Seum-Shin !

Plutôt que de le traiter comme le vieux cheveu sur la soupe qu'il était, les deux frères ne répondirent à son arrivée avec rien d'autre que de la politesse, de manière parfaitement cordiale. De quoi commencer cette entrevue sous les meilleures auspices. Le plus jeune des deux était avenant, il parlait franc et ne se perdait pas dans des courbettes inutiles, autrement que pour répondre aux siennes, ce qui n'était pas pour lui déplaire. L'aîné, quant à lui, avait l'oeil perçant et il suffisait de le regarder, pour savoir que son esprit était finement affuté. Bien trop pour qu'il puisse y déceler quoi que ce soit, surtout après l'échange de quelques formalités d'usage. L'Akayuki opina du chef, suite à la réponse de Yukio, avec qui il partageait manifestement un point commun. Il l'avait déjà réalisé, mais il joua tout de même la surprise, soulignée par un léger rire.

« N'est-ce pas ? Moi aussi, généralement, mais je n'ai pas trop eu le temps, récemment... » Expliqua-t-il, en croisant les bras. « Le vent commence à tourner en notre faveur... En jouant bien nos cartes, il y a de beaux jours, en perspective, mais ça rajoute une certaine charge, pour bien préparer les choses. »

Bien évidemment, il parlait du bien-être du village dans son ensemble, même s'il laissait un léger quiproquo dans ses propos, répondant même à la question du jeunot de manière détournée, sans expliciter la chose davantage. Au lieu de cela, il se tourna cette fois-ci en direction d'Hayato et son ton plus officiel, mais tout aussi courtois. Il ignorait les rapports qu'entretenait l'archer avec le doyen du village, car les avis pouvaient parfois être divisés et il était également venu pour s'assurer de leur nature. Le vieil homme avait manifestement parlé de son ancien élève au nouvel intendant, mais qu'est-ce que ce dernier avait réellement appris, à son sujet ? Et s'il avait conscience des plans de Senshi à l'égard de l'ourson, comment comptait-il se positionner, par rapport à ça ? Il faudrait qu'il s'en assure au plus vite, mais il ne pouvait pas vraiment mettre les pieds dans le plat, sans connaitre son interlocuteur, malheureusement... Si ces petits stratagèmes l'agacaient, ils restaient essentiels, surtout dans un village comme le leur, qui pouvait parfois être bien fourbe.

« J'espère qu'il a été clément, il ne m'a pas toujours connu sous mon meilleur jour ! » Railla Kuma, avant de dresser ses mains devant lui, de manière faussement gênée. « Tout l'honneur est pour moi, voyons ! Pas besoin d'être aussi formel avec moi, je ne suis qu'un tiers de chef de clan, après tout. »

Pour tenter d'adoucir le contact, il tentait une arme qui avait déjà fait ses preuves par le passé, même s'il n'était pas celui qui la maniait le mieux : Une pointe d'humour. De quoi potentiellement les mettre un peu plus à l'aise, en plus de lui donner une opportunité d'être moins formel, qu'il était toujours ravi de saisir, quand c'était possible. Suivant l'exemple de ses compères, il commença également à s'échauffer, en écoutant le programme que proposait le petit duo. Il acquiesça la remarque concernant la possibilité de faire connaissance, sans entremetteur. C'était bien pour ça, qu'il avait fait en sorte de trouver le meilleur endroit pour les rencontrer, seuls.

« Le Shunshin, hein ? » Ajouta rhétoriquement le marchand, suite à l'échange fraternel. « Je m'y suis déjà frotté à quelques reprises. Redoutable, entre de bonnes mains. » Avoua-t-il, en se passant la main sur le tibia, entre deux flexions, comme s'il se rappelait d'une situation douloureuse, à repenser à cette technique. « Plus jeune, j'ai eu un vrai blocage dessus et j'ai fini par abandonner le projet... C'est l'occasion parfaite de m'y remettre, avec un tel enseignant ! »

De base, il n'avait pas penser à profiter d'un réel entraînement, auprès de la paire Nozomo, mais l'idée était loin de lui déplaire. Cela lui permettait de faire une pierre deux coups, voire même peut-être trois ou quatre, si on comptait la possibilité de jauger les maîtres d'armes. Le Shunshin était loin d'être une technique de débutant et, pourtant, c'était un atout indispensable de l'arsenal ninja, sur bien des aspects. Kuma n'avait pas cherché à mentir, bien au contraire, il avait parfaitement sincère. Ce qu'il s'apprêtait à tenter était loin d'être sa spécialité, même s'il faisait bien longtemps qu'il ne s'y était pas remis, il allait sans doute devoir redoubler d'effort, pour ne pas se ridiculiser bêtement devant ceux dont il souhaitait se faire des alliés. Ses muscles commençaient à s'échauffer peu à peu, se préparant pour l'effort qui allait venir, alors que l'ursidé essayait de se rappeler les vieux enseignements qu'on avait pu lui dispenser, il y a bien longtemps.

Il gratifia Hayato d'une petite tape dans le dos, en s'esclaffant gaiement, voyant que lui aussi essayait de mettre du sien, pour partir sur des bases plus légères. Peut-être n'était-il pas aussi rigide qu'il avait pu le croire, à première vue. C'était une bonne chose. Suna avait besoin de sang neuf, d'un regard nouveau, qui ne serait pas constamment ramené en arrière, par une volonté obsolète de suivre des codes et des protocoles vieillots.

