La plume et l'épée

Un rectangle de verdure à l'ombre de deux grands arbres, un soleil pimpant perlé de quelques nuages, tel était le cadre du jour. Comme d'habitude les terrains d'entraînements brillaient par l'absence de pratiquants, quand bien même s'agissait-il de des trois principaux Villages cachés. M'enfin, Uzushio avait ses propres méthodes.

Levé depuis plusieurs heures, un sombre Miyamoto s'approchait d'un des deux arbres. Cette fin d'hiver offrait déjà quelques jours agréables, ce qui expliquait sans doute les habits plutôt légers du quarantenaires. Des Tengu-gétas, un Hakama et un kimono de coton épais lui servaient de vêtements. Point de manteau ou d'écharpe, cette fraicheur demeurait supportable pour quelqu'un de son calibre. Alternant les tons noirs et le bleu, il se tenait ici en tant que Shinobi, la bandeau enroulé autour de son front en témoignant.
S'il ne portait pas les insignes de son clan, le Katana siégeant dans sa main droite criait haut et fort ses origines. Un fourreau de bois d'une merveilleuse simplicité, d'un noir dénué de toute impureté, il ne reflétait que faiblement la lumière, contrairement aux Sayas d'apparats ou de cérémonies. Une corde tressée y siégeait au niveau de l'anneau, marquant la naissance de la lame. Les armes des Miyamoto brillaient à la fois pour leur qualité et leur beauté, seulement cette lame ne verrait pas, aujourd'hui, la lumière du jour. Après tout, placé au travers d'un obi blanc, un autre outil de mort décorait l'épéiste. Un fourreau plus simple, portant encore la couleur du bois non travaillé, et une épée qui bien qu'efficace, ne jouissait d'aucune décoration.

*Et bien en voila une surprise,  intervint Sango. De mon temps on s'entraînait avec de vrais épées ! *

L'esprit protecteur n'avait pas tord, la création des villages avaient adouci les mœurs. Toutefois ce n'était pas forcément un mal. Pourquoi après tout devrait-il risquer de blesser gravement un allié, ou encore pire, d'abîmer son katana, pour un simple entraînement ?
Effectivement Nori ne se trouvait pas ici par hasard. L'examen Jounin approchant à grand pas, tous les aspirants étaient plus motivés que jamais. Le clan Miyamoto faisait de son mieux pour partager son savoir, et cela impliquait mettre à disposition ses meilleurs éléments. Aujourd'hui un certain Shun serait son partenaire. Ce dernier semblait être capable de manier l'encre, une capacité qui en plus de lui être inconnue semblait, pour l'épéiste, tout à fait impropre au combat. Il était vrai qu'un ninja pouvait transformer n'importe quoi en arme mais… de la peinture ?

L'ancien chef de la garde n'avait donc pas de grandes attentes quand à ce fameux Shun, mais il serait ravi de se tromper ! Enrobant son katana d'un tissu rougeâtre, il le posa délicatement dans les branches d'un des grands arbres, avant de se poser lui-même à l'ombre. Agenouillé dans un seiza parfait, il maintenait son sabre d'entraînement sur ses genoux, ses mains posées sur le fourreau.
Bien-entendu il était en avance, et s'il n'en attendait pas autant de son futur adversaire, il espérait au moins que ce dernier aurait la décence d'être à l'heure. Fermant les yeux, il activa son sixième sens, son esprit désormais à l'affut d'une quelconque silhouette chakratique digne de son attention.

Récapitulatif:

Dieu merci, il n'eut pas à attendre longtemps. La ponctualité était une des exigences de l'excellence. Le Miyamoto ouvrit donc les yeux, répondant au tourbillonnement de chakra qui perturbât son sixième sens. Ses iris dorés se posèrent donc sur le bel inconnu. Oui, sa beauté ne faisait aucun doute, une élégance et un charme que Nori pouvait apprécier, sans pour autant les désirer. Il laissa donc son regard se promener. Des vêtements simples mais raffinés, une allure digne, ce garçon emmenait avec lui une brise sereine et rafraichissante.
Nori eut tout juste le temps de poser sa main sur son arme, se préparant à se lever, que l'inconnu fut déjà posé en face de lui. Reprenant donc sa posture, il inclina simplement la tête, répondant à la salutation du jeune homme. Du thé ? Il y avait tout un tas d'hurluberlus à Uzu, mais c'était bien la première fois qu'il tombait sur pareil spécimen. Il fallait quand même un sacré culot pour lui faire cette proposition, alors que l'objectif de leur rencontre était déjà convenu. Un culot qui cependant ne déplu pas au Jônin, bien au contraire.

