sépare de sa cible, sans que celle-ci n’ait le temps de bouger, tranchant vivement sa taille au passage. La jeune femme, si elle n’avait pas déjà subit la technique à de nombreuse reprise, aurait pu sincèrement se demander s’il l’avait raté. Pourtant, elle senti très nettement la lame découpé l’épaisseur de sécurité qu’elle avait dressée entre sa peau et le tranchant effilé qui tentait de la mordre. Un par un, les fils se mirent à tomber, libérant l’abdomen de la brune avec une lenteur surréaliste qui lui fit serrer les dents d’anticipation. Elle avait échoué, encore une fois, et elle allait sans doute le payer terriblement. Malgré tout, aucun liquide chaud, aucun électrochoc assassin ne vint confirmer ses certitudes. L’avait-il volontairement raté pour lui faire peur ?

Soudain furibonde, l’intendante et chef de clan qu’elle était se retourne pour faire face à ce père qui la protège tant et s’en retrouve bouche bée. Le katana rangé dans son fourreau, il la dévisage avec une expression embarrassée, frottant l’arrière de son crâne avec l’énergie de quelqu’un qui cherchait une solution à un problème particulièrement épineux. L’avait-il tranché en deux ? Non, bien sûr que non, pas avec ce visage-là. Mais alors, que pouvait bien signifier ce qu’elle voyait là ?

« Ma colombe, je suis désolé pour ta robe, mais je ne vais pas pouvoir te laisser marcher dans le domaine comme ça. »


Prenant soudainement conscience du courant d’air ascensionnel qui lui chatouillait les jambes, Raion baisse son regard d’acier vers la scène, improbable qu’elle offre. Encore à moitié protégée par les restes de l’armure qui lui enserre les bras, le bas de sa robe fendue lui orne fièrement le sol, ne laissant plus que ses sous-vêtements pour protéger le peu de dignité qui lui restait. Du moins, ça aurait été juste si elle n’avait pas oublié d’en mettre ce matin. Puis, alors que la gêne monte, la jeune femme tombe enfin sur sa peau, vierge d’entaille et, encore plus important, le cadavre victorieux de la technique qu’elle avait réussi à maitriser correctement.

N’importe qui, à sa place, aurait entreprit de cacher le peu d’intimité qui lui restait mais, parcourue par la joie fulgurante et la soudaine chute d’adrénaline, Raion tombe à genou et s’empare de l’entrelacement de fils découpé comme d’un trophée, offrant au soleil le plaisir de poser un rayon joueur sur son corps callipyge.

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