« On pourrait sans doute se tutoyer, non ? » Proposa-t-il, en haussant les épaules. « Les honorifiques n'ont pas vraiment leur place, sur le terrain d'entraînement. Pas vrai ? » Précisa le martialiste, qui attendait le début de la leçon. « Je fais aussi de l'Iroujutsu, je pourrais jeter un coup d'oeil à ces fameuses articulations après, si se mettre en jambes ne suffit pas. »

Tandis qu’il continuait à discuter avec légèreté, Kuma scrutait discrètement le plus jeune du trio, le plus discrètement possible. Naturellement, il savait moins de choses sur Yukio, car même s’il s’y était intéressé, celui-ci n’avait pas encore une place bien élevée dans le village. Toutefois, le jonin théorisait que cela ne durerait pas. Aucun de ces deux frères ne dégageait quelque chose de commun, il n’avait même pas eu besoin de les voir en action, pour le remarquer. Le fait qu’ils aient été choisis pour la délégation ne s’était pas fait au hasard, contrairement à ce qu’avait pu penser l’Ours Blanc, lorsqu’il avait vu ceux qui devaient l’accompagner pour parlementer avec Konoha. Leur comportement exemplaire, lors de cette rencontre, lui avait même permis de les identifier comme de potentiels alliés, en marge des habitudes belliqueuses de leur beau village.

Il ne décela aucune émotion négative, chez le cadet, malgré le rapprochement immédiat que l’Akayuki avait tenté de mettre en place, avec le nouvel intendant. Soit il se fichait éperdument, d’être relégué au rôle de cinquième roue du carrosse, soit il était à même de faire la part des choses, pour se concentrer sur l’entraînement, sans chercher à prendre davantage de place ou à demander réparation. Pas d’égo mal placé, ni de volonté d’en découdre à la moindre excuse, du moins, à première vue. Cela restait tout de même assez remarquable pour être souligné et commençait à renforcer les suppositions du martialiste : Les deux frères n’avaient rien de banal et continueraient de s’élever, bien plus haut qu’il ne pouvait encore le supposer. Aucun doute là dessus, il les lui fallait mais, avant toute chose, il faudrait qu’il se dépasse, s’il voulait éviter de se faire éclipser par leur ombrage.

L’ambiance s’apaisa assez rapidement, sans qu’il ne puisse déceler s’il s’agissait d’un revirement authentique ou si, comme lui, ils jouaient habilement leurs cartes, une à une, pour lui faire baisser sa garde. Dans un cas comme dans l’autre, cela ne lui posait aucun souci et jouait même en sa faveur, dirigeant l’entraînement vers une rencontre moins formelle, plus agréable. Il tentait de les diriger lentement vers un terrain d’entente, pour apprendre plus simplement à les connaître et voir si ses assomptions à leur sujet étaient correctes. A moins qu’ils n’essayent de le prendre à son propre jeu, pour voir s’il était à la hauteur de sa réputation ? Après tout, Hayato avait manifestement entendu parler de lui, de la part du vieil homme. Kuma n’était pas non plus resté en retrait, lors de leur rencontre avec le village de la feuille, n’hésitant pas à courber le protocole pour montrer une facette différente de Suna. Il y avait peu de chance qu’ils aient raté ça. A quel point avaient-ils pu percer ses manigances à jour ? Que pouvaient-ils bien en penser ? Le coin de ses lèvres s’étira avec amusement, tandis qu’il faisait rouler ses épaules une à une, comme pour s’étirer.

« Il paraît, en effet ! Ne t’en fais pas, j’en ai vu d’autres. » Affirma-t-il, en opinant du chef. « Je vais devoir faire de mon mieux, pour tenir la cadence, en tout cas. »

Yukio les tira de leur aparté, en bon enseignant qu’il était et, plutôt que de s’en formaliser, Kuma s’esclaffa à son tour, passant une main embarrassée à l’arrière de son propre crâne, pour se frotter la tête.

« Si c’était le cas, Suna aurait déjà son Nidaime ! » Répondit-il au jeune épéiste, sur le ton évident d’une plaisanterie inoffensive.

Il n’insista pas plus sur sa remarque et la laissa prestement se faire étouffer par le début des explications de leur sensei du jour. Reprenant son sérieux, il écouta attentivement l’introduction au Shunshin, en essayant de mettre cela en relation avec d’autres techniques de son répertoire. C’était à la fois très proche et bien différent de l’entraînement qu’il avait récemment achevé. Il était surtout question de contrôle, pour éviter un contrecoup qui pourrait s’avérer désastreux. S’il mettait trop d’énergie, son corps risquait d’en payer le prix. S’il n’en mettait pas assez, alors…

La démonstration du déplacement rapide le coupa dans ses réflexions. Kuma avait beau y avoir déjà assisté, le sabreur avait bien fait cette technique sienne, pour un résultat à faire pâlir bien des vétérans. Bien évidemment, à cette vitesse, il devait être assez compliqué d’estimer correctement les distances ou de négocier correctement les obstacles. Le temps de cligner des yeux et Yukio disparut de nouveau, pour réapparaitre dans leur dos. L’Akayuki ne le comprit qu’au moment où il entendit sa voix, se retenant de faire volte-face sous l’effet de la surprise, afin de garder un semblant de contenance. Il était clairement incapable de suivre un tel mouvement du regard. Pour le moment.

