Une Gorge au lieu de trois [Mission]

Une Gorge au lieu de trois.

Une gorge au lieu de trois.

Mon poing allait pour écraser le pif du chef bandit quand d’un geste brusque, Nori avait arrêté mon geste. Je sentis toute l’autorité qu’il souhaitait dégager à l’instant, nous toisant de toute sa hauteur et les muscles saillants. Mais au moment « T », je n’en eus cure. J’ignorais pour quelle raison il pensait juste de m’empêcher d’agir ainsi et m’en fichait éperdument. Je n’aspirais qu’à pouvoir aider les pauvres ouvriers dans le ramassage des cadavres. J’avais encore le teint livide, bien que mes joues dussent être échauffées par la rage qui m’avait abrité quelques secondes plus tôt. Le regard dans le vague, j’écoutais distraitement et un regard du Miyamoto suffit à me faire comprendre que je ne devrais plus jamais me montrer impertinent avec lui. À sa question j’éruptai soudain.

"Il a commis un crime et doit être châtié pour cela." Je contournais le véritable sens de sa question je le savais bien, mais je ne trouvai rien de mieux sur l’instant. Les mot d’Isasus vinrent accompagner les miens, étrangement, nous semblions d’accord sur ce point. Il méritait amplement quelques coups dans le nez et encore, ça n’était qu’une justice laxiste. Si le Miyamoto avait relâché son étreinte, il n’en demeurait pas moins de toute son imposante stature un pilier auquel je n’arrivai pas à me décrocher. J’aurais voulu braver l’interdit, me retourner et partir, mais une voix intérieure m’assura que cela n’apporterait rien de bon. De la même manière que je devais m’écraser devant mon père, je m’écrasais donc devant un parfait inconnu pour peu qu’il me soit « supérieur ». La sensation me parut très désagréable, mais je n’en dis rien et attendis sagement qu’il finisse son laïus. Lorsqu’il termina, j’hésitai à revenir sur ses paroles en quémandant mon code moral comme source d’un bon coup dans le nez. Mais à nouveau me ravisé, chaque petite concession ajoutait du sel à mes plaies et attisait mes flammes.

Enfin vint l’exécution. Je n'avais pas détourné le regard pensant trouver une réponse à une question don j'ignorais l'existence même. En un instant il lui arracha la vie et je en désespoir de cause j’espérais y trouver un certain réconfort. Mais rien. Pas plus de dégout que de bonheur… Sa mort m’était à l’instant, simplement indifférente. Elle n’apportait ni réconfort ni peine, elle était simplement un fait, Tout comme l’eau coulait du ruisseau et les arbres poussaient au soleil. Il avait été exécuté pour sa mauvaise conduite. Lorsque je pus enfin m’en retourner vers le convoi, je le fis sans rechigner un instant.

Je me mis à aider chacun dans la lourde tâche qu’était le nettoyage de la scène. En premier lieu nous avions transporté le corps de nos amis dans les charrettes, afin de leur offrir ultérieurement un lieu de sépulture décent. Les nombreux cadavres des bandits eux, étaient simplement alignés sur le bord de la route. J’ignorais ce que nous devions en faire…

Finalement j’avais aidé à transporter le corps du pauvre homme que j’avais noyé. Ses traits étaient encore tirés par la souffrance qu’avait entrainé l’apport d’eau dans ses poumons. Le trépas l’avait saisi alors qu’il était suppliant. Je regrettais amèrement de n’avoir point mis un terme à ma technique. Un des ouvriers sans doute en vision de mon affliction, s’hasarda dans quelques remarques vides de sens. "C’était eux ou nous"… "Ils en auraient fait pareil pour toi"… Je relevais les yeux pour affronter l’homme qui me dépassait bien de deux têtes. "Peut-être oui. Pourtant, lui et mort et moi je vis."

Et toute ma vie, cette réalité ne me quittera pas.

Une Gorge au lieu de trois.