« Bonjour Shun. Je suis bien Miyamoto Nori. Une réponse claire et précise, d'un ton toutefois moins glacial qu'à l'accoutumée. Je n'avais pas vraiment prévu cela, mais pourquoi pas. »

Des mots qui pouvaient sembler sévères, le visage rigide du quarantenaire n'aidant pas, pourtant pour qui le connaissait, il s'était déjà montré bien plus froid envers un inconnu. Ce gamin l'avait intrigué, autant par son aura d'artiste, que par son audace. Jetant un coup d'œil à son arme principale, par habitude, il déplaça l'autre lame de ses genoux au sol, saisissant lentement la tasse probablement offerte par le Chunin. Il maintenait la coupe dans le creux de ses mains, autant pour profiter de l'agréable chaleur, que pour signifier sa reconnaissance envers son hôte. Après tout avec cette cérémonie, Shun venait, d'une certaine façon, d'inviter Nori chez lui. Le guerrier était venu pour se battre, mais affûter l'esprit était tout aussi important qu'entraîner le corps.

« Et donc, que cherches-tu à savoir ? »

Bien qu'il ponctua sa question par une lampée de thé, les yeux du Miyamoto restaient braqués sur son interlocuteur. Après tout ce n'était pas comme s'il faisait parti d'un clan inconnu. Placé juste en dessous des deux clans fondateurs, les Miyamoto était un groupe respecté et célèbre, à l'intérieur tout comme à l'extérieur de ce village. Cet homme semblait plutôt cultivé, que pouvait donc lui enseigner Nori que quelques parchemins n'auraient pu résoudre ? Sa question relevait-elle d'une simple politesse, ou d'une sincère curiosité ?

On n'oubliait souvent la beauté de la simplicité. Il fallait le dire, peu d'individus résistaient aux salissures du Nindo, et s'il ne pouvait pas encore se prononcer sur le jeune homme, ce dernier semblait toutefois avoir trouvé une balance. Une politesse sans maniérisme, une curiosité simple, sans prétention, autant de qualités qu'il fallait reconnaître. Quand à ses questions, elles ajoutèrent sans doute la naïveté au portrait de son caractère.

« Les agissements d'un homme ne reflètent pas forcément l'identité du groupe. Notre clan est fait d'une myriade d'individus, chacun venant avec son propre caractère. »

Sa réponse était d'une évidence pataude. Il jugea néanmoins nécessaire de le préciser. Car s'il pouvait l'éclairer sur les valeurs des Miyamoto, il ne souhaitait pas qu'il s'en fasse une image faussée par les agissements d'un pleutre. D'ailleurs s'il pouvait bien parler d'un éventuel "conditionnement", il n'y avait vraiment que l'expérience pour pleinement comprendre leurs valeurs. Reposant sa voix entre une lampée de thé, le chevelu reprit finalement la parole.

« Ceci dit, la réputation des Miyamoto n'est pas infondée. Les codes du Bushido sont omniprésents dans notre monde, ce qui implique la tradition du Hara-kiri pour expier ses fautes. De plus, l'excellence est glorifiée. Il est fort possible que certains confondent l'encouragement à faire de son mieux, avec l'obligation du succès. Nous ne punissons pas l'échec, cela serait absolument stupide. La fénéantise, le laisser-aller, et la complaisance sont par-contre réprimandés. Une méthode qui, à mon avis, bénéficierait grandement à l'académie d'Uzushio. »

De nouveau il fit une pause, écoutant ses propres mots, et sans doute pour laisser à son compagnon le temps de répondre. Il savait bien qu'il n'était pas tout à fait honnête, car si il s'agissait là de l'idéal, l'application de celui-ci laissait encore à désirer. Lui-même frappait sans hésiter ses élèves s'il estimait qu'ils pouvaient mieux faire, une méthode sans doute délétère pour les moins talentueux. Seulement mieux valait briser les rêves d'un enfant que le laisser crever par incompétence.

« N'oublions pas cependant la réalité du Sekai. Tout le monde ne peut pas devenir Shinobi. Cela est d'autant plus vrais pour un clan comme le notre. Nous exigeons un minimum de tout Miyamoto, un minimum sans doute plus haut qu'à l'accoutumée. »

Elle était carrément plus haute la barre. La raison pour cela était évidente, leur difficulté à manier le chakra les forçaient à exceller dans d'autres domaines, s'ils souhaitaient ne serait-ce que faire jeu égal avec un ninja plus complet. Essayez donc de combattre un dragon cracheur de feu avec une épée ! Toutefois son orgueil l'empêchait de l'avouer, quand bien même son auditeur pouvait surement lire entre les lignes.
Nori avait quand à lui bu suffisamment de thé, mais il resta toutefois assis sur ses orteils, maintenant ce Seiza, son regard ancré dans les yeux de Shun. Cette discussion ne le dérangeait pas, bien au contraire.