Il finit par se retourner, pour suivre la conclusion de leur professeur en déglutissant devant la tâche qui l’attendait, avant d’être pris de court par les piques habiles du jeune homme, dont il appréciait l’audace. Dès le début, il n’avait fait montre d’aucune réserve, quant à la présence de l’Ours. Joignant le poing droit contre sa paume gauche, celui-ci s’inclina légèrement, employant un ton dépourvu de toute malice.

« Je crois que je commence à comprendre. » Annonça le martialiste, avant de se redresser. « C’était une superbe prestation, Sensei. »

Reportant son attention sur l’ainé, qui s’apprêtait à lancer son premier coup d’essai, Kuma ne voulait pas rater cette démonstration. Elle lui permettrait non seulement d’affiner sa propre méthode, en plus de lui permettre d’avoir un bon point de référence, quant potentiel de l’intendant. Sa concentration semblait hors-pair, rajoutant une épaisseur à la tension qui les entourait. Le Nozomo affinait sa posture, malaxait son chakra et, alors que le Triumvir retenait sa respiration, il s’élança d’un bond puissant, qui le propulsa vers l’avant. Le déplacement avait beau être nettement moins rapide et maîtrisé que celui de son frère, mais Hayato parvint tout de même à se réceptionner avec aplomb, d’un seul élan plus que respectable.

Même si le Nintaijutsu avait habitué le marchand à travailler en harmonie avec son chakra, qu’il mêlait à son corps pour donner naissance à ses techniques, l’exercice paraissait plus délicat qu’il n’y paraissait. Il expira longuement, en détendant son corps tout entier, en se secouant doucement de la tête aux pieds et énumérant dans son esprit les points qu’avait résumé Yukio.

Déjà, concentrer son énergie. Kuma la malaxa au niveau des pieds, comme s’il s’apprêtait à grimper aux arbres, avant de l’étendre au reste de ses jambes. L’utiliser pour renforcer les muscles pour déployer plus de puissance et essayer de l’ajuster. Comment estimer la quantité qu’il avait à déployer ? Malgré le spectacle de sa course, Hayato semblait avoir fait preuve de retenue. pour minimiser les risques, sans doute, comme l’avait préconisé son frère. Le regard de l’Akayuki s’aiguisa, alors qu’il préparait sa trajectoire. A gauche de son prédécesseur, suffisamment pour ne pas risquer de le percuter. Puis, viser au-delà. Plus de distance. Plus de chakra. Plus de puissance. Le meilleur moyen pour lui de connaître ses limites restait encore de les tester, quitte à devoir en subir les conséquences, pour ajuster ensuite le débit. Son corps était le meilleur outil de mesure qu’il avait à sa disposition, il comptait bien le mettre à l’épreuve.

Fléchissant les genoux, Kuma abaissa son centre de gravité en adoptant une position plus basse, pour mieux encaisser l’impulsion qu’il s’apprêtait à prendre. En situation réelle, il n’aurait pas le temps de procéder ainsi étape par étape, mais il n’était pas assez naïf pour penser maîtriser le Shunshin du premier coup. Le jonin s’ancrait un à un chacun des gestes, même les plus infimes, qu’il devait effectuer. Il les ancrait dans un coin de son cerveau, en essayant de les optimiser au maximum et tirer, autant d’informations qu’il le pouvait, de sa propre tentative. Ses iris ambrées étaient braquées vers son objectif, s’embrasant ardemment, alors qu’il prenait une profonde inspiration.

Soudain, il frappa le sol à l’endroit où il se trouvait, pour fondre vers l’avant, comme une flèche. La pression de l’air, qu’il fendait de son mieux au cours de sa propulsion, restait suffisant pour lui couper le souffle, comme s’il devait pénétrer un mur compact, pour progresser convenablement. Kuma parvint tout de même à dépasser Hayato, sans s’arrêter, en commençant à se préparer à l’impact de l’atterrissage, qui se faisait de plus en plus proche.

Pliant davantage ses appuis, il laissa ses épaules reculer un peu, en essayant de jauger son équilibre à l’aide de ses bras, autant que possible. Ses pieds s’enfoncèrent dans la terre avec force, la creusant sans pour autant arrêter sa course, il continua de glisser sur quelques mètres en faisant de son mieux pour ne pas tomber à la renverse. Serrant la mâchoire, ses muscles encaissèrent difficilement l’arrivée, mais malgré tout, Kuma réussit à tenir bon. Là où Hayato avait parcouru le tiers du terrain, lui en avait entamé grossièrement la moitié, si on comptait la distance qu’avait nécessité sa réception. Cependant, il n’eut même pas le temps de vérifier l’écart ,entre lui et l’intendant, que ses jambes se mirent à l’irradier tout entier d’une intense sensation de douleur, qui l’obligea à se stabiliser avec sa main, pour ne pas culbuter en avant.



Ses appuis, malmenés par l’effort, tremblaient imperceptiblement, tandis qu’il reprenait peu à peu son souffle. Pour donner le change, il exécuta quelques mudras, camouflés par son dos, pour s’infuser une dose curative d’énergie, grâce à l’Automédication. L’inflammation s’estompa avec le traitement, sans toutefois disparaître complètement. L’ourson se retourna, une fois redressé, en essuyant la transpiration qui gouttait de son front, à l’aide de son poignet. Il se mordit doucement la langue, pour camoufler son mécontentement, en remarquant le peu d’avance qu’il avait réussi à gratter, malgré le contrecoup qu’il avait subi. De son point de vue, il était peut-être allé plus loin, mais c’était lui qui avait perdu ce premier duel tacite, à cause de son manque de contrôle.

L’air de rien, il se rapprocha en marchant du Nozomo, en agitant un peu ses membres, pour se remettre de ses émotions.

« Et bien et bien, tu ne m’avais pas menti, Hayato. J’ai déployé beaucoup trop de chakra et la plupart a été perdue, à cause du choc et de la douleur ! » S’amusa-t-il, en haussant négligemment les épaules.

Il avait une meilleure idée de ce qu’il lui fallait, pour réussir cet entraînement. Il commençait peut-être avec un handicap, mais le martialiste n’était pas du genre à s’avouer vaincu aussi facilement. En dépit de la brûlure qui continuait de se répandre en lui, il parvenait à garder le sourire sans problème. Honnêtement, il commençait à prendre goût à ce début de compétition, qui promettait d’être bien plus compliqué qu’il ne l’aurait envisagé, de prime abord.

« C’est plus éprouvant que je ne l’aurais cru, mais l’exercice est aussi plus stimulant, avec un bon rival. » Avoua l’Ours, en arrivant au niveau de son interlocuteur. « Tu ne penses pas ? »

Résumé:

Comme il l’avait prévu, le petit tour de passe-passe de Kuma semblait avoir eu son petit effet. S’il arrivait à se rapprocher des deux frères, il n’avait aucun doute que la supercherie serait vite découverte, mais il y aurait alors plus à en rire qu’autre chose. C’est avec un brin d’amertume, qu’il remarqua sa démarche calculatrice, qui aurait sans doute fait la fierté de son vieux maître. Il préféra toutefois ne rien laisser paraître, pour continuer de jouer le guilleret Triumvir, rôle qui lui allait bien mieux, en définitive. C’est avec humilité qu’il écouta les remarques de son senseï, rigolant légèrement, comme un coupable pris sur le fait.

« J’aurais bien aimé dire que tout était calculé, mais non. Si je ne m’étais pas rattrapé au dernier moment, ça aurait pu être dangereux. » Plaisanta-t-il en se grattant l’arrière du crâne.

Le tout n’était pas tellement de se faire passer pour un surhomme, plutôt que de faire étalage de ses capacités, quitte à les enjoliver, tout en restant le même plaisantin serein, que nombreux Sunajins connaissaient déjà. Un homme du peuple, sans prétention, mais qu’il ne fallait pas prendre à la légère. Montrer sa force et sa résistance n’était qu’un bonus, car il souhaitait avant tout dresser un portrait humain, pour la paire de Nozomo. Il reçut le compliment de l’intendant avec un sourire ravi, tout en s’attrapant le menton, dans une coupelle faite de son pouce et son index.

« Merci, merci, mais tu es trop humble. Ce n’est pas qu’une question de distance. » Estima l’Akayuki, en haussant les épaules. « Je me serais fait cueillir à l’arrivée, mais toi, tu aurais eu une bonne fenêtre pour réagir. Bien plus efficace. » Rajouta-t-il, en secouant négligemment la tête, avant de repartir dans rire franc. « Un jour, mon ambition me perdra ! »  

S’il n’avait pas forcément décelé le goût du challenge immédiatement, chez Hayato, il appréciait tout de même de le voir se prendre au jeu, au fur et à mesure. Peut-être que cela avait toujours été le  cas et qu’il avait tout simplement été incapable de s’en rendre compte ? Après tout, c’était un individu qui travaillait étroitement avec le Kazekage, qui, lui-même en savait long sur l’Ours Blanc. Qu’avait bien pu dire le doyen des sables, au sujet de son ancien élève ? Quelle type d’allégeance pouvait bien lui vouer l’archer ? S’il pensait pouvoir leur faire confiance, il ne les connaissait encore qu’à peine et pour peu qu’ils soient assez vicieux, c’était peut-être lui qui était tombé dans leur piège, et non l’inverse. Ca aurait été une bonne tactique de Nozomo et au fond, une partie du marchand lui faisait se demander si ce n’était pas à ça, que Hayato devait sa promotion inattendue.

Toutefois, il préférait éviter de réellement y croire et espérait qu’il s’agisse de la preuve d’une réelle remise en question, de la part de l’ancêtre. Pour le peu que Shirokuma connaissait de l’intendant, il n’aurait sans doute pas songé à mettre quelqu’un d’autre dans ce rôle prestigieux et ce, malgré le clan qui l’avait recueilli. Sur le papier et selon quelques témoignages d’autres shinobis, il paraissait être un jeune plein d’ambitions, compétent, mais qui avait su garder son humanité, ce qui n’était pas le cas de tout le monde, surtout dans le pays du vent. Pour une fois, il avait presque envie de simplement se fier à son instinct et de s’en remettre à la bonne foi, plutôt qu’à des stratagèmes détournés. Presque…

« Ridicule ? Comme tu y vas, Hayato ! Ou est-ce que tu essayes juste de me faire baisser ma garde ? » Ironisa le chef de clan.

Le jonin se tut bien vite, face à la détermination dans le regard de son rival du jour, qui lui paraissait tout de suite bien plus redoutable. Exactement ce qu’il avait cherché à découvrir, en plus des plaisanteries et des politesses habituelles : ce que le tireur avait dans le ventre. Voir sa réaction face à l’adversité, tout comme sa capacité concrète d’adaptation et d'apprentissage. Intéressé, intrigué, il l’examina de haut en bas tandis que celui-ci reculait pour se mettre en position. Réflexion, placement… Ce n’était que son second essai et pourtant, Kuma voyait déjà clairement les progrès réalisés par son nouveau nakama. Il ne gâchait pas son temps et aucune information n’avait été perdue. Au contraire, Hayato avait raffiné leurs deux expériences et les propos de leur professeur, recyclé ce qu’il avait glané, pour aiguiller sa prochaine tentative. Remarquable… Et un peu effrayant, aussi.

Son propre sang commença déjà à bouillonner, tandis qu’il attendait impatiemment le départ de l’aîné du duo, qui avait accepté la proposition de son frère, pour servir d’obstacle, sans sourciller. Il y avait entre eux un lien étrange, puissant et presque palpable, que l’Akayuki jalousait quelque peu. Bien évidemment, il avait également des relations chaleureuses avec les membres de sa propre famille. Il avait eu deux figures paternelles très fortes, remarquables. Des cousins, des cousines ? Il en avait à la pelle. Cependant, il n’avait jamais vraiment appartenu à la moindre fratrie, car Soren n’avait jamais cherché à adopter qui que ce soit d’autre, une fois son premier enfant recueilli. Il savait que les deux Nozomo étaient également adoptés et il se demandait si ce n’était pas pour ça, qu’il s’y était intéressé de la sorte.

Coupé dans ses réflexions par le départ en flèche de son rival, l’Ours Blanc poussa un sifflement sonore et admiratif. Plutôt que de le suivre des yeux, il essaya de se concentrer sur sa trajectoire, bien moins difficile à perdre, à une telle vitesse. Il avait à peine eu le temps de s’inquiéter pour Yukio que, déjà, l’apprenti s’éloignait bien plus loin, ne s’arrêtant que grâce (ou à cause) d’un arbre résistant et épais, qui barra la route du Sunajin dans un fracas assourdissant, qui ne put empêcher à Kuma de s’inquiéter. Il semblait avoir réussi à bien se réceptionner, mais vu son élan, le pauvre risquait de ne pas s’en être sorti indemne. Il fallait qu’il aille le voir au plus vite, pour s’assurer qu’il n’ait rien. A bien y regarder, il lui semblait même qu’Hayato avait parcouru une distance bien plus importante que celle du Triumvir, lors de son premier bond éclair.

Comme par instinct, il fit un pas en avant, en se repassant en tête tout ce qu’avait dit le cadet sabreur. Tout ce qu’il leur avait appris, tout ce qu’il leur avait montré, ses conseils. Puis, il visualisa les mouvements de l’autre concurrent, ainsi que les siens propres. Grâce à ce qu’il avait pu observer, il avait accès à différentes techniques imparfaites et une bien plus propre, qu’il fallait réussir à égaler, sans pour autant la copier ou l’émuler. Trouver la posture qui lui correspondait le mieux, apprendre à gérer le débit de chakra… Plutôt que de tout faire exploser, jauger la dose dont on avait besoin et le diffuser, habilement. Cet entraînement n’était pas sans lui rappeler les fondamentaux de son Nintai Fûton. Ses capacités en médecine lui permettaient, elles, d’analyser autant qu’il le pouvait chacun des déplacements auxquels il venait d’assister. Son pied gauche dépassa le droit, pour faire un nouveau pas, tout en relâchant ses chevilles, ses genoux puis, au fur et à mesure, le reste de son corps.

Il rabaissa sa posture, de nouveau, en se balançant en avant pour essayer de se focaliser sur son équilibre. Trouver le bon dosage. Une fois toutes les informations compilées activement dans son cerveau, afin de trouver la parfaite marche à suivre, plutôt que de penser éternellement aux statistiques, à ses probabilités de réussite ou d’échec, il regarda l’arbre où s’était fracassé le Nozomo, avant de se laisser aller, tout simplement. Comme avec le vent, il fallait à la fois savoir guider et se laisser guider, lorsque cela était nécessaire. Le déclic nécessaire était peut-être tout simplement le fait de se dire qu’il avait un patient à aller voir, lui permettant de se libérer d’une partie du stress, qui allait avec le besoin d’en mettre plein la vue à ses petits camarades.

Le chakra malaxé fut expulsé dans un bond lourd, qui expédia Kuma tout droit vers l’arbre qu’il avait visé, dépassant prestement son enseignant, dans une bourrasque, avec peut-être un peu trop d’entrain, lui aussi. Pour prévenir la marche d’erreur et la réduire au maximum, il se réceptionna en tendant brusquement les bras en avant, faisant étalage de toute sa force pour arrêter tout net sa course, il avait tout de même réussi à suffisamment bien calculer son coup pour éviter de se planter les mains dans le tronc massif, se contentant, à la place, d’en éclater le bois en provoquant une pluie d’écorce et de brindilles. Un mètre de trop ? Sans doute même moins…

« Mon Dieu, ça va ? Jolie réception, j’ose à peine imaginé ton état, si tu avais encaissé ça de plein fouet. »

Il s’agenouilla rapidement aux côtés du blessé, pour l’ausculter brièvement, à l’aide de son Iroujutsu. Il exécuta quelques mudras et passa une boule de chakra le long de ses membres et de son corps, pour voir les endroits les plus atteints. Secouant la tête avec un sourire taquin, suite au ton désinvolte de l’intendant. S’il pouvait encore plaisanter, c’est qu’il était plus coriace qu’il n’en avait l’air.

« Je pense que c’est pour le mieux, effectivement. Même moi, je suis bon pour de sérieuses courbatures, demain matin… » Avoua le commerçant, pourtant étrangement jovial. « Je vais quand même te remettre un peu sur pieds, avant. Je te dois bien ça. »

Tout en réalisant de nouveaux mudras, il invita Yukio à les rejoindre, tout en préparant ses forces pour une opération rapide, sur le terrain, afin d’alléger les douleurs de son ami.

« Ca parait beaucoup plus simple, quand on te voit faire. » Annonça-t-il au plus jeune, devant qui ils étaient pourtant tous les deux des amateurs en la matière. « La sensation est là, je ressens mieux la distance, c’est bien grâce à vous deux. »

Tout en discutant, il préparait sa Shosen, pour traiter les maux de son patient. Commencer par le choc crânien, qui pouvait s’avérer particulièrement vicieux, avant de passer au poignet… Sans le vouloir, il avait eu une opportunité gratuite de leur montrer un autre de ses arcanes. Il se demandait bien s’ils feraient le rapprochement, avec sa réception précédente, mais le moment ne se prêtait plus vraiment aux détours politiques.

Résumé:

La relation des deux frères amusait et attendrissait profondément Kuma. S’il ne se l’avouerait jamais vraiment, les Nozomo lui rappelaient ses propres échanges avec son collègue Triumvir, Shiro. Il avait rarement pris quelqu’un autant en grippe et même aujourd’hui, ils passaient leur temps à se tirer dans les pattes, dès qu’ils se retrouvaient en présence de l’autre. Toutefois, il avait retiré beaucoup de bien de cette rivalité qui existait entre eux, et finalement, après tout le temps et les efforts qu’il avait dû mettre en place, pour s’entendre correctement avec son homologue, le voir disparaître aurait été un sacré gâchis ! C’était aussi, malgré tout ce qu’il pouvait affirmer, un Akayuki fort et fier, qui avait toujours semblé  être fait pour devenir chef de clan et ce, dès son plus jeune âge. Véritable prodige, l’Ours Blanc l’avait autant détesté, admiré et jalousé pour la facilité déconcertante avec lesquels il avait réussi à maitriser les différentes facettes des traditions ancestrales de leur clan.

A peine arriva-t-il au niveau de l’intendant endimanché que déjà, le cadet de ce dernier se présentait à son chevet, dans un déplacement vif. Il avait beau le chambrer, l’ursidé aurait mis une pattoune à couper que ce n’était qu’une façade pour cacher son inquiétude, par rapport au regrettable accident qui venait de se produire. Les deux frères mentionnèrent naturellement son utilisation de l’Iroujutsu, ce qui lui arracha un sourire sincère, emprunt de nostalgie.

Il avait mis du temps, à comprendre toute l’importance de la médecine et le besoin d’en former davantage de pratiquants, mais celle qui lui avait appris à panser les plaies s’était également chargée d’ouvrir son esprit à une infinité de possibilités. Depuis combien de temps avait-il commencé à considérer cette particularité comme une évidence, une formalité à normaliser, comme si elle coulait de source ? Une chose était sûre, cela ne rajeunissait pas le marchand, mais avait le don de le faire revenir avec tendresse sur une autre époque. Le soigneur préféra ignorer les compliments de courtoisie, occupé qu’il était à soigner les blessures de l’intendant.

« En tant que Triumvir, j’ai toujours mis un point d’honneur à pratiquer autant l’art de mort que celui de vie. » Annonça-t-il distraitement, sans même y penser,comme perdu dans ses pensées. « Après tout, un leader doit pouvoir protéger les siens mais aussi en prendre soin. Il n’y a pas que les Akayuki, que je considère comme ma famille. »

Une fois son auscultation et ses soins prodigués, assuré que son patient ne risquait rien, il lui tapa l’épaule à deux reprises. Amusé, il secoua la tête avec désinvolture, maintenant que les risques avaient été écartés.

« Tant qu’il fait attention où il met les pieds, il devrait survivre. » Railla-t-il gaiement, par rapport à l’état de l’archer.

Il s’apprêtait à rajouter quelque chose, lorsque son patient prit la parole pour préciser qu’il comptait se rendre à l’hôpital. A la mention d’un nom familier, l’ourson resta momentanément bouche-bée. L’espace d’un très bref instant, son masque se fissura complètement, dévoilant un regard empli de tristesse et de nostalgie. Il ramena rapidement à lui sa mémoire, qui s’était mise à vagabonder vers des contrées éloignées, son piquant changement d’humeur ne se prolongeant pas plus de quelques secondes. Il savait bien qu’il ne s’agissait pas de SA Sanae, le nom n’étant pas si rare que ça dans leur contrée, mais le fait que celle-ci fasse également partie du personnel médical l’avait désarçonné plus qu’il ne l’aurait pensé, ayant même suffi à lui mettre le doute, juste le temps que son cerveau ne rattrape son coeur, qui était plus prompt à la réaction.

Comme un ressort, il se releva sur ses appuis et croisa les bras, avant de porter son regard au loin, l’air de rien. Adoptant une posture assurée, il chassa le passé d’un geste mental, pour reporter son attention sur les deux Nozomo qu’il espérait encore impressionner. Le marchand était bien loin de se douter qu’il partageait les mêmes doutes qu’Hayato, concernant l’image qu’ils pouvaient renvoyer l’un comme l’autre, en bon Sunajins qu’ils étaient, toujours obligés de rouler des mécaniques et bomber le torse afin d’éviter de paraître ridicule.

Justement, leur senseï du jour leur avait proposé un nouveau moyen de suivre ses enseignements mais aussi de se démarquer, par le biais d’une course au Shunshin. Jetant un regard discret à l’intendant, Kuma estima qu’à condition d’éviter de se prendre un autre obstacle à pleine vitesse, l’exercice représentait peu de risque pour le numéro 2 de Suna. C’était une nouvelle occasion parfaite de faire étalage de ses capacités et qu’il soit opposé à un blessé ou non, il restait hors de question de lui faire la moindre fleur. De là où ils venaient, laisser gagner son prochain sans donner son maximum était souvent vu comme une humiliation bien pire que ne pouvait l’être une victoire écrasante.

« Ça peut être une bonne idée, pour finir notre petite session. De la ligne droite sans obstacle, cette fois-ci, pour réduire les risques. » Proposa le jonin, en examinant les alentours.

Il ne mit pas longtemps à trouver un bon parcours dégagé, le terrain d’entraînement s’y prêtant assez facilement, l’Ours Blanc désigna une grosse pierre blanche située à quelques centaines de mètres comme point d’arrivée, leur permettant de partir de là où ils se trouvaient déjà, afin de limiter les déplacements inutiles et ménager son concurrent.

« Un aller simple, mais on ne vise pas le caillou hein, on est bien d’accord ? » Plaisanta-t-il en posant les poings sur les hanches. « Tu nous donnes le top départ, senseï-kun ? »

Laissant échapper un petit rire, il ne tarda pas à se mettre en position, prenant visiblement leur petit jeu très au sérieux. Il n’était pas juste question de se faire mousser auprès des Nozobro, mais bel et bien de maîtriser le déplacement rapide, outil qui pouvait s’avérer crucial dans l’arsenal de tout ninja. Proche du sol, le dos rond comme une bête prête à fondre sur sa proie, l’Akayuki plia les genoux, utilisant tant ses mains que ses pieds pour bien s’appuyer par terre, creusant légèrement le sable dans lequel il essayait de trouver un support potable. Se remémorant un à un tous les préceptes et les astuces prodigués par Yukio, il arriva bien mieux à canaliser une dose satisfaisante de chakra, en se concentrant sur son objectif. Ses pupilles ambrées fusillaient fixement son point d’arrivée, alors qu’il rajoutait un petit twist personnel, pour mettre toutes les chances de son côté.

Recouvrant ses semelles non seulement d’une dose de chakra supplémentaire mais également de deux petites vagues de Futon localisées, afin de l’aider à prendre plus de vitesse au moment de s’élancer. Dès le coup d’envoi donné, il se propulsa droit devant comme un bolide, soulevant au passage une énorme quantité de sable derrière lui et sur son sillage, comme un vaste écran de fumée.


Chez eux, un leader ne pouvait pas s’autoriser à connaître la défaite et ce, quel que soit l’exercice.

Résumé:

L’air de rien, comme toujours, Kuma avait semé quelques indices pour mettre les Nozomo sur la piste de qui il était vraiment et jauger leurs réactions. Il voulait les faire cogiter, réfléchir et analyser ce qu’il avait pu dire sans toutefois trop se dévoiler pour éviter de se brûler les ailes, au cas où ils ne se trouveraient pas du tout sur la même longueur d’onde, contrairement à ce qu’il avait pu imaginer. Le duo était prometteur et l’intéressait au plus haut point, mais prudence restait mère de sûreté. Une partie de l’ourson aurait préféré pouvoir faire aveuglément confiance à son prochain, quitte à le regretter par la suite et se retrouver obligé de réparer les pots cassés, mais la réalité de son monde avait depuis longtemps étouffé sa naïveté enfantine. Même s’il retrouvait chez eux certains points propres à tout “bon” Sunajin, il s’était principalement intéressé aux deux frères pour leur originalité et leur authenticité, qui les faisaient ressortir de bien des façons du moule restrictif de leur village. Analyse avisée ou fausse impression ? C’était ce qu’il cherchait à découvrir, au travers de l’échange qu’il avait initié avec eux, en prétextant une envie de changer ses habitudes d’entraînement. Au final, même s’il s’avérait qu’il s’était trompé sur toute la ligne, le pugiliste n’aurait pas perdu sa journée car grâce aux enseignements de Yukio, il avait au moins réussi à se défaire d’un blocage de longue date, lui permettant d’élargir son éventail de techniques.

Perdu dans ses pensées, il n’avait même pas remarqué qu’on l’épiait, le temps qu’il ne remette son masque social, après avoir été plongé dans la nostalgie par la simple énonciation d’un nom, si lourd de sens à ses yeux. De son côté, il était donc bien loin de pouvoir remarquer la réaction de l’intendant qui lui faisait face ni même d’imaginer tout ce qui pouvait lui passer par la tête, même si les questions que se posait ce dernier aurait sans doute bien fait rire l’ursidé. Ils partageaient décidément de nombreux points communs, même lorsqu’il ne s’agissait que de banales coïncidences mais Kuma ne croyait pas vraiment au hasard.

Leurs trois états d’esprit, si similaires bien qu’en marge de la norme du désert et leurs différents projets qui semblaient se recouper, tout ça ne pouvait être simplement une simple histoire de chance. Le pugiliste croyait beaucoup au destin, même s’il estimait aussi que chaque individu orientait le sien propre, ainsi que celui de chacune de ses rencontres. Leur naissance au sein de la même génération n’était pas anodine, tout comme les idéaux et les rêves qu'ils pouvaient partager. Il avait envie de les impressionner, comme ils avaient pu l’impressionner sans même s’en rendre compte, au moins suffisamment pour qu’il ait une envie brûlante d’en découvrir davantage à leur sujet, guidé par son instinct et son flair animal.

Ainsi, les deux apprentis s’étaient positionnés côte à côte, pour une ultime course qui avait comme but principal de gonfler leur quotient de sympathie l’un envers l’autre. Pour l’Ours Blanc, l’enjeu était double, puisqu’il était également question de se faire bien voir de son senseï du jour, en lui montrant qu’il avait bien assimilé les principes que celui-ci avait bien voulu lui partager. Il avait donc donné tout ce qu’il pouvait, pour s’assurer de faire bonne impression et avec l’espoir de laisser son concurrent dans sa poussière, en s’aidant d’une particularité de son art Futon, mais une fois la ligne d’arrivée imaginaire dépassée, il remarqua avec surprise qu’il n’était parvenu à dépasser son rival que d’un cheveu, ce qui prouvait bien les capacités de cet individu. Son œil aiguisé de médecin le détailla une nouvelle fois des pieds à la tête, pour essayer d’estimer dans quelle mesure sa blessure toute récente pouvait l’avoir retardé dans leur petit tête à tête. Une sueur froide lui coula le long de l’échine, en écoutant les plaisanteries visiblement coutumières du cadet envers son aîné. S’ils avaient été en état de continuer leurs petits exercices, combien de fois aurait-il été à même de garder l’avantage, face au prodige auquel il s’opposait ?

La courbe de progression de l’archer semblait incroyable et il n’osait même pas penser à l’écart qui pourrait se creuser entre eux, en quelques années. Souriant à son interlocuteur pour une raison toute personnelle, il venait de trouver une raison supplémentaire de mettre les bouchées doubles lors de ses entraînements, s’il voulait garder une cadence convenable et éviter d’être ridicule, lors de leur prochaine entrevue. Devant la modestie du Nozomo, il laissa échapper un rire franc, avant de hausser les épaules nonchalamment.

« Tu es bien modeste, même après ton fâcheux accident, il s’en est fallu de peu. Vivement que tu sois complètement rétabli, qu’on puisse revérifier tout ça, ensemble. » Annonça-t-il gaiement, avant de rebondir sur l’invitation de son collègue. « Je ne refuse jamais un repas en bonne compagnie, surtout avec un confrère aussi éminent. »

Toutefois, il n’avait pas besoin d’attendre le verdict de Hayato, pour savoir que le dîner ne se ferait pas dans la soirée. L’intendant allait avoir besoin de repos et de soins bien mérités, s’il espérait éviter de traîner les séquelles de leur entraînement sur plusieurs jours, ce que Kuma ne souhaitait à personne tant il avait pu le subir et le regretter lui-même.

Maintenant qu’il avait compris que la Sanae du jeune homme et la sienne ne pouvaient décemment être la même, il n’eut même pas à se forcer pour garder son air habituel et imperturbable. Même s’il n’avait pas compris le stratagème sournois du jaloux, il se devait de rester en permanence sur ses gardes et de ne rien laisser paraître de ses tourments internes et ce, peu importe ses états d’âme. C’était une habitude assez triste, mais qui lui avait sauvé la vie un nombre incalculable de fois et qui continuerait sans doute de le faire, au moins jusqu’à ce qu’il n’arrive à mener ses projets à leur terme. Il se contenta donc de hocher la tête, avant de donner une petite tape contenue sur l’épaule de l’archer, qu’il gratifia d’un sourire jovial.

« Prenez soin de vous tous les deux et surtout toi, Intendant-san. » Railla l’Ours Blanc, avant de les saluer tous les deux, pour se préparer à prendre congé. « Notre petite session aura été très instructive, je serais ravi de remettre ça à l’occasion… Dans tous les cas, vous savez où me trouver. »

Il ponctua sa phrase d’un clin d'œil, avant de les remercier tous les deux et de les laisser partir de leur côté, pour aller soigner le bras-droit de Suna. Tandis qu’il commençait à s’éloigner, l’esprit de Kuma commençait déjà à se remplir d’une multitude de stratagèmes divers et variés, pour obtenir des tête à tête avec chacun des deux frères et surtout, à la façon dont il allait pouvoir s’assurer de leurs nindos personnels, pour les rallier à sa cause, s’il continuait de se découvrir de nouveaux atomes crochus avec ces Nozomo atypiques.

Peut-être l’avait-il finalement jugé un peu trop vite, ce clan à la réputation sombre ? Peut-être y avait-il d’autres sujets, sur lesquels il s’était avéré hâtif et fermé d’esprit. L’idée avait commencé à germer depuis un bon moment déjà, mais petit à petit, il pouvait sentir de nombreuses remises en question s’enraciner au fond de son cerveau. Le petit ours blanc n’avait pas fini de cogiter sur son chemin, sa vie et ses choix.

Loin de là.